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Marchand
Le marchand est une personne dont l’activité professionnelle consiste à vivre du commerce, en achetant des biens produits par d’autres pour les revendre avec profit, en assumant les risques liés à l’échange et au transport.
Définition et fonction du marchand
Le marchand n’est pas simplement « quelqu’un qui commerce ». Vendre ses surplus au marché ou porter un message d’achat pour le compte d’une autre personne relèvent d’actes de troc ou de délégation ; cela ne suffit pas à en faire un marchand. Le marchand, lui, en vit : il tire son revenu de l’échange de biens qu’il n’a pas produits, organise l’acheminement, fixe des prix, engage des capitaux et assume en propre la continuité de l’activité. Autrement dit, il fait profession de commerce. Il « vit de l’échange » quand d’autres ne font qu’y recourir à l’occasion. Une paysanne qui porte ses œufs en ville « fait du commerce » sans devenir marchande ; le messager royal qui achète des bijoux « commerce » sans devenir marchand ; le marchand, lui, vit du commerce, en tirant profit de marchandises produites par d’autres.
Parce qu’il vit de l’échange, le marchand est un professionnel du risque et du profit. Son travail consiste à avancer de l’argent, affréter, stocker, patienter, et s’exposer aux aléas : retards de convois, vents contraires, pirates, faillites en chaîne, clients défaillants. Dès l’Antiquité, on distingue le marchand qui voyage avec sa cargaison (emporos) et celui qui possède et dirige le navire (naukleros), deux figures définies par leur rapport au risque de transport et de marché. Les tribunaux d’Athènes leur accordaient d’ailleurs des procédures spécifiques tant les périls étaient particuliers (prêts maritimes, pertes totales, saisons, vents). Dans la longue durée, le « métier » exige du courage et du jugement : équiper un navire, immobiliser un capital pendant des mois, n’être payé qu’à l’issue d’une revente incertaine, convaincre des prêteurs malgré la rigueur des prêts à la grosse aventure, tout cela fait partie du quotidien du marchand.
À l’échelle moderne, le risque change de visage mais demeure central : l’assurance couvre l’incendie ou le naufrage, jamais « le risque commercial », c’est-à-dire l’erreur de prix, de client, d’échéance, que seul le savoir-faire du marchand peut réduire. Et lorsque les maillons du crédit se tendent (traites, endossements, escompte), la moindre défaillance peut faire s’écrouler l’édifice ; preuve que le profit n’est que l’envers d’une prise de risque permanente.
L’image sociale du marchand oscille, selon les époques, entre méfiance, mépris et respect. À Athènes, les élites préfèrent la politique et la philosophie, laissent souvent le grand négoce à des métèques ou des esclaves, et n’accordent au marchand considération que lorsqu’un litige l’amène en pleine lumière judiciaire. À Rome, la figure du caupo (tenancier-vendeur) cristallise la suspicion : supposé trompeur, présumé responsable de toute perte, il demeure socialement inférieur au soldat, au propriétaire ou au magistrat ; signe d’un ordre moral où la terre et l’épée valent mieux que l’échange. Plus tard, au Nord hanséatique, le balancier penche vers le respect : le marchand « indispensable » fonde sa dignité sur la régularité, la probité, la réputation, capital immatériel sans lequel rien ne se fait. Enfin, certains récits réhabilitent le profit comme service rendu : dans l’histoire du « marchand Wang » en Chine, l’achat spéculatif d’une récolte abondante puis la revente en temps de famine ne sont pas décrits comme une rapacité, mais comme une coordination salvatrice ; « je dois gagner de l’argent… en servant la communauté ».
Ainsi défini, le marchand apparaît moins comme un simple « intermédiaire » que comme un organisateur de rareté et d’abondance, un gestionnaire d’incertitude. Il n’existe qu’en assumant le risque ; et c’est précisément parce qu’il l’assume qu’il revendique le profit et, selon les temps, la défiance ou l’estime de la cité.
Le marchand dans l’Antiquité européenne
Dans la Grèce antique
Au IVᵉ siècle av. J.-C., Athènes vit du blé venu de la mer Noire : le Pirée est un port, mais c’est surtout l’artère vitale qui nourrit la cité. On organise des convois, on escorte les navires céréaliers, on fortifie le cap Sunion[1] pour sécuriser les entrées et sorties du port. Quand le triarque Apollodoros[2] doit attendre quarante-cinq jours les traînards au Hellespont, puis remorquer des bâtiments alourdis de grain, on mesure à quel point la logistique du blé structure la politique maritime athénienne.
Dans cet écosystème naissent deux figures clés. L’emporos voyage avec sa cargaison, souvent sur le bateau d’autrui ; le naukleros possède (ou commande) le navire, et assume en premier lieu le risque de transport, quitte à embarquer aussi les marchandises d’autres marchands. Les tribunaux d’Athènes connaissent bien ces statuts, au point de leur réserver des procédures spécifiques.
Mais l’horizon du marchand reste semé d’embûches : vents contraires, créances fragiles et surtout les pirates. On attaque des navires « aux portes de l’Attique[3] » ; des marchands sont blessés ou réduits en esclavage ; Philippe de Macédoine[4] intercepte même des convois au Bosphore[5], forçant Athènes à militariser sa route du blé.
Cette insécurité nourrit un droit protecteur. Les emporoi bénéficient de juridictions rapides ; leur activité est encadrée par des règles précises sur les prêts maritimes et les litiges commerciaux, comme le montre une série d’affaires où prêteurs impatients[6], capitaines et rois étrangers s’en mêlent. La justice athénienne, en arbitrant ces dossiers, reconnaît la spécificité et l’utilité du risque marchand.
Dans la Rome Antique
Dans le monde romain, l’aubergiste-marchand (caupo) incarne longtemps la suspicion : on le dit prêt à rouler le voyageur, et le droit le rend responsable de presque toute perte. La hiérarchie morale place bien au-dessus de lui le soldat, le propriétaire et le magistrat.
Sous l’Empire, la classe marchande libre se délite. Hadrien[7] entend réduire l’intermédiaire et rapprocher producteur et consommateur ; la pression fiscale et administrative détourne les familles du négoce. À mesure que l’argent et le pouvoir se concentrent, des esclaves gestionnaires prennent la main sur les affaires au nom de leurs maîtres, signe d’un basculement où le marchand indépendant cède la place à l’intendant.
Les correctifs tardifs n’y changent rien : même les édits de prix et réformes monétaires de la fin de l’Empire, associés à Dioclétien, ne parviennent pas à enrayer l’érosion d’un commerce privé affaibli ; « la fin est proche ». Le réseau urbain se vide et l’économie dirigée se substitue à l’initiative marchande.
Le marchand dans le monde arabe et oriental médiéval
Dans l’Orient médiéval, le commerce a le goût du voyage. Les caravanes de chameaux filent d’oasis en oasis, véritables relais du désert, pendant que des boutres et des grands navires empruntent les vents de mousson. On n’y charge pas des denrées lourdes et peu rentables : la rentabilité commande le léger et précieux 'poivres, cannelle, clous de girofle, soies, aciers de Damas, perles et pierres fines). Le marchand peut présenter ces merveilles aux cours princières, offrir un objet d’exception, recevoir en retour un cadeau plus somptueux encore, puis écouler le reste au bazar, où les prix montent et dégringolent au rythme des arrivages et des rumeurs de tempêtes.
Cette dynamique tient aussi à l’organisation politique : dans le monde arabe, l’État se mêle peu des affaires économiques. Les nouveaux pouvoirs « laissent au privé, au marchand et au paysan, le risque comme le gain »[8] ; à la cour du calife, les marchands sont plus nombreux que les fonctionnaires. Même lorsque des taxes existent, le marchand les répercute dans ses prix. Cette latitude favorise l’initiative, la circulation de biens rares et l’ouverture de routes lointaines.
De là naît une figure d’aventurier-conteur. Les négociants reviennent de Madagascar, d’Inde ou des rivages de Chine avec des ballots… et des histoires : naufrages évités, princes avares, générosités inespérées, tempêtes sur l’océan Indien, bandits du désert, mirages et prodiges. Dans la pénombre des souks, la frontière se brouille entre récit vrai et merveilleux ; l’imaginaire des Mille et Une Nuits n’est jamais loin. Ernst Samhaber (1964) le dit crûment : le marchand arabe « parie » plus qu’il ne calcule, faisant confiance à Allah et au destin.
Les contacts s’étirent loin : vers l’est, les marchands atteignent les Moluques et même la Chine ; vers le sud, ils longent l’Afrique orientale. On signale un premier bâtiment arabe à « Kanfu » vers 787, et, malgré la grande révolte de 878 contre les étrangers, qui limite ensuite leurs voyages à l’Inde et à Ceylan, les échanges se poursuivent, désormais au contact étroit des marchands chinois.
Le marchand au Moyen Âge en Europe
Dans les villes médiévales, l’étranger qui vend « des articles d’ailleurs » inspire d’abord la méfiance. Les artisans défendent leur marché : les statuts urbains distinguent nettement le petit détaillant local du « vrai » marchand, et l’on peut interdire la vente de produits concurrents, confisquer la marchandise ou charger de lourdes taxes si un forain ose écouler, sur place, ce que la ville fabrique déjà. Le marchand n’est bienvenu que s’il apporte des commandes venues de loin, ouvrant un débouché aux ateliers locaux.
Peu à peu, les grandes foires jouent le rôle de charnière entre ateliers et longues distances. En Flandre, les tisserands de Gand, Ypres et Bruges organisent dès le Xe siècle des foires annuelles pour écouler leurs draps auprès des marchands au long cours qui les emporteront « par mer et par sable » ; bientôt, le drap flamand rayonne sur l’Angleterre, la France, la Hollande et l’Allemagne, tandis que Bruges achète presque toute la toison anglaise pour nourrir la production.
Plus au nord, la Hanse tisse son réseau entre Baltique et mer du Nord. De Lübeck, des navires chargés de vin, bière, draps, sel ou poissons desservent tout le pourtour de la Baltique ; dans ces ports, négociants et armateurs pèsent sur les conseils municipaux et recherchent avant tout la paix des routes et l’unification des marchés, de Novgorod à Bruges. La politique des villes hanséatiques vise à apaiser princes et péages, quitte à prêter, négocier, voire prendre les armes pour garantir la fluidité du commerce.
De là découle une éthique propre : sécurité, régularité, réputation. Mieux vaut un gain limité mais sûr qu’un coup d’audace hasardeux ; la devise finit par devenir « safety first ». La valeur d’une maison[9] tient moins à sa taille qu’à sa fiabilité, capital immatériel fait de parole tenue et de partenaires fidèles ; une respectabilité qu’illustrent les portraits des marchands du Steelyard[10] peints par Hans Holbein, posés avec calme et assurance.
Cette puissance suscite des rivalités, surtout avec les Merchant Adventurers[11] anglais. Refusés par la Hanse en 1379, ils se constituent en guilde (1491), imitent ses routes vers Anvers, la Scandinavie et Bordeaux, cassent les prix pour percer, puis exigent les mêmes privilèges que les Hanséates à Londres. En 1446, le Parlement retire les privilèges hanséatiques : s’ensuit une guerre commerciale (flotte anglaise, saisies de navires), avant que la diplomatie ne rouvre les négociations au nom des intérêts de la Steelyard londonienne.
La Renaissance et l’âge d’or des grandes maisons marchandes
- . Florence et la révolution comptable. Loin de la mer, Florence bâtit sa puissance en misant sur l’atelier plutôt que sur la flotte : tissages, teinture calimala[12], qualité standardisée ouvrent des marchés réguliers. Cette régularité permet de passer de l’aventure à la prévision : on chiffre les coûts, on lisse les pertes par la répétition des transactions, on tient des livres de comptes pour savoir « combien l’on vaut » à tout moment. Le marchand florentin n’attend plus la chance d’un coup d’éclat ; il calcule des marges modestes mais sûres, sur des biens de demande constante (draps), et bâtit sa fortune par le volume et la discipline comptable.
- . La banque et le crédit : capital et confiance. Dans ce système, le crédit repose d’abord sur le capital : marchandises, ateliers, immeubles. Les banques examinent les bilans et prêtent en fonction d’une valeur nette objectivée dans les livres. Le commerce perd son vernis de romanesque, gagne en sobriété et en mesure ; la réputation reste centrale, mais elle s’appuie désormais sur des chiffres vérifiables et des paiements qui circulent à l’échelle de l’Europe.
- . Les grandes dynasties marchandes allemandes. À Augsbourg, les Fugger et les Welser poussent la logique plus loin : mines d’argent et de cuivre sous bail, syndicats pour stabiliser les prix, et surtout financement des Empereurs. Jakob puis Anton Fugger avancent des sommes colossales à Maximilien et à Charles Quint, obtiennent des gages (revenus d’ordres militaires en Espagne, domaines hypothéqués), et pèsent sur des choix politiques jusqu’aux élections impériales. Leur puissance tient à la maîtrise des flux (métaux monétaires), à un réseau de facteurs d’Anvers à Venise, et à une discipline de crédit qui sait dire non quand l’Empereur insiste encore.
- . L’expansion outre-mer. Aux découvertes, Espagne et Portugal n’assignent pas la même place aux marchands : côté portugais, la Couronne tend au monopole, reléguant les étrangers à l’achat au comptoir de Lisbonne ; côté espagnol, l’État accueille l’argent privé, et l’on voit Amerigo Vespucci (représentant des Médicis) tenter l’exploration, Cristobal de Haro financer Magellan, tandis que Cabot et d’autres pilotes marchands prolongent l’élan. Les Welser d’Augsbourg vont jusqu’à armer des navires (1504) et obtiennent même une tentative de colonie au Venezuela. Cette ouverture révèle une dépendance mutuelle : sans capitaux privés, pas d’armement ; sans sceau royal, pas de monopole ni de protection.
Mais l’étreinte peut tuer : banqueroute espagnole (1557), casa de contratación et monopoles étatiques étranglent le négoce libre ; les avances des marchands ne sont pas honorées et l’écosystème d’Anvers se grippe. À terme, rois et conseils veulent les profits sans les risques ; or, sans maisons solvables, le crédit se tarit. L’âge d’or s’achève dans une crise de confiance qui montre, en creux, combien l’essor atlantique a reposé sur la maison marchande.
Informations complémentaires
Notes et références
- ↑ Le cap Sunion est un promontoire rocheux situé à l’extrémité sud-est de l’Attique, en Grèce, à environ 70 km d’Athènes. Il domine la mer Égée et marque l’entrée du golfe Saronique.
Dans l’Antiquité, il avait une double importance :
- Stratégique et militaire : c’était un point de contrôle des routes maritimes. Les Athéniens y avaient érigé une forteresse pour protéger le passage des navires marchands, en particulier ceux qui transportaient le blé indispensable à l’alimentation d’Athènes
- Religieuse et symbolique : il abritait le célèbre temple de Poséidon, dieu de la mer, dont les ruines se dressent encore aujourd’hui. Le lieu servait à invoquer la protection divine pour les marins et les navires quittant ou approchant le Pirée.
- ↑ Apollodoros était un magistrat athénien du IVᵉ siècle av. J.-C., chargé d’armer et de commander une trière (navire de guerre à trois rangs de rameurs). Dans le contexte du commerce du blé, sa mission était cruciale. En 362 av. J.-C., il fut envoyé à l’Hellespont (aujourd’hui Dardanelles) pour prendre en charge un convoi de navires céréaliers en provenance du Pont-Euxin (mer Noire). Il dut attendre 45 jours les navires retardataires avant de les escorter jusqu’à Sestos. Comme la côte de Thrace était infestée de pirates et disputée entre cités voisines, il fit accompagner les cargos de quelques trières rapides, prêtes à les remorquer si nécessaire. Mais son expédition connut des difficultés : mauvais temps, désertions de rameurs mécontents de leur solde, rivalités locales. Dans une lettre, il se plaint à son ami l’orateur Démosthène du manque de moyens et du danger pour la flotte. En résumé, Apollodoros incarne le lien étroit entre la puissance militaire athénienne et la protection du commerce maritime : sans escorte, les marchands et leur cargaison de blé risquaient pirates, tempêtes ou ennemis.
- ↑ L’Attique est une région historique de la Grèce antique. C’est la péninsule qui entoure Athènes, bordée par la mer Égée à l’est et au sud, et par la Béotie et le Péloponnèse au nord et à l’ouest. Son cœur est la cité d’Athènes, qui domina toute la région. Le sol était pauvre en céréales, ce qui obligeait les Athéniens à importer massivement du blé, notamment de la mer Noire. En revanche, l’Attique produisait du vin, de l’huile d’olive, du miel, et exploitait les célèbres mines d’argent du Laurion. C’est en Attique que naquit la démocratie athénienne ; la région formait l’assise territoriale et économique de la puissance maritime d’Athènes. En résumé, l’Attique est la région où se trouve Athènes, berceau de sa démocratie et base de sa puissance commerciale et navale.
- ↑ Philippe II de Macédoine (382-336 av. J.-C.) était le roi de Macédoine et le père d’Alexandre le Grand. Par rapport à Athènes, il a joué un rôle à la fois de rival militaire et de menace politique. Dans la seconde moitié du IVᵉ siècle av. J.-C., Athènes dépendait du commerce du blé venu de la mer Noire. Philippe de Macédoine, en s’emparant de places stratégiques au nord de la mer Égée et dans les Détroits, contrôlait la route céréalière vitale pour Athènes. Les Athéniens, conscients du danger, hésitaient à s’allier avec lui : ils redoutaient que l’aide macédonienne contre les pirates ne cache une volonté d’hégémonie sur les îles et sur leurs convois commerciaux. Finalement, leurs craintes se confirmèrent : en 340 av. J.-C., Philippe de Macédoine intercepta une flotte athénienne de 180 à 230 navires chargés de blé et de richesses, privant Athènes d’une ressource essentielle et renforçant son pouvoir. En résumé, Philippe de Macédoine est pour Athènes l’adversaire qui transforme la dépendance alimentaire en arme politique, préparant ainsi la perte de l’indépendance athénienne et l’intégration de la Grèce sous domination macédonienne.
- ↑ Étymologie : en grec, Bosporos signifie « passage du bœuf » (bos = bœuf, poros = passage), en référence à la légende d’Io qui, transformée en vache, aurait traversé ce détroit. Le Bosphore est un détroit naturel qui relie la mer Noire à la mer de Marmara, et donc indirectement à la mer Égée et à la Méditerranée. Il se situe en Turquie actuelle, au cœur d’Istanbul qui s’étend sur ses deux rives, l’une en Europe, l’autre en Asie. Le détroit mesure environ 30 km de long, mais seulement 700 mètres à 3 km de large selon les endroits. Durant l’Antiquité, contrôler le Bosphore signifie contrôler le passage du blé venu des plaines fertiles de la mer Noire vers Athènes et le reste du monde méditerranéen. C’est pourquoi il fut un enjeu majeur pour Athènes, Byzance (future Constantinople) et plus tard l’Empire ottoman. En résumé, le Bosphore est un corridor maritime étroit, vital pour le commerce antique du grain, et encore aujourd’hui une voie stratégique entre l’Europe et l’Asie.
- ↑ Dans son livre, Ernst Samhaber (1964), Merchants make history, évoque ces affaires judiciaires autour du commerce maritime athénien :
- Procès impliquant le marchand Pasion : il est accusé dans une affaire de prêts maritimes ; pour se défendre, il dénonce lui-même le plaignant pour des transactions illégales. L’affaire devient si complexe que même le roi Satyros du Bosphore est sollicité, et le marchand doit finalement payer
- Prêt maritime après la mort du marchand Eraton : son créancier réclame le remboursement d’un prêt de deux talents (unité de poids et de valeur utilisée dans l’Antiquité, notamment en Grèce soit l'équivalent de 40 années d’un ouvrier de l'époque) ; les héritiers doivent vendre tous leurs biens. Quand les autres frères rentrent de voyage avec de gros profits, ils intentent un procès en retour, invoquant leur statut d’emporoi protégés par la loi
- ↑ Hadrien est un empereur bâtisseur et voyageur, symbole d’un Empire pacifié, mais aussi celui qui amorce un tournant vers une économie plus dirigée par l’État au détriment des marchands.
- ↑ Ernst Samhaber, 1964
- ↑ Dans le cadre marchand médiéval, une maison ne désigne pas seulement un bâtiment, mais une unité économique et sociale de commerce. C’est un foyer de marchands, souvent une famille élargie, qui regroupe le chef de commerce, ses associés, ses commis, ses facteurs installés dans d’autres villes, et parfois des apprentis. La maison comprend aussi le capital, la réputation et le réseau de correspondants : c’est à la fois une entreprise, une lignée et une marque de fiabilité. Elle peut avoir plusieurs succursales ou « comptoirs » dans les grandes foires médiévales (Champagne, Bruges) ou les ports (Lübeck, Venise), chacune dirigée par un agent de confiance. En résumé, au Moyen Âge, une maison marchande est à la fois une famille, une entreprise et un réseau, dont la valeur repose autant sur la richesse mobilisée que sur la crédibilité et l’honneur de son nom.
- ↑ Le Steelyard (en allemand Stahlhof) était le grand comptoir de la Hanse à Londres, actif du XIIIᵉ au XVIᵉ siècle. Installé sur la rive nord de la Tamise, près du pont de Londres, le Steelyard était un véritable quartier clos, avec ses propres entrepôts, bureaux, logements, chapelle et même bains publics. C’était le siège de la Hanse en Angleterre. On y gérait l’importation de vin du Rhin, de draps allemands ou de harengs de la Baltique, et l’exportation de laine et d’étain anglais. Le comptoir fonctionnait comme une « colonie marchande » sous juridiction hanséatique : les marchands y vivaient ensemble, appliquaient leurs propres règles et jugeaient leurs litiges en interne. La couronne anglaise leur accordait de vastes exemptions de taxes et de douanes, en échange de quoi les Hanséates assuraient un commerce régulier et soutenaient financièrement le roi en cas de besoin. Avec la montée des marchands anglais (les Merchant Adventurers), les privilèges du Steelyard furent contestés. Au XVIᵉ siècle, sous Élisabeth Iʳᵉ, le comptoir perdit sa position dominante. En résumé, le Steelyard était le cœur du commerce hanséatique en Angleterre, une enclave étrangère à Londres où s’organisait un trafic vital pour l’économie européenne du Moyen Âge et de la Renaissance.
- ↑ Les Merchant Adventurers étaient une compagnie de marchands anglais active du XIVᵉ au XVIIᵉ siècle. Leur nom signifie littéralement « marchands aventuriers », car ils prenaient le risque (to adventure) d’exporter leurs marchandises au-delà des mers. Née à la fin du Moyen Âge, la guilde est formalisée en 1491. Elle rassemble surtout des marchands londoniens qui voulaient concurrencer les Hanséates (la Hanse germanique), jusque-là très dominants dans le commerce de l’Europe du Nord. Leur spécialité reposait sur l'exportation des draps de laine anglais vers le continent (Flandre, Pays-Bas, Allemagne, Scandinavie) et ramener en Angleterre des produits manufacturés, du vin, des épices et des denrées coloniales. Leur principal port d’ancrage était Anvers, puis, après son déclin, Middelbourg et Hambourg. C’était une compagnie fermée : seuls ses membres pouvaient exporter certains produits stratégiques (notamment les draps). Elle fonctionnait comme un monopole, mais garantissait aussi une certaine stabilité et la qualité des échanges. Ils furent les grands rivaux des marchands hanséatiques et de leur comptoir du Steelyard à Londres. Au XVe siècle, ils parviennent à obtenir du Parlement le retrait des privilèges de la Hanse, ouvrant une guerre commerciale faite de saisies de navires, de traités et de représailles. Au XVIIᵉ siècle, la compagnie décline avec l’essor des compagnies coloniales (Compagnie des Indes orientales, Royal African Company), plus adaptées au nouveau commerce mondial. En résumé, les Merchant Adventurers sont les pionniers du capitalisme marchand anglais : organisés, puissants, ils ont supplanté la Hanse en Europe du Nord et posé les bases de la future domination commerciale anglaise.
- ↑ La teinture calimala désigne, au Moyen Âge et à la Renaissance, l’activité des marchands florentins regroupés dans l’Arte di Calimala (la corporation des « marchands de draps de Calimala »). Leur spécialité : importer des draps bruts de Flandre ou d’Angleterre, puis les raffiner à Florence (lavage, teinture, finissage) avant de les réexporter à grand profit. En quelques mots, la teinture calimala correspond donc au travail de finition des draps étrangers à Florence, qui fit la richesse de la ville.