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John R. Searle

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John Rogers Searle est né le 31 Juillet 1932 à Denver dans le Colorado (USA). Il a été professeur de philosophie à l'Université de Californie, Berkeley (UC Berkeley) jusqu'en 2019. Ses principales recherches et travaux se rattachent explicitement au courant de philosophie analytique anglo-saxonne, dont les centres d'intérêt portent sur la philosophie du langage, la philosophie de l'esprit, l'Intentionnalité et le réalisme (la réalité sociale).

Théorie de l'acte du langage

John R. Searle a établi sa réputation, dans une large mesure en tant que philosophe des actes de langage. Il adopte des éléments d'autres philosophes comme J. L. Austin, Ludwig Wittgenstein et William P. Alston. En particulier, dans son livre des actes du langage (1969), John R. Searle présente la théorie d'élocution d'Austin[1], à savoir comment le locuteur s'exprime et quelle sont les règles sémantiques qui lui permette d'exprimer sa pensée dans la communication avec autrui. Ces ensembles de règles, connus par le lecteur ou l'entendeur lui permettent de reconstituer, au moins en partie, ces types d'acte d'élocution ainsi que leur signification. Parmi ses idées, John R. Searle utilise la distinction entre «force d'élocution» et «propositions de contenu».

Sam fume.
Sam fume-t-il ?
Sam fume !
Puisse Sam fumer !

Chaque proposition contient le même contenu (Sam, fumer), mais la vigueur d'élocution est différente (une déclaration, une question, un ordre ou une expression du désir). Par conséquent, un sérieux examen de la vérité du contenu de l'acte d'élocution est extrêmement difficile sans l'analyse de la force d'élocution. Dans son ouvrage "Intentionality" en 1983, il emprunte à Elizabeth Anscombe, les notions de conditions de satisfaction et de sens d'ajustement. Par exemple, la mention "John a acheté deux friandises" est satisfaite si, et seulement si, il est vrai que John a acheté réellement deux friandises. En revanche, l'ordre donné : "John, achète deux friandises" est satisfaite si et seulement si John effectue l'action d'achat de deux friandises. Dans la première formulation, il y a une direction d'ajustement du mot vers le monde réel puisque les mots sont censés changer pour représenter avec précision le monde. Dans la seconde formulation, la direction d'ajustement s'oriente du monde vers le mot, car le monde est censé changer vers les mots. Il peut exister également un double sens d'ajustement, dans lequel la relation va dans les deux sens, et une direction d'ajustement nulle dans laquelle il n'existe pas d'ajustement.

Dans son ouvrage, "Intentionnalité : un Essai dans la Philosophie de l'esprit" en 1983, John R. Searle utilise le terme intentionnalité dans un sens technique philosophique. L’intentionnalité représente la relation entre les états mentaux ou les significations et leurs objets, comme les croyances ou les mots et les objets auxquels ils se réfèrent. Par exemple, croire que Jean a deux friandises est un état psychologique intentionnel avec le mode de croyance et du contenu des propositions que Jean a réellement deux friandises. Les croyances ont des conditions de satisfaction qui sont véridiques et une direction d'ajustement de l'esprit vers le monde.

John R. Searle a également introduit un autre terme technique, l'arrière-plan (background). Celui-ci est représenté par l'ensemble des aptitudes, des capacités, des tendances, et des dispositions de l'être humain qui ne sont pas des états intentionnels en eux-mêmes. Ainsi, lorsque quelqu'un nous demande de "couper le gâteau" parce qu'il suppose que nous savons utiliser un couteau et lorsque quelqu'un nous demande de "couper l'herbe", il estime que nous savons utiliser une tondeuse à gazon. La demande n'inclut pas les précisions de la façon d'agir. John R. Searle ajoute une référence supplémentaire à la notion "d'arrière-plan" avec le concept de réseau : un réseau d'autres croyances, de désirs et d'autres états intentionnels nécessaire pour donner un sens à l'intention. L'arrière-plan peut rester dans l'inconscient, mais ses éléments peuvent être appelés à la conscience dès que nécessaire.

Théorie du réalisme

S'appuyant sur son point de vue du réalisme, John R. Searle présente la réalité de la conscience dans son livre The Rediscovery of the Mind (1992). Il fait valoir que la philosophie a été pris au piège par une fausse dichotomie. Entre une vision, d'une part s'appuyant sur un monde composé uniquement d'éléments physiques objectifs et d'autre part, par une vision où le monde n'est qu'un point de vue subjectif vécu par l'expérience de chaque personne. La philosophie behavioriste a refusé la seconde partie, ce qui a donné lieu à des révisions sans fin du behaviorisme (comme le fonctionnalisme actuellement en vogue). Avec le behaviorisme, une grande partie de la philosophie moderne a tenté de nier l'existence de la conscience. Afin de démontrer le caractère stérile et réducteur du behaviorisme, John Searle utilise avec humour, l'exemple de la main :

  • Le behaviorisme manuel : Avoir une main, c'est juste disposer de certains types de comportement par exemple comment saisir
  • Le fonctionnalisme manuel : Les mains peuvent être entièrement définies en termes de leurs causes et de leurs effets
  • Le fonctionnalisme manuel de la machine de Turing : Qu'un système puisse avoir une main consiste juste pour celui-ci d'être doté de données entrantes et sortantes adéquates

John R. Searle affirme que la réalité repose sur le naturalisme biologique, c'est-à-dire à la fois sur un monde physique et également sur la conscience, véritable expérience subjective, causée par les processus physiques du cerveau. Il fait valoir que les critiques, qui insistent sur le fait que discuter de la subjectivité est non scientifique (dès lors que la science est censée être objective), font une erreur de catégorie. La Science a pour objectif de faire des déclarations qui sont épistémologiquement objectives, c'est-à-dire dont la vérité peut être découverte et évaluée par toutes les parties intéressées. (En revanche, les jugements de valeur sont épistémologiquement subjectifs). Ainsi, le Mont Blanc est moins élevé que l'Everest" est épistémologiquement objectif alors que le "Mont-Blanc est plus beau que l'Everest est épistémologiquement subjectif. En outre, il existe des expériences conscientes qui sont ontologiquement subjectives, c'est-à-dire des expériences subjectives et réelles. Par exemple, que quelqu'un souffre de maux de dos est un fait épistémologiquement objectif - la douleur est reconnue par le corps médical, mais la douleur, en elle-même est ontologiquement subjective, car la douleur est seulement et uniquement connue par la personne qui la subit.

Ce réalisme ontologique permet à John R. Searle de prendre ses distances vis à vis de l'Intelligence artificielle. Il nie l'hypothèse selon laquelle, dès qu'un certain type de logiciel est en cours d'exécution sur un ordinateur, un être conscient est ainsi créé. Il utilise l'argument de la "chambre chinoise". Supposons que vous ne parlez pas chinois et imaginez-vous dans une chambre avec deux fentes, un livre, et du papier de brouillon. Quelqu'un vous glisse certains caractères chinois par le biais de la première fente, vous suivez les instructions dans le livre, vous écrivez ce qu'il indique sur le papier brouillon, et vous faites glisser la fiche dans la deuxième fente. Pour les gens dans le monde extérieur, la pièce parle chinois. Pourtant, vous ne comprenez pas un mot de chinois. Mais vous avez suivi des instructions (réceptionner une feuille, lire des caractères, ouvrir le livre de traduction, repérer les mêmes caractères, inscrire la traduction sur la feuille et la faire glisser dans l'autre fente. Par conséquent, aucun ordinateur ne pourra jamais comprendre le chinois, tout ce qu'il peut faire, c'est la même manipulation syntaxique qu'un être humain dans la chambre chinoise. John R. Searle fait valoir que la conscience est une propriété physique, comme la digestion ou un incendie. Quelle que soit la qualité d'une simulation de la digestion que l'on construit par ordinateur, il n'y aura pas de digestion. Peu importe comment on simule les incendies, rien ne sera brûlé.

John R. Searle a prolongé sa recherche sur la réalité sociale en essayant de comprendre l'observation des phénomènes. Il commence en faisant valoir l'intentionnalité collective (par exemple, "nous allons faire une promenade") est une forme distincte de l'intentionnalité, pas simplement réductible à des intentionnalités individuelles (par exemple, "je vais faire une promenade avec lui et je pense qu'il pense qu'il va faire une promenade avec moi et il pense que je pense que je vais faire une promenade avec lui et ..."). Toutefois, il estime que l'intentionnalité collective est soutenue par des personnes distinctes : chaque personne pense "nous allons faire une promenade", il n'y a pas d'esprit de groupe qui dispose de cette pensée.

Dans son ouvrage, The Construction of Social Reality (1995), il aborde le mystère des constructions sociales comme le "Baseball" ou la "Monnaie" qui existent uniquement dans un monde physique. Il distingue les faits bruts, comme la hauteur d'une montagne et les faits institutionnels, comme le score d'un jeu de baseball. Les faits institutionnels découlent de l'intentionnalité collective par le biais de règles logiques de la forme «X compte comme Y dans C". Ainsi, par exemple, remplir un bulletin de vote est considéré comme un vote dans un bureau de vote, obtenir tant de voix est considéré comme une victoire dans une élection, obtenir une victoire représente être élu président dans l'élection présidentielle, etc

Théorie de la rationalité

Dans rationalité en action en 2001, John R. Searle montre que la notion de rationalité est gravement viciée. Conformément à ce qu'il appelle le modèle classique, la rationalité est considérée comme des rails d'une voie ferrée. Vous arrivez à un point avec des croyances et des désirs, et des règles de rationalité obligent tout le monde sur la voie d'une conclusion. Au passage, il critique la théorie de la décision mathématique. Il souligne que ses axiomes exigent que toute personne évalue sa vie trimestriellement. John R. Searle ponctue ne jamais le faire et pourtant, il est rationnel.

Il fait donc une différence entre raison, rationalité et action. Avoir des raisons d'agir ne force personne d'agir, car, dans toute décision, nous avons l'expérience de l'écart entre nos raisons et nos actions. Quand on décide de voter, nous n'avons pas simplement à nous déterminer quelle est la meilleure politique économique que nous préférons. Nous devons également faire un effort pour glisser notre bulletin de vote dans l'urne. C'est ce fossé qui nous fait penser que nous avons la liberté de la volonté. John Searle pense que si nous avons vraiment un libre arbitre ou non est une question ouverte. Mais il considère l'idée d'absence de libre arbitre très peu attrayante parce qu'elle donne le sentiment de la liberté de la volonté comme étant un épiphénomène, ce qui est très peu probable compte tenu de l'évolution biologique. Il a également dit que toutes les activités rationnelles supposent la libre volonté.

Deuxièmement, il estime que la rationalité n'est pas un système de règles, mais plus un adverbe. Nous voyons certains comportements comme rationnel, quelle que soit leur source.

En troisième lieu, Searle estime que nous pouvons raisonnablement faire des choses qui ne sont pas le résultat de nos propres désirs. On estime généralement que l'on ne peut tirer un "devrait" dans un "est", c'est-à-dire que les faits sur la façon dont est le monde ne pourront jamais vous dire ce que vous devez faire. En revanche, Searle estime que le fait que vous avez promis de faire quelque chose signifie que vous devriez faire. En outre, si vous commandez un verre dans un bar, vous devez payer, même si vous n'avez pas de désir.

Quatrièmement, Searle fait valoir que beaucoup de délibération rationnelle consiste à ajuster nos désirs (souvent contradictoires) de décider entre différents résultats, et non l'inverse. Alors que dans le modèle classique, on pourrait commencer par un désir supérieur d'aller à Paris à celui d'économiser de l'argent et de calculer le moyen le moins cher de s'y rendre. En réalité, Les personnes équilibrent l'attractivité de visiter Paris en contrepartie de frais de voyage et ils décident à quel désir (la visite de Paris ou l'épargne d'argent) ils attachent le plus de valeur.

Bibliographie

  • 1964, "How to Derive ‘Ought’ from ‘Is'", The Philosophical Review, 7(1), pp43-58
  • 1969, "Speech Acts: An Essay in the Philosophy of Language", Cambridge: Cambridge University Press
  • 1972, "Les actes de langage", Paris, Hermann
  • 1980, "Minds, brains, and programs", Behavioral and Brain Sciences, Vol 3, pp417-457
    • Repris en 1990, In: M. A. Boden, dir., "The Philosophy of Artificial Intelligence", Oxford: Oxford University Press, pp67–88
  • 1982, "Sens et expression", Paris, Minuit
  • 1983, Intentionality: An Essay in the Philosophy of Mind, Cambridge: Cambridge University Press
  • 1984, Minds, Brains and Science, Cambridge, Mass.: Harvard University Press
  • 1990, Collective Intentions and Actions, In: P. Cohen, J. Morgan et M. E. Pollack, dir., Intentions in Communication, Cambridge, MA: MIT Press
    • Repris en 2002, In: John R. Searle, Consciousness and Language, Cambridge: Cambridge University Press, pp80–105
  • 1992, The rediscovery of the mind, Cambridge, MA.: MIT Press
  • 1995, The Construction of Social Reality, London: Allen Lane & New York, NY: The Free Press
  • 1997, The Mystery of Consciousness, London: Granta Books
  • 1998, "Mind, language, and society: Philosophy in the real world", New York, NY: Basic Books
  • 1999, Chinese Room Argument. In: R. A. Wilson et F. C. Keil, dir., The MIT Encyclopedia of the Cognitive Sciences, Cambridge, MA: The MIT press, pp115-116
  • 2001, Rationality in Action, Cambridge, MA: MIT Press
  • 2002, Consciousness and Language, Cambridge: Cambridge University Press
  • 2007, "Freedom and Neurobiology: Reflections on Free Will, Language and Political Power", New York: Columbia University Press
  • 2010, "Making the social world: The structure of human civilization", Oxford: Oxford University Press

Littérature secondaire

  • 1984, L. R. Carleton, "Programs, language understanding and Searle", Synthese, 59, pp219-230
  • 1990, Armin Burkhardt, dir., Speech Acts, Meaning and Intentions: Critical Approaches to the Philosophy of John R. Searle, Berlin / New York
  • 1991, Ernest Lepore et Robert van Gulick, dir., John Searle and his Critics. Oxford: Basil Blackwell
  • 2003, Paul Nightingale, If Nelson and Winter were only half right about tacit knowledge, which half? A Searlean critique of ‘codification’. Industrial and Corporate Change, vol 12, n°2, pp149-183
  • 2006, Friedrich Christoph Doerge, "Illocutionary Acts - Austin's Account and What Searle Made Out of It", Tuebingen University
  • 2017, Gunnar Breivik, "Searle, Merleau-Ponty, Rizzolatti – Three Perspectives on Intentionality and Action in Sport", Journal of the Philosophy of Sport, 44 (2), pp199-212

Liens externes



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  1. J. L. Austin, 1962, "How to Do Things with Words: The William James Lectures Delivered at Harvard University in 1955", Oxford: Oxford University Press