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Monnaie
Définition et types de monnaies
La monnaie est un instrument économique qui a pour fonction première de servir de moyen de paiement et donc de faciliter les échanges en permettant une division du travail très élaborée. Son autre fonction est de stocker de la valeur (dépôts, épargne).
Monnaie métallique
Historiquement, toute marchandise "universelle" a pu servir à mesurer les valeurs de biens échangés dans un troc, mais le choix s'est porté rapidement sur les métaux, qui, du fait qu'ils sont recherchés par tous les peuples, ont une valeur intrinsèque (commodity money), sont durables (davantage que les productions agricoles), homogènes, facilement divisibles et relativement rares.
Au fil des siècles des métaux tels que l'argent et l'or se sont imposés, en effet ils répondent parfaitement aux critères de durabilité, de relative rareté et de divisibilité. Le bimétallisme a duré jusqu'au XIXe siècle, jusqu'à ce que l'or soit préféré.
Des entreprises spécialisées, les banques, sont apparues originellement pour stocker et protéger les dépôts de métaux précieux remis par les individus. Elles ont pu émettre des substituts papier à cette monnaie qui pouvaient avoir cours comme s'il s'agissait de la monnaie elle-même (representative money). Le dollar était à l'origine un substitut à une quantité fixe d'or, l'or restant la monnaie de référence (étalon-or), même si les transactions n'étaient pas exprimées nécessairement en quantités d'or.
Monnaie fiduciaire
Au cours du XXe siècle, l'étalon-or a été abandonné. La monnaie n'est plus qu'une convention sociale, sans aucune valeur intrinsèque (papier-monnaie), à cours forcé par la loi. On parle alors de monnaie fiduciaire (fides : la confiance) ou de monnaie décrétée (fiat money). Les monnaies varient entre elles selon la quantité de crédit émise par chaque pays (une politique monétaire laxiste est « punie » par une baisse de la valeur de la monnaie locale par rapport aux autres devises). Il n'y a plus de contrepartie métallique à la monnaie émise, seulement de la dette. La tentation est grande pour l'Etat de créer de la monnaie à partir de rien pour subvenir à ses besoins ou pour mettre en oeuvre ses politiques ; le résultat est alors l'inflation et une baisse de la valeur de la monnaie.
Il n'est pas sans intérêt, si l'on peut dire, de rappeler que deux visions se sont de tous temps opposées sur la nature de la monnaie. Le grand savant Nicolas Oresme, évêque de Lisieux à la fin du XIVe siècle, remarqua ainsi, dans son Traité du commencement et première invention des monnaies (1366) que, pour les Grecs, elle était une émanation de la Cité et de la loi (nomos). De là, le terme "numismatique" qui en est dérivé. Cette optique relève donc du pur conventionnalisme, défendu en l'occurrence par Aristote. En revanche, le vocable latin moneta provient du verbe monere, qui signifie "avertir, informer". Dans cette acception, la monnaie permet de réduire l'incertitude dans l'esprit des personnes contractant dans un échange. La préférence d'Oresme va à cette seconde interprétation, qui interdit au souverain de manipuler la monnaie. On rejoint là les préoccupations de l'École autrichienne qui voit la monnaie comme un instrument de mesure : pas plus qu'il n'est licite de changer la valeur du mètre ou du gramme, il n'est légitime de falsifier celle de la monnaie.
Monnaie scripturale
La monnaie scripturale, comme son nom l'indique, n'existe que sous forme d'écritures comptables. Elle est constituée de l'ensemble des dépôts dans les organismes financiers. Elle circule par jeux d'écritures (électroniques le plus souvent) entre comptes par l'intermédiaire d'instruments tels que les chèques ou les virements. Elle a aussi un aspect fiduciaire (mais on réserve exclusivement le terme de "fiduciaire" à la monnaie qui se présente sous la forme de billets et de pièces).
Monnaie privée
L'Etat cherche le plus souvent à monopoliser l'émission de monnaie, c'est là l'origine de la plupart des banques centrales aux XIXe et XXe siècles. Ainsi, en France, le monopole d’émission de la monnaie fut donné par Bonaparte à la Banque de France (une des banques privées de l'époque) pour récompenser les banquiers qui avaient soutenu financièrement son coup d’Etat (lui-même devint actionnaire de cette banque, nationalisée plus tard au XXe siècle, en 1945).
L'intérêt de l'Etat à contrôler la création monétaire (notamment depuis l'abandon de l'étalon-or) est évident d'un point de vue politique : il peut subventionner ses politiques "sociales" par la planche à billets (inflation) ou par l'endettement (qui peut mener jusqu'à la faillite, voir le cas de l'Argentine en 2001).
Cependant, une monnaie peut très bien fonctionner sans être d'origine étatique : un « contrat de monnaie » privé remplace alors le cours forcé imposé par la loi. L'intérêt d'une monnaie privée dépend de sa diffusion et de ses garanties. En pratique, des monnaies privées existent déjà, par exemple une des plus abouties est e-gold (devise or numérique), une des plus simples est le Liberty dollar, basée sur l'argent.
Voir l'article monnaie privée.
Stabilité monétaire
Le premier et principal critère à considérer pour évaluer la stabilité d'une monnaie est la masse des créances douteuses détenues par l'émetteur de la monnaie. La question de stabilité de la Banque Centrale est de savoir si la valeur des créances qu'elle détient reste supérieure à la masse monétaire émise. Cette condition est la condition majeure de la stabilité monétaire d'une monnaie. La masse de la dette dans un pays n'est pas une menace pour la stabilité, bien au contraire. Une dette importante signifie une grande quantité de monnaie, signifie une économie en forte activité. Le système monétaire actuel est en bonne santé. Son fonctionnement est logique et cohérent. Cependant, son principal défaut est qu'il est difficile d'évaluer la valeur des créances sur les États avec suffisamment d'objectivité. Si un Etat fait faillite, la valeur des créances sur cet Etat diminue, les actifs de l'émetteur de monnaie diminuent. L'équilibre comptable de l'émetteur de monnaie peut s'en trouver alors déséquilibré. Les créances sur les agents économiques privés, individus et entreprises, sont évaluées et suffisamment maîtrisées par les banques commerciales. Il est légitime qu'un Etat s'endette, même pour des montants très importants. De la même manière une entreprise peut s'endetter puisqu'elle a une valeur marchande. Mais un excès de l'endettement d'un Etat peut le conduire à la faillite. Or la valeur d'une créance à long terme sur un Etat est difficile à évaluer. Elle dépend de la capacité d'un Etat à percevoir durablement une certaine masse d'impôts. Même un risque de faillite d'un émetteur de monnaie est faible, ce risque s'accroit actuellement à cause de l'endettement excessif de certains États.
Historique
Depuis des temps préhistoriques, les hommes ont compté leur biens. Rapidement, un étalon s'impose dans chaque groupe humain : coquillage, minéraux précieux ou utiles comme le sel, petit lingots de métal (fer, puis argent ou or), etc.
On en trouve les premières traces en Europe chez les Grecs anciens, au VIe siècle av. J.-C.
Alors que la monnaie représente déjà une certaine quantité de biens, qu'on ne pourrait pas manipuler aussi facilement, l'étape suivante est la mise en place d'une monnaie de second niveau, qui elle-même représente une grande quantité de monnaie métallique laissée en dépôt en lieu sûr. Ainsi apparaît la monnaie papier (le billet de banque, connu en Chine dès le VIIIe siècle), qui ne représente originellement qu'une dette payable à vue sous forme de métal ou d'autres biens.
On peut distinguer plusieurs étapes dans l'évolution historique qui a conduit de la monnaie métallique à la monnaie fiduciaire que nous connaissons aujourd'hui :
- le système bi-métallique (jusqu'au XIXe siècle) : toutes les monnaies sont définies à la fois par rapport à l'or et par rapport à l'argent (métal). Chaque état, en fonction de ses disponibilités métalliques, utilisent préférentiellement l'un ou l'autre métal, et se sert de l'autre comme appoint. Mais les découvertes minières et les évolutions financières dans une économie largement mondialisée à l'époque font fluctuer les proportions entre les deux métaux, et le développement de la monnaie papier et du crédit permettent de limiter les besoins de métal, et de supprimer l'argent-métal comme étalon.
- l'étalon-or « classique » (jusqu'en 1914) : toutes les monnaies sont définies par rapport à l'or. La monnaie-papier est un substitut à l'or (une once d'or équivaut à 20 dollars, 4 livres anglaises, etc.). Les taux de conversion de chaque monnaie en or, et donc entre elles, sont fixes. Cela assure la stabilité de la monnaie et empêche une inflation provoquée artificiellement par une augmentation de la masse monétaire (procédé auquel les États auront constamment recours par la suite).
- En 1865, est crée l'Union Latine, une convention monétaire entre la Belgique, la France, l'Italie et la Suisse, convention à laquelle adhère la Grèce en 1868. Cette convention est restée en vigueur, moyennant plusieurs aménagements, jusqu'au 1er janvier 1927. Elle avait pour but d'harmoniser les monnaies de ces pays (module, titre, poids) qui avaient ainsi une circulation transfrontalière.
- l'étalon de change-or (1914-1971) : il s'agit d'un système mixte par lequel certains pays veulent conserver les avantages de l'étalon-or, alors que d'autres veulent se garder la latitude (via la « planche à billets ») d'avoir des taux de change variables. Ce système va devenir caduc en quelques décennies :
- Première Guerre mondiale : en raison du coût de la guerre toutes les monnaies européennes sont fortement dévaluées par rapport à l'or.
- 1922 : conférence de Gênes. Un nouvel ordre monétaire est mis en place où seuls les États-Unis conservent l'étalon-or classique. Le dollar repose sur l'or, la livre anglaise sur le dollar, et les autres monnaies européennes sur la livre anglaise.
- 1931 : le Royaume-Uni, conduit à augmenter sa masse monétaire, abandonne le système de change-or.
- 1934 : le dollar est défini comme 1/35 d'once d'or. Les citoyens étatsuniens n'ont pas le droit de posséder de l'or.
- 1944 : accords de Bretton Woods : le système monétaire repose sur le dollar, seule monnaie encore ancrée à l'or
- 1971 : sous Richard Nixon, les États-Unis, ne pouvant plus maintenir le prix de l'or à 35 dollars l'once ni éviter une dévaluation du dollar, abandonnent l'étalon-or.
- le régime des changes flottants (à partir de mars 1973) : après l'abandon des accords de Bretton Woods, les monnaies varient entre elles librement, suivant l'offre et la demande, et donc en principe selon la quantité de crédit émise par chaque pays (une politique monétaire laxiste est « punie » par une baisse de la valeur de la monnaie locale par rapport aux autres devises). Il n'y a plus de contrepartie métallique à la monnaie émise, seulement de la dette.
Erreur fréquente : l'Etat est nécessaire pour créer et gérer la monnaie
Seuls les étatistes estiment que la monnaie est un "attribut de la puissance étatique". Comme le remarque Gustave de Molinari dans sa huitième soirée des Soirées de la rue Saint-Lazare, battre monnaie n'est pas plus un attribut de la souveraineté "que de fabriquer des clous ou des boutons de guêtres".
La monnaie n'est pas liée nécessairement au pouvoir politique, même s'il est évident que le pouvoir peut trouver de grands avantages à la contrôler.
La monnaie comme outil d'échange est apparue bien avant les états. Elle est apparue comme "le résultat spontané d’efforts individuels et particuliers des différents membres de la société" (Carl Menger). "La théorie d’un accord originel où un seul bien particulier aurait été choisi comme instrument d’échange est tout aussi dénuée de fondement que l’ancienne croyance en une institution fondatrice de la loi ou du langage" (William Ridgeway). L'histoire montre que de nombreux "supports" ont été utilisés comme monnaie, et que de nouveaux apparaissent encore (monnaie électronique).
La tendance semble être à ce que le pouvoir se désintéresse de la monnaie, conscient sans doute du rôle néfaste de toute manipulation artificielle de cette ressource. Ainsi un certain nombre d'Etats-Nations de l'Union européenne ont choisi de "fusionner" leurs monnaies nationales dans l'"euro" dont la "gestion" a été confiée à une banque centrale réputée "indépendante".
Articles connexes
- Citations sur l'argent
- monnaie privée
- épargne, crédit
- banque, banque centrale
- système d'échanges locaux
Liens externes
- Guide de lecture en théorie monétaire de Jörg Guido Hülsmann (avec "10 erreurs sur la monnaie) (fr)
- La Théorie de la monnaie et du crédit, ouvrage de Ludwig von Mises traduit par Hervé de Quengo (fr)
- Monnaie privée sur Wikipedia (fr)
- Money Facts and Monetary Controversies (en)
- How is Fiat Money Possible par Hans-Hermann Hoppe (en)
- La monnaie électronique est-elle une monnaie nouvelle ? par Georges Lane (fr)
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