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Bouddhisme

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Le bouddhisme est, selon les points de vue traditionnels, une philosophie, une spiritualité ou une religion apparue en Inde au Ve siècle av. J.C.

Le bouddhisme compterait aujourd'hui entre deux cent trente et cinq cents millions d'adeptes, ce qui en fait la quatrième religion mondiale.

Doctrine

Le bouddhisme n'étant pas une religion "révélée", mais une religion "de réalisation", il n'y a pas de véritable dogme ou croyance, car il ne s'agit pas de croire mais de réaliser une vérité supérieure ; en outre, il y a de grandes différences d'une école à l'autre, entre le Mahāyāna, qui domine l'Asie, le Zen (Japon, Corée, Viêt Nam), influencé par le taoïsme, qui insiste sur la méditation et la posture assise, le Vajrayāna (principalement tibétain), influencé par l’hindouisme tantrique, et le Theravāda (Asie du Sud-Est) plus individualiste et "traditionaliste". Il est souvent indispensable de préciser de quelle école il s'agit quand on parle de "bouddhisme" sous peine de confusion ou de généralisation abusive. "Bouddhisme" est d'ailleurs un terme occidental assez impropre supposant une unité doctrinale ou un dogmatisme religieux ; le terme de "voie" ou de "dharma" (en sanskrit : loi universelle, norme) est plus approprié.

En revanche il y a, d'un point de vue doctrinal, au moins deux concepts communs à toutes les écoles, qui sont propres au bouddhisme : anātman, concept bouddhique d'impersonnalité[1], et nirvāna, absolu impersonnel décrit comme vacuité. On caractérise également les doctrines bouddhiques par les "quatre sceaux du Dharma". Un accord à peu près unanime existe également concernant les doctrines rejetées par les écoles bouddhiques : éternalisme, nihilisme, théisme, créationnisme, acausalisme, fatalisme, agnosticisme, etc.[2]

Ni vraiment religion (car il est facile, au-delà des superstitions, pratiques et croyances populaires, de dégager un "noyau" proprement philosophique), ni uniquement philosophie (par rejet de la spéculation - « fourré d'opinions, désert d'opinions » - et impossibilité de gloser sur l'indicible), sans être non plus seulement une psychologie pratique (même si la méditation et l'observation de son propre esprit sont centrales), il est difficile de caractériser le bouddhisme. Jean-François Revel estime « qu'il s'agit d'une philosophie comportant une dimension métaphysique particulièrement importante » ; l'universitaire bouddhiste anglais, Edward Conze, en parle comme « un pragmatisme dialectique avec une tendance psychologique » ; enfin Roger-Pol Droit, philosophe français spécialiste de la question, parle de "doctrine-médecine", mise en œuvre à travers un "discours qui tend vers sa propre extinction", "se tient à travers un réseau de non-concepts", et qui "ne récuse pas le principe de contradiction, mais sa portée ontologique"[3].

Bouddhisme et politique

A l'origine le bouddhisme ne se préoccupe pas de politique, puisqu'il s'agit d'une voie de libération individuelle, voire individualiste[4], destinée à des "renonçants".

La politique n'y sera jamais une question centrale, et on trouvera chez certains bouddhistes des positions politiques diamétralement opposées (ainsi Alexandra David-Néel, la grande voyageuse, exploratrice du Tibet, s'affirmait socialiste, et Julius Evola, auteur de la "Doctrine de l’Éveil" et théoricien de l'aryanité du "héros pour l’Éveil", est un célèbre écrivain italien fasciste).

On y trouve cependant une certaine méfiance vis-à-vis des attitudes collectivisantes (qui s'est traduite par un rejet des castes indiennes et l'acceptation des hors-castes). L'égalité en droit est implicite, puisque les êtres sensibles partagent tous également la même dignité (la même "nature de bouddha" dira le Mahāyāna). Cela se traduit jusque dans l'organisation des communautés bouddhistes, puisqu'il n'y a pas de "pape" du bouddhisme ni d'organisation centrale unique (les organisations sont différentes d'un pays à l'autre). L'organisation monastique elle-même, telle qu'elle est codifiée dans le Vinaya, appliquait (et applique toujours) des principes démocratiques bien avant l'apparition de la démocratie grecque[5], les décisions se prenant à l'unanimité (les historiens attribuent cette caractéristique libérale au fait que le Bouddha, fils de raja d'une des républiques du nord du Gange et appartenant à la caste des guerriers, était familier de ce modèle politique, et du mode de débat dans les chambres du Conseil[6]).

C'est sous l'aspect éthique que le bouddhisme est concerné par la politique. Aucun système politique n'est privilégié ni préconisé, et historiquement l'éventail va du despotisme éclairé pratiqué par l'empereur Asoka (IIIe siècle av. J.-C.) à la démocratie libérale que préconise l'opposante birmane Aung San Suu Kyi. Est correct tout système qui respecte les principes de non-violence et où la pratique du pouvoir correspond aux préceptes bouddhiques (entre autres : refus du meurtre, du vol, du mensonge). La non-violence n'implique pas la passivité. Le canon pali décrit le roi idéal comme un pacifiste, bien qu'il ait une armée à sa disposition. Plusieurs textes du Theravāda justifient les guerres défensives (guerres justes) : par exemple, le Samyutta Kosala, dans lequel le roi Pasenadi défend son royaume contre une attaque du roi Ajatasattu.

Les "Dix devoirs d'un roi" (Dasa-raja-dhamma, texte des Jatakas) indique que le gouvernant doit avoir un haut niveau d'éthique (sila), qu'il est le serviteur du peuple auquel il doit éventuellement se sacrifier, et qu'il doit pratiquer notamment la non-violence (avihimsa) et la non-obstruction (avirodha), "mise en accord avec la volonté générale" (concept précurseur de la démocratie selon certains[7]). Le Mahāyāna ira plus loin en préconisant qu'il soit un bodhisattva, un être particulièrement avancé dans la Voie suite à son abandon presque total du vouloir-vivre, d'où son désintéressement. Le "risque éthique" à faire de la politique, étant donné le pouvoir de nuisance que cela donne sur autrui, semble tellement élevé que cela ne devrait être réservé qu'à des êtres d'exception.

Dans le Cakkavatti Sutta (sutta du Souverain universel), le comportement inadéquat d'un roi conduit à une désintégration progressive de la société : initialement, son laxisme à l'égard des voleurs conduit à une recrudescence des vols, et la trop grande rigueur qu'il décide ensuite d'appliquer conduit à davantage de meurtres et à la généralisation du mensonge. Si le bouddhisme ne conteste pas la nécessité d'un pouvoir politique, il soumet son exercice à de très fortes conditions, et a priori rien n'interdit la révolte contre un pouvoir injuste (Viêt Nam dans les années 1960, Birmanie dans les années 2000).

Le végétarisme ou la pratique d'une religion unique ne peuvent être imposés à la population (l'empereur Asoka s'en garda bien et favorisa la liberté religieuse par ses édits). Le seul pays du monde où le bouddhisme est religion d’État est le Bhoutan ; il est religion officielle (mais non unique) dans les pays suivants : Cambodge, Birmanie, Sri Lanka, Thaïlande, Kalmoukie. Le cas du Tibet, qualifié parfois de « régime théocratique » avant l'invasion chinoise et le départ du dalaï-lama en 1959, est très particulier.

Bouddhisme et propriété

Même si le bouddhisme est décrit parfois comme un holisme métaphysique, un scepticisme ontologique ou une philosophie de la non-dualité, le respect de la propriété est essentiel d'un point de vue éthique. Le second précepte bouddhique prescrit de "ne pas prendre ce qui n'est pas donné" (adinnadana), le vol étant défini comme le fait (intention et action) de s'approprier ce qui appartient à autrui (en ayant connaissance que cela appartient à autrui)[8]. Pour un moine, c'est une des 4 "infractions" capitales (pārājika) qui mènent à une exclusion à vie du statut de moine.

Pour ce qui est des relations avec l’État, l'interprétation courante s'en tient au respect du droit positif pour définir ce qui licite ou non (y compris en matière d'impôt ou de propriété intellectuelle). Il semble cependant que l'évasion fiscale soit beaucoup moins grave éthiquement que le vol, voire ne soit pas considérée comme du vol (en témoigne l'existence de paradis fiscaux majoritairement bouddhistes, comme Singapour ou Hong Kong). La finalité de l'état réside dans la protection de la propriété privée (selon l'Aggañña Sutta, récit légendaire sur l'origine du monde).

Pour tout un chacun, la propriété personnelle résulte de mérites passés ou présents, et est donc pleinement justifiée, même si elle n'apporte pas de mérites par elle-même (le laïc est invité à faire preuve de générosité pour accroître ses mérites, cela culmine dans la "perfection du don", dāna-pāramitā). La propriété est un droit naturel au même titre que le droit à la vie[9]. Seul le moine, dans le bouddhisme primitif (et aujourd'hui encore dans le Theravāda), est censé ne rien posséder (ou quasiment rien) et vivre de la générosité d'autrui (la communauté monastique cependant peut posséder des biens, résultant de dons des laïcs).

Bouddhisme et éthique

L'éthique bouddhique est axiologiquement neutre et non contraignante, car elle ne repose pas sur une dualité bien/mal, mais sur une opposition favorable/défavorable (kusala/akusala). Un acte éthiquement défavorable finit toujours, directement ou indirectement, par avoir des répercutions désagréables pour son auteur : il se "punit" en quelque sorte lui-même (dans cette vie ou dans les suivantes pour ceux qui croient à la renaissance). Celui qui a un comportement non éthique (non-respect des préceptes bouddhiques) est davantage un ignorant qui travaille à son propre malheur qu'une personne "immorale". La "loi" du karma affirme ainsi que chacun n'obtient que ce qu'il mérite (sans que s'applique pour autant un fatalisme strict). La responsabilité individuelle est donc totale et inéluctable, mais il faut la comprendre, du fait du concept bouddhique d'anātman (inexistence d'une âme immortelle ou d'un soi permanent), moins comme un principe moral qu'une loi de causalité qui régit le monde, parmi d'autres lois de causalité. La valeur éthique d'une action (action physique, verbale ou mentale) ne dépend pas de sa conformité à une quelconque loi morale extérieure, mais de l'intention (cetanā, la "volition") qui est à l’œuvre ; c'est cette intention qui détermine le karma (l'action est certes une émanation de l'être, mais l'être, dans son essence, est également une émanation de l'action - c'est ce qu'exprime la doctrine de la Coproduction conditionnée).

L'éthique a donc un aspect fonctionnel et pragmatique : nécessaire mais non suffisante, elle n'est pas une fin en soi (pas de notion de "péché" ni de "faute"), c'est un préliminaire au "développement de l'esprit" (bhavana) qui vise au détachement du monde conditionné. L'éthique adopte une voie moyenne en rejetant à la fois l'hédonisme (les plaisirs des sens sont à rejeter car conduisant à l'attachement et à l'obscurcissement de l'esprit) et l'ascétisme mortificateur (qui est un attachement inversé et une aversion).

Le bouddhisme (dans la plupart des écoles) adopte les positions éthiques courantes suivantes :

  • homosexualité : ne doit pas être traitée différemment de l'hétérosexualité (le problème est le désir et l'attachement, non l'objet du désir)[10].
  • avortement : le début de la vie humaine est lié aux premiers signes de conscience (survenant quelque temps après la conception), c'est alors que l'être hérite du karma passé ; l'avortement enfreint le premier précepte de l'éthique bouddhique (ne pas tuer). On admet cependant qu'il peut exister des cas où l'avortement est la moins mauvaise des solutions.
  • suicide : le suicide est possible pour celui qui a atteint un stade de détachement total ; plusieurs textes (Godhika Sutta, Dabba Sutta, Channovada Sutta) approuvent le comportement de moines qui ont volontairement mis fin à leurs jours pour abréger leur souffrance, ou pour éviter d'être une charge pour la communauté (Samantapasadika). C'est davantage l'état d'esprit qui accompagne l'acte que l'acte lui-même qui peut avoir des conséquences défavorables. Cependant, l'acte d’assistance ou d'encouragement au suicide est assimilé au meurtre.
  • esclavage : même si l'esclavage n'est pas condamné explicitement (il était peu répandu en Inde à l'époque du Bouddha), le commerce d'êtres humains fait partie des cinq métiers qui ne sont pas des "moyens d'existence justes" (avec le commerce d'armes, de viande, de drogues ou de poisons).
  • euthanasie : la condamnation de l'euthanasie n'est pas automatique, car elle peut être un acte de compassion ; son analyse est délicate et complexe. L'euthanasie passive peut ainsi souvent être justifiée alors que l'euthanasie active ne l'est en général pas.
  • végétarisme : recommandé, mais pas obligatoire[11]
  • violence : la non-violence (ahiṃsā) est la règle, sauf pour se défendre d'une agression (cas par exemple d'une "guerre juste").
  • tolérance : le bouddhisme est habituellement considéré comme très tolérant dès l'origine (même si, comme dans les autres religions, on peut y trouver des fanatiques et des fondamentalistes, peu nombreux cependant). Le terme de "tolérance" dans son sens moderne n'existe pas, c'est la vertu de "patience" (sanskrit kṣānti) qui s'en approche le plus. La croyance aveugle étant rejetée (Kalama Sutta) tout autant que la soumission à de quelconques chefs religieux, il est impensable d'user de coercition au nom du bouddhisme sans se mettre soi-même en contradiction. Par ailleurs, à la différence des religions monothéistes, la notion d'apostasie n'existe pas dans les religions indiennes.

L'altruisme est considéré comme louable mais n'est en rien obligatoire : en effet, le but de la voie bouddhique est bien d'arrêter d'accumuler du karma (même bon), ce qui fait que les comportements autosacrificiels ne sont pas recommandés (excepté pour les individus, en théorie peu nombreux, qui ont choisi la "carrière" de bodhisattva).

Notes et références

  1. A noter que la conséquence sotériologique d'anātman (l'absence de soi) est qu'il n'y a rien à "sauver", le "soi" n'étant ni créé ni détruit, mais le simple résultat de conditions ; le pratiquant doit se diriger, par le détachement et le développement de l'esprit (bhavana), vers la cessation (nirodha) du "soi empirique" (nāmarūpa), ce qui est le nirvāna. Ce point est en général incompris par les tenants des doctrines essentialistes (qu'elles soient théistes, réalistes ou religieuses), qui taxent le bouddhisme soit de matérialisme soit de nihilisme.
  2. Voir par exemple le Brahmājālasūtta.
  3. Ce fait est remarquable notamment chez Nāgārjuna, qui privilégie le tétralemme, évoluant ainsi vers un scepticisme ontologique par opposition à un certain réalisme empirique qui marque le canon pāli. Dans ce cadre, les catégories courantes d’Être et de Néant sont rejetées comme inadéquates pour décrire la réalité, qui revêt alors un statut intermédiaire : la vacuité (śūnyatā).
  4. "Le moi est le maître du moi. Quel autre maître y aurait-il ?" (Dhammapada, 160). "A cause du bien-être des autres, quelque grand qu'il puisse être, le propre bien-être de soi-même ne doit pas être négligé." (Dhammapada, 166)
  5. Selon le spécialiste du Vinaya, Ajahn Brahm.
  6. Voir par exemple Le Bouddha historique, H-W Schumann, Sully, 2011.
  7. Le bouddhisme mondialisé: une perspective sociologique sur la globalisation du religieux, Raphaël Liogier, Ellipses, 2004.
  8. Ajahn Brahm, Vinaya notes, vol. 1.
  9. The Buddha’s Socio-Political Ideas, Phramahachanya Khongchinda
  10. Voir aussi Homosexualité dans le bouddhisme.
  11. Voir Végétarisme bouddhique.

Personnalités libérales

Personnalités libérales bouddhistes ou influencées par le bouddhisme :

Liens externes


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