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Improvisation organisationnelle

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La théorie de l'improvisation organisationnelle est très proche de celle de l'effectuation, de l'intuition et de la théorie du bricolage lorsque les entreprises sont situées dans des environnements turbulents. L'improvisation est surtout connue dans le domaine artistique : musique jazz, théâtre, danse, sculpture, cinéma. L'épisode du sauvetage de la mission "Apollo 13" nous rappelle aussi de l'utilité de l'improvisation dans l'ingénierie.

Une prise en compte récente de l'improvisation organisationnelle

Jusqu'à très peu de temps, les spécialistes de l'organisation et de la gestion se sont surtout concentrés sur la pensée abstraite, ignorant presque totalement l'intelligence pratique impliquée dans des activités telles que les processus internes propices au bon fonctionnement de l'entreprise. Au lieu de se préoccuper des alternatives entre la formalisation ou la flexibilité des contrats (commerciaux, travail, sous-traitance, etc.), le courant de l’improvisation organisationnelle propose une autre approche qui consiste à atténuer les tensions conflictuelles entre un dispositif hiérarchique de contrôle et la souplesse idiosyncratique nécessaire à l’adaptation de l’imprévu.

L'improvisation est un processus mental local, contextuel et soudain qui ne peut être pensé a priori en dehors de la situation spécifique où elle apparaît. Elle correspond à une action orientée vers la découverte, destinée à explorer des opportunités inattendues ou à neutraliser des menaces imprévues. L’improvisation est ainsi une forme d'actions conjointe de la production cognitive (résolution de problèmes, apprentissage implicite[1]) en temps réel. Par exemple, elle cherche à structurer un projet, tout en gardant la possibilité d’expérimenter et d’agir face à une surprise ou à une opportunité.

L’improvisation et le bricolage sont fortement imbriqués dans la prise de décision comme dans les pratiques d’innovation. Car, dans les deux cas, l'entrepreneur laisse émerger le spontané dans le pré-organisé et le planifié ou sort des sentiers battus de la routine et de l’automatique.

Lorsqu'il faut réparer une machine défectueuse, par exemple, l'entrepreneur regarde le matériel à sa disposition et il improvise une solution. Lorsqu'il faut résoudre un problème en temps réel, l'entrepreneur n'a pas de temps pour rechercher les ressources optimales. S'il avait le temps de planifier, alors il ou elle pourrait anticiper quelles sont les meilleures ressources et comment elles peuvent être acquises et utilisées.

La cognition entrepreneuriale favorise l'improvisation

L'entrepreneur improvisateur relie le passé et l'avenir grâce à une prise de conscience de quoi, quand, pourquoi et comment les ressources furent déjà utilisées auparavant. En d'autres termes il utilise une partie de sa cognition entrepreneuriale, c'est à dire l'expérience. Le terme "expérience" désigne le processus par lequel l'individu développe des compétences qui lui permettent d'agir en fonction de son vécu plutôt que sur un savoir formalisé d'une connaissance explicite. C'est pourquoi les personnes qui ont de l'expérience sont plus impliquées dans l'improvisation et le bricolage que les novices.

L’expérience d'un ou de plusieurs individus a un effet sur l'application de la méthode d'improvisation. Plus l'expérience est élevée, plus il y a de la liberté pour un individu de se détacher des systèmes de contrôle et de guidage fixes et strictes. Avec l'expérience, l'improvisation devient plus naturelle. Par exemple, un enseignant lorsqu'il a de l’expérience s’attache moins à la préparation de son cours sur le papier et plus à l'interaction avec ses élèves. D'où l'émergence de questions inattendues qui nécessitent des efforts pédagogiques générés dans l'instant dans la salle de classe. Un entrepreneur doit souvent improviser avec l'urgence de satisfaire un client ou un prospect. Les solutions sont beaucoup plus fluides et rapides lorsque la personne a l'expérience de son métier.

Des ressources simples et flexibles peuvent remplacer les ressources qui étaient désignées précédemment comme appropriées à la situation. Lorsque les gens se sentent assez confiants pour exploiter de manière créative les ressources disponibles, le leadership d'improvisation émerge alors plus facilement que dans les situations où les gens sont préoccupés à se conformer, par obéissance ou par conformisme hiérarchique à utiliser les ressources adéquates ou lorsque le ou les leaders désignés sont contraints psychologiquement à la gestion des impressions de leur compétence qu'il diffuse auprès d'autrui[2].

Notes et références

  1. L'apprentissage implicite diffère de l'apprentissage explicite par l'absence de connaissances consciemment accessibles. Des exemples de la vie quotidienne, comme apprendre à faire du vélo ou à nager, sont des démonstrations de la nature de l'apprentissage implicite et de son mécanisme. Dans la recherche sur l'amnésie, les facultés d'apprentissage implicite sont généralement laissées intactes mais l'apprentissage explicite est plus souvent entravé. Cela s'explique par le fait que les régions du cerveau impliquées dans la mémoire de travail et de l'attention sont souvent plus actives durant l'apprentissage explicite que pendant l'apprentissage implicite.
    • 1993, D. C. Berry, Z. Dienes, "Implicit learning. Theoretical and empirical issues", Hove, East Sussex: Erlbaum
  2. Supposons que dans une réunion d'une équipe de développement de logiciels informatiques, la messagerie interne ne fonctionne plus. Un membre ayant une faible connaissance de l'informatique peut résoudre ce problème de communication par Internet en écrivant des messages sur un bout de papier et l'affiche devant une caméra web. Il effectue spontanément une tâche allouée au leader, mais dont le processus a été laissé ouvert, et donc libre à l'improvisation d'un membre du groupe.

Bibliographie

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    • A. S. Miner, C. Moorman, "Organizational Improvisation and Organizational Memory", Academy of Management Review, Vol 23, pp698-723
    • Karl Weick, "Introductory Essay : Improvisation as a Mindset for Organizational Analysis", Organization Science, vol 9, n°5, pp543-555
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  • 2002, K. N. Kamoche, Miguel Pina e Cunha, J. V. Da Cunha, dir., "Organizational improvisation", London: Routledge
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    • Miguel Pina e Cunha, R. C. Cunha, K. Kamoche, "Organisational Improvisation and Leadership. A Field Study in Two Computer-Mediated Settings", Studies of Management and Organisation, Vol 33, n°1, pp34-57
    • Miguel Pina E. Cunha, J Vieira Da Cunha, "Organizational improvisation and change: two syntheses and a filled gap", Journal of Organizational Change Management, 16 (2), pp169-185
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  • 2009, R. Archer, Ted Baker, "Towards an alternative theory of entrepreneurial success : integrating bricolage, effectuation and improvisation", Frontiers of Entrepreneurship Research, Vol 29, n°6