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Théorie du job crafting

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La théorie du Job Crafting analyse les changements actifs et spontanés que les employés effectuent sur leur propre définition de poste de façon à apporter de nombreuses améliorations positives. Les racines de la théorie du job crafting peuvent être retracées depuis les théories de conception de l'emploi telle que la théorie des caractéristiques de l'emploi[1].

Parmi les caractéristiques mises en valeur par la théorie du job crafting, on note l'engagement, l'apprentissage cognitif de sa fonction, l'image de soi, la satisfaction au travail, la résilience[2], la perception de contrôle externe, la volonté de changer et la prospérité. Le sujet de cette théorie porte sur les personnes au travail, dans n'importe quel niveau d'une organisation, qui font des changements dans leur emploi sciemment et sans surveillance. Le job crafter peut être considéré comme un intrapreneur mais à la différence de celui-ci, il a beaucoup moins tendance à se mettre en avant et à ambitionner du pouvoir dans l'organisation.

Un travail est traditionnellement défini comme un ensemble de tâches et de relations interpersonnelles attribuées à une personne à l'intérieur d'une organisation. De même, les définitions de poste sont souvent conçues selon un modèle de haut en bas. La théorie du job crafting, basée sur le réalisme, considère que les employés ont généralement la motivation de customiser leur propre travail afin qu'il corresponde mieux à leur besoin, à leur désir et à leurs expériences. Souvent, par opportunités, les employés changent leurs tâches et les modes de relations avec les autres acteurs internes et externes de l'organisation.

Trois formes de job crafters

  1. Les jobs crafters peuvent modifier les frontières de leur travail en assumant plus ou moins de tâches ou en changeant la façon dont ils réalisent ces tâches (par exemple, un employé crée un programme logiciel sur son tableur pour éviter de réaliser des tâches répétitives)
  2. Les jobs crafters peuvent modifier leurs relations de travail en modifiant la nature ou l'étendue de ces relations avec d'autres personnes (par exemple, une caissière va systématiquement remplir le caddy des personnes âgées lorsque ces dernières cherchent la monnaie dans leur sac.)
  3. les jobs crafters peuvent cognitivement modifier la façon dont ils perçoivent leurs tâches (par exemple, un agent hospitalier considère que nettoyer une personne âgée est une façon de l'aider à poursuivre agréablement son séjour sur terre) ou en pensant à l'ensemble des tâches qui constitue son travail comme un tout plutôt qu'à une série de tâches séparées (par exemple, un employée administrative de la Sécurité Sociale qui aide un client à constituer son dossier médical plutôt que de penser qu'elle subit les réclamations acrimonieuses d'une personne désabusée par la qualité du service public).

L'émergence des jobs crafters

Afin que les personnes puissent concevoir leur travail, il est important, qu'au sein de l'organisation, des éléments favorables à leur éclosion soient présentes comme un fort degré d'autonomie et d'action. Mais, cette théorie montre que même dans des cas très limités d'autonomie, le job crafter sait refaçonner son profil de poste. Par exemple, une coiffeuse ne considère plus qu'elle est là pour réduire la longueur des cheveux de ses clientes mais pour servir d'assistante psychologique à la confession. Un apprenti comédien peut accepter un poste de télémarketeur et considérer que chaque intervenant est pour lui une façon nouvelle d'interpréter un texte qui, à la base est strictement conçu et soigneusement contrôlé par des superviseurs. Le job crafteur est donc un être qui instille de la liberté dans chaque parcelle où le contrat de travail ne peut pas définir toutes les modalités. Il est le garant de la capacité créative de l'homme à accepter les pires situations tout en jouissant des meilleurs moments de créativité. Bien qu'elle n'apparaisse pas de façon manifeste, la pratique du job crafting est quasimment généralisée. Une étude de Peter Lyons[3] montre que 75% des vendeurs interrogés déclarent participer à l'élaboration de leur emploi sous diverses formes.

La modification induite de l'organisation

L'influence du job crafter est grande au sein de l'organisation dont les schémas traditionnels sont irréellement rigides. L'organigramme d'une entreprise présente de nombreuses courbures et inflexion que le regard inattentif ne pourrait pas analyser. C'est en scrutant les relations et les initiatives des jobs crafters que l'on peut s'apercevoir d'une longue et lente mutation au sein des relations hiérarchiques. Le rôle du manager est donc particulièrement important, et il faut entendre par là, non pas le manager qui a le statut de cadre mais la personne dont la définition de fonction lui donne la possibilité de jouer cette fonction comme celle du job crafter non cadre qui peut élargir et enrichir ce statut au mépris de l'organigramme officiel.

Les managers ont donc un double challenge, celui de soutenir les conceptions de travail positives et d'éviter celles qui apparaissent comme négatives. Et, d'un autre côté, les managers peuvent se positionner en job crafters également. Tout se joue dans un environnement en perpétuelle instance de mouvement mais dont les signes peuvent être infimes. L'avantage de la définition de fonction dont ils disposent, permet aux managers de bénéficier de suffisamment d'autonomie et de pouvoir s'infiltrer dans un espace convenant à leur nouvelle conception de travail. Parfois, des petites modifications dans les tâches ou des réalisations peuvent créer de sérieux changements dans l'organisation entière. Par exemple, un responsable des ventes qui déciderait de consacrer une journée par mois avec son commercial peut transformer les relations avec cet employé et également avec tous les autres (du secteur commercial ou non). Cela permet en tout cas d'être plus précis et plus honnête dans le jugement de la qualité de son subordonné. Ceci peut avoir des effets sur son engagement et sa satisfaction au travail si les retours d'informations sont complétés et enrichis. De telles initiatives peuvent créer un électro-choc dans des organisations conservatrices où les routines ont pris le pas trop pesant sur l'esprit d'initiative. C'est alors que les vocations de jobs crafters peuvent émerger.

Des manifestations évolutives

Le processus de modification de sa définition de fonction est généralement étalé dans le temps. Le job crafter demande de la confiance et de l'engagement pour analyser les limites de son travail. Il modifie un ou plusieurs facteurs qui lui semblent les plus pertinents dans la satisfaction personnelle au travail. Une fois, que l'employé a identifié les composants et les opportunités de modifications, il enchaîne sur d'autres modifications susceptibles de lui être disponibles rapidement. Enfin, il évalue les modifications et le contrôle dont il dispose sur son travail. Tant que cette valeur sera forte et ce, quelle que soit l'autonomie au travail, un job crafter aura le courage, l'audace et l'initiative de créer ou de solliciter des modifications. Plus encore, dans les inter-relations avec les autres personnes avec qui, il est connecté au travail (fournisseurs, clients, collègues, etc.), le job crafter est sensible positivement ou négativement à l'image qu'il projette grâce à son initiative. Ces interactions ont une signification forte pour lui. Les théoriciens de la hiérarchie des besoins comme l'économiste autrichien, Carl Menger ou les psychologues américains, Abraham Maslow et Clayton P. Alderfer, ont depuis longtemps démontré l'articulation de ces principes. Les personnes qui sont susceptibles d'atteindre des besoins de plus haut niveau vont satisfaire ces besoins, et tout en tentant d'atteindre cette expérience satisfaisante "ils apprennent qu'ils ont, à la suite de leurs propres efforts, accompli quelque chose qu'ils pensent être personnellement utile et significatif"[4].

Bien souvent, il existe un besoin d'accomplir des missions qui dépassent le cadre pur de l'égoïsme et de tester sa capacité à faire face à l'adversité. La nature, le type et le nombre des tâches s'accordent en fonction de sa passion. Les interactions avec autrui sont construites sur une base de solidarité, d'aide, de secours qui donnent du sens et où l'énergie dégagée est visible. Ceci implique que les relations soient ciblées afin de rendre les services apportées beaucoup plus lisibles et efficaces. Les managers (officiels ou induits par le job crafting) auront quelquefois la tentation, afin de mener leur initiative, de réprimander voire de rabrouer les bénéficiaires illégitimes de leur actions, en sélectionnant, par exemple, le contexte approprié de leur bénéfice.

Le travail est réactualisé dans un cadre social compréhensible avec l'objectif du job crafter, en allégeant les croyances ou les pensées adverses. Il y a dès lors, un souhait pour le job crafter d'aligner ses propres espérances avec celles de l'organisation. Il en retire des résultats positifs de réalisation, de plaisir et de sens (signification). Cela peut conduire aussi à des effets négatifs inattendus sur le job crafter comme un assouvissement continuellement inachevé ou de générer du stress. Car, les limites ne sont plus fixées par l'extérieur mais sont auto-propagées par sa propre envie d'assouvissement infinie. Par contre, les job crafters se remarquent par une compétence accrue, une croissance de la volonté d'affirmation de soi et une capacité à faire face à des hostilités ou à des adversités futures.

Annexes

Notes et références

  1. 1976, J. R. Hackman, G. R. Oldham, "Motivation through the design of work: Test of a theory", Organizational Behavior and Human Decision Processes, Vol 16, pp250-279
  2. Le terme de résilience tire son origine dans le domaine de l'ingénierie pour décrire la capacité physique ou la résistance des matériaux de construction. La résilience est venue dans le domaine de la psychologie Garmezy et Streitman (N. Garmezy, S. Streitman, 1974, "Children at risk: The search for the antecedents of schizophrenia: Conceptual models and research methods", Schizophrenia bulletin, 1(8)) ont utilisé le terme pour décrire la capacité d'endurance et de récupération d'événements traumatiques.
  3. Paul Lyons, 2008, The Crafting of Jobs and Individual Differences, Journal of Business and Psychology
  4. Clayton P. Alderfer, 1971, Existence, Relatedness, and Growth; Human Needs in Organizational Settings, New York: Free Press, p262


Bibliographie

  • 1955, Louis E. Davis, R. R. Canter, "Job Design", Journal of Industrial Engineering, Vol 6, pp3-6
  • 1957, Louis E. Davis, "Toward a Theory of Job Design", Journal of Industrial Engineering, Vol 8, pp19-23
  • 1978, C. H. Bell, D. D. Umstot, T. R. Mitchell, "Goal Setting and Job Enrichment : An Integrated Approach to Job Design", Academy of Management Review, n°3, pp867-79
  • 1991, Bengt Holmstrom et P. Milgrom, Multi-task principal-agent analyses: incentive contracts, asset ownership and job design, Journal of Law, Economics and Organization, vol. VII , pp24-52
  • 1993, Charles C. Manz, "Redesigning the way you do your job: Skills for building natural motivation into your work", King of Prussia, PA: Organization Design and Development
  • 2001, Jane E. Dutton et Amy Wrzesniewski, Crafting a job: Revisioning employees as active crafters of their work, Academy of Management Review, 26(2), pp179-201
  • 2008, Paul Lyons, The Crafting of Jobs and Individual Differences, Journal of Business and Psychology


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