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Création des lois dans l'anarcho-capitalisme
"Qui crée les lois dans une société anarcho-capitaliste ?"
Il n'y a pas d'instance législative qui impose des lois. Le droit est régi d'une part, par les principes généraux issus du droit naturel (respect de la liberté et de la propriété d'autrui), d'autre part par les règlements privés à valeur contractuelle (le contrat est la loi des parties). La justice étant privatisée, les conflits sont réglés par des tribunaux privés.
D'après David Friedman, des systèmes de droit pourraient être produits dans un but de profit sur le marché libre, de sorte que chacun pourrait obtenir sa propre loi (pour autant qu'une agence la fournisse). Par exemple, on peut imaginer que deux sortes d’agences coexisteront, les unes n'appliquant pas la peine de mort, les autres l'appliquant, les unes punissant l'interruption de grossesse et les autres non, les unes faisant respecter un droit animal et les autres non, etc. ; si un conflit survient entre deux agences d'opinion différente, une négociation permettra d'arriver à un accord (et d'établir une jurisprudence pour ce type de situation). Voir "Vers une société sans État".
Ce point de vue n'a rien d'utopique. Il a existé et il existe en effet des pays où plusieurs législations coexistent :
- aux États-Unis, il existe un "droit des tribus indiennes" qui s'applique par exemple lorsqu'un crime est commis dans une réserve indienne (cas de l'assassin navajo Lezmond Mitchell, condamné à mort en 2003 alors que les Navajos s'opposent à la peine capitale)
- en Europe, dans de nombreux pays, depuis la « Charte générale des libertés juives » en Pologne (8 septembre 1264), les Juifs ont longtemps été régis par une cour juive pour les affaires juives (tribunaux rabbiniques) et un tribunal séparé pour les affaires impliquant des Juifs et des Chrétiens ;
- en Inde le droit hindou ou la charia s'appliquent respectivement pour les citoyens hindous ou musulmans (les idéologues de l'Hindutva, mouvement identitaire indien, préconisent au contraire un code civil uniforme, qui supprimerait les dispositions spéciales prévues dans la Constitution pour les musulmans et les chrétiens) ;
- en France, à Mayotte (département d'outre-mer), jusqu'en 2011, les Mahorais pouvaient choisir entre un statut de droit commun (identique à la métropole) ou un statut musulman (incidences sur l'héritage, la polygamie, le droit foncier, etc. - la lapidation a cependant été abolie en 1939) ; de même, en Algérie française, les "indigènes" étaient régis par le droit musulman, qui était incompatible avec le droit français sous plusieurs aspects[1] et les empêchait d'obtenir la citoyenneté française ;
- au Nigeria, la Constitution laisse à chaque État la possibilité d'appliquer la charia, les non-musulmans n'étant pas concernés[2] ;
- le système du "millet" dans l'Empire ottoman permettait la cohabitation de religions et législations différentes ;
- en Thaïlande au XIXe siècle et au début du XXe siècle (le pays est alors appelé Siam, et est semi-colonisé par les Britanniques), la loi siamoise ne s'appliquait pas aux ressortissants occidentaux, qui relevaient de leur juridiction consulaire (privilège d'extraterritorialité) ; la raison de cet état de fait était que les Occidentaux jugeaient trop cruel et trop primitif le droit pénal siamois.
On peut citer aussi les ghettos juifs :
- Les ghettos juifs très calomniés, caractéristiques des villes européennes tout au long du Moyen Âge, n’étaient pas le signe d’un statut juridique inférieur accordé aux Juifs ou d’une discrimination anti-juive. Au contraire, le ghetto était un endroit où les Juifs jouissaient d’une complète autonomie étatique et où le droit rabbinique s’appliquait. (Hans-Hermann Hoppe, Démocratie, le dieu qui a échoué)
En Somalie, le Xeer, un système de droit coutumier très ancien (7e siècle), a toujours fonctionné sans interaction étatique ni organe central.
Exemple : le Code de la route
Actuellement, ce code fait l'objet de dispositions législatives issues du Parlement ou du gouvernement.
Dans une société libertarienne, l'équivalent du Code de la route est une règlementation instaurée par une société privée propriétaire de la voirie (ou à laquelle l'exploitation de la voirie a été concédée par la société propriétaire) : tout usager de la route est censé contractuellement se conformer à cette règlementation et la société prend toutes mesures (conformes au droit naturel) qu'elle juge nécessaires pour la faire respecter, y compris des mesures répressives (décision d'exclusion définitive du réseau routier des contrevenants, surveillance des routes par une police privée, etc.).
Si différentes sociétés sont propriétaires de différents réseaux routiers, elles ont tout intérêt à harmoniser leurs différents "codes de la route" (de même qu'en téléphonie, ou en Internet, les sociétés sont en concurrence mais utilisent des protocoles techniques identiques). Les sociétés d'assurances auraient aussi un rôle important à jouer, en imposant des mesures préventives aux signataires de leurs contrats (port de la ceinture, obligation de passer un examen de contrôle d'aptitude à conduire) sous peine de ne pas être assurés.
On a donc un exemple où des lois étatiques ont été remplacées par une règlementation privée (expression du droit de propriété). Le résultat semble identique (parce qu'effectivement de telles règles sont de toute façon indispensables), encore que les routes "libertariennes" seraient sans doute plus sûres que les routes "étatiques". En revanche, une société libertarienne ne connaitrait pas la « diarrhée » législative étatique contemporaine, consistant en lois inutiles ou inappliquées, quand elles ne sont pas nuisibles et liberticides.
Notes et références
- ↑ Polygamie, mariage des enfants sans leur consentement, répudiation unilatérale de l'épouse par son mari, reconnaissance paternelle d'un enfant, privilège mâle pour les successions.
- ↑ Nigeria : International Religious Freedom Report 2006
Citations
- Si, au lieu de contribuer à la prévention des conflits, l'État est une source permanente de conflits; et si, plutôt que d'assurer sécurité et stabilité juridiques, l'État génère lui-même insécurité et instabilité en permanence, via la législation, en remplaçant les lois immuables par des caprices arbitraires et "élastiques", alors jaillit inéluctablement la question de savoir si la bonne solution à apporter au problème de l'ordre social ne serait pas, évidemment, non étatiste. (Hans-Hermann Hoppe, La Grande Fiction - L'État, cet imposteur)
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