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Harriet Martineau

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Harriet Martineau, née le 12 juin 1802 à Norwich, en Angleterre, s'est distinguée en tant que conteuse dans la tradition des économistes politiques libéraux. Elle a vécu jusqu'au 26 juin 1876, couvrant une période charnière de l'histoire et des idées au XIXe siècle. Ses contributions vont au-delà du discours économique traditionnel, utilisant la narration pour transmettre des idées complexes. Son approche unique consista à simplifier les concepts économiques pour un public plus large. Les séries mensuelles intitulées "Illustrations de l'économie politique" lui ont apporté la célébrité et l'indépendance financière. Ces séries ont servi de moyen pour éduquer le public sur des principes économiques de base, tels que les avantages de la division du travail et du libre-échange.

L'effort pour faire passer les idées au grand public

Harriet Martineau a partagé avec John Stuart Mill un engagement profond envers l'égalité et la liberté. Leur convergence sur ces idéaux se situe au cœur de leur pensée politique et économique. Contrairement à John Stuart Mill, Harriet Martineau a choisi délibérément de s'adresser exclusivement à un public populaire.

Lorsque le père de John Stuart Mill, James Mill, est consulté sur la publication des "Illustrations de l'économie politique" d'Harriet Martineau, il exprime initialement un scepticisme. Il émet des réserves sur le manque de rigueur scientifique des contes fictionnels de Martineau. Plus tard dans sa vie, il admit avoir mal évalué la capacité d'Harriet Martineau à illustrer des principes scientifiques à travers la fiction. Cette évolution de l'opinion de James Mill souligne la subtilité et la profondeur du travail de Martineau, souvent mal comprises par ses contemporains.

Elle exprima son admiration pour l'excellence de l'œuvre majeure d'Adam Smith, "La Richesse des Nations". Malgré ses mérites, elle critiqua son accessibilité, soulignant ses limites dans l'enseignement de la science aux masses. Selon elle, l'économie politique, telle qu'elle est présentée dans La Richesse des Nations, souffre d'un manque de leçons pratiques. Pourtant dans la lignée de la pensée de l'économiste écossais, Harriet Martineau attribuait la croissance lente et les inégalités à une mauvaise gestion de l'État. Elle considérait que l'ignorance des principes de l'économie politique constitue une barrière critique à la compréhension de la prospérité économique et du progrès. Connaitre ces principes est essentiel pour émanciper la société des barrières qui entravent la croissance et l'égalité économiques. Sans applications pratiques suffisantes, l'éducation de l'économie devient lugubre. Par conséquent, Harriet Martineau souhaitait d'expliciter la science économique de manière familière et pratique. De telle sorte qu'une approche pédagogique garantisse une compréhension plus large parmi la population générale.

L'oubli après sa mort puis le regain de notoriété

Malgré les épreuves de sa jeunesse[1], Harriet Martineau a développé ses connaissances de manière considérable. Sa lecture vorace et ses voyages étendus ont contribué à sa formation intellectuelle, faisant d'elle une figure érudite et bien informée de son temps.

Les écrits de Harriet Martineau ont connu un succès notable de son vivant, atteignant un large public et contribuant à sa renommée. Cependant, dans les cercles de l'économie moderne, son travail a été souvent minimisé, relégué à l'ombre par rapport à d'autres penseurs économiques de son époque. Son intention était de simplifier les concepts, initialement arides, pour les rendre accessibles au plus grand nombre, contribuant ainsi à combler le fossé entre la complexité de l'économie politique et la compréhension du public. Bien que ses histoires aient été efficaces pour éduquer le public de son temps, les spécialistes contemporains ont parfois négligé son originalité et la sophistication de ses idées. Les critiques émises par James Mill ont initialement contribué à la mise dans l'obscurité de Harriet Martineau dans le paysage intellectuel.

Harriet Martineau a démontré une très bonne maîtrise du français. Cette compétence linguistique lui a permis de traduire le Cours de Philosophie Positive d'Auguste Comte. L'impact de cette traduction était si significatif que David Levy et Sandra Peart dans leur essai biographique sur Harriet Martineau en 2002 signalent que même Auguste Comte recommandait à ses étudiants de lire sa traduction plutôt que l'œuvre originale. Cette recommandation souligne la qualité et la clarté de la traduction de Harriet Martineau, qui a su reformuler les idées de Comte de manière éclairante.

Malgré le succès de Harriet Martineau de son vivant, elle a presque disparu du paysage académique après sa mort. Des facteurs tels que l'émergence de nouvelles idées économiques et l'oubli de son engagement ont contribué à cette obscurité prolongée. La redécouverte tardive de Martineau à la fin du XXe siècle a permis de mettre en lumière son activisme anti-esclavagiste et son plaidoyer constant en faveur de l'équité entre les genres. Les chercheurs ont reconnu l'importance de ses contributions, rétablissant sa place dans l'histoire intellectuelle en soulignant sa lutte contre le racisme et son rôle dans la promotion de l'égalité des sexes.

L'égalitarisme libéral face à l'émergence de l'eugénisme et du racisme

Harriet Martineau a incarné un égalitarisme profondément ancré dans le libéralisme, mettant en avant l'idée de l'égalité des droits et des opportunités pour tous. Cependant, au cours du XIXe siècle, une époque marquée par l'émergence de l'eugénisme et du racisme, ses convictions égalitaires ont été confrontées à des idéologies discriminatoires.

  • . Vision égalitaire du libéralisme. Harriet Martineau critique la disparité de richesse en attribuant celle-ci à des "erreurs de gestion nationale. Sa vision égalitaire du libéralisme met en cause les obstacles à la libre circulation des biens et des idées, soulignant que la gestion nationale défaillante est responsable de ces inégalités. Elle insiste sur le devoir du peuple de corriger ces erreurs de gestion nationale afin d'égaliser les conditions. Elle souligne que l'élimination des obstacles, tels que les entraves au libre-échange, est nécessaire pour parvenir à une répartition plus équitable des richesses. Sa perspective met en avant l'idée que la participation active du peuple dans la correction de ces erreurs est cruciale pour instaurer une société plus égalitaire.
  • . Confrontation avec les Idéaux Discriminatoires de Carlyle et Greg. Avec l'avènement de l'eugénisme et du racisme au XIXe siècle, l'égalitarisme de Martineau est tombé en disgrâce parmi les intellectuels de l'époque. Les idéaux de Martineau, centrés sur l'égalité des droits, se sont trouvés en opposition avec les tendances émergentes de hiérarchisation raciale et sociale. Thomas Carlyle, un écrivain et historien du XIXe siècle, était l'un des opposants notables de Martineau, arborant ouvertement des idées racistes. W. R. Greg, également cité par Martineau comme un raciste dans une lettre de novembre 1868, était un co-fondateur de l'eugénisme. Ces figures ont représenté des courants de pensée opposés à l'égalitarisme de Martineau, promouvant des idées discriminatoires et justifiant des hiérarchies sociales affreusement basées sur un faux concept de race.
  • . Implication dans des sujets tels que l'esclavage. Harriet Martineau a démontré un engagement actif dans des questions sociales cruciales de son époque. Son intérêt pour des sujets tels que l'esclavage à Haïti témoigne de sa sensibilité envers les problèmes sociaux et de son désir de faire entendre sa voix sur des questions moralement importantes. Sa participation aux débats britanniques et américains reflète son rôle en tant qu'intellectuelle engagée, utilisant ses compétences et ses connaissances pour influencer les discussions sur des questions clés de son époque.

Harriet Martineau a consacré une grande partie de sa vie à combattre les idées racistes de ses contemporains, cherchant à promouvoir l'égalité et à dénoncer les préjugés basés sur la race. La redécouverte tardive de ses écrits souligne l'importance cruciale de son témoignage contre le racisme et met en lumière l'injustice de son exclusion du récit intellectuel pendant une grande partie du XIXe siècle.

Informations complémentaires

Notes et références

  1. Harriet Martineau a fait face à des défis dès son enfance, notamment la perte progressive de son audition à partir de l'âge de 11 ans. La mort de son frère, qui l'avait encouragée à écrire, et la folie suivie de la mort de son fiancé ont marqué sa jeunesse.

Publications

  • 1832,
    • a. "Life in the Wilds", In: "Illustrations of Political Economy", vol 1. Charles Fox
    • b. "The Hill and the Valley", In: "Illustrations of Political Economy", vol 1. Charles Fox
  • 1833,
    • a. "Brooke and Brooke Farm", In: "Illustrations of Political Economy", vol 2. Charles Fox
    • b. "Demerara", In: "Illustrations of Political Economy", vol 2. Charles Fox
    • c. "Weal and Woe in Garveloch", In: "Illustrations of Political Economy", vol 2. Charles Fox
  • 1837, "Society in America", Saunders and Otley (Ce texte témoigne de sa position ferme en faveur de l'abolition de l'esclavage ainsi que de sa défense des droits des femmes à une époque où de tels points de vue étaient souvent controversés. Harriet Martineau a joué un rôle essentiel en utilisant sa plume pour promouvoir ces causes sociales cruciales dans le contexte du 19e siècle.)
  • 1838, "How to Observe: Morals and Manners" (Dans ce texte, Harriet Martineau cherche à pénétrer au cœur des problématiques sociétales et des considérations morales. Elle explore les manières individuelles et les normes sociales plus larges pour dévoiler les fondements moraux qui influencent le comportement humain. Son approche va au-delà de l'analyse de surface, visant à révéler les bases éthiques qui façonnent les structures sociales.)
  • 1839, "Deerbrook" (Dans ce roman, Harriet Martineau se plonge dans l'analyse des liens sociaux et des dynamiques interpersonnelles au sein d'une petite communauté. L'intrigue de "Deerbrook" permet à l'auteur d'examiner de près la vie quotidienne des personnages, mettant en lumière les interactions au sein des foyers et les relations entre voisins. L'œuvre offre une exploration approfondie des dynamiques sociales, mettant en évidence les complexités des liens familiaux, des amitiés et des alliances au sein de la communauté de Deerbrook. Elle utilise les personnages et les événements pour examiner des thèmes tels que la condition des femmes, les normes sociales et les tensions qui peuvent surgir au sein de communautés restreintes.)
  • 1841, "The Hour and the Man", Edward Moxon (Basé sur la vie de Toussaint L'Ouverture, le leader de la Révolution haïtienne, ce roman historique renforce les vues abolitionnistes de Harriet Martineau, offrant un regard éclairant sur l'histoire de la Révolution haïtienne et la lutte pour l'abolition de l'esclavage.)
  • 1877, "Autobiography", Smith, Edlar, & Co.

Littérature secondaire

  • 1952, Robert B. Martin, "Charlotte Brontë and Harriet Martineau", Nineteenth-Century Fiction, Vol 7, n°3, Dec., pp198-201
  • 1962, Robert A. Dentler, "The American studies of Harriet Martineau", Midcontinent American Studies Journal, Vol 3, n°1, Spring, pp3-12
  • 1970, K. J. Fielding, Anne Smith, "Hard Times and the Factory Controversy: Dickens vs. Harriet Martineau", Nineteenth-Century Fiction, March, Vol 24, n°4, The Charles Dickens Centennial, pp404-427
  • 1974, Max E. Fletcher, "Harriet Martineau and Ayn Rand: Economics in the Guise of Fiction", The American Journal of Economics and Sociology, Vol 33, n°4, Oct., pp367-379
  • 1983, Margaret G. O'Donnell, "Harriet Martineau: A Popular Early Economics Educator", The Journal of Economic Education, Vol 14, n°4, Autumn, pp59-64
  • 1989, Diana Postlethwaite, "Mothering and Mesmerism in the Life of Harriet Martineau", Signs, Vol 14, n°3, Spring, pp583-609
  • 1991,
    • Cy Frost, "Autocracy and the Matrix of Power: Issues of Propriety and Economics in the Work of Mary Wollstonecraft, Jane Austen, and Harriet Martineau", Tulsa Studies in Women's Literature, Vol 10, n°2, Autumn, pp253-271
    • Jannett K. Highfill, William V. Weber, "Harriet Martineau: An economic view of Victorian arts and letters", Journal of Cultural Economics, Vol 15, n°1, June, pp85-92
  • 1994, Ann Hobart, "Harriet Martineau's Political Economy of Everyday Life", Victorian Studies, Vol 37, n°2, Winter, pp223-251
  • 1999, Harriet Devine Jump, "Harriet Martineau: from Autobiography", In: Harriet Devine Jump, "Women's Writing of the Victorian Period 1837-1901: An Anthology", Edinburgh University Press, pp211-217
  • 2000, Susan Belasco, "Harriet Martineau's Black Hero and the American Antislavery Movement", Nineteenth-Century Literature, Vol 55, n°2, Sep., pp157-194
  • 2002, Valerie Sanderss, "Harriet Martineau and Elizabeth Gaskell", The Gaskell Society Journal, Vol 16, pp64-75
  • 2003,
    • David M. Levy, "Taking Harriet Martineau’s Economics Seriously", In: Robert Dimand, Chris Nyland, dir., "The Status of Women in Classical Economics", Edward Elgar, pp262–284
    • Roger W. Hecht, "Harriet Martineau, from Retrospect of Western Travel", In: Roger W. Hecht, dir., "The Erie Canal Reader, 1790-1950", Syracuse University Press, pp71-76
  • 2004, Deborah Logan, "Fighting a War of Words: Harriet Martineau in the 'National Anti-Slavery Standard'", Victorian Periodicals Review, Vol 37, n°1, Spring, pp46-71
  • 2005, Maria Frawley, "Behind the Scenes of History: Harriet Martineau and 'The Lowell Offering'", Victorian Periodicals Review, Vol 38, n°2, Interdisciplinary Work and Periodical Connections: An Issue in Honor of Sally H. Mitchell (Summer), pp141-157
  • 2006,
    • Alexis Easley, "The Woman of Letters at Home: Harriet Martineau and the Lake District", Victorian Literature and Culture, Vol 34, n°1, pp291-310
    • Linda H. Peterson, "From French Revolution to English Reform: Hannah More, Harriet Martineau, and the 'Little Book'", Nineteenth-Century Literature, Vol 60, n°4, March, pp409-450
    • Annette Van, "Realism, Speculation, and the Gold Standard in Harriet Martineau's 'Illustrations of Political Economy'", Victorian Literature and Culture, Vol 34, n°1, pp115-129
  • 2007,
    • Claudia C. Klaver, "Imperial Economics: Harriet Martineau's "Illustrations of Political Economy" and the Narration of Empire", Victorian Literature and Culture, Vol 35, n°1, pp21-40
    • Ted Hovet, "Harriet Martineau's Exceptional American Narratives: Harriet Beecher Stowe, John Brown, and the 'Redemption of Your National Soul'", American Studies, Vol 48, n°1, Spring, pp63-76
    • Deborah Anna Logan, dir., "The Collected Letters of Harriet Martineau", Pickering & Chatto
  • 2008, Lisa Pace Vetter, "Harriet Martineau on the Theory and Practice of Democracy in America", Political Theory, Vol 36, n°3, Jun., pp424-455
  • 2009,
    • Anthony John Harding, "Harriet Martineau's Anti-Romanticism", The Wordsworth Circle, Winter, Vol 40, n°1, The Wordsworth Summer Conference, pp22-29
    • Geoffrey Nash, "Harriet Martineau: Eastern Life, Present and Past", In: Geoffrey Nash, dir., "Travellers to the Middle East from Burckhardt to Thesiger: An Anthology", Anthem Press, pp25-30
  • 2010, Shalyn Claggett, "Harriet Martineau's material rebirth", Victorian Literature and Culture, Vol 38, n°1, pp53-73
  • 2011, Ruth Watts, "Harriet Martineau and the Unitarian tradition in education", Oxford Review of Education, Vol 37, n°5, Political and philosophical perspectives on education. Part 2, October, pp637-651
  • 2013, Christopher Donaldson, "Evoking the local: Wordsworth, Martineau and early Victorian fiction", The Review of English Studies, New Series, November, Vol 64, n°267, pp819-837
  • 2014,
    • Rachel Ablow, "Harriet Martineau and the Impersonality of Pain", Victorian Studies, Vol 56, n°4, Summer, pp675-697
    • Iain Crawford, "Harriet Martineau, Charles Dickens, and the Rise of the Victorian Woman of Letters", Nineteenth-Century Literature, Vol 68, n°4, pp449-483
    • Kristen A. Pond, "Harriet Martineau’s Epistemology of Gossip", Nineteenth-Century Literature, Vol 69, n°2, September, pp175-207
  • 2023, Stuart Hobday, Gaby Weiner, "Reintroducing Harriet Martineau: Pioneering Sociologist and Activist", London & New York: Routledge

Textes externes