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Rasoir d’Occam
Le rasoir d’Occam ou rasoir d’Ockham est un principe de raisonnement que l'on attribue au frère franciscain et philosophe Guillaume d'Occam (XIVe siècle), mais qui était connu et formulé avant lui :
“ | « Les multiples ne doivent pas être utilisés sans nécessité » (« pluralitas non est ponenda sine necessitate ») | ” |
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C'est un des principes fondamentaux de la science, appelé aussi de "parcimonie conceptuelle".
Fondements du principe
Aussi appelé « principe de simplicité », « principe de parcimonie », ou encore « principe d'économie », il exclut la multiplication des raisons et des démonstrations à l'intérieur d'une construction logique.
Le principe du rasoir d'Occam consiste à ne pas utiliser de nouvelles hypothèses tant que celles déjà énoncées suffisent, à utiliser autant que possible les hypothèses déjà faites, avant d'en introduire de nouvelles, ou, autrement dit, à ne pas apporter aux problèmes une réponse spécifique, ad hoc, avant d'être (pratiquement) certain que c'est indispensable, sans quoi on risque d'escamoter le problème, et de passer à côté d'un théorème ou d'une loi physique.
Bertrand Russell (1872–1970) illustre ce principe en expliquant qu'il ne revient pas aux sceptiques de réfuter des propositions « invérifiables » et que c'est plutôt à ceux qui les affirment de les prouver. Il donne l'exemple suivant ("théière de Russell") :
“ | « Si je suggérais qu'entre la Terre et Mars se trouve une théière de porcelaine en orbite elliptique autour du Soleil, personne ne serait capable de prouver le contraire pour peu que j'aie pris la précaution de préciser que la théière est trop petite pour être détectée par nos plus puissants télescopes. Mais si j'affirmais que, comme ma proposition ne peut être réfutée, il n'est pas tolérable pour la raison humaine d'en douter, on me considérerait aussitôt comme un illuminé. Cependant, si l'existence de cette théière était décrite dans des livres anciens, enseignée comme une vérité sacrée tous les dimanches et inculquée aux enfants à l'école, alors toute hésitation à croire en son existence deviendrait un signe d'excentricité et vaudrait au sceptique les soins d'un psychiatre à une époque éclairée, ou de l'Inquisiteur en des temps plus anciens. » (Is There a God ?, 1952) | ” |
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Les philosophies indiennes connaissaient déjà ce principe et mettaient en garde contre la "prolifération conceptuelle" (prapañca), obstacle à la connaissance.
Exemples en sciences :
- le "calorique" désignait au XVIIIe siècle le "fluide" censé expliquer les transferts thermiques. La théorie du calorique fut abandonnée au XIXe siècle, l'agitation thermique entre particules suffisant à expliquer le phénomène de chaleur ; de la même façon, la théorie du "phlogistique", fluide inflammable censé expliquer la combustion, fut abandonnée après la découverte par Lavoisier du rôle de l'oxygène.
- l'"éther", une matière subtile remplissant l'espace, fut invoqué jusqu'au XXe siècle pour expliquer la propagation des ondes lumineuses (et auparavant par Descartes pour expliquer la gravitation). Il semblait évident qu'il fallait un fluide pour expliquer ce phénomène, tout comme le son se propageait dans l'air ou les ondes à la surface d'un milieu liquide. Avec la théorie de la relativité, la théorie de l'éther fut abandonnée.
- de la même façon, la science contemporaine postule l'existence de la "matière noire" ou de l'énergie noire, sans apporter de preuve définitive à ce qui pour le moment constitue un concept commode pour désigner un phénomène inexpliqué.
- le concept inutile est aussi une manière malhonnête de cacher son ignorance, voir par exemple la "vertu dormitive" que les médecins de Molière attribuaient à l'opium.
Le principe du rasoir d’Occam est parfois interprété, sans doute abusivement, comme l’idée qu'entre plusieurs solutions possibles à un problème ou plusieurs explications possibles à un phénomène, il faudrait systématiquement choisir la plus simple. Or la solution la plus simple n'est pas forcément la "bonne". Dans le film de science-fiction Contact (1997), l'héroïne (jouée par Jodie Foster) affirme ne pas croire en Dieu sur la base du principe du rasoir d’Occam ; par la suite, ironie du sort, elle effectue un voyage-éclair en direction de l'étoile Véga à travers des "trous de ver", mais on refuse de la croire au nom du principe du rasoir d’Occam, et son voyage est mis sur le compte d'une hallucination.
Extensions
Ce principe inspire certains auteurs dans d'autres domaines. Ainsi Ruwen Ogien parle du "rasoir de Kant" comme principe d’économie dans le domaine moral, pour définir une éthique minimale libérale.
Karl Popper parle de "rasoir libéral" pour dire que l'État doit rester un moindre mal :
- L’État est un mal nécessaire : ses pouvoirs ne doivent pas être multipliés au-delà de ce qui est nécessaire. On peut appeler ce principe le "rasoir libéral" (par analogie avec le "rasoir d'Occham", le fameux principe selon lequel les entités ne doivent pas être multipliées au-delà de ce qui est nécessaire). (Public Opinion and Liberal Principles, 1954)
D'autres auteurs, comme le journaliste américain Steve Sailer, parlent par dérision de "couteau à beurre d'Occam" (Occam’s Butter Knife) pour désigner les explications alambiquées de faits politiques ou sociaux qui peuvent s'expliquer beaucoup plus simplement par application du principe du rasoir d’Occam. Par exemple, l'absence de parti politique xénophobe dans un pays comme la Finlande sera expliquée par une plus grande tolérance des mentalités, alors que l'existence de lois anti-immigration sévères, ainsi que la faible proportion d'étrangers (difficulté de la langue et hivers rigoureux) suffisent à expliquer ce phénomène. On fournit une explication "politiquement correcte" ou "progressiste" sans chercher les véritables causes
Usage en économie
La philosophie du rasoir d'Occam est appliquée dans de nombreux domaines tels que la biologie, la médecine, la religion, les statistiques... et également dans la négociation sur les marchés financiers (FOREX, métaux précieux, matières premières, indices, actions, futures, etc.). Au lieu de passer beaucoup de temps à essayer de comprendre un système mathématiquement complexe, qui n'est souvent jamais complètement utilisé, les traders appliquent la philosophie du rasoir d'Occam (ou ils devraient raisonnablement l'adopter). Un acronyme est souvent utilisé par les traders pour symboliser cette approche : KISS (Keep It Simple Stupid) qui consiste à regarder les faits simplement, logiquement, rigoureusement et avec discipline. Lorsque deux patterns (modèles) expliquent des faits observés sur les graphiques des cours, alors le trader doit utiliser le plus simple et il doit exclure tout ce qui n'est pas perceptible par ses sens. Donc, lorsque deux configurations (patterns) sont en concurrence sur l'évolution possible des cours, le trader doit garder celle qui est la plus simple car la compréhension des phénomènes qui nécessite le moins d'hypothèses pour l'explication des évolutions des prix est la plus susceptible d'être correcte et d'apporter un succès dans la négociation des prix. Plus un modèle de compréhension est large et couvre un grand ensemble de faits, plus il mérite d'être retenu.
Citations
- « Nous ne devons admettre comme causes des choses de la nature au-delà de ce qui est à la fois vrai et suffisant à en expliquer l'apparence. » (Isaac Newton)
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