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Martin Morse Wooster
Martin Morse Wooster, décédé le 12 novembre 2022, est un journaliste et chercheur américain de tendance libérale conservatrice. Il fut diplômé au printemps 1981 du Centre national de journalisme conservateur. Il est un écrivain prolifique couvrant des centres d'intérêt allant des romans de science-fiction, à la philanthropie et aux écrits sur la politique de l'éducation.
Parcours biographique
Martin Morse Wooster a travaillé successivement comme éditeur dans la revue Harper, et a occupé des fonctions de rédacteur dans des publications conservatrices, comme Reason et American Enterprise. Il fut aussi chroniqueur pour le Washington Times et envoyé spécial de Network News Service. Il est un contributeur régulier des publications du Capital Research Center (CRC) comme Alternatives in Philanthropy, Foundation Watch et Philanthropy, Culture and Society.
Martin Morse Wooster s'oppose aux dépenses publiques de l'État central et soutient la philanthropie privée locale. Il argumente que les programmes gouvernementaux envers les sans-abris sont globalement inefficaces. Par contre, les initiatives locales et privées donnent de meilleurs résultats. Il est moralement juste, voire obligatoire de ressentir de la compassion envers ceux qui sont moins fortunés que nous, mais la meilleure forme d'aide est de développer les
efforts volontaires pour aider les gens dans leur propre quartier. Cette aide locale est plus efficace pour les sans-abris que des effets néfastes d'augmentation des impôts, de mises en place de nouvelles bureaucraties, de votes de nouvelles législations et d'édit de règlements supplémentaires.
Il a également élargi son champ d’analyse à la politique économique internationale, en critiquant les paniques économiques et les discours protectionnistes des années 1990. Dans son article Magazines: Protection Racket (Reason, novembre 1990), il défend le libre-échange contre les accusations alarmistes visant le Japon et l’Europe, soulignant que les campagnes protectionnistes reposent souvent sur des exagérations et sur des intérêts corporatistes.
Scepticisme envers les paniques morales et les chiffres exagérés
Martin Morse Wooster a consacré une part importante de son travail journalistique à démonter ce qu’il considère comme des « paniques morales », c’est-à-dire des campagnes d’opinion et d’action publique dans lesquelles l’État et les médias exagèrent un problème social pour justifier l’extension des pouvoirs publics. Sa méthode repose sur un principe constant : avant toute réforme, il faut examiner les données empiriques disponibles, mettre en lumière les biais méthodologiques et comparer les chiffres avancés avec des estimations crédibles.
La croisade anti-pornographie (1986)
Dans son article “Reagan’s Smutstompers”[1], Wooster analyse le rôle central de la Commission Meese sur la pornographie, créée en 1985 par le Department of Justice sous l’impulsion du procureur général Edwin Meese III. Cette commission prétendait établir un lien de causalité entre la consommation de pornographie et la criminalité. Or, selon Wooster, les travaux scientifiques mobilisés par la commission souffraient de graves biais méthodologiques.
Il cite notamment les recherches de Judith Reisman, qui avaient alimenté le rapport de la Commission mais dont la validité scientifique était fortement contestée par la communauté académique. De même, les études expérimentales de Zillmann et Bryant sur les « effets agressifs » de l’exposition prolongée à la pornographie furent utilisées comme preuves, alors qu’elles étaient contestées par d’autres chercheurs comme Edward Donnerstein. Pour Wooster, le rapport Meese illustre un procès à charge, conçu pour confirmer une thèse prédéfinie plutôt que pour éclairer objectivement le débat.
Il en conclut que la croisade anti-pornographie était avant tout une tentative de la part de l’État fédéral de moraliser la vie privée en se servant d’un problème social amplifié, au prix d’une restriction des libertés individuelles.
La « crise des sans-abris » (1987)
L’année suivante, dans “The Homeless Issue: An Adman’s Dream”[2], Wooster s’attaque à une autre « panique morale » : l’idée d’une crise nationale des sans-abris. Des figures médiatiques comme Mitch Snyder (Community for Creative Non-Violence) et Robert Hayes (National Coalition for the Homeless) popularisèrent l’idée qu’entre 2 et 3 millions d’Américains étaient sans abri au milieu des années 1980. Ces chiffres, largement repris par la presse (Washington Post, Los Angeles Times, New York Times, Newsweek), furent adoptés comme des faits établis et utilisés pour justifier de nouvelles législations fédérales.
Or, Wooster montre que ces estimations reposaient sur des sources militantes, non vérifiées et méthodologiquement fragiles. Il oppose ces chiffres aux études du Department of Housing and Urban Development (HUD) qui, en 1984, avait estimé la population sans-abri à 250 000 – 350 000 personnes sur une nuit type, soit environ 10 % de l’estimation de Snyder[3].
Il cite aussi des recherches empiriques plus robustes :
- Peter Rossi (Université du Massachusetts) qui, en enquêtant à Chicago en 1985–1986, estimait entre 2 000 et 3 000 sans-abris pour la ville, bien loin des 12 000–25 000 avancés par HUD lui-même et infiniment éloigné des millions proclamés par Snyder (Science, 1987).
- Une enquête menée à Los Angeles (Hamilton, Rabinovitz & Alschuler, 1986) évaluait la population de Skid Row à environ 1 650 – 2 285 sans-abris par nuit, contre les dizaines de milliers avancés par certains militants et agences locales.
Pour Wooster, la médiatisation de cas individuels, souvent tragiques, avait servi à fabriquer une crise nationale sans base statistique solide, permettant aux défenseurs de l’État-providence d’obtenir de nouveaux financements publics.
Les paniques économiques et le protectionnisme
Dans “Magazines: Protection Racket”[4], Wooster élargit son analyse des paniques morales au champ économique. Il y critique les discours alarmistes sur la montée du Japon et de l’Europe, présentés comme des menaces existentielles pour les États-Unis après la fin de la guerre froide. Selon lui, assimiler des entreprises étrangères compétitives à des « ennemis » nationaux revient à transformer la concurrence commerciale en guerre idéologique. Wooster montre que ces paniques économiques reposent sur des exagérations médiatiques et servent d’alibi au protectionnisme, qui profite surtout à des groupes d’intérêt organisés (comme les syndicats de l’automobile) au détriment des consommateurs. Il rappelle que le libre-échange repose sur le choix volontaire et que les grandes entreprises étrangères ne disposent d’aucun pouvoir coercitif comparable à celui d’un État.
Une constante de pensée
De ces exemples, Martin Wooster tire une même leçon : les paniques morales permettent de gonfler artificiellement la perception d’un problème social et de justifier des solutions fédérales coûteuses et souvent inefficaces. Dans ses articles, il oppose ces solutions globales, inspirées par la peur, aux réponses locales, ciblées et volontaires, qui selon lui sont plus respectueuses des libertés individuelles et mieux adaptées aux réalités du terrain.
Ce scepticisme méthodologique constitue l’un des traits les plus caractéristiques de son œuvre : Wooster ne se contente pas de critiquer les intentions idéologiques des militants ou des gouvernements, il insiste sur la nécessité de preuves vérifiables avant d’allouer des ressources publiques ou d’étendre le champ de l’État.
Le dévoiement de la finalité des fondations privées philanthropiques
Martin Morse Wooster est connu pour son plaidoyer contre ce qu'il considère les activités de financement dévoyées des fondations privées. Presque toutes les grandes fondations suivent le même modèle de développement dans leur histoire. Elles sont fondées par des « entrepreneurs héroïques », des champions de la libre entreprise et de la liberté individuelle. Une seule génération après la mort de leur fondateur, ces organisations sont capturées par des philanthropes professionnels qui sont presque tous socialistes dans leur esprit. La fondation distribue ensuite des subventions aux organisations de gauche, qui utilisent les fonds financiers pour attaquer le capitalisme. L'éternel problème de la philanthropie est de savoir comment assurer que les intentions d'un donateur soient suivies.
Il considère que la période entre 1850 et 1910, était une époque affichant les meilleures traditions de la philanthropie. Le consensus des combattants de la pauvreté et des philanthropes vers 1890 était le suivant : tout le monde devrait donner, mais personne ne devrait donner sans discernement. L'aide gouvernementale fait plus de mal que de bien. Le détournement de la pensée philanthropique s'est opéré dans la génération née entre 1860 et 1870, qui a commencé à écrire sur les conditions du travail au tournant du XXe siècle. Ces personnes ont prétendu que la charité ne pouvait pas atténuer la pauvreté, et que seuls les travailleurs sociaux professionnels, gérant les subventions publiques, devraient aider les pauvres.
Publications
- 1984, avec John Fund, "An Education in Empire Building", Reason Magazine, May
- 1986, "Reagan's Smutstompers", Reason Magazine, avril, pp26-33
- 1988, "Among the Intellectualoids. Nixon at the Kennedy Center", The American Spectator, June, pp37-39
- 1990, "Magazines: Protection Racket", Reason Magazine, November
- 1993, "Angry Classrooms, Vacant Minds: What's Happened To Our High Schools?", Pacific Research Institute
- 1998, "The Great Philanthropists and the Problem of “Donor Intent", Washington, D.C.: Capital Research Center
- 2001, commentaire du livre de Benjamin I. Page et James R. Simmons, "What Government Can Do: Dealing With Poverty and Inequality", The Freeman, octobre, Vol 51
- 2002, "By Their Bootstraps: The Lives of Twelve Gilded Age Social", The Manhattan Institute edition
- 2003, Commentaire du livre de Mark Dowie, "American Foundations", The Freeman, Janvier, Vol 53, n°1
- 2004, commentaire du livre de Diane Ravitch, "The Language Police: How Pressure Groups Restrict What Students Learn", The Freeman, juillet/août, Vol 54, n°6
- 2005, commentaire du livre de Martin Wolf, "Why Globalization Works", The Freeman, juillet/août, Vol 55, n°8
- 2007, commentaire du livre de Joseph C. Goulden, "The Money Lawyers: The No-Holds-Barred World of Today's Richest and Most Powerful Lawyers", The Freeman, avril, vol 57, n°4
- 2009, commentaire du livre de Ronald Hamowy, dir., "The Encyclopedia of Libertarianism", The Freeman, July/August, Vol 59, n°6
- 2010, commentaire du livre de Colin Robinson, "Arthur Seldon: A Life for Liberty", The Freeman, October, vol 60, n°8, pp42-43
- 2012, Commentaire du livre de Nicholas Phillipson, "Adam Smith: An Enlightened Life", The Freeman, March, vol 62, n°2, pp42-43 [lire en ligne]