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János Kornai
János Kornai | |||||
économiste | |||||
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Dates | 21 janvier 1928 - | ||||
Tendance | |||||
Nationalité | Hongrie | ||||
Articles internes | Autres articles sur János Kornai | ||||
Citation | « La planification socialiste, pour modernes que soient les techniques utilisées, ne pourra jamais justifier les espoirs que les socialistes mettent en elle » | ||||
Interwikis sur János Kornai | |||||
János Kornai (Budapest, 21 janvier 1928) est un économiste hongrois, connu pour sa critique de l'économie planifiée et pour sa présentation de l'économie socialiste comme « économie de la pénurie ».
Biographie
Il commence à étudier à l'université Karl Marx de Budapest et se tourne vers l'économie à la lecture du Capital de Karl Marx. Il change rapidement de convictions et, travaillant au journal du PC hongrois Szabad Nép, il est renvoyé pour manque de convictions idéologiques en 1955. Il rejoint l'Institut d'économie de l'Académie des sciences.
Commencent alors des travaux importants sur le fonctionnement de l'économie hongroise, une rupture avec le parti communiste hongrois et le marxisme ainsi qu'une découverte des auteurs économiques occidentaux. En 1959, il est renvoyé de l'Institut d'économie pour ses positions critiques envers la politique économique[1], exprimées en particulier en 1957 dans Overcentralization of Economic Administration, sa thèse de doctorat, traduite dès 1959 en anglais. Il y soulignait entre autres que, dans un système planifié, les acteurs étaient guidés non par la volonté d'amélioration de l'efficacité économique mais par la recherche de primes ou d'honneurs politiques. Les mécanismes du marché ne peuvent fonctionner et la production ne répond que très imparfaitement aux besoins de la société. Elle rencontra un certain succès à l'époque dans le monde occidental, étant par exemple citée par Michael Polanyi dans son intervention aux Colloques de Rheinfelden en 1960 sur La Théorie de la production ostentatoire[2].
À partir de 1963, il bénéficie de la baisse de la répression et obtient enfin un passeport pour donner des conférences dans le monde, même si la police secrète continue à le faire suivre[1]. En 1967, il est réintégré à l'Institut d'économie grâce aux mesures d'amnistie.
En 1984, il quitte la Hongrie et accepte un poste à l'Université Harvard, au département d'économie. Il a quitté ce poste en 2002. Il s'occupe actuellement du programme Honesty and Trust in the Light of Post-Socialist Transition au Collegium Budapest.
Il a reçu de nombreuses récompenses internationales, dont la Légion d'honneur en France.
Travaux
Dans les années 1950, il commence des travaux importants sur le fonctionnement de l'économie hongroise. Il critique en particulier la planification centrale. Il écrira en 2007 que « la planification socialiste [est] une cuisine dont les chefs ne [permettent] pas à des gens de l'extérieur de voir leurs recettes. Ils ne tolèreraient pas la publicité et la transparence. Le modèle mathématique leur aurait imposé une discipline, en leur faisant additionner ce qu'il fallait additionner et soustraire ce qu'il fallait soustraire. Il n'en était pas question »[3].
Il développe dans les années 1960 une alternative au système de planification centrale avec la Theory of two-level planning. Il propose avec Tamás Lipták un système de planification plus souple, combiné de multiples planification aux échelons inférieurs.
Dans son ouvrage de 1980, Economics of Shortage, il explique les pénuries rencontrées par les économies d'Europe de l'Est sont la conséquence obligatoire du système économique planifié et non le résultat d'erreurs temporaires. Le livre a été traduit en 18 langues et vendu à plus de 100.000 exemplaires en Chine[4].
En 1988, il publie The Socialist System, The Political Economy of Communism. Il y explique qu'une économie planifiée conduit à la prédominance de la bureaucratie et à des prix fixés autoritairement par l'administration, dont la conséquence est une économie de pénurie. Les tentatives de dépasser ce problème du calcul économique du socialisme sont vouées à l'échec d'après Kornai.
Dans ses derniers travaux (The Road to a Free Economy (1990), Highway and Byways (1995), Struggle and Hope (1997) et Welfare, Choice and Solidarity in Transition (2001)), il traite de la question de la reconversion des économies en transition d'Europe de l'Est. Dans The Road to a Free Economy, il se place dans la filiation de Hayek, qui abordait la route inverse, qui mène à la servitude[5].
Kornai rappelle que le gouvernement socialiste autorisait le travail au noir et les petites entreprises privées ; les entreprises publiques, par exemple, fabriquaient des bouteilles de bière qui ne s’ouvraient pas, permettant à des entrepreneurs privés de prospérer dans la fabrication de décapsuleurs. Pour lui, il n’y a pas de troisième voie (qui serait par exemple un « socialisme de marché ») : si l’on quitte le socialisme, on le quitte pour de bon pour entrer dans le capitalisme. Kornai a théorisé le socialisme comme système. Dans un système clos, aucun élément ne peut être modifié ou soustrait sans que le système entier s’effondre.
Si le socialisme n’innova jamais, c’est parce qu’il n’existait, dans le système, aucune incitation à innover. Tout, dans l’économie socialiste, était copié sur le capitalisme, ou dérobé. L’État faisait semblant de vous payer, et les travailleurs faisaient semblant de travailler. Du reste, comme le dit Friedrich Hayek, un État central qui entend fixer les prix supposerait une connaissance parfaite des désirs et des comportements de tous les individus à un moment donné, et devrait anticiper sur leurs comportements et désirs à venir. Ce qui est impossible. Le système socialiste, ajoute Kornai, remplissait les fonctions végétatives de l’économie ; la répression était un élément essentiel. Ce n’étaient pas Staline ou Mao qui pervertissaient le bon système communiste ; au contraire, la tyrannie y était intrinsèque, car sans une discipline militaire, une économie socialiste ne peut fonctionner.
Dans les années 1980, l’esprit de réforme s’empara des dirigeants socialistes. De nombreux théoriciens avaient préconisé d’introduire dans le système socialiste les mécanismes du marché, sans renoncer à la propriété publique. Ce qui supposait, dit Kornai, que l’économie soit une galerie marchande où l’on pourrait sélectionner les produits les plus avantageux. Mais l’économie n’est pas un supermarché.
Mikhaïl Gorbatchev a ainsi commis deux erreurs irréparables. La première fut de libérer l’information et les prisonniers. La seconde, de croire que le marché et la propriété publique étaient compatibles. Or, la propriété publique interdit de fait la destruction créatrice, dont Joseph Schumpeter a pourtant démontré qu’elle est le moteur de l’efficacité capitaliste.
On observe de nos jours que le concept de « socialisme de marché » n’a pas totalement disparu. Il s’est réfugié dans des niches : la santé et l’éducation. Les conséquences de cette tentative de concilier l’inconciliable, c’est évidemment que la santé et l’éducation ressemblent à l’ancien système socialiste : une productivité médiocre, la pénurie, la queue et les passe-droits.
Annexes
Citations
- « La planification socialiste, pour modernes que soient les techniques utilisées, ne pourra jamais justifier les espoirs que les socialistes mettent en elle »[6].
Œuvres
- 1957, Overcentralization of Economic Administration,
- 1967, Mathematical Planning of Structural Decisions
- 1971, Anti-Equilibrium. On economic systems theory and the tasks of research, Amsterdam: North-Holland
- 1972, Rush versus Harmonic Growth
- 1980, Economics of Shortage, Economics of Shortage. Amsterdam: North-Holland
- 1982, Growth, Shortage and Efficiency, Oxford : Basil¬Blackwell
- 1986,
- a. The Soft Budget Constraint, Kyklos 39 (1): 3-30
- b. Contradictions and Dilemmas: Studies on the Socialist Economy and Society, Cambridge: MIT Press
- c. Socialisme et économie de la pénurie, Paris, Economica
- 1988, The Socialist System, The Political Economy of Communism,
- 1990, The Road to a Free Economy. Shifting from a Socialist System: The Example of Hungary, New York: W. W. Norton and Budapest: HVG Kiadó
- Traduction française, Du socialisme au capitalisme, l'exemple de la Hongrie, Gallimard, ISBN 2070721191
- 1991, "The Affinity Between Ownership Forms and Contradiction Mechanisms : The Common Experience on Reform in Socialist Countries", Journal of Economic Perspectives, 4(3), pp131-147
- 1992, The Socialist System. The Political Economy of Communism, Princeton, Princeton University Press and Oxford: Oxford University Press
- 1993, "Anti-depression cure for ailing postcommunist economies" [Interview], Transition, , vol 4, n°1, February
- 1994, Tranformational recession. The Main Causes, Journal of Comparative Economics, 19 (1), pp39-63
- 2000,
- a. What the Change of System from Socialism to Capitalism Does and Does Not Mean, Journal of Economic Perspectives, vol. 14. No. 1, pp27-42
- b. The System Paradigm, In: Paradigms of Social Change: Modernization, Development, Transformation, Evolution, Waltraud Schekle, Wolf-Hagen Krauth, Martin Kohli et Georg Elwert, dir., Frankfurt/New York: Campurs Verlag. New York: St. Martin’s, pp111-133
- c. "Ten years after ’The Road to a Free Economy’: The Author’s Self Evaluation", In: B. Pleskovic et N. Stern, dir., "Annual World Bank Conference on Development Economics", Washington, DC: World Bank, pp49–66
- 2001, Welfare, Choice and Solidarity in Transition
- 2003, avec E. Maskin, G. Roland, "Understanding the soft budget constraint", Journal of Economic Literature, 41(4), pp1095–1136
- 2004,
- a. "What Can Countries Embarking on Post-Socialist Transformation Learn from the Experiences so Far?", Cuban Transition Project. Miami: Institute for Cuban and Cuban-American Studies
- b. avec Susan Rose-Ackerman, Bo Rothstein, "Creating Social Trust in Post-Socialist Transition", New York: Palgrave Macmillan
- 2006, "The Great Transformation of Central Eastern Europe", Economics of Transition, vol 14, n°2, April, pp207–244
- 2007, By Force of Thought
- 2008, avec László Mátyás, Gérard Roland, "Institutional Change and Economic Behaviour", Basingstoke, UK: Palgrave Macmillan
Notes et références
- ↑ 1,0 et 1,1 (fr)François Fejtő, Les mémoires politiques et intellectuels d'un grand économiste hongrois, Sociétal, Q1 2008, pp.110 et suivantes
- ↑ Michael Polanyi, La Théorie de la production ostentatoire, [lire en ligne]
- ↑ János Kornai, By Force of Thought, p.135
- ↑ (en)Biographie sur le site du Collegium Budapest
- ↑ Du socialisme au capitalisme, p.17
- ↑ János Kornai, By Force of Thought, p.156
Littérature secondaire
- 2021, Peter J. Boettke, Rosolino Candela, "János Kornai, the Austrians, and the Political and Economic Analysis of Socialism", Public Choice, Vol 187, n°1-2, pp85–97
Voir aussi
Liens externes
- (en)Biographie sur le site d'Harvard
- (en) [pdf]Biographie détaillée
- (en)The Economic calculation problem
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