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Bourse du travail

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Une bourse du travail était initialement un lieu où se rencontraient offreurs et demandeurs de travail, employeurs et ouvriers en recherche d'emploi. C'était ainsi que les concevait l'économiste Gustave de Molinari. Il s'agissait donc d'une proposition tout à fait libérale, visant à faciliter la rencontre entre employeurs et salariés, pour le bien de tous. Devant la difficulté à les mettre en place concrètement, il se rabattit sur une proposition plus modeste[1] :

« Nous proposons à tous les corps d'État de la Ville de Paris de publier gratuitement chaque semaine le bulletin des engagements d'ouvriers avec l'indication du taux des salaires et de l'état de l'offre et de la demande, chaque métier ayant sa publication à jour fixe... Nous inviterons nos confrères des départements à publier le Bulletin du travail de leurs localités respectives... Chaque semaine, nous rassemblerons tous ces bulletins et nous en composerons un bulletin général. Chaque semaine, tous les travailleurs de France pourront avoir de la sorte sous les yeux le tableau de la situation du travail dans les différentes parties du pays... »

La municipalité parisienne fit sien le projet en 1875 et un premier local fut ouvert en 1887. La Bourse actuelle ne fut inaugurée qu'en 1892. Au projet libéral d'un bureau de placement géré par les syndicats, fut cependant ajoutée une fonction qui allait bientôt prendre le dessus : une maison des syndicats. Le bureau de placement rencontra un franc succès, assurant le placement de plusieurs milliers d'ouvriers. Néanmoins, l'agitation nourrie par les syndicats révolutionnaires découragea rapidement les employeurs de s'y rendre et les ouvriers d'aller y chercher du travail.

Dès lors, d'un bureau de placement au service des ouvriers, les bourses du travail sont devenues des lieux où sont réunis les différents syndicats de salariés ; ce lieu permet à ceux-ci de posséder des locaux pour exercer leurs activités et permet aux différents syndicats d'être proches, ce qui facilite les actions communes via par exemple des intersyndicales.

Dans La Pensée libérale et les questions sociales, l'historien Claude Harmel note également que la condition posée par la mairie de Paris pour accueillir les syndicats était qu'ils fassent du placement gratuit. Il allait en sortir l'évolution d'un syndicalisme au service de ses adhérents et représentatif vers un syndicalisme idéologique.

Précisions sur la position de Gustave de Molinari

Gustave de Molinari a étudié longuement la question des bourses du travail. Il considère qu'il est nécessaire que les ouvriers aient les moyens d’agir sur le marché du travail par ce biais. Molinari s'interroge ainsi sur le rapport qui existe entre un ouvrier et son travail. Qu'est-ce qu'un ouvrier sinon un individu qui se trouve en état d'offrir une prestation qui possède une certaine valeur, un bien économique, « un marchand de travail » ? Dépassant l'analyse marxiste qui s'en tenait aux rapports qui existent entre l'employeur et l'employé, et à l'exploitation de la valeur-travail, Molinari transpose le problème de la prestation offerte sur le plan plus large du marché. L'ouvrier reste le premier intéressé à connaître les débouchés potentiels du travail qu'il offre, sa valeur sur le marché économique. Il lui est indispensable de connaître ces données, sous peine de rester dépendant d'un employeur qui hésitera certainement à les lui communiquer. Il convient donc qu'existe une véritable transparence de l'offre et de la demande de travail, une véritable publicité qui permette un jeu de la loi de l'offre et de la demande

Voilà comment Yves Guyot résume la position de Molinari dans le Journal des économistes[2] :

« Les taux de travail sont très différents d'une place à l'autre. Pourquoi les ouvriers ne feraient-ils pas des arbitrages comme en font les marchands de blé ou les possesseurs de valeurs mobilières ?
1° Sous un régime de pleine liberté et de développement normal du marchandage, le prix courant de toute espèce de travail tendrait toujours, dans chaque localité, à se niveler avec celui du marché général ;
2° Le prix courant du travail sur le marché général tendrait, à son tour, à se mettre au niveau de son prix naturel, c'est-à-dire de ses frais de production augmentés d'une part proportionnelle de produit net, déduction faite de la rémunération des intermédiaires.
Le 20 juillet 1846, M. de Molinari fit un appel aux ouvriers dans le Courrier français, dirigé par Victor Durrieu. Il proposait de publier régulièrement des bulletins du travail. Immédiatement se dressa contre cette proposition l'esprit de monopole qui hante toujours les ouvriers. La réunion des tailleurs de pierre de Paris repoussa cette proposition comme étant de nature à attirer des concurrents sur le marché parisien. Sous la révolution de 1848, l'idée de M. G. de Molinari ne fut pas mieux accueillie. Mais il ne se rebuta pas. En 1857, il fonda à Bruxelles un journal intitulé la Bourse du travail, dont son frère, Eugène de Molinari, était rédacteur en chef. Il rencontra la double hostilité des ouvriers et des industriels et dut cesser sa publication au bout de quelques mois. M. de Molinari est le créateur du mot : mais les bourses du travail qui ont été fondées à Paris et en France montrent les déformations potentielles d'une idée juste. Les syndicats installés dans les bourses du travail en ont exclu les acheteurs de travail : singulière manière, à coup sûr, d'en relever le prix. Ils en ont créé des foyers de guerre sociale aux frais des contribuables assez naïfs et faibles pour préparer eux-mêmes, contre eux-mêmes, la guerre sociale qu'ils redoutent. »

Informations complémentaires

Notes et références

  1. Repris par Claude Harmel in La pensée libérale et les questions sociales, [lire en ligne]
  2. Yves Guyot, « M. G. de Molinari » in Journal des économistes, tome XXXIII, février 1912

Bibliographie

  • 1997, Claude Harmel, La pensée libérale et les questions sociales in Aux sources du modèle libéral français, Perrin, [lire en ligne]
  • 1998, Philippe Manière, L'aveuglement français, le libéralisme contre la régression sociale, chap.2 : Une pensée sociale, p.130 et suivantes

Voir aussi

Liens externes


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