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Émile Faguet

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Émile Faguet
Philosophe, pamphlétaire

Dates 1847 - 1916
Émile Faguet
Tendance Libéral-conservateur
Nationalité France France
Articles internes Autres articles sur Émile Faguet

Citation « Rien ne limite l’État comme une Église car il est incontestable qu’elle limite le gouvernement lui-même, puisqu’elle partage avec lui. Aussi, au fond, tout gouvernement est antireligieux, malgré les apparences quelquefois contraires. Les Romains, qui aimaient toutes les religions, ont détesté le christianisme furieusement, parce qu’il était une vraie religion, qu’il disait à l’État : « Ceci est à vous, les corps. Ceci est, non pas à moi, mais à eux, les âmes, et à moi s’il me le donnent librement. » C’était une vraie religion. Une religion qui ne dit pas cela est une décoration de l’État, quelque chose comme un maître des cérémonies et un ministre des pompes, non pas une religion. »
Interwikis sur Émile Faguet

Émile Faguet, né le 17 décembre 1847 à La Roche-sur-Yon et mort le 7 juin 1916 à Paris, est normalien, professeur de poésie française à la Faculté des lettres, collaborateur de La Revue des Deux Mondes. Il a fait la critique dramatique au Soleil et écrit des livres d'enseignement littéraire. Il a été élu à l'Académie française en 1900.

Ses idées

Un contractualisme intégral

Dans Le Libéralisme (1902), il expose sa philosophie politique. Sa première caractéristique est qu'il ne fonde pas la défense de la liberté et de la propriété sur le droit naturel. Pour lui, l'homme n'a au départ aucun droit, c'est la société qui les possède tous. En réalité, Faguet considère que seul le contrat permet de fonder les droits. Dans cette logique, c'est le contrat qui institue les droits de l'Homme, qui sont donc présentés par Faguet comme une sorte de fiction juridique nécessaire à la vie paisible en société.

Il estime que l'existence des sociétés se justifie par la nécessité pour les individus de se défendre. C'est pourquoi il considère que l'État ne bénéficie que des pouvoirs garantissant la protection des citoyens (police, justice, défense). Comme Benjamin Constant, Faguet ne reconnaît à l'État aucun droit hors de sa sphère, tandis que « dans sa sphère, il ne saurait en avoir trop ». De là, Faguet précise son idée en écrivant à propos de la conscription :

En fait de défense nationale, l'État peut exercer, s'il le faut, le pouvoir absolu, et le législateur peut, quoique très fidèle aux droits de l'homme, lui accorder le pouvoir absolu.

Les limites à l'action de l'État

Faguet délimite aussi le champ d'action de l'organisation politique. L'État ne peut pas enfreindre :

  • Le droit de propriété ;
  • La liberté de pensée (et de citer la persécution des partis républicains contre les jésuites comme preuve de ce que cette liberté est loin d'être acceptée) ;
  • La liberté d'expression (n'incluant pas la diffamation, la calomnie ou le chantage) ;
  • La liberté de la presse (les délits de presse comme tels n'existant pas, hormis la délivrance de renseignements en temps de guerre);
  • La liberté d'enseignement et la liberté religieuse (droits qu'il juge important de rappeler à une époque où l'exercice de l'enseignement par les ordres religieux est prohibé) ;
  • La liberté d'association (rappelant aux étatistes que l'individu célibataire est déjà un État dans un État, puisque celui-ci ne peut franchir le seuil de sa porte sans violer son droit à la vie privée) ;
  • La liberté judiciaire (avec un système d'élection des magistrats, non au suffrage universel, mais par leurs pairs).

Les ennemis du libéralisme

Faguet énumère ensuite les adversaires principaux de la liberté :

  • Le monarchisme. Pour lui, « le monarque est un homme que les circonstances ont placé à la tête d'un peuple qu'il gouverne sans contrepoids, sans frein et sans limites. »
  • L’aristocratisme, qu’il distingue des élites naturelles, des aristies. Par ce terme, il désigne en vérité l'oligarchisme.
  • Le socialisme, qu’il définit comme une transformation du monarchisme. En effet, comme ce dernier, le socialisme prône l’omnipotence de l’État.
  • L’égalité, en laquelle il décèle une menace uniformisante exercée par le pouvoir étatique, le concept d'égalité naturelle débouchant sur le collectivisme.
  • La souveraineté nationale, qui est une simple mutation du monarchisme royal en monarchisme populaire.
  • Enfin, le parlementarisme, qui exacerbe le clientélisme et ouvre la voie à « l’oppression des deux tiers de la nation par le troisième tiers ». Faguet y voit une forme de guerre civile institutionnalisée.

Raisons de l’antilibéralisme français

Faguet forme ce constat accablant : « La France est un pays républicain qui n’a aucune liberté et qui a encore moins celle sans laquelle, quand toutes les autres existeraient, elles n’existeraient pas. » Il parle ici de la liberté judiciaire, car c’est l’État qui concentre le pouvoir judiciaire entre ses mains. C’est un signe que les Français sont restés monarchistes. Première raison.

Une autre explication est que les Français ne parlent de liberté que lorsqu’ils sont victimes des décisions de leurs adversaires politiques. Ils ne redeviennent libéraux que dans l’opposition ; au gouvernement, ils sont de purs absolutistes. La liberté n’est donc conçue que de manière partielle et partiale, partisane.

Une raison plus profonde est l’ancrage de la France dans la conception romaine de la politique et du droit : pour Faguet, tout l’étatisme français est issu de l’impérialisme romain. Cela rejoint le point de vue d'un historien tel que Pierre Rosanvallon qui voit le bonapartisme, mutation du césarisme antique, comme la clé de l'antilibéralisme français.

Publications

  • 1891, Politiques et moralistes du XIXe siècle, Paris : Boiven
  • 1902, Le libéralisme, Paris, Société Française d'Imprimerie et de Librairie (livre un peu dépassé, mais une mine de citations et de références historiques)
  • 1910, Le culte de l'incompétence, et l'horreur des responsabilités

Citations

  • « L’homme est né libre, et partout il est dans les fers. » Cet axiome, qui est à peu près aussi juste que le serait celui-ci : « Le mouton est né carnivore et partout il mange de l’herbe », est, comme on sait, la première ligne du Contrat social, ouvrage destiné à prouver que l’homme est né libre, à montrer qu’il ne l’est nulle part, à assurer qu’il doit le redevenir et à organiser une société où il serait plus opprimé qu’en Turquie.
  • Si le droit du peuple, c’est la souveraineté, ce que précisément ont dit les rédacteurs des Déclarations, le peuple a le droit, en sa souveraineté, de supprimer tous les droits de l’individu. [...] Il fallait choisir. Il fallait être démocrate, et, Rousseau en main, rédiger une Déclaration des droits du peuple qui aurait été courte : « Le peuple est souverain. Par lui-même ou par ses représentants, il peut tout ce qu’il veut. Il est irresponsable. Par conséquent, il n’y a pas de droits de l’Homme. » Ou, il fallait être libéraux, et, Montesquieu en main, rédiger une Déclaration des droits qui eût commencé ainsi : «  L’homme a des droits sacrés, imprescriptibles et inaliénables, de cela seul qu’il est homme. Ces droits, aucun gouvernement, ni monarchique, ni aristocratique, ni démocratique, et non pas plus le gouvernement de tous par tous que le gouvernement de tous par un ou par plusieurs, n’a le droit d’y toucher. Donc il n’y a pas de souveraineté. Il n’y a qu’un gouvernement agissant dans sa sphère, limitée précisément par ces droits intangibles. »
  • Rien ne limite l’État comme une Église car il est incontestable qu’elle limite le gouvernement lui-même, puisqu’elle partage avec lui. Aussi, au fond, tout gouvernement est antireligieux, malgré les apparences quelquefois contraires. Les Romains, qui aimaient toutes les religions, ont détesté le christianisme furieusement, parce qu’il était une vraie religion, qu’il disait à l’État : « Ceci est à vous, les corps. Ceci est, non pas à moi, mais à eux, les âmes, et à moi s’il me le donnent librement. » C’était une vraie religion. Une religion qui ne dit pas cela est une décoration de l’État, quelque chose comme un maître des cérémonies et un ministre des pompes, non pas une religion.
  • La loi ne doit viser que les choses, que les choses abstraites, un crime, un délit, une infraction ; elle ne doit pas viser les personnes.
  • Je ferai remarquer, du reste, que les radicaux, qui seulement par procédé électoral et pour lutter contre les socialistes en rivalisant avec eux, s’intitulent déjà radicaux-socialistes, seront forcés de devenir socialistes réellement. Car la fortune ou simplement la propriété individuelle même la plus modeste, est une limite à l’omnipotence de l’État. On n’obtient pas, on ne peut pas obtenir la même docilité, la même servitude, la même obéissance passive à la moitié plus une voix d’un homme qui possède quelque chose, que d’un homme qui ne possède rien. J’ai vingt fois fait remarquer qu’un homme qui possède est un État dans l’État, tout comme une congrégation, et seulement dans des proportions moins vastes. Les radicaux seront donc amenés peu à peu par les résistances qu’ils rencontreront, autant du reste qu’ils y seront poussés par leur clientèle, à se faire réellement socialistes. Les radicaux sont des étatistes. L’étatiste est un homme qui est en train de devenir socialiste, et s’il meurt sans le devenir, c’est qu’il n’a pas assez vécu pour le devenir.
  • Quand on ne connaissait pas le socialisme, on disait toujours que la démocratie tendait naturellement au despotisme. Cela a paru changer et il a semblé qu'elle tendait au socialisme. Rien n'a changé : car en tendant au socialisme, c'est au despotisme qu'elle tend. Elle n'en a pas conscience ; car, consciemment, elle ne tend qu'à l'égalité ; mais de l'état égalitaire c'est toujours le despotisme qui sort.


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