Vous pouvez contribuer simplement à Wikibéral. Pour cela, demandez un compte à adminwiki@liberaux.org. N'hésitez pas !


Axiome de l'action rationnelle

De Wikiberal
(Redirigé depuis Théorie du choix rationnel)
Aller à la navigation Aller à la recherche

L'axiome de l'action rationnelle est le fondement de l'apriorisme de Mises et de Rothbard.

Cet apriorisme épistémologique consiste à fonder la "certitude" de l'axiome de l'action humaine. Ainsi, pour Mises, cet axiome est apodictiquement (ou nécessairement) certain, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une évidence de l'esprit, indépendante, a priori, par rapport à l'expérience humaine. Ce fondement kantien de la certitude de l'axiome n'est pas le seul possible, mais il est sans doute le plus aprioriste, et justifie que la position de Mises soit qualifiée d'"apriorisme extrême":

«  Aucun recours à des considérations historiques ou empiriques quelconques ne peut mettre en défaut la proposition que les hommes poursuivent intentionnellement certains objectifs choisis. Nul discours sur l'irrationalité, les insondables profondeurs de l'âme humaine, la spontanéité des phénomènes de la vie, automatismes, réflexes et tropismes, ne peut réfuter l'affirmation que l'homme se sert de sa raison pour la réalisation d'aspirations et de désirs. A partir de l'inébranlable fondement qu'est cette catégorie de l'agir humain, la praxéologie et l'économie procèdent pas à pas au moyen du raisonnement discursif. Définissant avec précision hypothèses et conditions, elles construisent un système de concepts et tirent toutes les déductions impliquées, par des chaînes de raisonnement logiquement inattaquables. »
    — Ludwig von Mises, L'Action humaine

Murray Rothbard défend aussi la certitude de l'axiome de l'action rationnelle, mais son apriorisme épistémologique n'a pas le même fondement kantien que celui de Mises. Son réalisme philosophique l'empêche d'accepter que des "assertions synthétiques a priori" puissent servir à comprendre la réalité. Pour lui, cet axiome n'est pas une loi de l'esprit, mais une loi de la réalité fondée "sur l'expérience intérieure universelle de la réflexion aussi bien que sur la perception extérieure des objets". Cette conception aristotélico-thomiste reste a priori car "antérieure aux événements historiques complexes" auxquels se réfèrent l'empirisme.

A l'objection de Dostoïevski (Les Carnets du sous-sol) que l'individu peut parfois agir sciemment contre ses propres intérêts et échapper ainsi au cadre de l'égoïsme rationnel, on peut répondre que seul l'individu connaît (ou détermine) ses propres intérêts, et que l’action seule révèle ses préférences (critère de la préférence démontrée de Rothbard).

Le même réalisme philosophique explique pourquoi la conception de la rationalité de Rothbard est quelque peu différente de celle de Mises. Ils considèrent l'un et l'autre que la rationalité de l'action n'implique pas des actes adéquats ou appropriés à la situation, comme c'est le cas dans la conception néoclassique de la rationalité ; Rothbard exige cependant que l'action s'accorde à une vision du monde fondée en raison, sans pour cela qu'elle soit appropriée, ce que n'exige pas Mises. En effet, dans le cadre de l'idéalisme transcendantal kantien, l'action s'explique toujours par une causalité, celle des motifs, qui s'impose à la conscience.

Une expression malheureuse

Le terme d'action rationnelle peut prêter à malentendu. Il ne faudrait pas prendre rationnel dans le sens courant de conforme à la raison, à la logique, au bon sens, ce qui est hors de propos dans le cadre du subjectivisme. Le terme latin ratio signifie à l'origine calcul, supputation, compte[1]. Une meilleure traduction serait "axiome de l'action intentionnelle", qui s'énoncerait ainsi : "toute action découle d'une intention", ou "tout individu agit intentionnellement", il a toujours une raison (ratio) d'agir. Il ne s'agit en aucun cas, comme le précise Mises (L'action humaine), de se référer "à des hommes parfaits ou idéaux ni au fantôme mythique de l’homme économique (homo œconomicus)". L'action rationnelle ainsi définie n'implique ni que les moyens soient appropriés aux fins, ni que les fins soient conformes à une rationalité objective :

Mises ne fait aucune hypothèse sur la rationalité de l'action humaine (en fait, Mises n'utilise pas ce concept). Il ne présume en rien de la sagesse des fins de l'homme ni de l'adéquation de ses moyens. Il « suppose » seulement que les hommes agissent, c'est-à-dire qu'ils ont des fins et utilisent certains moyens pour essayer de les atteindre. C'est l'Axiome Fondamental de Mises, et c'est cet axiome qui confère à toute la structure praxéologique de la théorie économique sa certitude absolue et apodictique. (Murray Rothbard, En défense de l'apriorisme extrême)

Comme le précise Elinor Ostrom, le terme d'action rationnelle ne signifie pas que les individus cherchent forcément à maximiser l'utilité en termes de biens matériels ; ce n'est pas un modèle de l'homme égoïste. Il y a aussi des normes liées à des facteurs émotionnels : honneur, dignité, honte, sentiment de culpabilité. Le facteur émotionnel est prépondérant dans de nombreux domaines, par exemple la politique :

Nos croyances politiques ne sont pas déterminées par des arguments. Nous y croyons parce que nous croyons à certaines personnes que nous aimons, auxquelles nous faisons confiance. C’est l’émotion qui contrôle très largement la vie politique. Mais je ne suis pas sûr que la fiction d’un humain rationnel soit tout à fait centrale en démocratie. On n’a pas besoin d’une rationalité parfaite pour qu’une démocratie fonctionne : il suffit que les gens votent pour ce qui, en général et sans garantie, sert leurs intérêts. (Daniel Kahneman)

L'aspect psychologique de l'action n'est également pas pris en compte par la praxéologie : « Le domaine de notre science est l'action de l'homme, non les événements psychologiques qui aboutissent à une action » (Ludwig von Mises, L'Action Humaine).

Citations

  • L'agir humain est nécessairement toujours rationnel. Le terme « action rationnelle » est ainsi pléonastique et doit être évité comme tel. Lorsqu'on les applique aux objectifs ultimes d'une action, les termes rationnel et irrationnel sont inappropriés et dénués de sens. La fin ultime de l'action est toujours la satisfaction de quelque désir de l'homme qui agit. Comme personne n'est en mesure de substituer ses propres jugements de valeur à ceux de l'individu agissant, il est vain de porter un jugement sur les buts et volitions de quelqu'un d'autre. Aucun homme n'est compétent pour déclarer que quelque chose rendrait un homme plus heureux ou moins insatisfait. Le critiqueur tantôt nous dit ce qu'il croit qu'il prendrait pour objectif s'il était à la place de l'autre ; tantôt, faisant allègrement fi dans son arrogance dictatoriale de ce que veut et désire son semblable, il décrit l'état du critiqué qui serait le plus avantageux pour le critiqueur lui-même. (Ludwig von Mises, L'Action humaine, Première partie — L'Agir humain, Chapitre I — L'homme en action)
  • Tournons-nous maintenant vers l’axiome fondamental (le coeur de la praxéologie) : l’existence de l’action humaine. On peut, à partir de cet axiome, dérouler presque tout le fil de la théorie économique. Parmi les implications logiques qu’on peut immédiatement en déduire figurent : la relation entre la fin et les moyens, la structure temporelle de la production, la préférence temporelle, la loi de l’utilité marginale décroissante, la loi des rendements optimaux, etc. C’est cet axiome crucial qui sépare la praxéologie des autres points de vue méthodologiques, et c’est cet axiome qui fournit l’élément “a priori” qui est essentiel en théorie économique. (Murray Rothbard, En défense de l'apriorisme extrême)
  • Les êtres humains individuels existent. De plus, ils ne se contentent pas de « bouger », comme le font des atomes ou des molécules sans motivation ; ils agissent, c’est-à-dire qu’ils ont des objectifs et qu’ils font des choix de moyens pour atteindre leurs objectifs. Ils ordonnent leurs valeurs et leurs finalités en une hiérarchie selon qu’ils leur accordent plus ou moins d’importance. (Murray Rothbard)
  • La grande intuition de Mises fut que le raisonnement économique a son plein fondement juste dans cette compréhension de l’action ; et que le statut de l’économie comme type de logique appliquée découle du statut de proposition synthétique a priori vraie qu’a l’axiome de l’action. Les lois de l’échange, la loi de l’utilité marginale décroissante, la loi ricardienne d’association, la loi du contrôle des prix et la théorie quantitative de la monnaie (...) peuvent être logiquement déduits de cet axiome. Et c’est pour cela qu’il est clairement ridicule de penser que de telles propositions sont du même type épistémologique que celles des sciences naturelles. Penser qu’elles le sont et, en cohérence, exiger des essais pour leur validation, revient à supposer qu’il faudrait se lancer dans une collecte de faits sans en savoir le résultat possible afin d’établir le fait qu’on est bien un acteur. En un mot : c’est absurde. (Hans-Hermann Hoppe, Science économique et méthodologie autrichienne)

Notes et références

Voir aussi

Liens externes


Philosophie.png Accédez d'un seul coup d’œil au portail philosophie et épistémologie du libéralisme.