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Social-libéralisme
Le social-libéralisme (dit également libéralisme social, haut libéralisme, libéralisme radical ou libéralisme moderne) est un courant du libéralisme qui croit en la nécessité d'avoir des fondements sociaux. Il cherche ainsi à concilier le libéralisme économique avec la liberté individuelle et la justice sociale. Ce terme sert à désigner la pensée des socialistes revendiquant une synthèse entre la social-démocratie et le libéralisme économique. Concernant l'économie de marché, il a pour postulat que la liberté économique assure la meilleure équité sociale.
Racines idéologiques
Le social-libéralisme prend une partie de son inspiration dans l'Ordo-libéralisme allemand développé après la Seconde Guerre mondiale. On pourra aussi lire de Monique Canto Sperber, Le socialisme libéral. Une anthologie : Europe – États-Unis.
Le libéral-socialisme italien
Après l’assassinat de Matteotti par les fascistes, les parlementaires libéraux vont cependant voter la confiance à Mussolini et permettre ainsi à la dictature de s’installer. Les hommes politiques traditionnels ne se sont pas aperçus du caractère destructeur de l’État libéral propre au fascisme.
A côté du vieux libéralisme qui restait un individualisme à part entière, on voit se développer un jeune libéralisme sensible aux questions sociales et dont Piero Gobetti devient le chef de file. Benedetto Croce, par son Manifeste des Intellectuels antifascistes (1925) devient le principal opposant public au régime et la référence de la jeune génération. Croce refuse tout lien entre libéralisme et démocratie mais aussi tout lien entre libéralisme et libérisme, c’est à dire la liberté économique. Cette position l’oppose à Luigi Einaudi pour qui le libéralisme en peut s’affirmer que dans le cadre de la liberté économique, la liberté de l’esprit étant trop abstraite. Contre « la liberté sans adjectifs » de Croce, principe métahistorique, Einaudi met en avant la liberté comme principe politique et économique soumis à la contingence historique.
A ses yeux cependant le laissez faire laissez passer peut exister dans un cadre autoritaire et le libéralisme peut parfaitement se concevoir sans le libre-échange. A la gauche du mouvement, les groupes proches de Giutizia e libertà insistent davantage sur une articulation entre liberté politique et justice économique. Benedetto Croce se montre en tout cas favorable à un socialisme libéral, partageant ainsi comme les jeunes intellectuels italiens l’idée d’un socialisme indépendant du marxisme et pouvant accomplir une mission libérale.
L’idée est d’ailleurs ancienne, Antonio De Viti De Marco faisait état dès 1904 de « socialiste libéraux ». Ce mouvement trouve ses racines dans la pensée de John Stuart Mill et Charles Renouvier. Il prend forme dans les années 1936-1937 à l’initiative d’Aldo Capitini et Guido Calogero. C’est un mouvement d’idées, porteur d’une exigence de renouveau moral et intellectuel. Pour Calogero « le meilleur libéralisme s’accorde au meilleur socialisme ». Le libéral-socialisme est ainsi favorable à un interventionnisme étatique avec un programme de nationalisation des entreprises d’intérêt public, à la mise en place d’une « école républicaine » unitaire et nationale et au remplacement de l’impôt proportionnel par l’impôt progressif. En revanche, le libéral-socialisme adopte en politique étrangère des positions proeuropéennes et fédéralistes avec l’abolition des barrières douanières. Politiquement éphémère en tant que mouvement organisé, le libéral-socialisme a néanmoins fortement marqué la vie et la culture politique de l’Italie républicaine.
Représentants actuels
La plupart des partis sociaux-démocrates européens a ainsi été largement influencé par cette envie de renouvellement doctrinal. Ainsi, les gouvernements sociaux-démocrates de Massimo D'Alema en Italie, de Tony Blair en Angleterre, de Gerhard Schröder en Allemagne ont clairement mené une politique au centre.
Aussi, le débat étant ainsi posé au sein de la gauche européenne, une partie des organisations sociales-démocrates ont décidé d'opter pour une autre orientation. L'opposant historique à la ligne de Tony Blair au niveau du Parti socialiste européen fut le français Lionel Jospin, qui bien qu'acceptant l'économie de marché, a, selon ses défenseurs, préféré mener une politique socialiste classique plutôt que de rejoindre une ligne de centre-gauche. Les partis politiques ayant adopté une ligne « britannique » sont majoritairement les partis allemands (SPD), anglais (Labour Party), espagnols (PSOE), portugais (PS), italiens (L'Olivier), hongrois (MSzP) et polonais (SLD). Les partisans d'une ligne de gauche se sont par contre retrouvés plus largement chez les socialistes français (PS), grecs (PASOK) et belges (PS).
En France, le courant social-libéral ainsi revendiqué est représenté par Jean-Marie Bockel, sénateur-maire de Mulhouse, qui ne remportait qu'un nombre négligeable de suffrages (moins de 1 %) lors des congrès du Parti socialiste depuis 2003, avant son départ du parti pour fonder Gauche moderne.
Le socialisme libéral en Allemagne
Il s'agit d'une alliance de mots un peu malencontreuse, dont cherchent parfois à profiter certains politiciens qui veulent ainsi gommer le sens péjoratif attaché au mot socialisme. L'économiste Franz Oppenheimer, inspirateur de ce qui sera plus tard l’ordo-libéralisme, emploie le terme de « socialisme libéral », mais pas dans un sens collectiviste : dans le sens où chacun, même les plus pauvres, doit pouvoir entrer sans discrimination dans le libre jeu du marché (Der Staadt, 1908).
Positionnement politiques
Affinités
Libéral-libertaire
On peut rattacher au social-libéralisme l'expression de libéral-libertaire revendiquée par Daniel Cohn-Bendit, qui correspond à la revendication simultanée de l'économie de marché, d'une démocratie exigeante (participative, sociale) et de la liberté des mœurs.
Démocratie chrétienne
L'UDF, parti de centre-droit, a essayé de s'en rapprocher pour créer un grand parti du centre. Le 30 novembre 2007 en congrès extraordinaire ce parti a voté l'intégration dans le Mouvement Démocrate (Modem), nouveau parti issu de la présidentielle 2007. Certains membres refusant cette intégration ont formé le Nouveau Centre, et seule une minorité se réclame encore de l'UDF.
Opposition
Cette expression garde une connotation péjorative lorsqu'elle est employée notamment par des anticapitalistes, des courants de la gauche de la social-démocratie, ainsi que l'extrême-gauche et l'ultra-gauche. Chez les socialistes français, ce terme est employé pour désigner l'aile droite du parti accusée de mener une politique d'accompagnement du libéralisme. « Social-libéral » remplace ainsi dans le jargon politique des termes désormais tombés en désuétude comme « social-traître ». Il est important de noter que dans les années 1970, le terme « social-démocrate » avait également une connotation droitière. Pour les communistes et l'extrême gauche, est désigné comme « social-libéral » l'ensemble des forces de la gauche modérée.
Les communistes et sociaux-démocrates accusent les sociaux-libéraux :
- d'abandonner toute prérogative de contrôle du pouvoir sur les flux financiers, de marchandises, etc. ;
- de réduire les règles encadrant certains secteurs économiques ;
- d'accepter des règles commerciales inéquitables (les échanges commerciaux avec des pays au système social beaucoup moins avantageux pour les salariés, par exemple la Chine) ;
- de privatiser des entreprises d'État et des services publics au nom de l'efficacité économique ;
- de baisser les impôts sur les bénéfices des entreprises ;
- dans le cas de Tony Blair, d'avoir participé à l'attaque des États-Unis contre l'Irak, bien que cela ait, en dernier ressort, plus à voir avec un réflexe atlantiste que relevant d'un positionnement idéologique dans une ligne sociale-libérale
Le terme est désormais employé en sciences politiques et par les journalistes pour caractériser une orientation politique à part entière. Cette « reconnaissance » est notamment passée par le manifeste de la troisième voie/du nouveau centre, rédigé et signé par Tony Blair et Gerhard Schröder dans une perspective de rénovation de la gauche européenne et dans la volonté d'ériger de nouvelles synthèses politiques.
Réflexions
Un oxymore transitoire ?
Le social-libéralisme n'est pas un libéralisme social (pléonasme inutile) qui mettrait plus l'accent sur la redistribution ou la justice sociale comme l'ordo-libéralisme mais un socialisme libéral qui a tout l'air d'un oxymore. Tout comme l'économie socialiste de marché chinoise ne peut être qu'un stade transitoire sous peine de voir son système tendu par des contradictions indépassables, les socio-libéraux ne peuvent pas rester longtemps dans cet équilibre bancal : certains redeviendront des socialistes classiques, d'autres comprendront vraiment le libéralisme et ne pourront plus se dire socialistes.
Un concept bénéfique ou nuisible pour les libéraux ?
En dé-diabolisant le mot de libéralisme en même temps que la plupart des idées auquel il fait référence, on peut considérer que le social-libéralisme est positif pour le « vrai » libéralisme. D'autres, comme Alain Laurent y verront un nouveau détournement de vocabulaire propre à brouiller les classifications, tout en détournant les significations conceptuelles, comme Hayek soulignait comment certains mots (liberté, égalité) peuvent être retournés dans un sens diamétralement différent de son utilisation originelle, tout en conservant la charge émotionnelle positive que celui-ci charrie avec lui, stratégie de récupération ou de « triangulation » dans le vocable politique.
D'autres libéraux verront dans le « social-libéralisme » une synthèse logiquement impossible, mais très commode d'un point de vue politique : le politicien qui s'en réclame peut pratiquer l'opportunisme politique le plus total, insistant tantôt sur le libéralisme économique, générateur de richesse, tantôt sur la redistribution, présumée indispensable pour la solidarité. Une telle politique n'a rien à voir avec le libéralisme, c'est du « centrisme » dans le mauvais sens du terme.
Références
- (en) Blair/Schröder (The Third Way / Das neue Mitte)
- L'œuvre du sociologue Anthony Giddens (concept de Troisième voie entre communisme et capitalisme)
- Jean-Marie Bockel, La 3ème gauche. Petit manifeste social libéral, L’archer, 1999
- Anthony Giddens et Tony Blair, La troisième voie. Le renouveau de la social-démocratie, Paris, Seuil/La couleur des idées, 2002
Littérature secondaire
- Serge Audier, (2006) Le socialisme libéral
- Alain Laurent, (2006) Le libéralisme américain : Histoire d'un détournement (2006)
- Denis Berlier (dir.), (2001) L’introuvable Troisième voie ou le néolibéralisme à visage souriant, Paris, Syllepse
- Monique Canto-Sperber, (2003) Les règles de la liberté : les idées libérales sont l’avenir du socialisme, Le socialisme libéral : Une anthologie : Europe-Etats-Unis
- John Crowley, (1999) Sans épines, la rose, Paris, La découverte – Syros
- John Crowley (dir.), (1999) Tony Blair, le nouveau travaillisme et la troisième voie, Paris, La documentation française,
- Keith Dixon, Un digne héritier (livre d'une bourdieusienne, rappelant l'inspiration thatchérienne du blairisme.)
- Philippe Marlière, (2003) La troisième voie dans l’impasse. Essais critiques sur le New Labour et Tony Blair, Paris, Syllepse,
- Luca Maria Scarantino, « Le libéral-socialisme italien. De Croce à Calogero et Bobbio in Philippe Nemo et Jean Petitot, Histoire du libéralisme en Europe, 2006, p. 749-776
Liens externes
- (fr)Y a-t-il du social-libéralisme en France ?, Vincent Bénard
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