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Connaissance
Connaître, savoir, comprendre sont les trois principales clés de notre connaissance
Une économie de marché coordonne toutes les connaissances hétérogènes et décentralisées détenues par les individus dans l'ensemble de l'économie. Dans une vision longue du processus économique, les conditions économiques changent toujours, et les informations sur ces changements sont largement dispersées et, souvent, elles sont soumises à une interprétation. C'est la raison pour laquelle les personnes ont des informations incomplètes. Personne ne sait tout ce que tous les autres savent, de sorte que la connaissance d'une personne est différente de la connaissance des autres personnes. Plus encore, les individus eux-mêmes peuvent avoir des informations provenant de différentes sources qui sont conflictuelles et contradictoires.
Les connaissances idiosyncratiques et tacites des individus
Dans ce qui est sûrement l'article le plus influent, écrit par un économiste de l'école autrichienne, Friedrich Hayek (1945)[1] note que chaque individu a une connaissance spécifique de temps et de lieu. La connaissance est idiosyncratique, c'est à dire qu'elle est propre à chacun. Cela implique que les individus possèdent des connaissances que personne d'autre n'a. Mais, aussi, cela veut dire que chaque individu a une connaissance que personne d'autre ne pourra jamais avoir, aussi minimes les différences de connaissance qu'il puisse exister, même entre deux membres d'une même famille.
La plupart des connaissances dont dispose un individu sont des connaissances tacites, ce qui signifie qu'il est capable d'utiliser cette connaissance mais il n'est pas en mesure de la communiquer efficacement à d'autres personnes. La connaissance tacite ne peut être utilisée que par la personne qui l'a. Ainsi, le titulaire de la connaissance est incapable de l'exprimer, et encore moins de la résumer, en l'écrivant ou en l'expliquant à quelqu'un d'autre. De façon inverse, beaucoup de connaissance ne peuvent être acquises que grâce à l'expérience (par exemple, faire du vélo, double-cliquer sur une souris d'ordinateur, serrer un boulon au bon niveau ni trop serré, ni trop lâche, etc.).
L'erreur est de croire que la connaissance qui ne peut pas être exprimée est une connaissance abstraite et complexe, comme par exemple une connaissance scientifique. Mais Friedrich Hayek note qu'une grande partie de la connaissance consiste en des expériences et des observations passées qui servent de base pour l'action et à la prise de décision d'un individu lambda. La connaissance ne doit pas être considérée dans un sens général et scientifique mais une connaissance ne devient effective que si elle informe l'action. La connaissance implique surtout la correction de l'ignorance en ce qui concerne les enjeux et l'intention d'agir.
De nombreuses activités économiques sont également entreprises avec une connaissance tacite[2]. La connaissance tacite est possédée par tout le monde dans l'économie, pas seulement ceux qui sont au sommet de la hiérarchie des entreprises. Les personnes qui ont de l'expérience dans un métier apprennent à le faire mieux et de manière plus productive. A mesure que les gens acquièrent de l'expérience dans une entreprise particulière, ils sont plus en mesure d'avoir un jugement entrepreneurial au sein de leur ligne du travail. Souvent, certaines personnes qui ont des connaissances tacites savent mieux que d'autres ce qui est souhaitable, ce qui devrait être changé dans la conception d'un produit ou ce qui pourrait améliorer l'efficacité d'un processus de production. Même les personnes qui occupent des emplois, entre guillemets, au bas de l'échelle de la hiérarchie, capturent des connaissances tacites grâce à leur expérience.
Le rôle de la connaissance dans les anticipations
Toutes les personnes ont une connaissance incomplète avec des bases de connaissances différentes. Aussi, il arrive fréquemment que l'anticipation des individus soient contradictoires. Certaines personnes pensent que l'action A sera une action rentable alors que d'autres pensent que dans la même situation, l'action B sera rentable. Les deux peuvent être justes, les deux peuvent être fausses ou une ligne de conduite peut être meilleure que l'autre[3]. Cela revient à dire également, qu'une anticipation axée trop fortement sur une base de données de comportements "historiques" ne peut pas servir d'anticipation certaine sur les besoins futurs. Si on avait demandé à des utilisateurs s'ils achèteraient des téléphones portables dans les années 1990, beaucoup auraient dit que ce genre de téléphone était réservé au monde professionnel ou aux personnes en déplacement. Qui aurait pu affirmer, aujourd'hui, qu'avoir un téléphone portable même chez soi est un comportement qui a envahi le mode de consommation de quasiment toutes les générations qu'elles que soient leurs occupations sociales et dont le besoin générique a dépassé le simple besoin de communiquer ?
Les préférences des acheteurs ne sont révélées que par des transactions réelles sur le marché. Il n'existe donc pas d'information révélées (ou données) aux producteurs en l'absence du marché. Certes, ces derniers peuvent utiliser leurs connaissances ou leur intuition entrepreneuriale pour diriger les ressources économiques de manière qu'ils croient être rentables. Mais, le marché est un processus de découverte avec son lot d'incertitude sur les préférences subjectives des gens. Ainsi, le marché récompense l'utilisation efficace de la connaissance avec des bénéfices et il pénalise l'utilisation inefficace de la connaissance avec des pertes, de sorte que le marché fournit un mécanisme pour diriger les ressources vers les produits et les services que les consommateurs apprécient le plus. Dans de nombreux cas, les décisions rentables seront le résultat de connaissances supérieures, mais d'autres fois elles peuvent être le résultat de la chance (sérendipité). Une fois que le marché révèle l'évolution rentable de l'utilisation des ressources, cette information est potentiellement accessible à tous les acteurs du marché dont certains entrepreneurs qui vont y détecter de nouvelles opportunités de gain.
Lorsque la connaissance est décentralisée, hétérogène et tacite, il n'y a aucun moyen, même en théorie, qu'un planificateur central puisse rassembler toutes les informations pertinentes et allouer les ressources efficacement.
Annexes
Notes et références
- ↑ Friedrich Hayek, 1945,"The Use of Knowledge in Society", American Economic Review, Vol 35, n°4, September, pp519-530
- Repris en 1948, In: Individualism and Economic Order III, pp77-91
- Repris en 1986, In: Louis Putterman, Randall S. Kroszner, dir., "The Economic Nature of the Firm. A Reader", Cambridge, UK: Cambridge University Press, ch 4, pp63-68
- Traduction espagnole en 1983, Estudios Públicos, 12, pp157-169
- Traduction en français en 1986, "L’utilisation de l’information dans la société", Revue Française d’Économie, vol. 1-2, automne, pp117-140
- Traduction en italien en 1988, "L’uso della conoscenza nella società", In: F. Donzelli, dir., "Conoscenza, mercato, pianificazione", il Mulino, Bologna
- ↑ Une raison pour laquelle les salaires sont offerts aux grands dirigeants vient de leur connaissance tacite de gérer une grande entreprise. Un jeune et brillant diplômé avec, sans doute des connaissances plus "fraîches", ne peut pas fournir le même service à l'entreprise. Ceci explique la grande différence des salaires entre une personne qui a une connaissance tacite favorable à l'essor de l'entreprise et une personne qui a une connaissance tacite faiblement productive à l'organisation.
- ↑ Randall Holcombe propose un exemple pour illustrer les conclusions conflictuelles sur l'anticipation du succès de l'iphone. "Pour ne proposer qu'un exemple, lorsque Apple a introduit son iPhone en 2007, de nombreux observateurs ont estimé qu'il allait rencontrer un succès limité parce que les téléphones précédents avaient des touches mécaniques alors que d'autres observateurs pensaient que les utilisateurs préféreraient l'interface tactile de l'iPhone. Cependant, en quelques années suite à l'introduction de l'iPhone, les interfaces tactiles étaient les préférées du marché". Randall Holcombe, 2014, "Advanced Introduction to The Austrian School of Economics", Cheltenham, UK: Edward Elgar, p8
Bibliographie
- 1996, Gunnar Eliasson, "Firm Objectives, Controls and Organization – The Use of Information and the Transfer of Knowledge within the Firm", Boston/Dordrecht/London: Kluwer
- 2004, Nicolai Foss, Torben Pedersen, Organizing Knowledge Processes in the Multinational Corporation: An Introduction, Journal of International Business Studies, Vol 35, pp339-349
Citations
- Le plus grand ennemi de la connaissance n'est pas l'ignorance, c'est l'illusion de la connaissance. (Stephen Hawking)