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La Logique de la liberté

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La Logique de la liberté
The Logic of Liberty: Reflections and Rejoinders
La Logique de la liberte.jpg
Auteur : Michael Polanyi
Genre
Épistémologie, Philosophie politique
Année de parution
1951
Dans ce recueil d'articles, Michael Polanyi établit la supériorité des sociétés polycentriques sur les sociétés dirigistes, en partant du cas de la science.
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La Logique de la liberté (The Logic of Liberty) est l'ouvrage majeur de Michael Polanyi, paru en 1951. C'est le seul de ses ouvrages traduit en français, par Philippe Nemo en 1989.

Présentation

Ce recueil d'articles de Michael Polanyi est construit en deux parties : la première regroupe des articles écrits pendant la période 1942 - 1949, qui traite de la science et de la condition de son progrès, dans le contexte international de l'affaire Lyssenko : ce dernier, un agronome soviétique protégé par Staline, entendit dans les années 1930-1940 promouvoir une science prolétarienne, planifiée, en réaction à la « science bourgeoise » pratiquée jusqu'alors. Il fit emprisonner son principal opposant et fut en bonne part responsable des famines de l'époque en URSS. Comme le souligne a posteriori Philippe Nemo, « en voulant enrégimenter science et éducation au service des « masses » et hâter les inventions favorables à la productivité économique, les Michourine et les Lyssenko n'ont fait que paralyser le processus du développement scientifique »[1]. Pourtant, les mêmes demandes de prise en main idéologique de la science se multipliaient en Grande Bretagne. Polanyi, à l'inverse de cette tendance, propose une reconstruction des fondements de la liberté académique, en insistant sur la nécessité de l'individualisme dans la recherche scientifique. La recherche scientifique fonctionne selon Polanyi à la manière d'un organisme composé de cellules souche, qui « [vivent] une vie propre tout en adaptant [leur] croissance à celle de [leurs] voisines, de telle manière que toutes ensemble, elles finissent par former une structure harmonieuse ». A la différence d'une maison, pour la construction de laquelle un plan est nécessaire, le plan de l'organisme que représente la science est inconnu. Pour illustrer ce point, il propose l'exemple de la statue[2]:

« Si l'on rassemblait les morceaux d'une statue et qu'il n'y eut pas de tête, on saurait avec certitude que la statue est encore incomplète. Mais le caractère incomplet de la science dans les états successifs de son progrès n'apparaît nullement de manière évidente. Et pourtant, il est bien possible qu'il en manque encore de vastes parties. La physique, dans l'état où elle était il y a un demi-siècle n'avait pas la théorie quantique ni la relativité, et elle ignorait les électrons et la radioactivité. Pourtant on pensait à l'époque qu'elle était pour l'essentiel achevée. [...] Pour illustrer la croissance de la science, il faut donc imaginer une statue qui, au fur et à mesure qu'on en assemble les pièces, apparaîtrait toujours complète, à chaque étape, et qui semblerait changer de signification chaque fois qu'on lui ajoute un nouveau fragment. »

Dès lors, il est impossible de prévoir comment la construction va évoluer. Aucun organisme planificateur ne peut prévoir la meilleure direction pour les recherches futures que le scientifique lui-même. De cette impossibilité, Polanyi tire son argument majeur en faveur de la liberté académique[3] :

« Aucun comité de scientifiques, si distingués qu'ils soient, ne saurait prévoir les développements à venir de la science [...]. Un tel comité ne pourrait prédire aucune avancée scientifique importante. Les problèmes qu'il choisirait de traiter n'auraient donc aucune valeur scientifique réelle. Ou bien il serait dénué d'originalité, ou bien à supposer que le comité envoie promener toute prudence et s'aventure à faire des suggestions réellement novatrices, ces suggestions seraient immanquablement irréalistes. Car les points où le système existant de la science peut être effectivement amélioré ne se révèlent qu'au chercheur individuel. Et encore, à condition qu'il se concentre pendant toute sa vie sur un seul aspect particulier de la science. »

Exemple d'une société monocentrique (un échelon, chaque individu pouvant traiter 9 relations) et d'une société polycentrique de 9 personnes

Dans une seconde partie, Polanyi élargit sa réflexion à la philosophie sociale, en soulignant l'impossibilité de la planification et surtout la supériorité définitive des sociétés polycentriques sur les sociétés monocentriques. A l'ordre spontané des premières s'oppose l'ordre organisé des secondes, dans lequel les actions de tous les individus sont coordonnées par un organisme planificateur. Dans cet ordre organisé, les relations sont organisées de façon pyramidale puisque chaque personne de la hiérarchie ne peut diriger efficacement qu'un nombre limité de personnes.

Polanyi donne plusieurs exemples d'ordre spontané pour expliciter sa pensée dont un wagon de train : les premiers arrivés occuperont les places dans le sens de la marche, près des fenêtres, puis les suivants les autres places dans le sens de la marche, etc. De même, les cinq avants d'une équipe de football se coordonneront par ajustement mutuel. A l'inverse, il cite comme exemple d'ordre organisé l'équipage d'un petit navire sous l'autorité d'un capitaine et qui doit affronter une tempête.

L'idée directrice développée par Polanyi est que les ordres polycentriques peuvent traiter une quantité d'information bien plus grande que les ordres monocentriques. Plus le problème sera complexe, plus cet avantage des sociétés polycentriques sera grand. Au niveau de complexité qui est celui de nos sociétés modernes, un système planifié (monocentrique donc) ne pourrait tout simplement pas fonctionner. Le planificateur serait ainsi « placé dans la situation d'un homme chargé de conduire d'une seule main une machine dont le fonctionnement requiert l'emploi simultané de plusieurs milliers de leviers. Les pouvoirs légaux qu'aurait une telle autorité ne lui serviraient à rien dans cette tâche ; en voulant les faire respecter, quoi qu'il arrive, on ne pourrait que paralyser un système qu'on n'arriverait pas à gérer. ». A l'inverse, un ordre spontané sera à même de traiter les informations envoyées par des millions d'acteurs, en particulier grâce au système des prix. Polanyi prend l'exemple de la distribution du gaz : « Songeons, par exemple, aux consommateurs de gaz à un moment où il y a une pénurie se traduisant par une baisse anormale de la pression. Un grand nombre d'entre eux ne pourront chauffer l'eau de leur bain à une température acceptable et préféreront, dans ces conditions, ne pas prendre de bain du tout. Toute personne décidant, compte tenu de la pression du gaz à ce moment, de prendre ou de ne pas prendre un bain, affectera directement la décision de tous les autres consommateurs, en train de chercher, au même moment, une solution au même problème. On a ici un système d'ajustements mutuels dont chacun affecte des milliers de relations. »

Polanyi accompagne cette idée de plusieurs exemples formels qui établissent mathématiquement cette supériorité des ordres polycentriques.

Les idées exposées par Polanyi ont exercé une influence certaine sur les idées de Friedrich Hayek sur l'ordre spontané. Néanmoins, Polanyi ne développe pas la question des institutions nécessaires au fonctionnement harmonieux d'un ordre spontané, ce que Hayek approfondira dans La Constitution de la liberté (1960) puis Droit, législation et liberté (1973-1979).

Notes et références

  1. Philippe Nemo, Histoire des idées politiques aux Temps modernes et contemporains, PUF, p.1319
  2. Cet exemple avait déjà été proposé par John Milton en 1644 dans son Areopagitica, à propos de la vérité
  3. On retrouve là aussi une influence possible de John Milton, qui avait énoncé le même argument, pour dénoncer l'inanité de la censure.

Bibliographie

  • 1987, R. Gelwick, The Way of Discovery: An Introduction to the Thought of Michael Polanyi, Oxford University Press
  • 1989, Philippe Nemo, Introduction à La Logique de la liberté, PUF
  • 1998, Philippe Nemo, Histoire des idées politiques aux Temps modernes et contemporains, PUF, réédition 2003, pp.1317-1323

Voir aussi

Liens externes


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