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État et moindre mal

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« L'État est un moindre mal »

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L'idée est qu'on ne peut de toute façon empêcher le plus fort de prendre le pouvoir et d'imposer sa volonté. La loi du plus fort finit toujours par triompher. Il est donc préférable d'avoir un État que l'on connaît, avec ses défauts, plutôt qu'une dictature ou une absence d'État qui conduirait à une dictature succédant à une période d'anomie. Ce point de vue est partagé par un certain nombre de libéraux :

L’État est un mal nécessaire : ses pouvoirs ne doivent pas être multipliés au-delà de ce qui est nécessaire. On peut appeler ce principe le rasoir libéral (par analogie avec le rasoir d'Occam, le fameux principe selon lequel les entités ne doivent pas être multipliées au-delà de ce qui est nécessaire). Il est facile de montrer que cet État constituera un danger constant (ce que je me suis permis d’appeler un mal), fût-il nécessaire. Pour que l’État puisse remplir sa fonction, il doit avoir plus de pouvoir qu’aucun individu privé ou aucune organisation publique, et bien que nous puissions créer des institutions qui minimisent le danger que ces pouvoirs puissent être mal utilisés, nous ne pourrons jamais en éliminer le danger complètement. Au contraire, la plupart des citoyens auront à payer en échange de la protection de l’État, non seulement sous la forme de taxes, mais même sous la forme de certaines humiliations, par exemple, lorsqu’ils sont dans les mains de fonctionnaires brutaux. (Karl Popper, Public Opinion and Liberal Principles, 1954)
On admet communément qu’on ne peut agir hostilement contre quelqu’un, à moins qu’on en ait déjà été lésé en fait, et cela est tout a fait juste lorsque tous deux vivent dans un état légal et civil. Car en y entrant, celui-ci donne à celui-là la sûreté requise (au moyen du pouvoir souverain qui s’étend sur tous deux). — Mais l’homme (ou le peuple) qui vit dans l’état de nature m'enlève cette sûreté, et je me trouve ainsi lésé par cet état même où il vit à côté de moi, sinon en fait (facto), du moins parce que l’absence de toute loi qui distingue cet état est pour moi une menace continuelle (statu injusto). Je puis donc le contraindre ou bien à entrer avec moi dans un état légal commun, ou bien à s’éloigner de mon voisinage. (Emmanuel Kant, De la paix perpétuelle)

Ce point de vue est jugé par les anarcho-capitalistes éminemment conservateur. Il conduit à l'acceptation de n'importe quel régime politique en place. Il suppose que la situation actuelle est la meilleure à tous points de vue. Peu importe que l'État accroisse les injustices et impose son arbitraire : l'injustice vaut mieux que le changement. Il y a quelques siècles, on aurait dit que l'esclavage était un moindre mal, et au XXe siècle que le nazisme et le communisme étaient de moindres maux. Un libertarien réactionnaire comme Mencius Moldbug développe ce point de vue en insistant sur l'irréductibilité du pouvoir politique. Le libéralisme conteste ce point de vue conservateur, il est révolutionnaire parce qu'il fait toucher du doigt les injustices instaurées par l'État.

Pour l'anarcho-capitalisme, tout État est toujours injuste, même dans le contexte de la démocratie, dictature de la majorité. De par son mode d'existence, qui repose sur la coercition et la loi du plus fort, l'État n'est pas un moindre mal, il est le mal :

L'existence du mal ne peut jamais justifier l'existence de l’État. Si le mal n'existe pas, l’État est inutile. Si le mal existe, l’État est bien trop dangereux pour qu'on lui permette d'exister. (Stefan Molyneux)

Le réalisme ne consiste donc pas à privilégier une approche modérée du fait politique, mais à « jeter l'éclairage cru et impitoyable de la raison sur le statu quo existant » (Murray Rothbard). Comme l'écrivaient Linda et Morris Tannehill :

L'État n'est pas un mal nécessaire ; il est un mal inutile.

Il est évident cependant que dans une société débarrassée de l'emprise de l'État il y a toujours le risque qu'une organisation surgisse, s'impose par la force, et reconstitue l'équivalent d'un État, comme instrument de pouvoir, en éliminant toute force rivale. La théorie anarchiste suppose (de façon peut-être trop optimiste) qu'une telle organisation serait combattue et mise hors d'état de nuire. « Le prix de la liberté, c'est la vigilance éternelle.» (Thomas Jefferson)

L'anarcho-capitalisme suppose une population gagnée aux idées de liberté et prête à les défendre par les armes s'il le fallait, faute de quoi l'absence d'un État, disposant du monopole de la violence, conduit souvent à la guerre civile (exemple de la Somalie depuis 1991) ou à l'invasion par les États environnants. Pour David Friedman (Vers une société sans État), c'est la concurrence entre sociétés de protection (héritières de la fonction régalienne de police/défense) qui évite la réinstauration d'un monopole coercitif de la violence légitime.

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Citations

  • Si Hobbes a raison, si l’Homme est par nature mauvais, pervers et égoïste, alors ce principe est aussi vrai pour les Hommes qui composent et dirigent l’État. (Georges Kaplan, Assoiffés de Pouvoir, Libres ! 100 idées, 100 auteurs)
  • L’État n'est pas, comme certains aiment à le dire, un mal nécessaire ; ce n'est pas un mal, mais un moyen, le seul moyen disponible qui permette une coexistence pacifique des hommes. (Ludwig von Mises, Liberty and Property)
  • Il n'est pas besoin d'un État pour faire respecter les contrats et l'« hédonisme politique », consistant à penser que les hommes ont rationnellement décidé de la création d'un Etat, parce que ses bienfaits l'emporteraient sur ses inconvénients potentiels, est logiquement faux. Il convient alors d'affirmer qu'il n'y a pas de justification rationnelle à l'Etat. Sa naissance est un hasard de l'Histoire et le fameux « contrat social » n'est pas nécessaire, les contrats interindividuels suffisant à assurer la coopération sociale. (Pascal Salin, 1994, préface à L'Etat - La logique du pouvoir politique d'Anthony de Jasay)



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