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Ergo

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Ergo est un journal libéral fondé en 1969 au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Distribué à Harvard, MIT, Boston University et Wellesley avec un tirage de 5 000 exemplaires, Ergo défend l'objectivisme, une philosophie dérivée du libéralisme prônant les droits individuels et la limitation de la force. Édité par Steven Wright, le journal critiquait l'intervention gouvernementale et soutenait une société où la coercition est absente, tout en débattant des implications philosophiques et pratiques de ces idées.

Contexte et Origines d'Ergo

  • . Création et Objectifs

Ergo était un journal libéral fondé en 1969 au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Sa création est provenu d'une réaction directe à l'apparition d'un journal étudiant de gauche, dont l'influence a rapidement décliné. Le fondateur et éditeur actuel, Steven Wright, a orienté le journal vers une philosophie libéral précise, se distançant des débuts plus éclectiques où les opinions des contributeurs allaient des républicains aux socialistes utopiques. Aujourd'hui, Ergo suit la philosophie objectiviste, une approche fortement influencée par les écrits de la romancière et philosophe Ayn Rand. L'objectivisme prône une société où les droits individuels sont inviolables, sauf en cas d'usage ou de menace de la force.

  • . Distribution et Audience

Ergo est distribué principalement dans la région de Boston, touchant les campus de Harvard, MIT, Boston University et Wellesley. Avec un tirage hebdomadaire de 5 000 exemplaires, le journal cherche à influencer et à éduquer les étudiants sur les principes libéraux, libertariens et objectivistes. Sa présence sur ces prestigieux campus lui permet de s'adresser à un public jeune, intellectuellement curieux et potentiellement influent. Malgré ses ressources limitées, Ergo a réussi à se maintenir et à croître grâce à une combinaison de financements provenant des abonnements, des publicités et du soutien logistique fourni par le MIT.

Ergo se distingue par son engagement à promouvoir un débat intellectuel rigoureux sur le libéralisme et à servir de catalyseur pour une diffusion plus large de ces idées. En s'appuyant sur les principes de l'objectivisme, le journal vise à inspirer une nouvelle génération de penseurs et de leaders prêts à remettre en question le statu quo et à envisager une société fondée sur la liberté individuelle et la responsabilité personnelle.

Critique du Soutien Financier Indirect du MIT via des Subventions Gouvernementales

Ergo, bien que fervent défenseur de l'objectivisme et des principes libéraux, se trouve dans une position délicate en ce qui concerne son financement. Steven Wright, l'éditeur du journal, reconnaît avec une certaine gêne que le journal bénéficie de bureaux et d'équipements fournis gratuitement par le Massachusetts Institute of Technology (MIT). Cette situation est problématique pour Wright et son équipe, car elle entre en contradiction avec leurs principes fondamentaux.

Le MIT, comme de nombreuses institutions de recherche de haut niveau, reçoit une part substantielle de son financement de la part du gouvernement, sous forme de subventions et de contrats. Ces fonds publics proviennent des impôts, que Wright et les libéraux considèrent comme une forme de coercition. En d'autres termes, le soutien financier indirect qu'Ergo reçoit du MIT est, selon Wright, entaché par l'origine coercitive des fonds.

Pour Wright, ce soutien est une source de conflit interne. Il estime que l'acceptation de ces ressources va à l'encontre des idéaux libéraux d'autonomie et de non-coercition. Les impôts sont perçus comme une forme d'agression contre les droits individuels, car ils sont collectés par la force. Par conséquent, toute aide indirecte provenant de fonds publics est considérée comme moralement suspecte.

Cette critique souligne une contradiction inhérente au fonctionnement d'Ergo. D'un côté, le journal promeut une vision du monde où toutes les interactions économiques seraient volontaires et exemptes de coercition. De l'autre, il doit composer avec la réalité pratique de son environnement institutionnel, où une part significative des ressources disponibles provient de financements publics.

Wright reconnaît cette contradiction mais la considère comme un mal nécessaire pour maintenir la publication et la diffusion des idées libérales. En 1976, il espérait qu'à terme, Ergo pourra trouver des sources de financement alternatives, en accord avec ses principes. En attendant, la critique du financement indirect via le MIT sert aussi de rappel constant des défis auxquels sont confrontés ceux qui cherchent à appliquer des idéaux philosophiques stricts dans un monde imparfait et complexe.

Débats et Controverses Internes

  • . Tensions au sein de la Communauté Libérale

Depuis sa création, Ergo n'a pas seulement fait face à des défis externes, mais aussi à des tensions internes au sein de la communauté libérale. Une critique récurrente émanant de certains libéraux est que le journal était "trop à droite". Cette étiquette découle principalement de l'application stricte et parfois inflexible des principes de l'objectivisme, inspirés par Ayn Rand.

De nombreux libéraux estimaient qu'Ergo poussait la philosophie randienne à l'extrême, ce qui créait des frictions au sein du mouvement. Par exemple, Lawrence White, président de Sons of Liberty, une autre organisation libérale de Harvard, a exprimé son mécontentement en qualifiant Ergo de trop rigide. Selon lui, la ligne éditoriale du journal, fondée sur les pensées d'Ayn Rand, ne laissait pas suffisamment de place à une diversité de perspectives libérales.

Cette rigidité philosophique a également conduit à des accusations de dogmatisme. Un membre anonyme de Sons of Liberty a critiqué l'attachement presque religieux du journal aux idées de Rand, les qualifiant de "séniles". Ces tensions soulignaient une fracture au sein du mouvement libéral, où différentes factions peinaient à trouver un terrain d'entente sur l'interprétation et l'application des principes libéraux.

  • . Séparation avec les Libéraux de Harvard

La divergence de perspectives a également conduit à une séparation notable entre Ergo et les libertariens de Harvard, représentés par Sons of Liberty. Bien que partageant une base philosophique commune, les deux groupes ont eu des approches différentes quant à la mise en pratique du libéralisme.

Ergo se distinguait par son engagement ferme envers l'objectivisme, ce qui l'amenait souvent à dépasser le cadre strictement politique pour s'aventurer dans des domaines tels que l'art et la conduite personnelle. Par exemple, Ergo a critiqué une exposition de sculptures au néon de l'artiste Chris Sproat à la galerie Hayden du MIT, affirmant que les œuvres ne méritaient guère plus que quelques secondes d'attention. Cette approche esthétique basée sur des critères objectivistes a été perçue comme trop rigide et élitiste par d'autres libéraux.

De plus, Ergo publiait chaque année un article destiné aux nouveaux étudiants, les mettant en garde contre le collectivisme et la pression des pairs sur les campus universitaires. Cette position, bien que cohérente avec les principes de l'objectivisme, était souvent jugée excessivement moralisatrice par les membres de Sons of Liberty. Donald Rucker, un membre de cette organisation, a critiqué cette attitude moraliste, affirmant que les randiens d'Ergo imposaient des standards absolus qui dépassaient les simples questions de structure sociale pour s'immiscer dans les comportements individuels.

Ces différences de vision et de stratégie montrent que, même au sein d'un mouvement idéologique cohérent comme le libéralisme, il existe une diversité de pensées et de pratiques. Les débats et les controverses internes entre Ergo et les autres factions libérales reflètent les défis de maintenir une unité tout en respectant les principes de liberté individuelle et de diversité d'opinion.

Positionnement éditorial d'Ergo

  • . Critiques au-delà de la Politique

Ergo ne se limitait pas à la politique dans ses critiques et analyses. Son positionnement éditorial s'étendait également aux domaines de l'art et de la vie quotidienne, où il appliquait les principes stricts de l'objectivisme.

Par exemple, au niveau de l'art, Ergo soulignait une préférence marquée pour l'art romantique, considéré par les objectivistes comme la seule forme d'art véritablement "bonne". Cette vision artistique était enracinée dans les valeurs de rationalité et de célébration de l'individu, caractéristiques de l'objectivisme.

De plus, Ergo n'hésitait pas à s'attaquer aux aspects de la vie universitaire qu'il jugeait collectivistes. Chaque automne, le journal publiait un article destiné aux nouveaux étudiants, les mettant en garde contre les dangers de la pression des pairs et du conformisme sur les campus. Selon Ergo, ces pressions menaçaient l'individualité et la liberté de pensée, des valeurs fondamentales pour les libéraux et les libertariens. Steven Wright, l'éditeur, décrivait la pression sociale comme un "tueur vicieux" capable de détruire les esprits les plus forts, insistant sur la nécessité de rester fidèle à ses idéaux malgré l'opposition collective.

  • . Vision de la Société Idéale

Le positionnement éditorial d'Ergo s'articulait également autour d'une vision claire et rigoureuse de la société idéale. Au cœur de cette vision se trouvait une critique incessante de l'intervention gouvernementale. Wright et son équipe dénonçaient régulièrement les subventions et les programmes gouvernementaux, qu'ils considéraient comme des interférences coercitives dans la vie des individus. Ergo critiquait, par exemple, les subventions pour des projets de recherche jugés futiles, comme l'étude des relations entre l'homme et l'ours polaire, y voyant un gaspillage des ressources extorquées aux contribuables.

Dans l'idéal d'Ergo, la société fonctionnerait sans coercition. Les services publics, y compris la police et la défense nationale, seraient financés volontairement par ceux qui souhaitent en bénéficier. Wright reconnaît cependant une certaine difficulté pratique avec ce que nomment notamment les économistes, les passagers clandestins, c'est-à-dire, le fait que même ceux qui ne paieraient pas pour la défense nationale en profiteraient indirectement. Malgré cela, il reste convaincu que la levée de fonds volontaires est réalisable, se basant sur l'histoire des armées de volontaires.

Ergo envisageait un monde où les interactions humaines sont fondées sur le consentement mutuel et la coopération volontaire. Cette société idéale rejetterait toute forme de coercition, et chaque individu serait libre de poursuivre ses propres intérêts tant qu'il ne porte pas atteinte aux droits d'autrui. Ce modèle théorique est présenté non seulement comme une critique des structures existantes, mais aussi comme une aspiration tangible pour les lecteurs d'Ergo, les encourageant à réfléchir et à agir en faveur d'un changement sociétal profond et volontaire.

En somme, le positionnement éditorial d'Ergo, bien que parfois perçu comme dogmatique, offrait une perspective unique et rigoureuse sur l'application des principes libéraux et libertariens à divers aspects de la vie. Par ses critiques et ses visions, le journal cherchait à stimuler le débat intellectuel et à promouvoir une société fondée sur la liberté individuelle et la responsabilité personnelle.

Pragmatique vs. Idéalisme

  • . Compromis Politiques

Ergo, tout en défendant ardemment les principes de l'objectivisme et du libéralisme, n'hésitait pas à faire des compromis politiques pragmatiques pour avancer ses idées dans le monde réel. Un exemple notable de cette approche pragmatique fut le soutien d'Ergo aux candidats républicains Richard Nixon et Gerald Ford lors des élections présidentielles. Steven Wright, l'éditeur, justifiait ce choix, non sans malice rétroactive, par le fait que, selon lui, l'administration Ford avait adhéré au "credo libertarien" significatif en ne faisant "rien", se rapprochant ainsi de l'idéal de non-intervention gouvernementale prôné par les libéraux et les libertariens.

Cette position contraste fortement avec celle de nombreux autres libertariens, notamment les membres de Sons of Liberty de Harvard, qui ont soutenu les candidats du Parti libertarien, John Hospers en 1972 et Roger MacBride en 1976. Ces derniers reprochaient à Ergo de compromettre ses idéaux en soutenant des candidats qui, bien qu'ils puissent être moins interventionnistes que d'autres, ne sont pas authentiquement libertariens. Pour eux, soutenir des candidats du Parti libertarien, même s'ils ont peu de chances de gagner, est crucial pour maintenir la pureté idéologique et promouvoir à long terme un véritable changement politique.

  • . Absence d'Exemples Concrets

Un autre défi majeur pour Ergo et ses partisans fut l'absence d'exemples concrets de sociétés libertariennes fonctionnant pleinement selon leurs principes. Wright et son équipe admettaient qu'il n'existe pas encore de modèle réel et réussi d'une société entièrement libertarienne. L'une des rares tentatives documentées a eu lieu avec la République de Minerva, lorsqu'un groupe de libertariens, sous le leadership financier de Michael Oliver, a tenté de créer une nation sur un récif corallien dans le Pacifique. Leur espoir était de remplir suffisamment de terre pour établir une île-nation où le libertarianisme pourrait prospérer sans interférence extérieure. Cependant, cette tentative a été rapidement anéantie par l'intervention militaire du Tonga qui revendiquaient déjà le territoire.

Malgré ce manque de précédents concrets, Wright se référait souvent aux principes libéraux des Pères Fondateurs américains comme une inspiration. Il soutenait que de nombreux aspects du gouvernement américain originel reflétaient des idées libérales, comme la méfiance envers le pouvoir centralisé et l'accent mis sur les droits individuels. Bien que ces références historiques ne soient pas des exemples parfaits d'une société libertarienne pure, elles fournissaient un cadre théorique et philosophique sur lequel les partisans d'Ergo pouvaient s'appuyer.

  • . Le Défi de l'Application Pratique

La tension entre pragmatisme et idéalisme fut une ligne de faille constante dans les débats internes et les positions éditoriales d'Ergo. Le journal dût naviguer entre la promotion de ses idéaux sans compromis et la nécessité de s'engager dans la réalité politique pour avoir un impact tangible. Cette dualité fut un reflet des défis plus larges auxquels sont confrontés les mouvements idéologiques lorsqu'ils tentent de transformer des théories philosophiques en pratiques viables et efficaces.

En fin de compte, Ergo a cherché à être à la fois une plateforme de réflexion intellectuelle et un acteur pragmatique du changement. Ses compromis politiques, tout en étant critiqués par certains puristes, montrent une volonté de jouer un rôle dans le monde réel, de manière à influencer et à préparer le terrain pour une adoption plus large des principes libéraux et libertariens. Par ailleurs, en soulignant les tentatives passées et les inspirations historiques, le journal a continué d'encourager une réflexion profonde sur la manière dont une société libertarienne pourrait un jour se concrétiser.

Textes externes