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Entreprise libérée

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L'entreprise libérée se pose comme une alternative à l’organisation taylorienne (Frederick W. Taylor) et fayolienne (Henri Fayol) avec tous ses inconvénients malgré leurs apports en performance dans les organisations. Cette idée est défendue par des consultants, des coachs, des enseignants[1] et des spécialistes en ressources humaines. Isaac Getz est professeur à l’ESCP Europe à Paris et conférencier.[2]. Pourquoi faut-il libérer l'entreprise ? Qu'est-ce qui rend l'entreprise captive ? Les défenseurs de l’entreprise libérée souhaitent rendre la liberté à ceux qui la composent mais prennent-ils en compte tous les facteurs institutionnels ?

Qu'est-ce que l'entreprise libérée

L'approche de l’entreprise libérée est une boîte à outils basée sur un certain nombre d'expériences menées dans des organisations[3]. Elle répond à la question de l'adaptation de l'entreprise au monde du XXIe siècle avec des règles de fonctionnement davantage en rapport avec celles des entreprises des époques passées. Elle adopte des solutions sur mesure correspondant aux différentes situations que connaissent les entreprises.

Alors que les idées de liberté, d’initiative et de propriété sont depuis des lustres les moteurs de la création et du développement des entreprises, cette idée nouvelle de libérer les entreprises veut y insérer les notions de confiance, d'autonomie et de responsabilité. Pour les entreprises nouvelles, il existe un enjeu de ne pas succomber à la concentration du pouvoir et d'éviter pour les collaborateurs de ne pas faillir sous le poids de "pénibilité du travail" stérilisante au niveau de la motivation. L’intensité de l’effort n'est pas remise en question[4], ni plus d'ailleurs le devoir d'obéir à sa hiérarchie. Mais la complexité croissante des organisations influe sur les conditions des ordres des managers, différents et divergents, provoquant souvent des injonctions contradictoires et inaudibles pour les exécutants.

Dans ces organisations libérées, les salariés sont considérés presque comme des intrapreneurs puisqu'on leur laisse une certaine liberté de prendre des initiatives au lieu de leur dire comment faire et quoi faire. Le leadership dans l'entreprise libérée se différencie d'un leadership autoritaire. La philosophie de leur management pousse encore plus loin à réfuter un leadership transformationnel dont la vision de l'entreprise ne proviendrait que d'un seul leader libérateur, l'entrepreneur providentiel, qui serait le seul à développer le changement.

Critiques du concept de l'entreprise libérée

Les concepts de "Liberté et Cie" ou de "Holacratie" sont des noms de marque déposés par les auteurs défendant l'entreprise libérée qui ne prônent pas, pour autant, la gratuité de la propriété intellectuelle. Mais, en dehors de ces arguments ad hominem, le concept de l'entreprise libérée mérite d'être mieux étudié. L'enjeu de l'entreprise libérée est crucial voire incontournable. Mais, est-ce que les auteurs n'ont pas omis des points très importants dans leur analyse ?

L'entreprise est un concept managérial en vogue[5]. L’engouement médiatique pourrait faire croire comme tous les phénomènes de mode qu'il est voué à subir un cycle de vie très court. Donc, le concept ne serait qu'une poudre aux yeux pour des managers en mal d'idée nouvelle de management, vendue par bon nombre de communicants. Ceci serait vrai si le concept n'est pas construit sur des bases théoriques solides, c'est-à-dire sur des lois universelles valables dans l'espace et dans le temps.

Les mots choisis sont-ils propres à exprimer les idées du concept ? La libération des salariés est centrale dans le concept, ce qui n'est pas le sens donné à l'entreprise vue sous l'angle corporate. Le concept a tendance à faire fi des droits de propriété privée des actionnaires, leur privant du droit de gérer leur entreprise par l'intermédiaire des managers. Hors, la responsabilité ne se décrète pas à l'extérieur de l'institution des droits de propriété.

Certes, la concentration du pouvoir est dangereuse. Mais, la volonté absolue de libérer l'entreprise contre un leadership toxique peut engendrer des conséquences inattendues et pires. Vouloir diriger en supprimant les corps intermédiaires, porte un risque de dérive vers une configuration de leadership autocratique. Les strates managériales ont leur raison d'être en servant de relais de communication (de bas en haut) tout en étant des proxy-entrepreneurs (stimulation entrepreneuriale de haut en bas). Le concept de l'entreprise libérée a trop tendance à vouloir caricaturer le modèle du leadership militaire ou du leadership patriarcal à "l’ancienne" sans prendre en compte les facteurs culturels de leur émergence et donc de leur efficacité.

Il y a cependant une notion utile de management par les ressources dans le concept de l'entreprise libérée. L'avantage concurrentiel des entreprises n'est pas seulement de disposer de ressources dont ne disposent pas leurs concurrents et que le manager pourrait puiser selon ses envies. La vision des ressources est beaucoup plus dynamique et subjective. Le manager est lui-même une ressource dont les compétences et la valeur s'accroissent en proportion de sa capacité à les mettre en action et en fonction de la demande de ses collaborateurs. Le rôle du manager est donc de faciliter, d'accompagner, de fluidifier et de reconnaître les ressources tout en étant lui-même une ressource pour les autres.

Informations complémentaires

Notes et références

  1. Gilles Verrier est professeur affilié à l’ESCP Europe, où il exerce un co-leadership sur la direction de "l’executive master RH"
  2. Nicolas Bourgeois, directeur associé chez Identité RH et co-auteur de "Faut-il libérer l’entreprise ?"
  3. Les entreprises suivantes ont expérimenté le concept d'entreprise libérée : Kiabi, l’agence de communication M & C Saatchi GAD, le groupe Coopératif Up (ex-Chèque Dejeuner), Daher, BNP Paribas...
  4. À ce propos, le modèle du leadership eustressant montre les effets du stress positif du leader
  5. Prix du Stylo d’Or de l’ANDRH (Association Nationale des Directeurs en Ressources Humaines) a récompensé le livre « Faut-il libérer l’entreprise ? en 2016. Notamment les auteurs évoquent l'argument que les fonctions support de l'entreprise comme le département des ressources humaines créent de la valeur pour le client final. Donc, que ces fonctions support constituent un avantage concurrentiel.

Bibliographie

  • 2009, Brian M. Carney, Isaac Getz, "Free Your Employees and Let Them Lead your Business to Higher Productivity, Profits and Growth " (Libérez vos employés et laissez-les conduire votre business pour plus de productivité, de profits et de croissance).
  • 2016,
    • Nicolas Bourgeois, Gilles Verrier, "Faut-il libérer l'entreprise? Confiance, responsabilité et autonomie au travail", Paris, Dunod
    • Brian M. Carney, Isaac Getz, "Liberté & cie: Quand la liberté des salariés fait le succès des entreprises", Paris: Flammarion
  • 2018, Alexandre Gérard, "Le patron qui ne voulait plus être chef: Osez l'entreprise libérée", J'ai lu
  • 2019, Isaac Getz, "L'Entreprise libérée: Comment devenir un leadeur libérateur et se désintoxiquer des vieux modèles", Fayard/Pluriel

Liens externes