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American Spectator
L'American Spectator est une publication conservatrice emblématique qui a émergé dans le paysage journalistique américain dans les années 1960. Fondé à l'origine sur le campus de l'Université de l'Indiana, il est rapidement devenu une voix nationale influente, défendant un point de vue conservateur à travers une approche iconoclaste et une critique souvent satirique des mouvements socio-démocrates. Dirigé par R. Emmett Tyrrell Jr., le magazine a été salué pour son rôle dans la formation du débat politique aux États-Unis, bien que son parcours ait été marqué par des défis financiers et des changements de direction. Aujourd'hui, bien que réduit en taille, l'American Spectator continue d'avoir un impact dans les cercles conservateurs et reste un pilier de la presse politique aux États-Unis.
L'American Spectator : Ses Origines et Ses Premières Années
- . Origines à l'Université de l'Indiana. Au cœur des tumultes du mouvement étudiant de gauche à la fin des années 1960, naissait une voix dissidente, l'American Spectator. Fondé initialement sur le campus de l'Université de l'Indiana, ce magazine représentait une réaction à la montée du progressisme radical. En 1967, R. Emmett Tyrrell Jr., accompagné de John "Barron" Von Kannon et Ronald Burr, donnait naissance au journal sous le nom de "The Alternative: An American Spectator". Les premiers pas du périodique se firent dans un cadre modeste, dans le chalet estival d'un ami, surnommé "The Establishment", où les fondateurs conçurent et imprimèrent leurs premiers numéros avant de déménager dans des locaux à Bloomington.
- . Transition vers une Diffusion Nationale. Le succès fulgurant du magazine ne tarda pas à attirer l'attention des ténors conservateurs tels que William F. Buckley Jr. La renommée du journal se propagea au-delà du campus universitaire, atteignant une audience nationale. Ce changement d'échelle se matérialisa par un changement de nom, marquant ainsi la transition vers l'"American Spectator". Les bureaux du magazine finirent par s'installer à Washington, D.C., faisant du Spectator un acteur incontournable au cœur de la politique américaine.
- . Figures Influentes. Au centre de cette ascension se tenait R. Emmett Tyrrell Jr., l'homme derrière le concept et l'âme du Spectator. Originaire de Chicago et étudiant en histoire à l'Université de l'Indiana au moment du lancement du magazine, Tyrrell joua un rôle prépondérant dans son développement. Sous sa direction éclairée, le Spectator devint une tribune majeure du conservatisme américain. Inspiré par des penseurs tels que H. L. Mencken, Emmett Tyrrell adopta une approche iconoclaste et satirique pour défendre les idéaux conservateurs.
Cadre Idéologique
- . Influence de H. L. Mencken. L'American Spectator puise ses racines intellectuelles dans l'héritage de H. L. Mencken, un écrivain et commentateur politique acerbe du début du 20e siècle. Mencken, connu pour son esprit critique et sa satire mordante, a façonné la mentalité du Spectator et de son fondateur, R. Emmett Tyrrell Jr. Comme lui, le Spectator adopte une approche iconoclaste envers les institutions et les mouvements politiques dominants, préférant la raillerie à la révérence.
- . Esprit libéral et Opposition à la Nouvelle Gauche. Le Spectator défend les principes de la liberté individuelle et de la limitation du pouvoir gouvernemental. Cependant, cette position est nuancée par une méfiance envers ce que le magazine considère comme les excès de la Nouvelle Gauche. Contrairement aux mouvements progressistes des années 1960 et 1970, le Spectator rejette les concessions faites à la culture de la Nouvelle Ère, y compris les expérimentations avec les drogues et la sexualité libérée.
- . Tendances Populistes. Le Spectator affiche des tendances populistes, se positionnant comme un défenseur des valeurs et des préoccupations de la "Main Street" américaine par opposition à l'intellectualisme et aux élites. Tout en défendant les libertés constitutionnelles de base, le magazine reste sceptique à l'égard de la social démocratie en critiquant ses programmes réformistes et ses aspirations idéalistes. Cette attitude incarne une volonté de maintenir un équilibre entre les valeurs traditionnelles et les avancées sociales, tout en défendant une vision de l'Amérique fondée sur le bon sens et la prudence.
Contenu et Style
- . Approche Iconoclaste et Utilisation de l'humour de l'absurde. L'American Spectator se distingue par son approche iconoclaste, brisant les tabous et défiant les conventions établies. Fidèle à l'influence de H. L. Mencken, le magazine utilise le ridicule et la satire comme armes principales contre ses adversaires idéologiques. Plutôt que de se limiter à des critiques sérieuses et pesantes, le Spectator préfère tourner en dérision les idées qu'il juge absurdes ou nuisibles. Cette méthode, à la fois divertissante et subtile, permet au magazine de capter l'attention de ses lecteurs tout en déstabilisant ses cibles.
- . Critique des Mouvements et des Causes social-démocrates. Le féminisme, l'environnementalisme, le pacifisme, le végétarisme, et d'autres initiatives progressistes sont régulièrement la cible de ses attaques. Le magazine s'emploie à dénoncer ce qu'il perçoit comme les excès et les contradictions de ces mouvements, utilisant souvent l'humour pour exposer leurs points faibles. En qualifiant ces causes de nouvelles formes de puritanisme, le Spectator cherche à démontrer qu'elles sont contraires aux valeurs de liberté individuelle et de bon sens prônées par la droite conservatrice.
- . Deux Rubriques pleines d'humour. Deux rubriques emblématiques illustrent parfaitement le style et le contenu du Spectator :
- . "The Continuing Crisis". Cette rubrique ouvre chaque numéro en présentant une série d'anecdotes et de faits divers absurdes ou scandaleux provenant des quatre coins des États-Unis. À l'instar de la section "Americana" de Mencken dans l'American Mercury, "The Continuing Crisis" met en lumière les folies et les absurdités de la vie américaine contemporaine, souvent pour critiquer les politiques progressistes et les dérives culturelles.
- . "Current Wisdom". À l'arrière du magazine, cette section cite des extraits de publications social-démocrates telles que Ms., The Progressive, et Vegetarian Times. En présentant ces citations hors contexte ou en les assortissant de commentaires ironiques, le Spectator cherche à rendre leurs idées ridicules aux yeux de ses lecteurs. Cette technique permet au magazine de tourner en dérision les discours progressistes et de renforcer son argumentaire conservateur.
En combinant ces éléments de contenu et de style, l'American Spectator parvient à offrir une critique mordante et divertissante envers la gauche américaine, tout en consolidant son identité unique dans le paysage médiatique de la droite conservatrice.
Succès durant L'Ère Clinton
- . Augmentation de la Lecture pendant l'Ère Clinton. La présidence des États-Unis par Bill Clinton a marqué une période de croissance significative pour l'American Spectator. Pendant les années 1990, sous la présidence de Bill Clinton, le magazine a vu son lectorat augmenter de manière exponentielle. Cette croissance était en grande partie due à l'engagement actif du Spectator dans la couverture et l'analyse des controverses entourant l'administration Clinton. Le public conservateur, en quête de sources médiatiques alignées avec leurs vues critiques sur le président, a trouvé dans le Spectator une voix combative et intransigeante.
- . Exploitation des Scandales. L'American Spectator a excellé dans l'exploitation des scandales et controverses liés à Bill Clinton, utilisant ces événements pour attirer l'attention et accroître son influence. Le magazine a souvent été à la pointe des enquêtes sur les allégations de malversations et de comportements inappropriés du président. Des affaires comme le scandale de Whitewater, les accusations de harcèlement sexuel par Paula Jones et, surtout, l'affaire Monica Lewinsky, ont été minutieusement couvertes et analysées par le Spectator. Ces enquêtes ont non seulement renforcé la crédibilité du magazine en tant que source de journalisme d'investigation, mais ont également fourni une manne de contenu qui a captivé et mobilisé ses lecteurs.
- . Défis Financiers dus à l'Augmentation des Coûts et à l'attrition du lectorat. Malgré cette popularité accrue, l'American Spectator a fait face à des défis financiers considérables durant cette période. L'augmentation des coûts, en grande partie attribuable aux salaires croissants et aux dépenses liées aux enquêtes approfondies sur Clinton, a mis à rude épreuve les ressources financières du magazine. En outre, des défections notables, telles que celle de David Brock, ont également eu un impact négatif. Brock, qui avait écrit des articles retentissants sur des sujets comme Anita Hill avant de se tourner vers la gauche, a non seulement quitté le Spectator, mais a également critiqué et renié ses travaux précédents, ce qui a porté un coup dur à la réputation du magazine.
L'obsession presque compulsive du Spectator pour les scandales de l'administration Clinton a, en fin de compte, contribué à une situation financière précaire. À la fin des années 1990, malgré une augmentation initiale de la circulation et de l'influence, le magazine s'est retrouvé en difficulté financière sérieuse, perdant une grande partie de son lectorat et accumulant des dettes importantes.
Tentative de Transformation sous George Gilder
- . Acquisition par George Gilder. En 2000, l'American Spectator faisait face à de graves difficultés financières après une décennie marquée par des dépenses élevées et une obsession coûteuse pour les scandales de l'ère Clinton. C'est dans ce contexte critique que l'investisseur et auteur conservateur George Gilder est intervenu. Gilder, connu pour ses idées novatrices sur l'économie et la technologie, a vu une opportunité de sauver le magazine en l'acquérant et en l'intégrant à son empire médiatique. Il espérait non seulement redresser la situation financière du Spectator mais aussi le repositionner dans un contexte de marché en rapide évolution.
- . Réorientation vers les Nouvelles Technologies et les Actualités Économiques. Sous la direction de Gilder, le Spectator a tenté une transformation radicale de son contenu. L'objectif était de réorienter le magazine pour qu'il se concentre davantage sur les technologies émergentes et les nouvelles économiques, secteurs où Gilder avait une expertise considérable. Cette stratégie visait à attirer un public plus large et plus diversifié, notamment des lecteurs intéressés par les innovations technologiques et les tendances économiques. Le changement de cap s'accompagnait d'une refonte éditoriale, avec des articles détaillés sur les avancées technologiques, les startups, et les évolutions du marché économique mondial.
- . Échec de la Transformation. Malgré les efforts et les intentions louables de Gilder, la transformation du Spectator n'a pas réussi à atteindre ses objectifs. Plusieurs facteurs ont contribué à cet échec :
- 1. Perte d'Identité. En se détournant de ses racines conservatrices et de son style iconoclaste, le magazine a perdu une partie importante de son lectorat traditionnel. Les lecteurs fidèles, habitués à une critique acerbe des mouvements social-démocrates et à une satire politique mordante, ont été déconcertés par la nouvelle orientation du contenu.
- 2. Manque d'Expertise. Bien que Gilder ait une forte connaissance des technologies et des affaires, l'équipe éditoriale du Spectator n'avait pas nécessairement les compétences ni l'expérience pour couvrir efficacement ces nouveaux sujets. La transition s'est avérée plus difficile que prévu, et le contenu n'a pas réussi à captiver autant que les articles précédents sur la politique et la culture.
- 3. Concurrence Intense. Le marché des publications technologiques et économiques était déjà saturé par des acteurs établis et compétents. Le Spectator, entrant tardivement dans ce domaine, a eu du mal à se démarquer et à attirer un nouveau lectorat face à des concurrents bien ancrés.
- 4. Problèmes Financiers Persistants. Les défis financiers hérités de l'ère précédente ont continué à peser lourdement. Les coûts de transformation, combinés à une baisse continue des abonnements, ont aggravé la situation économique du magazine.
En 2003, reconnaissant l'échec de sa tentative de transformation, George Gilder a vendu le Spectator. Alfred S. Regnery, un autre éditeur conservateur, a repris le magazine en 2004, marquant ainsi la fin de l'intermède de Gilder et le retour à une direction plus traditionnelle sous R. Emmett Tyrrell Jr.
Retour de R. Emmett Tyrrell Jr. et Acquisition par Alfred S. Regnery
- . Retour de Tyrrell après la Période Gilder
Après la tentative infructueuse de transformation menée par George Gilder, R. Emmett Tyrrell Jr., fondateur emblématique de l'American Spectator, est revenu pour reprendre les rênes du magazine. Ce retour, marqué par une volonté de restaurer l'identité originale du Spectator, a été accueilli favorablement par de nombreux lecteurs fidèles qui avaient été déconcertés par les changements précédents. Tyrrell, avec sa vision claire et son style satirique caractéristique, s'est employé à recentrer le magazine sur ses valeurs conservatrices fondamentales et son ton iconoclaste.
Sous la direction renouvelée de Tyrrell, l'American Spectator a cherché à retrouver son influence dans le paysage médiatique conservateur en revenant aux principes éditoriaux qui avaient fait son succès. Les articles ont de nouveau commencé à se concentrer sur la critique acerbe des mouvements libéraux, tout en utilisant l'humour et la satire pour exposer les contradictions et les excès de la gauche.
- . Acquisition par Alfred S. Regnery en 2004
En 2004, l'American Spectator a été acquis par Alfred S. Regnery, un éditeur et homme d'affaires conservateur bien connu. Cette acquisition a marqué un tournant décisif pour le magazine, offrant une stabilité financière et une vision claire pour son avenir. Regnery, fort de son expérience dans l'édition de livres et de revues conservatrices, a apporté une nouvelle énergie et des ressources nécessaires pour revitaliser le Spectator.
Sous la direction de Regnery, le magazine a bénéficié de nouvelles stratégies de marketing et de distribution, ainsi que d'une réévaluation de son contenu éditorial pour s'assurer qu'il résonnait avec les préoccupations contemporaines des lecteurs conservateurs. L'accent a été mis sur la production de contenu de haute qualité qui pouvait rivaliser avec d'autres publications conservatrices et attirer un public large et engagé.
Bibliographie
- 1999, J. David Hoeveler Jr., "The American Spectator", In: Ronald Lora, William Longton, dir., "The Conservative Press in Twentieth Century America", Westport, Conn.: Greenwood
- 2001, Byron York, "The Life and Death of The American Spectator", Atlantic Monthly, November, pp91–105
- 2006, J. David Hoeveler Jr., "American Spectator", In: Bruce Frohen, Jeremy Beer, Jeffrey O. Nelson, dir., "American conservatism: an encyclopedia", Wilmington, Del.: ISI Books, pp33-35