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Max Stirner

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Max Stirner
philosophe

Dates 1806-1856
Max Stirner
Tendance anarcho-individualiste
Nationalité Allemagne Allemagne
Articles internes Autres articles sur Max Stirner

Citation « Tout État est une tyrannie, que ce soit la tyrannie d'un seul ou de plusieurs. »
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Johann Caspar Schmidt (1806-1856), plus connu sous le nom de Max Stirner (pseudonyme qui lui vient de son large front, Stirn en allemand) est considéré comme l'un des fondateurs de l'anarchisme et de l'existentialisme, et particulièrement de l'anarcho-individualisme, bien qu'il n'ait jamais prétendu que sa philosophie puisse contenir une telle position. Certains le considèrent comme un précurseur de Nietzsche, avec lequel il a certains points communs, de même qu'avec les libertariens ou les objectivistes randiens.

L'Unique et sa propriété

L'Unique et sa Propriété, publié fin 1844, est l'œuvre principale de Stirner. Dès sa publication, elle suscite un grand intérêt populaire et politique et connaît régulièrement des regains d'intérêt, souvent dus à des divergences d'interprétation qui peuvent s'expliquer par des traductions très liées à des mouvements politiques variés. L'ouvrage L'Idéologie allemande de Karl Marx et Friedrich Engels (rédigé en 1846 et publié de façon posthume en 1932) est presque entièrement consacré à une critique polémique du livre de Stirner, ce "prophète de l'anarchisme contemporain", qui, comme Marx et Engels, appartenait au groupe des « hégéliens de gauche », et dont le radicalisme contestait par avance l'eschatologie marxiste du « matérialisme historique ».

Stirner proclame que les religions et les idéologies se fondent avant tout sur des superstitions. Il qualifie ainsi le nationalisme, l'étatisme, le libéralisme (sous sa forme classique qui sacralise l’État, « communauté d'hommes libres et égaux où chacun, se consacrant au bien de l'ensemble, doit se fondre, en faisant son but et son idéal »), le socialisme, le communisme (règne de la « gueuserie universelle ») ou encore l'humanisme. Il critique ainsi la conception du libéralisme façon XIXe siècle, qu'il appelle "religion d'État, la religion de l'« État libre »". Il rejette aussi bien le libéralisme politique qui implique, selon lui, une soumission à l'État, que le socialisme qui subordonne l'individu à la société. Son individualisme anarchiste extrême touche parfois au nihilisme.

Partisan de l'égoïsme, il oppose la société coercitive à l'association libre :

«  Le bien de cette « Société humaine » ne me tient pas au cœur, à moi l'égoïste ; je ne me dévoue pas pour elle, je ne fais que l'employer ; mais afin de pouvoir pleinement en user, je la convertis en ma propriété, j'en fais ma créature, c'est-à-dire que je l'anéantis et que j'édifie à sa place l'association des Égoïstes. »

Posant le Moi en absolu, il refuse la notion de Droit naturel, qu'il juge chimérique. On pourrait le définir comme une sorte d'anarchiste hobbésien, érigeant l'Ego en souverain absolutiste et anomique. Ainsi, il déclare que la loi est un instrument d'oppression, que l’État est totalitaire par nature ; il fait dériver la propriété non pas d'un droit, mais de la force :

«  Ce n'est point un droit extérieur à ma puissance qui me fait légitime propriétaire, mais ma puissance elle-même, et elle seule : si je la perds, l'objet m'échappe. Du jour où les Romains n'eurent plus la force de s'opposer aux Germains, Rome et les dépouilles du monde que dix siècles de toute-puissance avaient entassées dans ses murs appartinrent aux vainqueurs, et il serait ridicule de prétendre que les Romains en demeuraient néanmoins légitimes propriétaires. Toute chose est la propriété de qui sait la prendre et la garder, et reste à lui tant qu'elle ne lui est pas reprise ; c'est ainsi que la liberté appartient à celui qui la prend. La force seule décide de la propriété. »

Cependant Stirner nie le concept de propriété commune :

«  [Proudhon] tâche de nous faire accepter l'idée que la Société est le possesseur primitif et l'unique propriétaire de droits imprescriptibles ; c'est envers elle que celui qu'on nomme propriétaire est coupable de vol (« La propriété, c'est le vol ») ; si elle retire au propriétaire actuel ce qu'il détient comme lui appartenant, elle ne le vole pas, elle ne fait que rentrer en possession de son bien et user de son droit. — Voilà où on en arrive lorsqu'on fait du fantôme Société une personne morale. (...) Le propriétaire, ce n'est ni Dieu ni l'Homme (la « Société humaine »), c'est l'Individu. »

Erreur courante : Stirner critique le libéralisme

Il faut veiller à ne pas commettre d'anachronisme. "Libéralisme" chez Stirner et au début du XIXe siècle n'avait pas le sens qu'il a aujourd'hui, ni même le sens qu'il avait pour Frédéric Bastiat. Quand Stirner critique le libéralisme comme "religion d'État, la religion de l'« État libre »" ou comme "dictature de la Raison", il se place en tant qu' "hégélien de gauche" dans le cadre du rationalisme étatiste de Hegel (Raison = État). Ce concept stirnérien de libéralisme tient davantage de l'étatisme et du nationalisme, que Stirner réprouve, le libéralisme étant associé à cette époque aux revendications nationales des peuples (ce qu'on appellera au XXe siècle le Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes), s'opposant aux empires ou royaumes autoritaires d'Ancien Régime.

Erreur courante : Stirner est un anarchiste qui s'oppose à l'économie de marché

Comme l'explique son traducteur R.-L. Reclaire en 1899 : "je pense que du livre de Stirner aucun système social ne peut logiquement sortir (en entendant par logiquement ce que lui-même aurait pu en tirer et non ce que nous bâtissons sur le terrain par lui déblayé)". Cependant, ce que critique Stirner n'est ni l'économie de marché ni ce qui s'est appelé par la suite "capitalisme", c'est l’État et la coercition qu'il introduit dans les interactions sociales. L'affirmation de l'individu et la mise en valeur de son travail sont constantes chez Stirner :

«  Le paupérisme est un corollaire de la non-valeur du Moi, de mon impuissance à me faire valoir. Aussi État et paupérisme sont-ils deux phénomènes inséparables. L'État n'admet pas que je me mette moi-même à profit, et il n'existe qu'à condition que je n'aie pas voix au marché : toujours il vise à tirer parti de moi, c'est-à-dire à m'exploiter, à me dépouiller, à me faire servir à quelque chose, ne fût-ce qu'à soigner une proles (prolétariat); il veut que je sois « sa créature ». (...) Mais si vous savez faire cas de votre richesse, si vous tenez à haut prix vos talents, si vous ne permettez pas qu'on vous force à les vendre au-dessous de leur valeur, si vous ne vous laissez pas mettre en tête que votre marchandise n'est pas précieuse, si vous ne vous rendez pas ridicules par un « prix dérisoire », mais si vous imitez le brave qui dit : « Je vendrai cher ma vie (ma propriété), l'ennemi ne l'aura pas à bon marché », — alors vous aurez reconnu comme vrai le contraire du Communisme, et l'on ne pourra plus vous dire : renoncez à votre propriété ! Vous répondriez : je veux en profiter. »
    — L’Unique et sa propriété

Postérité de Stirner

On n'a aucune certitude que Nietzsche ait connu l’œuvre de Stirner[1]. La principale différence entre les deux philosophes est que pour Stirner chacun est l'Unique, alors que Nietzsche réserve la liberté et l'égoïsme à une aristocratie de surhommes.

La parenté des idées de Stirner avec celles de Fichte a souvent été soulignée, mais Stirner rejette son « idéalisme subjectif » et la conception fichtéenne d'une volonté générale.

Georges Palante souligne l'individualisme de Stirner tout en regrettant qu'il pose une antinomie irréductible entre individu et société.

Stirner partage avec Schopenhauer l'idéalisme philosophique et l'accent mis sur la volonté individuelle, et avec Kierkegaard la défense de la singularité de l'individu. En Allemagne, Ernst Jünger[2] et Carl Schmitt ont été fortement marqués par sa pensée :

«  Max sait quelque chose de très important. Il sait que le moi n'est pas un objet de pensée. »
    — Carl Schmitt, Ex captivitate salus, 1950

Paradoxalement, Stirner est invoqué à la fois par l'extrême-droite (Georges Valois, Julius Evola, et même Mussolini qui, au cours de sa période individualiste, le mentionne dans un article de 1919[3]) et par les anarchistes (outre Palante, Benjamin Tucker, Émile Armand ou les situationnistes se réfèrent à lui).

Œuvres

  • Le Faux Principe de notre éducation, ou Humanisme et Réalisme (article, 1842)
  • L'Art et la Religion (article, 1842)
  • Les Mystères de Paris d'E. Sue (étude, 1844)
  • L'Unique et sa propriété (1845)
  • L'Histoire de la réaction (1852)

Littérature secondaire

  • 1904, Victor Basch, "L'individualisme Anarchiste. Max Stirner", F. Alcan
  • 1995, David Leopold, dir., "Max Stirner: The Ego and Its Own", New York: Cambridge University Press
  • 2012, Tanguy L'Aminot, "Max Stirner, le philosophe qui s'en va tout seul", L'Insomniaque

Notes et références

  1. Il a cependant trouvé mention de Stirner dans le livre de Friedrich-Albert Lange, Histoire du matérialisme (1866), livre qui l'a profondément marqué, dans lequel Lange rapproche Stirner de Schopenhauer en écrivant : "Stirner donne à la volonté une valeur telle qu'elle nous apparaît comme la force fondamentale de l'être humain".
  2. Dans son roman Eumeswil, 1977
  3. "Laissez la voie libre aux forces élémentaires des individus, parce qu'il n'existe pas d'autre réalité humaine en-dehors de l'individu ! Pourquoi Stirner ne serait-il pas de nouveau d'actualité ?" (Mussolini dans le Popolo d'Italia du 12 décembre 1919, mentionné par Tanguy L'Aminot, "Max Stirner, le philosophe qui s'en va tout seul", L'Insomniaque).

Citations

  • L’État est l’ennemi, le meurtrier de l’individu, l’association en est la fille et l’auxiliaire ; le premier est un esprit, qui veut être adoré en esprit et en vérité, la seconde est mon œuvre, elle est née de moi. L’État est le maître de mon esprit, il veut que je croie en lui et m’impose un credo, le credo de la légalité. Il exerce sur moi une influence morale, il règne sur mon esprit, il proscrit mon moi pour se substituer à lui comme mon vrai moi. (L’Unique et sa propriété)
  • Tout État est une tyrannie, que ce soit la tyrannie d'un seul ou de plusieurs.
  • Dieu et l'humanité ne se préoccupent de rien, de rien que d'eux-mêmes. Laissez-moi donc, à mon tour, m'intéresser à moi-même, moi qui, comme Dieu, ne suis rien pour les autres, moi qui suis mon tout, moi qui suis l'unique. (L’Unique et sa propriété)
  • La liberté ne peut être que toute la liberté ; un morceau de liberté n'est pas la liberté. (L’Unique et sa propriété)
  • La domination de l'État ne diffère pas de celle de l'église : l'une s'appuie sur la piété, l'autre sur la moralité. (L’Unique et sa propriété)
  • « L’État, dit Stirner, c’est l’ostracisme organisé des Moi. » Ce mot n’est pas qu’une figure. L’ostracisme à Athènes ne fut pas une mesure exceptionnelle, ce fut, durant toute une époque, un moyen courant de gouvernement, un instrument commode aux mains de l’État pour empêcher les Moi trop marquants de diminuer sa personnalité. (Henri Lasvignes)
  • Ce nihiliste plébéien, sans foi ni loi, se gaussait des philosophes qui, tout en se flattant d’avoir tué Dieu, prétendaient mettre l’humanité à sa place. A l’éthique du sacrifice, cette imposture, ou au culte du droit, cette superstition, il opposait une jouissance sans limite et sans entrave, ayant pour seule fin de se dépenser en se déployant. (Roland Jaccard, Topologie du pessimisme)

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