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Société ouverte et société fermée

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Mur de Berlin : entre société ouverte et société fermée

La dichotomie entre la société ouverte et la société fermée a été développée par le sociologue allemand Ferdinand Tönnies (1855-1936) dans Communauté et Société (Gemeinschaft und Gesellschaft, 1922). Aux liens de nature individuelle fondés sur le sang, l'affection, le respect et la crainte qui caractérisent la communauté traditionnelle (pré-industrielle) se substitueraient, selon lui, les liens d'ordre rationnel fondés sur le contrat et l'intérêt de la société moderne. Tönnies prophétisait que la société future serait économiquement plus efficace, mais psychologiquement déprimante, Marx l'avait devancé :

«  Partout où elle [la bourgeoisie] a conquis le pouvoir, elle a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissent l'homme féodal à ses « supérieurs naturels », elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d'autre lien, entre l'homme et l'homme, que le froid intérêt, les dures exigences du « paiement au comptant ». Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d'échange; elle a substitué aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l'unique et impitoyable liberté du commerce. En un mot, à la place de l'exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale. »
    — Manifeste du Parti communiste, 1848

À leur suite, de nombreux sociologues du début du XXe siècle auront ce questionnement sur la Modernité sur fond romantique de Paradis perdu et de déshumanisation (Georg Simmel: Philosophie de l'argent, Philosophie de la Modernité; de nombreux marxistes utopiques) dont les critiques du mode de vie citadin, la nostalgie d'une communauté unie par le sacré (mort de Dieu) et la critique concomitante de la sécularisation, assurent la permanence. Après l'épisode nazi qui tenta de ressusciter l'antique société en l'adaptant à l'âge industriel, ce rejet sera thématisé sous la forme des critiques de la « raison instrumentale » (École de Francfort, marxiste), de la « société du spectacle » (Guy Debord), de la « société de consommation » ou du « système des objets » (Jean Baudrillard), (ou autant de variations sur le « fétichisme de la marchandise »), de « fin des idéologies » (Raymond Aron) et « désenchantement du monde » (Marcel Gauchet), d'« ère du vide » (Gilles Lipovetsky) ou d' « Homme-Dieu » (Luc Ferry) voué au post-modernisme nihiliste, où le tribalisme mythologique (nostalgique d'un Âge d'or que Platon avait déjà perdu et que Rousseau pleurait encore) et les considérations désabusées sur la décadence et la perte du « sens », des « valeurs », ou l'avancée de la « barbarie » qui est l'intarissable fonds de commerce des conservatismes moralisants, se côtoient et fusionnent dans ce qu'on pourrait appeler l'aristocratisme.

La distinction faite par Werner Sombart entre « Héros » et « Marchands » (1916), reflète parfaitement les deux idéaux-types d'hommes correspondant à leur mode respectif de collectivité et ne sont que les avatars modernes de la distinction homme libre/esclave, noble ou poète (l'authentique) bourgeois ou le juif (le calculateur), saint / homme corrompu, homme vrai consommateur ou homo oeconomicus, etc.

La dichotomie sera à son tour utilisée par Karl Popper (The Open society and its enemies, 1942) pour critiquer les illusions dangereuses de la société close, et Friedrich Hayek sous le vocable de « Grande société » définira le modèle qui est celui des libéraux après les ébauches de Bernard Mandeville et d'Adam Smith.

Il est cependant à noter que cette distinction théorique n'empêche pas d'imaginer une société ouverte imparfaite dans laquelle prennent place les différentes communautés (cf. souverainisme, nationalisme, (con)fédéralisme) et que les partisans de la société ouverte conçoivent parfaitement l'existence de sortes de sociétés closes au sein de la société ouverte aussi nommée « Good Society » (Cité libre, Walter Lippmann), « société de marché » ou « société commerciale/mercantile ».

Voir aussi


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