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Terreur

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La Terreur correspond à un gouvernement de fait reposant sur la force et la coercition et non à un pouvoir légal, de droit. C'est un des épisodes les plus controversés de la Révolution française. On distingue deux époques de Terreur. La première s'étend du 10 août 1792, de la chute de la royauté au 21 septembre, à la réunion de la Convention et à la proclamation de la République. La seconde Terreur, la plus connue, débute avec la chute des Girondins le 2 juin 1793 et s'achève avec la chute de Robespierre le 9 Thermidor (27 juillet 1794). Mais on peut dire aussi qu'elle existe depuis 1789, liée à l'idée que la Révolution est menacée par un complot aristocratique, dont seules des mesures expéditives peuvent venir à bout.

La première Terreur

Après la chute de la monarchie, deux pouvoirs se partagent la direction du pays : un conseil exécutif de six membres, tous girondins à l'exception de Danton et la Commune de Paris, victorieuse après l'insurrection. Dès le 10 août, l'Assemblée envoie des représentants en mission auprès des armées, investis des droits les plus étendus, notamment celui de suspendre les généraux,La Fayette étant particulièrement visé. Sous la pression de la Commune, l'Assemblée législative vote le 17 août la constitution d'un tribunal extraordinaire pour juger les « crimes du 10 août », c'est à dire les vaincus. De son côté, la Commune autorise les visites domiciliaires chez les suspects. 3000 arrestations sont opérées en quelques jours.

Les mauvaises nouvelles de la guerre poussent les révolutionnaires à commettre les massacres de Septembre : un complot organisé à partir des prisons préparerait le massacre des « patriotes ». Entre le 2 et le 6 septembre, plus de 1000 détenus sont tués dont près des trois quarts sont des droit commun. Il n'y a aucune instruction, aucun ordre venu d'en haut mais Danton s'est abstenu de toute intervention et Roland écrit le 3 : « Hier fut un jour sur les événements duquel il faut probablement jeter un voile. »La situation se calme avec la réunion de la Convention et la victoire de Valmy.

La seconde Terreur

Le 5 septembre 1793, la Convention met « la Terreur » à l'ordre du jour c'est à dire organiser, systématiser et accélérer la répression des adversaires intérieurs de la République, entreprendre la punition punitive de « tous les traîtres ». Ce jour-là, les sans-culottes ont envahi l'Assemblée réclamant du pain et la guillotine, « l'instrument fatal qui tranche d'un seul coup et les complots et les jours de leurs auteurs ». C'est donc un revendication, un trait de mentalité caractéristique de l'activisme révolutionnaire. Le complot s'alimente à l'idée de la toute-puissance de l'ennemi. La guerre efface la ligne qui sépare opposition et trahison.

La seconde Terreur va se mettre peu à peu en place comme un système répressif organisé d'en haut et institutionalisé au fur et à mesure que les Montagnards prennent appui sur les activistes des sections parisiennes pour s'assurer le contrôle de la Révolution. Depuis septembre 1792, les Girondins misent sur le relâchement de la répression, les Montagnards jouent l'alliance avec les militants des sections et la mise en œuvre d'une politique terroriste.

Dès le 11 mars 1793, la Convention institue un Tribunal révolutionnaire ; le 21 c'est la création des comités de surveillance, chargés de s'occuper au niveau local des « suspects » ; le 28 les lois contre els émigrés sont aggravés, susceptibles de la peine de mort et privés de leurs biens. Danton résume ainsi cette politique : « soyons terribles pour dispenser le peuple de l'être. » La chute des Girondins (2 juin) accélère l'évolution terroriste. La situation intérieure et extérieure du début de l'été justifie une dictature des comités, l'envoi de représentants munis de pouvoirs extraordinaires dans les provinces en révolte et aux armées, des mesures hors du droit commun.

La Terreur est désormais une part essentielle du gouvernement. Elle comporte au sommet les deux comités, le Comité de salut public et le Comité de sûreté générale, qui a vocation de surveillance et de police ; à la base un vaste réseau de comités révolutionnaires locaux qui doivent repérer et arrêter les « suspects » et délivrer les certificats de civisme. Le « suspect » est par définition celui qui ne peut fournir un certificat : l'ennemi ou son adversaire potentiel. La loi du 27 septembre en donne une définition vague et large. Les « suspects » sont jugés par des cours extraordinaires dont le Tribunal révolutionnaire de Paris, créé en mars 1793, réorganisé en septembre. Il est constitué par 16 juges chargés de l'instruction, 60 jurés, un accusateur public entouré de ses substituts, tus nommés par la Convention sur proposition des comités. L'instruction est rapide et sans indépendance, les débats hâtifs et un décret d'octobre les limite à trois jours. Les jugements très vite vont se limiter à l'acquittement ou la mort.

La Terreur s'exerce aussi à travers l'« armée révolutionnaire » créée en septembre, réservoir d'activistes sous l'autorité du sans-culotte Ronsin, gendarmerie politique à travers villes et campagnes de la République. Les sociétés populaires, émanation du Club des Jacobins contrôlent les comités révolutionnaires locaux. Le représentant en mission est le levier de la Terreur en province : il a pleins pouvoirs pour instituer sur place tribunaux ou cours martiales extraordinaires chargés d'accélérer la répression, sans parler d'exécutions collectives comme à Lyon (Fouché) ou à Nantes (Carrier). Des tribunaux spéciaux sur le modèle parisien ont été institués à Arras, Cambrai, Brest, Rochefort et Toulouse dans l'hiver 1793-1794 ; mais la plupart des organes de répression ont été des « commissions extraordinaires » civiles ou militaires jugeant sans appel dans les zones de guerre civile. Les lois du 27 germinal (16 avril) et du 19 floréal (8 mai) vont donner au printemps 1794 la juridiction exclusive au Tribunal de Paris.

C'est le moment de l'institutionnalisation administrative de la Terreur par la loi du 22 prairial (10 juin 1794) qui renouvelle le personnel du Tribunal révolutionnaire. L'article 4 indique qu'il « est institué pour punir les ennemis du peuple », l'article 9 fonde l'acte d'accusation sur les simples dénonciations, l'article 12 supprime l'instruction, l'article 16 enlève à l'accusé les secours d'un avocat et l'article 13 rend l'audition de témoins superflue. Robespierre soutient le projet de Couthon à la barre de la Convention : « Cette sévérité n'est redoutable que pour les conspirateurs, que pour les ennemis de la liberté. »

La Terreur politique s'est accompagnée d'une Terreur économique et d'une Terreur religieuse. Tous les prêtres, jureurs ou insermentés, sont suspects, le calendrier républicain est imposé. Les riches sont pressurés, les prix et les salaires loqués, les stocks de denrées alimentaires saisis.

L'activité du Tribunal révolutionnaire a d'abord été réduite entre mars et septembre 1793 avec un grand nombre d'acquittements. Le nombre des affaires évoqués décolle en octobre : le nombre des juges est passé de 5 à 16 et celui des jurés de 12 à 60. Ne reste en place que l'accusateur public, Fouquier-Tinville et ses deux lieutenants. 193 personnes sont guillotinés entre novembre et début janvier 1794 : Marie-Antoinette, Philippe-Égalité, les Girondins (Brissot, Vergniaud) et les Feuillants (Bailly, Barnave). Le Tribunal juge déjà plus d'une centaine par mois, tout en acquittant à peu près la moitié. A compter de mars 1794, les peines de morts augmentant mais surtout le nombre des procès : la mort est devenue la sanction généralisée des conflits politiques (hébertistes, dantonistes). Le décret du 27 germinal en centralisant la justice révolutionnaire emballe le mécanisme de la Terreur judiciaire que couronne la loi du 22 prairial : près de 700 jugements en prairial et près de 1000 en messidor (21 juin-21 juillet 1794) dont près de 800 exécutions. Les prisons parisiennes abritent plus de 8000 « suspects » au début de Thermidor. C'est la « Grande Terreur. »

Un historien américain, Donald Greer, a établi, en 1935, une statistique des victimes à l'échelon national : 16 600 victimes exécutés à la suite d'une condamnation à mort, dont 2 625 à Paris. Le nombre de personnes arrêtés est sans doute proche de 500 000 entre mars 1793 et fin juillet 1794. Beaucoup de « suspects » ont croupis en prison sans être jugés jusqu'à la chute de Robespierre. Proprotionnellement à leur nombre relativement petit, les classes supérieures et le clergé sont frappés davantage mais néanmoins, 28 % des exécutés étaient des paysans et 31 % des artisans et compagnons. En province, comme à Paris, les exécutions sont peu nombreuses pendant le printemps et l'été 1793 mais le maximum de condamnations à mort se situe en décembre 1793 et janvier 1794, avec plus de 7000 exécutés au total puis la courbe redescend jusqu'en mai au dessous de 1000 pour regrimper en juin et juillet. Plus de la moitié des exécutions ont eu lieu dans 13 départements de l'ouest et 20 % dans la vallée du Rhône.

Il est intéressant de noter que la période la moins sanglante de la Terreur correspond à la période la plus critique de la République au printemps et été 1793 : péril extérieur avec les Prussiens et les Autrichiens, péril intérieur avec la révolte fédéraliste et la Vendée victorieuse. L'envol des exécutions correspond au contraire au moment des victoires républicaines sur la frontière nord, à la chute de Lyon et la défaite vendéenne à Cholet. Elle reprend de plus belle sous la dictature personnelle de Robespierre alors que plus rien ne menace la Révolution à l'intérieur et que les armées de la République prennent l'offensive. Partout la répression est postérieure à la victoire.

En Vendée, on assiste à une répression de masse organisée d'en haut dans l'intention de détruire tout ce qui a constitué le berceau des « brigands.  » C'est en janvier 1794 que se mettent en place les colonnes infernales de Turreau visant à « détruire la Vendée. » Le territoire de la « Vendée militaire » (Loire-Inférieure, Maine-et-Loire, Vendée et Deux-Sèvres) perd 20 % de son habitat et un pourcentage important de sa population. Les pertes humaines sont objets de polémiques. Faute de sources spécifiques, il faut recourir à des comparaisons entre recensements antérieurs et postérieurs qui restent hypothétiques. Il faudrait pouvoir distinguer : les tués à la guerre,les morts de la répression et les déficits de natalité et la surmortalité qui ont suivi les années de guerre. Les dizaines de milliers de morts de Vendée, chiffre le plus lourd à mettre au compte de la Terreur, est méconnu par la statistique de Greer, qui prend surtout en compte les condamnations capitales.

L'héritage de la Terreur

Le Directoire va s'inscrire dans l'héritage terroriste lors du coup d'état du 18 fructidor (5 septembre 1797) avec des mesures de « salut public » : la déportation en Guyane (la « guillotine sèche ») a remplacé l'échafaud et les prêtres réfractaires paient un lourd tribut. Le putsch du 18 Brumaire instaure un régime « qui accomplit la Terreur en remplaçant la révolution permanente par la guerre permanente » (Karl Marx, La Sainte Famille).

Sources

  • François Furet « Terreur » in François Furet, Mona Ozouf (dir.), Dictionnaire critique de la Révolution française volume Événements, Champs Flammarion 1992, p. 293-313
  • article « Terreur » in Jean Tulard, Jean-François Fayard, Alfred Fierro, Histoire et Dictionnaire de la Révolution française 1789-1799, Robert Laffont Bouquins, 1987


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