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Philanthropie
La philanthropie désigne « une attitude de bienfaisance de personnes à l'égard d'autres personnes qu'elles considèrent comme démunies matériellement ou malchanceuses ». Au sens plus large, elle désigne le comportement de catégories aisées de la population pour aider leurs prochains. Philanthropie et liberté sont étroitement liées. Aux États-Unis, la plupart des grandes institutions philanthropiques sont fondées grâce à la richesse d'un individu libre d'amasser une grande fortune. Aussi, malgré les lamentations des égalitaristes, une accumulation massive de la richesse personnelle conduit souvent à une augmentation de la charité et à l'assistance de ceux qui sont dans le besoin. La générosité[1], dans tous les domaines y compris la religion, les services sociaux, la santé et l'éducation, totalise plus de 100 milliards de dollars aux États-Unis. Ce montant est supérieur à celui distribué en dividendes auprès des actionnaires des sociétés privées.
La philanthropie : une remise en cause de l'existence de l'État-providence
Les défenseurs de l'État-providence avancent souvent l'hypothèse que l'État doit intervenir et donc faire payer des impôts parce que peu de gens sont enclins à subvenir aux besoins éducatifs, médicaux et sociaux nécessaires à la nation, ou alors que les gens n'auraient pas les moyens de satisfaire les besoins immenses que cela représente. Or, l'histoire de la philanthropie, particulièrement américaine ou anglaise[2], fait voler en éclats cet argument. En Europe comme aux États-Unis, la main a toujours été tendue vers l'autre et a secouru des millions de personnes grâce aux dons privés, avec souvent bien plus de succès que l'initiative publique : éradication de la polio par le Rotary, écoles privées au service des plus pauvres, fondations médicales de premier plan, etc.
De fait, on constate un lien inverse entre l'importance de l'État-providence dans un pays, et l'importance de sa philanthropie. Plus l’État s'occupe (souvent mal) d'aider ceux dans le besoin, plus les individus considèrent qu'ils n'en sont pas responsables et se désintéressent d'aider leur prochain. Les études du World Giving Index, qui font référence en la matière, souligne ainsi clairement que les États-Unis ou la Nouvelle-Zélande (un des États les plus libéraux du monde) sont les pays où les individus donnent le plus ou aident le plus leur prochain (59 % et 54 % respectivement). À l'inverse, des pays à l'État-providence fort (France, Italie, etc.) sont dans le top 10 où les individus aident le moins leur prochain (38 % et 44 % respectivement). L'État-providence n'est qu'un des facteurs mais selon les mots du World Giving index : « La moitié des pays dans le top 10 des pays les moins généreux est constituée de pays européens à haut revenu. Cela est probablement dû à l'état-providence »[3]. En voulant aider, l'État-providence aggrave bien souvent la situation, par une aide qui peut être plus faible, et par la destruction du lien social qu'il implique là où la philanthropie et le bénévolat en créent.
Dans les pays très marqués par l'égalitarisme, comme la France, la philanthropie a souvent été dénigrée par son appellation de politique paternaliste. Les progressistes socialistes ont longtemps refusé que les grands patrons fassent œuvre de charité, par exemple en construisant des cités ouvrières, au prétexte qu'ils cachaient derrière ces pratiques une vile manœuvre d'intérêt personnel. Même en 2023, un don de 10 millions d'euros par Bernard Arnault est vertement critiqué par l'extrême gauche, qui y voit une concurrence au rôle supposé de l'État[4]. Par conséquent, les syndicats et les mouvements ouvriers ont largement influencé les gouvernements successifs pour faire disparaître la notion de générosité patronale et la remplacer dans nos esprits par le terme de solidarité, ce qui signifie en fait vulgairement l'impôt. Les deux termes sont étroitement liés dans les esprits étatistes. Ils sont parvenus au point de retourner l'argument pour faire croire que ceux qui refusent l'impôt sont amoraux car ils seraient non solidaires. Au contraire, il n'y a pas plus moral que celui ou celle qui soutient la philanthropie car celle-ci repose sur une éthique de la liberté, alors que la solidarité (imposable) est dépendante de la violence relative de l'autorité politique.
Le soubassement éthique qui unit la liberté et la philanthropie
Si l'action souvent méconnue de la philanthropie suscite parfois une méfiance inappropriée[5], la philanthropie joue un rôle essentiel dans la société.
Premièrement, son caractère privé est une grande vertu, car l'argent qui transite à travers elle déclenche d'autres effets en comparaison de l'argent détourné par les services publics. Être charitable implique une vertu morale liée à la liberté de conscience de chacun. Il n'y a de don acceptable que pour une personne libre de regarder au-delà de son intérêt personnel étroit qui l'aide à trouver un sens à sa vie plus profond, plus riche et plus complet. Sans éthique, la philanthropie n'est qu'une forme déguisée d'impôt, qu'il soit demandé par l'État ou par une autre forme d'organisation. Par conséquent, la philanthropie implique plus qu'une simple accumulation de richesse par quelques individus. Elle implique une culture de l'ensemble de la société qui reconnaît et valorise les racines morales de la philanthropie.
Deuxièmement, les dons privés sont un puissant vecteur de changement dont l'approche de redistribution diffère souvent radicalement de celle du secteur public. Beaucoup de généreux donateurs développent l'habitude de donner comme une expression significative de leur personnalité. En effet, la philanthropie privée satisfait quelque chose de profond dans la nature du donateur qui tend à augmenter sa capacité à partager.
Troisièmement, la philanthropie s'engage dans des projets que l'État ne veut pas ou ne peut pas entreprendre. Elle est beaucoup plus libre de ses choix que l'État qui est souvent sollicité par des groupes de pression et par l'opinion publique pour diverses demandes d'intérêts communautaires. La philanthropie privée ajoute de la variété et de la concurrence à la vie civique en raison des agents moteurs qui la composent qui sont souvent attirés par l'aspect expérimental et novateur de leurs actions.
Dans le passé, cette concurrence du financement philanthropique a permis le réexamen de la politique gouvernementale, en particulier dans le domaine de l'éducation[6]. Les imitations du secteur public sur les programmes financés par le secteur privé ont aussi concerné les soins aux personnes âgées, les refuges pour les nécessiteux et le traitement de la toxicomanie. Souvent, la copie s'est faite de façon maladroite et destructrice, aboutissant à l'abandon à la fois des organisations relevant des services publics et celles des services privés concurrencés par les fonds perdus des impôts publics.
Dans les pays communistes et fortement égalitaristes, comme la France, le mot philanthropie est difficilement traduisible. Et s'il l'est, comme en Europe, il perd de sa valeur par comparaison à la culture américaine. En effet, dans ces pays, il y a peu ou pas du tout de philanthropie indépendante parce que l'accumulation de richesse n'est pas tolérée et subit de fortes impositions. Il est donc important de laisser vivre la philanthropie telle qu'elle doit l'être naturellement. Par conséquent, son avenir repose sur les entrepreneurs, les chefs d'entreprise et les hommes d'affaires qui souhaitent faire croître leur richesse. Ils représentent tous un vivier économique important qui doit être exempt de barrières et de contraintes étatiques, dans lesquelles la propriété privée doit être intégralement protégée et la réglementation limitée voire abandonnée.
Notes et références
- ↑ Voir Arnaud C. Marts, 1966, "The generosity of Americans", Englewood Cliffs, New Jersey: Prentice-Hall, Inc., ou encore la critique de Richard Christenson, 1966, commentaire du livre d'Arnaud C. Marts, "The generosity of Americans", The Freeman, novembre, Vol 16, n°11, pp63-64
- ↑ Selon Arnaud C. Marts (1966), en Angleterre, les dons privés se sont accélérés sous les règnes du roi Henri VIII et de la reine Elizabeth lorsque les lois de bienfaisance Tudor ont été promulguées pour la première fois. C'est à partir de là que les hommes et femmes généreux d'Angleterre ont lancé de nombreux projets pour aider les défavorisés et les pauvres de la nation.
- ↑ (en) [pdf]World Giving Index 2022: A global view of giving trends
- ↑ BFM TV
- ↑ Par exemple, la proposition de créer la Fondation Rockefeller a été accueillie avec un mépris absolu. Le procureur général du président William Taft considérait le projet de l'une des plus grandes fortunes du monde afin de promouvoir le bien-être de l'humanité comme une dangereuse conspiration, estimant qu'il s'agissait là d'un plan infini pour perpétuer une immense richesse.
- ↑ Peter Frumkin (1990) cite l'exemple du philanthrope Eugene Lang. Ce dernier a promis de financer les études universitaires à une classe entière d'étudiants du centre-ville de New York s'ils maintenaient leurs notes et terminaient leurs études secondaires. En réaction, l'État de New York a lancé son propre programme de bourses d'études, Liberty Partnerships, une pâle copie de l'initiative du philanthrope.
Bibliographie
- 1974, Charles R. LaDow, "What Is Philanthrophy?", The Freeman, September, Vol 24, n°9, pp526-531
- 1987, Jo Kwong, "Philanthropy and Environmentalism" ("La philanthropie et l'écologie"), Capital Research Center
- 1990, Peter Frumkin, "Wealth, Freedom, and Philanthropy. Philanthropy needs both economic and cultural freedom for its survival", The Freeman, June, Vol 40, n°6, pp231-232
- 1992, Peter Frumkin, "Philanthropy in a Cold Climate", The Freeman, February, Vol 42, n°2, pp77-79
- 1998, Martin Morse Wooster, "The Great Philanthropists and the Problem of “Donor Intent", Washington, D.C.: Capital Research Center
- 2008, Peter Boettke, Christopher Coyne, “The Political Economy of the Philanthropic Enterprise”, In: Peter M. Frank, Gordon E. Shockley, Roger R. Stough, dir., "Non-Market Entrepreneurship: Interdisciplinary Approaches", Cheltenham, UK: Edward Elgar, pp71–88
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