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Libéralisme

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Définition du libéralisme

Le libéralisme est un ensemble de courants de philosophie politique visant à faire reconnaître la primauté des principes de liberté et de responsabilité individuelle sur l'autorité du souverain (que ce souverain soit un monarque ou le peuple).

Le vocable de libéralisme fait son apparition au début du XIXe siècle (on trouve le mot dans le Journal de Maine de Biran en 1818, et le terme de liberalism se trouve dans le New English Dictionary dès 1819). Les racines du libéralisme sont plus anciennes. L'opposition à la dictature de l'absolutisme du souverain est développée au fil des siècles, notamment par la montée du scepticisme face au droit divin dans l’Europe des Lumières (XVIIIe siècle), mais aussi auparavant par la scolastique de l'École de Salamanque (XVIe siècle) faisant obligation morale au souverain de respecter les droits fondamentaux de chaque être humain au motif de sa nature de créature de Dieu, ou plus anciennement par les chartes médiévales (telles la Magna Carta) introduisant des droits fondamentaux dont le respect est exigé du souverain, ou encore par certains pans de la philosophie thomiste. La date des débuts formels du libéralisme ou de ses composantes politiques, économiques ou religieuses diffère selon les auteurs. De nombreux auteurs font débuter le libéralisme avec la Lettre sur la tolérance de John Locke (1689) qui complète les racines préexistantes.

Libéralisme politique et libéralisme économique

Sur le plan politique, le libéralisme ne cherche pas à déterminer qui doit détenir le pouvoir : il fixe des limites à l'autorité politique, les moyens qu'elle peut ou ne peut pas utiliser. Cela a d'abord été une réponse à l'absolutisme des régimes de droit divin qui octroyait tous les pouvoirs aux monarques. Par la suite, même la démocratie a vu émerger des structures politiques qui pouvaient aussi restreindre les prérogatives individuelles. Le libéralisme politique est consécutivement la doctrine politique visant à limiter les pouvoirs de l'État pour ramener celui-ci à la protection des droits et libertés individuelles.

Sur le plan économique, le libéralisme économique donne une grande place au principe de propriété individuelle et s'oppose aux pouvoirs qui perturbent le libre jeu de la concurrence. C'est tout autant l'étatisme ou l'État-providence qui instaurent des barrières au commerce, que la constitution de conglomérats ou ententes industriels qui acquièrent une position hégémonique sur le marché.

L'accusation contemporaine la plus commune qui est portée contre le concept de libéralisme[1] comme pour sa pratique est qu'il n'accorderait quasiment aucune valeur à la réduction des inégalités et considérerait les politiques de solidarité comme dangereuses. Pour les libéraux, il s'agit de distinguer le fonctionnement de l'économie de la politique sociale, deux domaines ayant leurs propres objectifs. Ils considèrent que les mélanger crée des confusions, opacités et effets pervers au détriment des deux.

Les concepts de base

Les valeurs libérales sont la liberté individuelle, la créativité individuelle, la responsabilité individuelle, l'indépendance personnelle, le respect des droits individuels, etc. On définit souvent le libéralisme par ces quelques principes, que l'on retrouve dans la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen :

• l'égalité en droit ;
• la liberté individuelle et la responsabilité qui en découle ;
• la propriété privée ;
• le droit de résistance à l'oppression ;
• la recherche du bonheur et la sûreté.

La liberté individuelle est définie en négatif comme l'absence de contrainte exercée par les autres individus, ou de façon positive comme le droit d'agir sans contrainte dans la limite des droits légitimes des autres. Il s'agit du concept de la « liberté-autonomie », ou encore de « liberté-indépendance ». Elle se fonde sur la distinction entre la « liberté des Anciens » et celle des « Modernes ».

La propriété est le droit pour l'individu de jouir du fruit de son activité, des richesses qu'il crée, et d'en disposer à sa guise, y compris en excluant autrui de leur usage. La propriété commence d'abord par le droit à la vie et la propriété de son corps. Les droits de sûreté et de résistance à l'oppression sont des conséquences du principe de propriété.

La responsabilité, inséparable de la liberté et de la propriété, rend l'individu responsable à l'égard des autres des conséquences de ses actions, bonnes ou mauvaises (quand elles lèsent autrui dans ses droits). C'est une composante de la sûreté d'autrui.

Les droits naturels

Selon les libéraux, ces droits ne découlent pas d'une définition législative, ce sont des droits inhérents à la nature humaine et dont la légitimité est supérieure à toute loi. Le libéralisme économique n'en est qu'une conséquence directe, depuis le « laissez faire, laissez passer », mot d'ordre des physiocrates français au [[XVIIIe siècle]] en faveur de la libre circulation des biens et des marchandises, jusqu'à l'École autrichienne d'économie au [[XXe siècle]]. Les libéralismes social et moral sont aussi des conséquences, même si on les sépare du libéralisme économique car tout le monde n’adhère pas forcément simultanément aux trois (Cf infra, diagramme de Nolan).

La thèse des droits naturels (droit à la vie, à la liberté et à la propriété) est largement développée par John Locke. De cette théorie est issue la conception moderne des droits de l'Homme qui a fourni historiquement la justification idéologique de la Révolution américaine et de la Révolution française, sans pour autant préconiser la démocratie, de crainte que la « tyrannie de la majorité » (selon l'expression de Tocqueville) ne vienne limiter les droits individuels.

Plusieurs libéraux contestent la thèse des droits naturels, et affirment que ces droits ne sont que des valeurs politiques (voir libéralisme politique). Les libéraux classiques soutiennent qu'en ce cas la société (via la démocratie) peut très bien limiter ou supprimer complètement la liberté de l'individu de façon tout à fait légale et démocratique (ce qui s'est produit par exemple avec l'accession d'Adolf Hitler au pouvoir). Pour les tenants de la thèse des droits naturels (qualifiés également d'imprescriptibles dans la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen), il est clair que ces droits sont antérieurs et supérieurs à tout droit politique ainsi qu'à la démocratie.

Il subsiste ainsi une différence marquée entre libéraux partisans du jusnaturalisme (la Raison comme source du droit : le droit naturel), et libéraux partisans du droit positif (l'État comme source du droit), les premiers étant parfois accusés de faire de la métaphysique, les derniers étant taxés de relativisme ou de soumission à l'État. Toutefois, tous les libéraux admettent l'insuffisance du seul droit positif : Hayek distingue la loi et la « règle de la loi » ; Bastiat affirme que « Personnalité, Liberté, Propriété (...) sont antérieures et supérieures à toute législation humaine.»

Ces droits ont un caractère universel, applicable à tous les Hommes, sans égard au lieu ni à l'époque, ce qui les distingue de « droits » arbitraires fictifs : par exemple un droit au logement ne saurait être un droit naturel, car il est impossible à réaliser sans prendre aux uns pour donner aux autres, ce qui lui ôte tout caractère universel. Les droits des uns ne peuvent s'exercer aux dépens des droits des autres, plus précisément un droit ne peut s'exercer aux dépens d'une personne non consentante.

Il faut noter que ces droits étaient déjà reconnus sous la monarchie : « il y a quatre droits naturels que le prince est obligé de conserver à chacun de ses sujets ; ils ne les tiennent que de Dieu et ils sont antérieurs à toute loi politique et civile : la vie, l'honneur, la liberté et la propriété. » (Louis XVI)

L'éthique libérale

L'éthique libérale découle des droits naturels, elle se ramène au principe de non-agression : ne pas voler autrui, ne pas utiliser la coercition ou la violence envers autrui, sauf pour se défendre d'une agression. C'est donc une éthique de tolérance, contraire au relativisme moral du collectivisme (selon lequel la fin justifie les moyens ou l'intérêt général doit prévaloir sur les options individuelles)

La tradition et ses évolutions

La tradition libérale dont se réclament les libéraux remonte jusqu'au taoïsme original en Chine, à Aristote puis aux stoïques en Grèce.

Il n'y a pas une école unique du libéralisme, d'autorité ni de fondateur. Il y a par exemple de grandes différences entre Hayek et Aristote, Frédéric Bastiat et Thomas Paine ou John Stuart Mill. Friedrich Hayek écrit ainsi que : « Il n'y a rien dans les principes du libéralisme qui permette d'en faire un dogme immuable; il n'y a pas de règles stables, fixées une fois pour toutes. Il y a un principe fondamental : à savoir que dans la conduite de nos affaires nous devons faire le plus grand usage possible des forces sociales spontanées et recourir le moins possible à la coercition. »[2]

Certains libéraux, les utilitaristes (par exemple Maurice Allais), sans prendre parti sur les prémisses philosophiques du libéralisme, justifient le libéralisme parce qu'il engendre les organisations sociales les plus efficaces d'un point de vue économique.

Le libéralisme politique

Le libéralisme politique, expression qui est pour certains libéraux un oxymore, désigne une réalité variable selon les pays. Aujourd'hui aux États-Unis le liberalism désigne une tradition politique militant pour la démocratie et le régime constitutionnel, favorable en général aux libertés civiles et à l'économie de marché, mais souvent aussi interventionniste, et qui s'oppose à celle des conservateurs ou des socialistes ; dans ce sens le terme anglais liberal équivaut à centre-gauche, réformiste, démocrate ou social-démocrate (Jean-François Revel emploie le terme de progressiste), ce qui a peu de choses à voir avec le sens premier.

Originellement, le libéralisme politique est le courant de pensée qui, depuis Locke, Hobbes et Montesquieu, est attaché à circonscrire l'action du pouvoir et de l'État, et à définir les rapports de la sphère politique avec l'individu (séparation des pouvoirs, « contre-pouvoirs », etc.). En général est préconisée la démocratie libérale, que l'on connaît depuis le XIXe siècle dans la plupart des états occidentaux.

Les libéraux les plus radicaux, les anarcho-capitalistes, affirment que la sphère des attributions légitimes du pouvoir politique est vide. Les libéraux plus modérés, les minarchistes, pensent qu'il existe des fonctions légitimes de l'État, qu'ils identifient souvent aux fonctions régaliennes: sécurité, police, justice, défense du territoire.

La plupart des libéraux ne se posent pas ces questions de principes ; leur opinion est que le pouvoir politique est bien trop étendu, et s'étend sans cesse. Ils cherchent donc les moyens de restreindre et d'inverser cette expansion de l'État, la question de savoir où on s'arrêtera étant prématurée.

En France, les organisations libérales contemporaines sont l'[[Association pour la liberté économique et le progrès social|ALEPS]], Liberaux.org ou l'Institut Coppet. Il y a aussi des instituts comme l'[[iFRAP], Génération Libre et l'IREF, ou des groupes de pression comme Contribuables Associés. Au Québec, on trouvera l'Institut économique de Montréal ou le Québécois Libre.

Annexes

Vocabulaire autour du libéralisme

  • Le libéralisme en tant que tradition anti-politique est à distinguer de la tradition politique des partis libéraux.
  • En revanche la dichotomie entre « libéralisme économique » et « libéralisme politique » est réfutée par les libéraux : il n'y a qu'un seul libéralisme, anti-étatique, voire anti-politique.
  • Le libéralisme en toute rigueur n'est ni « à droite », ni « à gauche ». Le diagramme de Nolan montre où se situe le libéralisme dans un espace politique à deux dimensions. Cela n'empêche pas qu'il y a eu et qu'il y a des personnes qui se sentent à la fois libérales et « de gauche » ou « de droite » selon l'importance qu'elles accordent, grosso modo, les unes aux libertés individuelles, les autres au droit à la propriété.
  • Les libéraux ne se reconnaissent pas dans les étiquettes de « néolibéral » ou « ultralibéral » : ils se disent simplement libéral, ou, pour se distinguer du parti libéral local, « libéral classique » (voire par auto-dérision paléo- ou archéo-libéral), ou bien libertarien. Ce dernier terme, importé des États-Unis, s'applique aux libéraux radicaux qui revendiquent les principes du libéralisme, et non à ceux qui partagent le point de vue de la réduction de l'État sans forcément adhérer aux principes philosophiques.

Citations

« On reproche au libéralisme d'être matérialiste, de prôner la poursuite exclusive de la richesse aux dépens de toute autre valeur, alors qu'il n'a d'autre aspiration que de permettre l'épanouissement des êtres humains et la réalisation de leurs objectifs, spirituels, affectifs ou esthétiques autant que matériels. On lui reproche d'être sauvage alors que, fondé sur le respect intégral des autres, il exprime l'essence même de la civilisation. »
(Pascal Salin, Libéralisme[3])
« Le libéralisme c'est d'abord une morale individuelle, ensuite une philosophie de la vie en société dérivée de cette morale, enfin seulement, une doctrine économique qui se déduit logiquement de cette morale et de cette philosophie. »
(Jacques de Guenin[4])
« Dès le XVIIème siècle, les thèmes fondateurs du libéralisme sont définis : intégrité de l’individu humain, respect de l’autonomie des activités sociales, immanence des règles de la coexistence humaine. »
(Monique Canto-Sperber[5])
« Il n'y a rien dans les principes du libéralisme qui permette d'en faire un dogme immuable ; il n'y a pas de règles stables, fixées une fois pour toutes. Il y a un principe fondamental : à savoir que dans la conduite de nos affaires nous devons faire le plus grand usage possible des forces sociales spontanées et recourir le moins possible à la coercition. »
(Friedrich Hayek, La Route de la servitude, 1943)
« Le libéralisme, c'est le scepticisme érigé en institution. »
(Pierre Manent)

Notes et références

  1. * Walter Gallie, 1956, “Essentially Contested Concepts”; Proceedings of the Aristotelian Society, 56, pp167-198
    • Ruth Abbey, 2005, “Is Liberalism Now an Essentially Contested Concept?”, New Political Science, 27, pp461-480
  2. Friedrich Hayek, La Route de la servitude, chap. 1, p. 20 de l'édition Quadrige
  3. Pascal Salin, Libéralisme, 2000, p.3
  4. Jacques de Guénin, Savez-vous vraiment ce qu'est le libéralisme ?, [lire en ligne]
  5. "Pourquoi le libéralisme n’est pas le laissez faire", En temps réel, Cahier 7, février 2003, p. 5, [lire en ligne]

Bibliographie

  • 1925, Guido De Ruggiero, "Storia del liberalismo europeo",
    • Traduction en anglais en 1927, "The History of European Liberalism", Gloucester, MA, Peter Smith
      • Nouvelle édition en 1959, "The History of European Liberalism", Boston: Beacon
    • Nouvelle édition en 1962, Milano, Feltrinelli
  • 1949, J. S. Schapiro, "Liberalism and the Challenge of Fascism", New York, McGraw-Hill
  • 1955, G. Franz, "Liberalismus: Die deutschliberale Bewegung in der habsburgischen Monarchie", (« Libéralisme : le mouvement libéral allemand dans la monarchie des Habsbourg »), G. D. W. Callwey
  • 1976, D. J. Manning, "Liberalism", London: J.M. Dent and Sons
  • 1984,
    • Anthony Arblaster, The Rise and Decline of Western Liberalism, Oxford: Basil Blackwell
    • Rudolf Walther, "Economic Liberalism", Economy and Society, v.13, n.2
  • 1986, J. C. Nyiri, Intellectual Foundations of Austrian Liberalism, In: Wolfgang Grassl et Barry Smith, dir., Austrian Economics, New York, pp102–138
  • 1988, M. Flamant, "Histoire du libéralisme", Paris, Presses Universitaires de France, 2e édition
  • 1989, Fumio Aoba, "Aiming at New Liberalism" (Shinjiyushugi wo Mezashite), Tokyo: Gakubunsha
  • 1993,
    • Russell Hardin, "Liberalism: Political and Economic", Social Philosophy and Policy, vol 10, n°2, Summer, pp121-144 (coordination du numéro par Ellen Frankel Paul, Fred D. Miller, Jeffrey Paul "Liberalism and the Economic Order")
    • Daniel M. Hausman, "Liberalism, Welfare Economics", In: Ellen Frankel Paul, Fred D. Miller, Jeffrey Paul, dir., "Liberalism and the Economic Order" (Social Philosophy and Policy), Cambridge: Cambridge University Press, pp172-197
    • Alan Ryan, “Liberalism”, In: Robert E. Goodin et Philip Pettit, dir., A Companion to Contemporary Political Philosophy, Oxford: Blackwell, pp291-311
  • 1997, John Kekes, "Against Liberalism", Ithaca, New York: Cornell University Press
  • 1998, Raino Malnes, “Liberalismens mangfold” (la diversité des libéralismes), Statsvetenskaplig Tidskrift, 101, pp304-313 (en norvégien)
  • 2001,
    • P. Portinaro, "Profilo del liberalismo", In: Benjamin Constant, "La libertà degli antichi, paragonata a quella dei moderni, Einaudi, Torino, pp40-44
    • Tamotsu Nishizawa, "Ueda Teijiro’s New Liberalism and His Views on the Japanese Economy” (“Ueda Teijiro no Shinjiyushugi-Nihonkeizairon”), In: C. Tsuzuki, et al., dir., "History of Anglo-Japanese Relations", vol. 5, Social and Cultural Perspectives (Nichiei Koryushi. Shakai to Bunka), Tokyo: Tokyo University Press, pp150-165
  • 2010,
    • Serge Audier, "Libéralisme et socialisme", In: Gilles Kevorkian, dir., "La pensée libérale. Histoire et controverses", Paris, Ellipses, pp309-326
    • Alex Catharino, “Liberalismo”, In: Vicente Barreto, dir., "Dicionário de Filosofia Política", São Leopoldo: UNISINOS, pp307-311 (pt)
    • Gilles Kévorkian, "Qu’est-ce que le libéralisme ? Questions de méthode", In: Gilles Kevorkian, dir., "La pensée libérale. Histoire et controverses", Paris, Ellipses, pp257-308
  • 2015, Giuseppe Bedeschi, "Storia del pensiero liberale", Rubbettino, Soveria Mannelli (Catanzaro)

Articles connexes

Textes classiques

Liens externes


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