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Philippe Aghion
Philippe Aghion, né à Paris le 17 août 1956, est un économiste français réputé, qui s'inscrit dans la filiation social-démocrate, proche de la tendance « libérale de gauche ».
Parcours académique
Philippe Aghion a obtenu son diplôme de la section de mathématiques de l'École Normale Supérieure de Cachan puis un Diplôme d'études approfondies (DEA) en économie mathématique à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il a ensuite obtenu son doctorat en économie de l'Université Harvard en 1987.
Il a ensuite eu une carrière académique brillante, culminant avec une position de professeur au Collège de France. En 2016, il a obtenu le Prix mondial pour la recherche en entrepreneuriat et demeure à ce jour (5 août 2023), le seul Français à avoir obtenu cette récompense, trusté en grande partie par des chercheurs américains. Il est également professeur à l'INSEAD et à la London School of Economics et à l'École d'économie de Paris. Auparavant, Philippe Aghion occupait le poste de Robert C. Waggoner Professor of Economics à l'Université Harvard. Avant cela, il était professeur à l'University College London, chercheur associé à Nuffield College, Oxford, et professeur assistant au Massachusetts Institute of Technology (MIT).
Les domaines d'expertise de Philippe Aghion couvrent un large éventail de sujets économiques, allant de l'innovation et de la croissance économique à l'économie du développement et aux politiques publiques. Ses recherches ont eu un impact significatif sur la compréhension des mécanismes de la croissance économique et ont influencé les débats politiques sur la manière de stimuler la prospérité économique.
Cependant, bien que l'approche schumpétérienne de Philippe Aghion, en mettant l'accent sur l'innovation promue par les pouvoirs publics, puisse être pertinente dans certains contextes, elle comporte également des risques de distorsions sur le marché et de sur-réglementation qui entravent l'esprit d'entreprise et la dynamique concurrentielle nécessaire pour favoriser une croissance économique durable.
Travaux
Impact des investissements entrepreneuriaux sur la croissance et le développement économique
Ces dernières années, la relation entre l'entrepreneuriat, l'innovation et la croissance économique a été l'objet de nombreuses recherches et débats. Philippe Aghion (2017) a souligné le rôle crucial des innovations découlant des investissements entrepreneuriaux dans la stimulation de la croissance économique. Des études antérieures, dont celle d'Aghion et al. (2009), ont également apporté des preuves étayant l'impact positif de l'entrepreneuriat sur le développement économique global.
Philippe Aghion (2017) met en avant le rôle primordial de l'entrepreneuriat dans la stimulation de l'innovation, qui à son tour alimente la croissance économique. Les entrepreneurs, animés par le désir de créer de la valeur et de saisir des opportunités de marché, investissent dans des idées et des technologies nouvelles. Ces investissements dans l'innovation conduisent au développement de nouveaux produits, services et processus qui améliorent la productivité et l'efficacité dans l'économie.
Les résultats de Philippe Aghion et al. (2009) apportent des preuves étayant l'impact positif de l'entrepreneuriat sur l'innovation et la productivité. Leur étude explore les effets de l'entrée de nouvelles entreprises sur l'innovation et la productivité des entreprises déjà établies. Ils observent que la concurrence accrue due à l'entrée de nouvelles entreprises incite les entreprises existantes à investir davantage dans la recherche et le développement pour maintenir leur position sur le marché. Cette innovation stimulée par la concurrence se traduit par une productivité accrue et une croissance économique.
Comprendre la relation entre l'entrepreneuriat et la croissance économique a d'importantes implications politiques. Les gouvernements et les décideurs politiques peuvent adopter des mesures pour favoriser un environnement propice aux activités entrepreneuriales :
1. Promouvoir l'accès au capital : l'accès au financement est crucial pour que les entrepreneurs puissent concrétiser leurs idées novatrices. Les décideurs politiques peuvent encourager le développement d'instruments financiers et d'institutions qui soutiennent l'entrepreneuriat, tels que les fonds de capital-risque et les réseaux d'investisseurs providentiels.
2. Investir dans la recherche et le développement : les gouvernements peuvent allouer des ressources à des initiatives de recherche et développement qui facilitent les avancées technologiques et permettent aux entrepreneurs d'accéder à des connaissances et des technologies de pointe.
3. Réduire les charges réglementaires : simplifier les processus bureaucratiques et supprimer les réglementations inutiles peut réduire les barrières à l'entrée pour les nouvelles entreprises, encourageant ainsi davantage de projets entrepreneuriaux.
4. Renforcer l'éducation à l'entrepreneuriat : les programmes d'éducation axés sur le développement d'un état d'esprit entrepreneurial et la fourniture de compétences pratiques peuvent doter les aspirants entrepreneurs des outils dont ils ont besoin pour réussir.
Les dangers d'une approche schumpétérienne promue par l'État
Philippe Aghion est indéniablement un économiste de renom, et son travail sur l'innovation et la croissance économique a suscité un grand intérêt dans la communauté académique. Cependant, son approche schumpétérienne qui met l'accent sur l'innovation promue par les pouvoirs publics comme moteur de la croissance, présente des failles cognitives. En effet, en écartant certains apports théoriques de l'entrepreneuriat, telle que la contribution d'Israel Kirzner, elle est lourdement critiquable.
L'approche schumpétérienne de Philippe Aghion accorde une place centrale aux politiques publiques pour favoriser l'innovation et stimuler la croissance économique. Cela suppose que les gouvernements sont en mesure de prendre des décisions éclairées et de mettre en place des politiques efficaces pour encourager l'innovation. Cependant, dans la réalité, les gouvernements peuvent être confrontés à des défaillances comme des contraintes de rivalités politiques, des pressions de groupes d'intérêts et des difficultés d'évaluation des impacts à long terme des politiques d'innovation.
L'approche schumpétérienne de Philippe Aghion se concentre principalement sur l'innovation générée par des acteurs institutionnels tels que l'État et les grandes entreprises. Cependant, l'économie réelle est également animée par l'entrepreneuriat vigilant d'individus innovants qui détectent des opportunités sur le marché et créent de nouvelles entreprises. L'approche de l'économiste de l'école autrichienne, Israel Kirzner, met l'accent sur l'entrepreneuriat vigilant, où l'innovation émerge de manière décentralisée dans le processus concurrentiel du marché. Cet aspect est négligé dans l'approche schumpétérienne d'Aghion, qui semble sous-estimer le rôle de l'initiative individuelle et de l'esprit d'entreprise dans la création d'innovations.
La promotion de l'innovation par les pouvoirs publics peut parfois entraîner des distorsions sur le marché. Les subventions, les avantages fiscaux ou les réglementations favorisant certains secteurs ou entreprises peuvent créer des déséquilibres et perturber la concurrence. L'approche schumpétérienne de Philippe Aghion ne prend pas en compte ces risques et elle ne s'efforce pas de trouver un juste équilibre pour soutenir l'innovation sans compromettre la libre concurrence et l'efficacité économique.
Les politiques publiques visant à promouvoir l'innovation peuvent être confrontées à des rigidités bureaucratiques, ce qui peut ralentir la mise en œuvre des mesures nécessaires. Pourtant, de nombreux économistes autrichiens soulignent l'importance de l'adaptation rapide et de la réactivité dans le processus entrepreneurial. Philippe Aghion les considèrent comme des ultra-libéraux qu'il défie de sa fatuité académique par une vacuité dans ses écrits. Cependant, les politiques publiques peuvent avoir du mal à suivre le rythme des changements rapides de l'environnement économique, ce qui peut limiter leur efficacité dans la promotion de l'innovation.
En conclusion, bien que Philippe Aghion ait apporté une contribution significative à l'étude de l'innovation et de la croissance économique à travers son approche schumpétérienne, il est essentiel de reconnaître les limites de cette approche. L'accent mis sur l'innovation promue par les pouvoirs publics peut comporter des risques de distorsions sur le marché et de rigidités bureaucratiques. Une approche complémentaire, comme celle de l'entrepreneuriat vigilant d'Israel Kirzner, peut enrichir notre compréhension de la dynamique de l'innovation et de la croissance économique dans un environnement concurrentiel et décentralisé.
Une vision étatique repensée d'un libéral de gauche
Le livre Repenser l'État: Pour une social-démocratie de l'innovation écrit en 2011 par Philippe Aghion et Alexandra Roulet, aborde la question de la confiance en l'État à la suite de la crise financière de 2007-2008. Alors que la crise a remis en question la toute-puissance des marchés et les politiques de dérégulation, la confiance des citoyens envers l'État semble toujours faible. Le livre propose une approche alternative à l'idée du moins d'État libéral en prônant un plus d'État autrement, qui tienne compte des défis de la mondialisation et des nouvelles technologies de l'information.
Face à la mondialisation et à la révolution technologique, le livre défend la nécessité de réaffirmer le rôle de l'État. Plutôt que de prôner un État minimal, les auteurs soutiennent que l'État doit être un acteur essentiel en investissant dans la croissance et l'innovation. Cela implique de nouvelles responsabilités pour l'État en tant que moteur du développement économique et de la compétitivité.
Dans cette vision de la social-démocratie, l'État est considéré comme le garant du contrat social entre la société et ses citoyens. Il s'agit de veiller à ce que les inégalités soient réduites, les droits de chacun préservés et la cohésion sociale maintenue. L'État doit jouer un rôle actif dans la protection des plus vulnérables et la création d'opportunités équitables pour tous.
Le livre aborde la question de l'incertitude croissante dans le monde contemporain. Face aux bouleversements économiques, sociaux et environnementaux, l'État est appelé à jouer un rôle de protecteur, ce qui implique la mise en place de mécanismes de sécurité sociale solides et la capacité à répondre de manière proactive aux défis émergents.
Une caractéristique primordiale de ce nouveau pacte social-démocrate est l'impartialité de l'État. Il doit agir dans l'intérêt général et éviter les favoritismes. Il doit être un garant de l'équité et de la justice sociale, en veillant à ce que les règles du jeu soient justes pour tous les acteurs de la société.
Critique d'une vision ambitieuse et fallacieuse de la social-démocratie
Le livre de Philippe Aghion et Alexandra Roulet, Repenser l'État: Pour une social-démocratie de l'innovation offre des pistes de réflexion intéressantes pour les décideurs politiques et les citoyens concernés par l'avenir de leur société. Mais il présente une vision ambitieuse et fallacieuse d'un État réinventé, omniscient, omnipotent, équitable, impartial et protecteur des plus faibles, tout en jouant un rôle essentiel dans le contrat social. Cette vision est caractéristique de la pensée social-démocrate et met en avant l'idée que l'intervention étatique peut résoudre les problèmes économiques et sociaux de notre temps. Cependant, des critiques concernant ces hypothèses émergent spontanément.
Tout d'abord, l'idée d'un État omniscient et omnipotent est problématique. La complexité et l'ampleur des défis auxquels sont confrontées les sociétés modernes dépassent largement les capacités d'un gouvernement central pour tout réguler et contrôler de manière efficace. Les gouvernements sont souvent sujets à des inefficacités bureaucratiques, à la corruption et à des conflits d'intérêts, ce qui limite leur capacité à prendre des décisions optimales.
En ce qui concerne l'équité et l'impartialité de l'État, il est difficile d'assurer que toutes les politiques publiques seront parfaitement justes pour tous les citoyens. Les préférences et les intérêts des individus sont divers et parfois contradictoires, ce qui rend difficile la satisfaction de tous en même temps. En outre, l'État lui-même peut être influencé par des groupes d'intérêts spécifiques, ce qui peut entraîner des politiques favorables à certaines élites ou des minorités agissantes bien organisées plutôt qu'à l'intérêt général.
L'idée d'un État protecteur face à l'incertitude est louable, mais la question de savoir jusqu'où doit aller cette protection reste ouverte. La surprotection peut entraîner des distorsions économiques et limiter l'innovation et l'entrepreneuriat, qui sont essentiels à la croissance économique. Trouver le bon équilibre entre protection et incitation est un défi complexe.
Enfin, l'idée d'un État garant du contrat social suppose que les gouvernements ont le pouvoir de créer et de maintenir un consensus social durable. Cependant, dans les sociétés pluralistes et diversifiées d'aujourd'hui, il est difficile de parvenir à un consensus unanime sur de nombreuses questions importantes. Les divergences d'opinions et les conflits d'intérêts peuvent compliquer la construction d'un contrat social solide.
En conclusion, le livre propose une vision ambitieuse d'un État fort et bienveillant. Cependant, des doutes apparaissent quant à la faisabilité et à la réalisation complète de ces hypothèses. Une approche plus réaliste pourrait consister à reconnaître les limites de l'action étatique et à rechercher des solutions dans l'initiative privée avec une gouvernance délocalisée et plurielle pour relever les défis actuels de notre société.
Engagement politique
Il a pris régulièrement position dans le débat public. L'engagement politique de Philippe Aghion s'est manifesté par son soutien à certains candidats lors d'élections présidentielles françaises (François Hollande, Emmanuel Macron).
Informations complémentaires
Notes et références
Publications
- 1992,
- a. avec Oliver Hart, John Moore, "The Economics of Bankruptcy Reform", Journal of Law, Economics, and Organization, Vol 8, n°3, pp523–546
- b. avec P. Howitt, "A model of growth through creative destruction", Econometrica, Vol 60, n°2, pp323–351
- 1994,
- a. avec Jean Tirole, "The management of innovation", The Quarterly Journal of Economics, Vol 109, n°4; pp1185-1209
- b. avec Oliver Hart, John Moore, "Improving Bankruptcy Procedure", Washington University Law Quarterly, Vol 72, n°3, pp849-872
- Repris en 2002, "Improving Bankruptcy Procedure", In: Alexander Tabarrok, dir., "Entrepreneurial economics: bright ideas from the dismal science", Oxford ; New York: Oxford University Press, pp153-176
- 1997, avec Jean Tirole, “Formal and Real Authority in Organizations”, Journal of Political Economy, vol 105, n°1, pp1-29
- 1998, avec P. Howitt, "Endogenous growth theory", MIT Press, Cambridge, MA
- 2005,
- a. avec Steve Durlauf, dir., "Handbook of Economic Growth", Amsterdam: North-Holland, Elsevier & Oxford: Oxford University Press
- b. avec N. Bloom, R. Blundell, R. Griffith, P. Howitt, "Competition and innovation: an inverted-U relationship", Quarterly Journal of Economics, Vol 120, n°2, pp701-728
- 2007, avec Daron Acemoglu, Claire Lelarge, John Van Reenan, Fabrizio Zilibotti, “Technology, Information and the Decentralization of the Firm”, Quarterly Journal of Economics, February, Vol 122, n°4, pp1759-1799
- 2009, avec R. Blundell, R. Griffith, P. Howitt, S. Prantl, "The Effects of Entry on Incumbent Innovation and Productivity", Review of Economics and Statistics, 91 (1), pp20–32
- 2010, "L’Économie de la croissance", Paris: Economica
- 2011,
- a. avec Richard Holden, "Incomplete Contracts and the Theory of the Firm: What Have We Learned Over the Past 25 Years?", Journal of Economic Perspectives, 25(2), Spring, pp181-197
- b. avec Alexandra Roulet, "Repenser l'État. Pour une social-démocratie de l'innovation", Paris: Coédition Seuil-La République des Idées
- 2016, avec M. Dewatripont, P. Legros, L. Zingales, dir., "The impact of incomplete contracts on economics", New York: Oxford University Press
- 2017, "Entrepreneurship and Growth: Lessons from an Intellectual Journey", Small Business Economics, 48 (1), pp9–24
- 2021, avec C. Antonin, S. Bunel, "The power of creative destruction, Economic upheaval and the wealth of nations", Cambridge: Harvard University Press
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