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État-nounou

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Par État-nounou (Nanny state en anglais) on désigne la tendance des États modernes et des politiciens à considérer les citoyens comme des enfants dont il faudrait prendre soin de façon maternelle. Cela se manifeste par des interventions toujours plus poussées dans la vie des individus, toujours « pour leur bien », en restreignant à chaque fois davantage la liberté et la responsabilité individuelle. Martin Masse parle de « gouvernemaman ».

Présentation

Un des domaines les plus visés par ce terme est l'intervention de « l’État précaution » dans le domaine de la santé ou de l'alimentation : « manger, bouger », interdiction de fumer au restaurant, surtaxation des produits gras, culpabilisation, etc. Dans le domaine alimentaire, l'invocation du principe de précaution au nom de risques éventuels non avérés pour interdire tel ou tel produit. Pareillement, le refus de faire confiance au salarié pour utiliser leurs indemnités de repas pour se nourrir résulte en la création d'usines à gaz telles que les tickets restaurants, alors qu'un simple virement avec le salaire remplirait le même usage.

On peut aussi inclure derrière ce terme, surtout en anglais, les politiques visant à « protéger » les entreprises nationales par un protectionnisme déguisé derrière des cache-sexe comme patriotisme économique.

De même de la tendance à vouloir faire voter une loi ou passer une réglementation à chaque évènement qui fait la une de l'actualité : lois sur les chiens dangereux, sur la délinquance juvénile, etc. ; tous ont droit à leur loi, leur « Grenelle ». Cela ne se limite pas à la France et les hommes politiques britanniques ne sont pas en reste ; la recherche perpétuelle d'une société sans risque, autour des principes de Health and Safety (Santé et sécurité) a été brocardée en Elf and Safety (Elfes et sécurité)[1],[2]. En 2023, le gouvernement français est par exemple affairé à faire voter des primes pour le rapiéçage des vêtements.

Cette recherche de la sécurité a tout prix ne se cantonne pas à l'intervention étatique mais induit aussi une autocensure inquiétante. Ofcom, le régulateur indépendant de la télévision britannique, indique dans son Programm Regulation, qu'il est acceptable pour un voleur de voler une voiture à la télévision, à la condition qu'il porte une ceinture de sécurité ![3]

Conséquences néfastes

Searchtool-80%.png Article connexe : constructivisme.

Cette ultra-protection de l'autorité étatique induit de nombreuses conséquences particulièrement néfastes : rationnement[4] des produits et des services, réduction des libertés individuelles, dépossession du contrôle sur nos vies, déresponsabilisation accrue des individus.

Les mots d'Alexis de Tocqueville dans De la démocratie en Amérique restent d'actualité pour décrire la situation actuelle :

Cet État se veut si bienveillant envers ses citoyens qu’il entend se substituer à eux dans l’organisation de leur propre vie. Ira-t-il jusqu’à les empêcher de vivre pour mieux les protéger d’eux-mêmes ?

Et d'ajouter :

Au-dessus [des citoyens] s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, prévoyant, régulier et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l'âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l'unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ?

Mathieu Laine dans La Grande nurserie revient lui aussi longuement sur les conséquences de telles politiques. Il écrit ainsi[5] :

«  Cette spirale interventionniste et sécuritaire brise les énergies individuelles, étouffe la croissance économique et anéantit l’esprit de responsabilité. Faire de la politique revient ainsi à gérer les caprices de citoyens traités depuis trop longtemps comme des enfants. La Grande Nurserie, c’est ce système, le cœur mourant de l’« exception française », le moteur lancé à plein régime de l’infantilisation des citoyens. »

«  L’avenir n’est cependant pas aussi sombre qu’on le dit. Si l’État ne peut pas tout, nous avons tous à gagner de la responsabilisation. Reprenons le contrôle de nos vies, croyons à nouveau en nous-mêmes et brisons les barreaux de la Grande Nurserie : il est encore temps ! »

Citations

  • Changer l’homme en bébé, criant à la Société : – maman ! Tel est l’idéal socialiste ! (Yves Guyot, Les Principes de 1789 et le socialisme, 1894)
  • Il est normal que, dans une société ainsi collectivisée, tout le monde soit insatisfait. Et simultanément, dans la mesure où l’on a persuadé les individus que l’État avait les moyens de satisfaire toutes les revendications, il est normal qu’émergent des crises politiques. Elles ne naissent pas du fait que les citoyens ont le tort de ne pas respecter le pouvoir politique démocratique à cause de leur individualisme extrême, mais du fait qu’un pouvoir politique extrême ne respecte pas les besoins individuels. (Pascal Salin, Le collectivisme à l’extrême provoque la crise, JDD du 10/03/2019)
  • Depuis sept décennies, Européens et Américains du Nord vivent dans un confort certain. On leur a inculqué la notion d'État-nounou, ultime avatar de l'État-providence, qui s'accapare des richesses du peuple. Cette prévarication permanente fait que la population n'est pas préparée aux crises, et ce volontairement, d'où les réactions catastrophistes dès que deux centimètres de neige perturbent en hiver les routes ! (Piero San Giorgio, novembre 2017)
  • Plus la démocratie progresse, plus la société se modernise, plus, et cela semble paradoxal, la puissance publique règlemente notre quotidien en le parsemant de tout un tas d'interdits et d'obligations. Au nom de la morale, au nom de l'éthique, au nom de la santé publique, au nom de la sécurité, etc. Le problème de notre société c'est qu'on légifère sur tout et n'importe quoi. Comme si les Français étaient des enfants ou des irresponsables. L'État paternaliste veille sur nous. Dieu merci ! Sans lui, que de bêtises ne ferions-nous pas... À ce rythme, faudra-t-il interdire le chocolat sous prétexte qu'il donne du cholestérol ? Faudra-t-il obtenir des autorisations de sortie les jours d'épidémie de grippe ? Faudra-t-il mettre en quarantaine les jeunes couverts de boutons ? Faudra-t-il obtenir un permis de circulation pour les piétons ? Faudra-t-il des tickets de rationnement pour s'acheter une bouteille de vin ou une bombe insecticide ? (Bertrand Lemennicier)
  • Chaque détail de la vie privée, de la propriété, du commerce et du contrat est réglementé par des montagnes de plus en plus élevées de législations de papier. Au nom de la sécurité sociale, publique ou nationale, les gardiens démocratiques nous "protègent" du réchauffement et du refroidissement de la planète, de l’extinction des animaux et des plantes, de l’épuisement des ressources naturelles, des maris et des femmes, des parents et des employeurs, de la pauvreté, de la maladie, de l’ignorance, des préjugés, du racisme, du sexisme, de l’homophobie et d’autres "ennemis" et dangers publics innombrables. Pourtant, la seule tâche que le gouvernement était censé assurer — protéger notre vie et nos biens — n’est pas accomplie. Au contraire, plus les dépenses de l’État en matière de sécurité sociale, publique et nationale ont augmenté, plus les droits de propriété privée se sont érodés, plus les biens ont été expropriés, confisqués, détruits et dépréciés, et plus les gens ont été privés du fondement même de toute protection : indépendance personnelle, force économique et richesse privée. (Hans-Hermann Hoppe, From Aristocracy to Monarchy to Democracy)
  • L’État se prend pour notre maman. Or nous sommes grands et n’avons pas besoin d’une autorité supérieure pour nous interdire de faire telle ou telle chose. En revanche, nous avons besoin d’être avertis et de recevoir une information raisonnable et proportionnée. Les États devenus maternels veulent nous protéger de tout mais n’ont pas les moyens pour le faire. Il vaudrait mieux d’abord diminuer les risques réels, plutôt que les risques virtuels ou potentiels, et lutter contre. (...) Il faut que l’État cesse de vouloir nous materner en instaurant des réglementations inutiles et onéreuses. (Didier Raoult, Votre santé, 2015)

Notes et références

  1. Merry Christmas... from Elf and Safety, The Times, 17 décembre 2006
  2. Elf and Safety, 2 décembre 2007, Adam Smith Institute
  3. Ofcom programm codes
  4. Dans son article, Jayne Ball rappelle que le marché peut administrer la loi de l'offre et de la demande sans faire comme l'État qui impose une politique de rationnement et crée de longues files d'attente et provoque des consommateurs frustrés.
  5. « Sortons de l'État nounou », La Tribune, 8 mars 2006, [lire en ligne]

Bibliographie

  • David Harsanyi, Nanny State: How Food Fascists, Teetotaling Do-Gooders, Priggish Moralists, and other Boneheaded Bureaucrats are Turning America into a Nation of Children, ISBN 0767924320
  • 1995, Cathy Duffy, "Government Nannies: The Cradle to Grave. Agenda of Goals 2000 and Outcome Based Education", Noble Publishing Associate
  • 1997, Darcy Olsen, "The Advancing Nanny State", Policy Analysis, n°285, CATO Institute, October
  • 2006,
    • a. Mathieu Laine, La Grande Nurserie, en finir avec l’infantilisation des Français, JC Lattès, 251 pages
    • b. Michel Richard, La République compassionnelle, Grasset & Fasquelle, 121 pages, ISBN 2246697514

Voir aussi

Liens externes


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