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Robert Merton
Robert K. Merton, né le 4 juillet 1910, décédé le 23 février 2023, est largement reconnu comme l'un des sociologues les plus importants du XXe siècle. Il a grandement contribué à la discipline sociologique par ses théories novatrices et sa recherche rigoureuse. Son travail a eu une influence majeure sur de nombreux domaines de la sociologie, y compris la théorie sociale, la sociologie de la science et l'étude de la déviance.
Merton a été profondément influencé par le contexte historique et intellectuel de son époque. Il a été formé à Harvard, où il a été exposé à diverses écoles de pensée sociologique. Il a notamment été influencé par des sociologues éminents tels que Talcott Parsons et Pitirim Sorokin. Ces influences intellectuelles ont contribué à façonner ses idées et ses théories tout au long de sa carrière.
Formation et influences
A. Études à Harvard et influences de Talcott Parsons, Pitirim Sorokin, et d'autres intellectuels
Robert K. Merton a poursuivi ses études à l'Université de Harvard, où il a obtenu son doctorat en sociologie. Durant ses années d'études, il a été exposé à une multitude d'écoles de pensée sociologique et a eu l'occasion de travailler aux côtés de sociologues éminents tels que Talcott Parsons et Pitirim Sorokin.
Talcott Parsons, l'un des principaux sociologues de l'époque, a exercé une influence significative sur Merton. Parsons était connu pour sa théorie fonctionnaliste-structuraliste, qui mettait l'accent sur le rôle des institutions sociales dans le maintien de l'équilibre social. Merton a été fortement influencé par cette perspective théorique et a adopté de nombreux concepts clés de la théorie de Parsons.
Pitirim Sorokin, un autre sociologue renommé, a également joué un rôle important dans la formation intellectuelle de Merton. Bien que Sorokin ait été en désaccord avec certains aspects de la théorie de Parsons, il a encouragé Merton à explorer différents domaines de recherche et à développer ses propres idées. Cette interaction intellectuelle avec Sorokin a stimulé la pensée critique de Merton et l'a aidé à développer une approche plus nuancée de la sociologie.
Merton a également été influencé par d'autres intellectuels de son époque, notamment par des anthropologues tels que Franz Boas et Bronisław Malinowski. Ces influences interdisciplinaires ont contribué à élargir les horizons de Merton et à le pousser à explorer de nouveaux domaines de recherche.
B. Intérêt de Merton pour la sociologie de la science et la méthodologie de la recherche
Pendant ses années d'études à Harvard, Merton a développé un intérêt particulier pour la sociologie de la science et la méthodologie de la recherche. Il était fasciné par la manière dont la science fonctionnait en tant qu'institution sociale et par les processus sociaux qui influençaient la production des connaissances scientifiques.
Merton a été l'un des premiers sociologues à étudier la structure sociale de la science et les normes qui régissent la communauté scientifique. Il a examiné comment les scientifiques établissent des critères d'évaluation de la vérité et de la validité des connaissances scientifiques, et comment ces critères sont influencés par des facteurs sociaux tels que la compétition, la collaboration et la réputation.
En outre, Merton s'est intéressé à la méthodologie de la recherche sociologique et à l'utilisation de données empiriques pour tester les théories sociologiques. Il a encouragé l'utilisation de méthodes rigoureuses et systématiques dans la recherche sociologique, contribuant ainsi à renforcer la crédibilité de la discipline.
Ces intérêts pour la sociologie de la science et la méthodologie de la recherche ont marqué les premières étapes du développement intellectuel de Merton et ont jeté les bases de ses contributions futures à la sociologie.
Les fondements théoriques de Robert Merton
Théorie fonctionnaliste-structuraliste de la société
La théorie fonctionnaliste-structuraliste a joué un rôle central dans la pensée sociologique de Robert K. Merton. Cette approche théorique met l'accent sur le rôle des institutions sociales dans le maintien de l'équilibre et de la stabilité de la société. Elle s'appuie sur l'idée que chaque élément de la société remplit une fonction spécifique qui contribue à la cohésion sociale.
Explication des principes fondamentaux de la perspective fonctionnaliste
Selon la perspective fonctionnaliste, la société est perçue comme un système complexe composé de différentes parties interconnectées. Chaque partie de la société remplit une fonction spécifique qui contribue au fonctionnement global de la société. Ces fonctions sont interdépendantes et contribuent à maintenir l'ordre social.
La théorie fonctionnaliste considère que les institutions sociales, telles que la famille, l'éducation, la religion et l'économie, jouent un rôle essentiel dans le maintien de la stabilité sociale. Chaque institution remplit des fonctions spécifiques qui contribuent au bon fonctionnement de la société dans son ensemble.
Distinction entre les fonctions manifestes et latentes
Dans le cadre de la théorie fonctionnaliste, Merton a développé la distinction entre les fonctions manifestes et les fonctions latentes. Les fonctions manifestes se réfèrent aux effets attendus et reconnus d'une institution ou d'un comportement donné. Elles sont souvent évidentes et délibérées, et peuvent être identifiées et analysées facilement.
En revanche, les fonctions latentes sont les effets non intentionnels, souvent non reconnus, d'une institution ou d'un comportement. Elles peuvent émerger de manière inattendue et avoir des conséquences qui ne sont pas immédiatement évidentes. Ces fonctions latentes peuvent jouer un rôle significatif dans la dynamique sociale et peuvent influencer le fonctionnement de la société de manière subtile.
Merton a souligné que la reconnaissance des fonctions latentes est essentielle pour une compréhension approfondie de la société. Ces fonctions souvent négligées peuvent avoir des implications importantes et peuvent contribuer à des changements sociaux et à l'évolution des institutions.
En résumé, la théorie fonctionnaliste-structuraliste de la société, qui met l'accent sur les fonctions des institutions sociales et sur le maintien de l'équilibre social, a profondément influencé la pensée de Merton. Sa distinction entre les fonctions manifestes et latentes a contribué à une compréhension plus approfondie du fonctionnement de la société et de ses dynamiques.
La critique de la théorie fonctionnaliste
Bien que la théorie fonctionnaliste ait apporté des contributions importantes à la sociologie, elle a également fait l'objet de critiques, notamment de la part de Robert K. Merton lui-même. Merton a remis en question certains aspects de l'approche fonctionnaliste traditionnelle et a développé ses propres idées pour combler les lacunes de cette théorie.
Remise en question de l'idée de consensus de valeurs dans la société
L'un des principaux points de critique de Merton envers la théorie fonctionnaliste était lié à l'idée de consensus de valeurs dans la société. Selon la perspective fonctionnaliste, tous les membres de la société partagent les mêmes valeurs et objectifs, ce qui contribue à maintenir l'ordre social. Cependant, Merton a fait valoir que les membres de la société occupent des positions différentes dans la structure sociale, ce qui limite leur opportunité de réaliser les valeurs partagées. Cette disparité peut créer une déviance sociale.
Merton a développé le concept d'anomie, qu'il a emprunté à Émile Durkheim, pour expliquer le désaccord entre les objectifs culturels et les moyens légitimes disponibles pour les atteindre. Appliquée aux États-Unis, Merton considérait que le rêve américain mettait l'accent sur la réussite financière, mais sans insister sur les moyens légitimes pour y parvenir. Autrement dit, le rêve américain était un idéal culturel, mais les moyens utilisés pour l'atteindre étaient différents pour chaque individu. Cela pouvait conduire à une déviance sociale importante.
Développement du concept d'anomie et son impact sur la théorie de la déviance sociale
Merton a exploré plus en profondeur le concept d'anomie dans sa théorie de la déviance, notamment dans sa célèbre théorie de la tension sociale. Selon Merton, lorsque le système économique ne fournit pas de moyens légitimes pour gagner un revenu et acquérir un statut social, la logique culturelle du système social peut pousser l'individu à agir de manière culturellement logique, même si cela est illégal.
Merton a également développé le paradigme des comportements déviants, qui inclut différents modes d'adaptation des individus aux objectifs culturels et aux moyens disponibles pour les atteindre. Il a distingué plusieurs modes d'adaptation, tels que la conformité, l'innovation, le ritualisme, le retrait et la rébellion, qui décrivent les différentes façons dont les individus se situent par rapport aux objectifs et aux moyens de la société.
La critique de Merton envers la théorie fonctionnaliste et le développement de ses propres concepts, tels que l'anomie et le paradigme des comportements déviants, ont contribué à une meilleure compréhension de la déviance sociale et ont enrichi le champ de la sociologie. Ces idées ont également été largement utilisées dans l'étude de la criminologie et de la théorie de la déviance.
Les limites de la théorie fonctionnaliste et les avancées de Merton
La théorie fonctionnaliste, bien qu'elle ait apporté une compréhension globale de la société, présente certaines limites. Robert K. Merton a joué un rôle crucial dans la remise en question de ces limites et a proposé des avancées significatives pour améliorer la compréhension de la dynamique sociale.
Introduction de la notion de dysfonctions sociales et de conséquences non fonctionnelles
Merton a critiqué l'idée selon laquelle toutes les structures et les institutions sociales remplissent une fonction positive dans la société. Il a introduit la notion de dysfonctions sociales, qui sont des conséquences négatives et indésirables des structures sociales. Selon Merton, les dysfonctions peuvent perturber l'harmonie sociale et entraîner des conséquences non fonctionnelles.
Par exemple, Merton a souligné que les inégalités sociales, loin de renforcer la stabilité sociale, peuvent engendrer des tensions et des conflits. De même, les structures sociales peuvent entraîner des effets pervers qui ne servent pas les intérêts de la société dans son ensemble. Cette critique a permis de mettre en évidence la complexité des interactions sociales et d'élargir la compréhension des conséquences sociales, tant positives que négatives.
Concept de l'alternative fonctionnelle et de la diversité des institutions sociales
Merton a également contribué à la théorie fonctionnaliste en introduisant le concept d'alternative fonctionnelle. Selon lui, différentes institutions sociales peuvent remplir des fonctions similaires et servir de substituts les unes aux autres. Par exemple, plusieurs institutions peuvent contribuer à l'intégration sociale ou à la satisfaction des besoins humains.
Cette notion d'alternative fonctionnelle met en évidence la diversité des institutions sociales et montre que différentes structures peuvent remplir des fonctions similaires dans la société. Merton a souligné que cette diversité institutionnelle est importante pour répondre aux besoins et aux exigences variés des individus et des groupes sociaux.
En développant ces concepts, Merton a enrichi la théorie fonctionnaliste en tenant compte de la complexité et de la diversité de la société. Il a montré que les structures sociales peuvent avoir des effets contradictoires et que les institutions sociales peuvent jouer des rôles multiples et complémentaires. Ces avancées ont contribué à une meilleure compréhension des dynamiques sociales et ont permis d'intégrer des nuances et des contradictions dans l'analyse fonctionnaliste.
Les contributions majeures de Robert Merton
La prophétie auto-réalisatrice et la fonction manifeste/latente
Explication de la prophétie auto-réalisatrice
Robert K. Merton a introduit le concept de la prophétie auto-réalisatrice, qui est un phénomène social dans lequel une croyance ou une attente conduit à des actions qui confirment cette croyance ou attente, même si elle n'était pas nécessairement vraie au départ. Selon Merton, la prophétie auto-réalisatrice peut avoir un impact significatif sur le fonctionnement de la société.
Par exemple, si une personne est perçue comme délinquante, elle peut se conformer à cette étiquette et adopter des comportements délinquants, ce qui confirme les attentes de la société et renforce l'image négative qui lui est associée. Ainsi, la prophétie auto-réalisatrice peut influencer les comportements individuels et les interactions sociales, contribuant ainsi à la reproduction des inégalités et des stéréotypes.
Distinction entre les fonctions manifestes et latentes
Merton a également développé la distinction entre les fonctions manifestes et latentes dans l'analyse des structures et des institutions sociales. Les fonctions manifestes sont les conséquences prévues et reconnues d'une action ou d'une institution, qui contribuent directement à la réalisation des objectifs sociaux explicites. Par exemple, l'éducation formelle a pour fonction manifeste de transmettre des connaissances et de préparer les individus à occuper des rôles professionnels.
En revanche, les fonctions latentes sont les conséquences non intentionnelles et souvent non reconnues d'une action ou d'une institution, qui peuvent avoir des effets positifs ou négatifs sur la société. Par exemple, l'éducation formelle peut également avoir des fonctions latentes telles que la socialisation des individus, le renforcement des inégalités sociales ou la reproduction des normes culturelles.
La distinction entre les fonctions manifestes et latentes permet de comprendre que les actions et les institutions sociales peuvent avoir des conséquences multiples et complexes, allant au-delà des objectifs explicites. Merton a souligné l'importance d'analyser les fonctions latentes pour une compréhension approfondie des dynamiques sociales et des conséquences sociales imprévues.
En résumé, Merton a contribué à la sociologie en introduisant le concept de prophétie auto-réalisatrice, mettant en évidence le rôle des croyances et des attentes dans la construction de la réalité sociale. De plus, sa distinction entre les fonctions manifestes et latentes a permis d'élargir la compréhension des conséquences des actions et des institutions sociales, en tenant compte des effets non intentionnels et souvent invisibles. Ces concepts ont enrichi l'analyse fonctionnaliste et ont ouvert de nouvelles perspectives dans l'étude des dynamiques sociales.
Les modes d'adaptation à l'anomie
Robert K. Merton a développé une théorie de la déviance basée sur le concept d'anomie. Selon Merton, l'anomie se produit lorsque les individus se retrouvent dans une situation de déséquilibre entre les aspirations culturelles et les moyens légitimes disponibles pour les atteindre. L'anomie est donc un écart entre les objectifs socialement valorisés et les moyens institutionnellement approuvés pour les réaliser.
L'anomie, selon Merton, crée un contexte propice à la déviance. Les individus qui ne peuvent pas atteindre les objectifs culturellement valorisés par les moyens légitimes sont confrontés à un choix quant à la manière de s'adapter à cette situation d'anomie. Merton a identifié cinq modes d'adaptation possibles à l'anomie :
La conformité
Dans le mode d'adaptation de la conformité, les individus suivent les normes et les valeurs culturellement établies, et utilisent les moyens institutionnellement approuvés pour atteindre les objectifs socialement valorisés. Ils acceptent les attentes sociales et s'efforcent de se conformer aux règles et aux normes établies par la société.
Les personnes qui adoptent ce mode d'adaptation accordent une grande importance à l'approbation sociale et cherchent à être acceptées et reconnues par leur conformité aux normes établies. Elles suivent les voies conventionnelles et légitimes pour atteindre leurs objectifs, tels que l'éducation, le travail acharné et le respect des lois. Elles s'efforcent de se conformer aux rôles sociaux attendus et aux attentes culturelles.
Par exemple, un individu qui souhaite réussir professionnellement peut se conformer aux normes éducatives en obtenant un diplôme universitaire, puis rechercher un emploi dans un domaine correspondant à ses qualifications. Il suit les étapes traditionnelles pour atteindre son objectif de réussite professionnelle et cherche à être reconnu et valorisé par ses pairs et la société.
Le mode d'adaptation de la conformité est considéré comme socialement acceptable et favorise la stabilité sociale. Il maintient l'ordre social en renforçant les normes et les valeurs culturelles. Cependant, il convient de noter que même dans ce mode d'adaptation, il peut exister des tensions et des conflits entre les aspirations individuelles et les contraintes sociales. Certains individus peuvent ressentir une pression pour se conformer, même si cela ne correspond pas à leurs aspirations personnelles, ce qui peut entraîner des conflits internes.
Dans l'ensemble, la conformité est une forme d'adaptation qui vise à éviter la déviance en se conformant aux attentes sociales et en utilisant les moyens institutionnellement approuvés pour atteindre les objectifs culturellement valorisés. Ce mode d'adaptation est largement répandu dans la société et contribue à maintenir la stabilité sociale et l'ordre établi.
L'innovation
Dans le mode d'adaptation de l'innovation, les individus acceptent les objectifs culturellement valorisés, mais utilisent des moyens non conventionnels pour les atteindre. Ils cherchent des alternatives à la voie traditionnelle et peuvent s'engager dans des comportements déviants, y compris des activités criminelles, afin de réussir matériellement.
Les personnes qui adoptent ce mode d'adaptation se sentent souvent exclues ou marginalisées par les moyens légitimes d'atteindre les objectifs socialement valorisés. Elles peuvent percevoir des obstacles ou des barrières dans les institutions sociales et économiques qui limitent leur accès aux ressources et aux opportunités nécessaires pour atteindre ces objectifs de manière légitime. En conséquence, elles cherchent des alternatives en exploitant des moyens non conventionnels et souvent illégitimes pour atteindre la réussite matérielle.
Par exemple, un individu qui se sent désavantagé économiquement peut décider de s'engager dans des activités criminelles, comme le vol ou la fraude, pour obtenir l'argent et les biens dont il a besoin. Il utilise des moyens illégaux pour atteindre l'objectif de réussite matérielle, en contournant les voies légitimes telles que l'éducation ou l'emploi. Cependant, il convient de noter que tous les individus qui adoptent l'innovation ne se tournent pas nécessairement vers des activités criminelles. Certains peuvent trouver des moyens non conventionnels mais légaux pour réussir, comme l'entrepreneuriat ou l'innovation technologique.
L'innovation peut être considérée comme une réponse à l'anomie, où les individus cherchent à combler l'écart entre leurs aspirations et les moyens institutionnellement approuvés pour les réaliser. Cependant, ce mode d'adaptation est souvent perçu comme déviant et est socialement désapprouvé, car il implique de violer les normes et les lois établies.
Merton souligne que l'innovation est une conséquence de la structure sociale et des opportunités inégales qu'elle offre aux individus. Les inégalités économiques et sociales peuvent pousser certains individus à chercher des moyens non conventionnels pour réussir matériellement, même s'ils sont illégitimes. Merton a souligné l'importance d'analyser les facteurs structurels et les conditions sociales qui contribuent à l'innovation et à la déviance, plutôt que de se focaliser uniquement sur les choix individuels.
En résumé, l'innovation est un mode d'adaptation à l'anomie dans lequel les individus acceptent les objectifs culturellement valorisés, mais utilisent des moyens non conventionnels et souvent illégitimes pour les atteindre. Cela peut inclure des comportements déviants, tels que la criminalité, dans le but d'atteindre la réussite matérielle. Ce mode d'adaptation est souvent considéré comme déviant et est influencé par les inégalités sociales et économiques existantes dans la société.
Le ritualisme
Dans le mode d'adaptation du ritualisme, les individus rejettent les objectifs culturellement valorisés mais continuent à suivre les moyens institutionnellement approuvés. Ils se concentrent sur le respect des règles, des normes et des routines sociales sans chercher activement à atteindre les objectifs socialement valorisés.
Les personnes qui adoptent le ritualisme peuvent avoir initialement aspiré à atteindre les objectifs culturellement valorisés, tels que la réussite matérielle ou la reconnaissance sociale. Cependant, en raison de diverses contraintes ou de désillusions, elles renoncent à ces objectifs et se contentent de maintenir le statu quo en respectant les normes et les règles établies.
Par exemple, un individu travaillant dans un emploi peu rémunéré et sans perspective d'avancement peut continuer à exercer ses fonctions de manière rigoureuse, respectant les horaires de travail et les politiques de l'entreprise, même s'il n'a plus l'ambition d'obtenir une promotion ou une augmentation de salaire. Il se conforme aux attentes professionnelles et suit les règles, mais ne cherche plus activement à atteindre les objectifs de réussite professionnelle tels que l'avancement de carrière.
Le mode de ritualisme peut être une réponse à l'anomie lorsque les individus se sentent désavantagés ou découragés par l'écart entre leurs aspirations et les moyens institutionnels pour les réaliser. Plutôt que de chercher des alternatives non conventionnelles ou de remettre en question les objectifs culturellement valorisés, ils se replient sur le respect des normes sociales et la conformité aux routines établies.
Merton souligne que le ritualisme peut être perçu comme une forme de désadaptation, car il conduit à une stagnation ou à une perte de motivation pour atteindre des objectifs valorisés dans la société. Cependant, il convient de noter que le ritualisme n'est pas nécessairement déviant ou socialement désapprouvé, car il se conforme aux normes et aux attentes sociales. C'est plutôt une forme d'adaptation qui se situe en dehors des objectifs culturellement valorisés.
En résumé, le ritualisme est un mode d'adaptation à l'anomie dans lequel les individus rejettent les objectifs culturellement valorisés mais continuent à suivre les moyens institutionnellement approuvés. Ils se concentrent sur le respect des règles et des normes sociales sans chercher activement à atteindre les objectifs socialement valorisés. Ce mode d'adaptation peut être une réponse à la désillusion ou aux contraintes qui limitent la possibilité d'atteindre les objectifs culturellement valorisés.
Le retraitisme
Dans le mode d'adaptation du retraitisme, les individus rejettent à la fois les objectifs culturellement valorisés et les moyens institutionnellement approuvés pour les atteindre. Ils se retirent de la société et se désengagent des normes, des attentes sociales et des interactions sociales conventionnelles. Cette forme d'adaptation est souvent associée à une désillusion profonde et à un sentiment d'échec face aux pressions et aux contraintes de la société.
Les individus qui adoptent le retraitisme peuvent choisir de se retirer de différentes manières. Certains peuvent se retirer dans des comportements d'évitement, tels que l'abus de substances, la consommation excessive d'alcool ou la dépendance à des activités virtuelles. Ces comportements leur permettent de s'évader temporairement des réalités et des exigences de la société.
D'autres individus peuvent choisir de se retirer physiquement de la société en devenant ermites, sans-abris ou en rejoignant des communautés marginales. Ils évitent activement les interactions sociales et les responsabilités sociales, préférant vivre en marge de la société et se soustraire aux attentes et aux normes sociales.
Le retraitisme peut être considéré comme une forme extrême de désadaptation à l'anomie, car il implique un désengagement total de la société et une rupture avec les valeurs et les normes dominantes. Les individus qui adoptent ce mode d'adaptation peuvent se sentir aliénés, marginalisés ou exclus socialement.
Il convient de noter que le retraitisme n'est pas une forme de déviance active ou de comportement antisocial, mais plutôt un repli sur soi et une tentative de se protéger des tensions et des contradictions de la société. Cependant, cela peut entraîner des conséquences négatives pour les individus eux-mêmes, tels que l'isolement social, la détérioration de la santé mentale et la vulnérabilité accrue aux dangers et aux risques.
Merton a souligné que le retraitisme peut être considéré comme une réaction à l'incapacité de trouver des moyens légitimes pour atteindre les objectifs culturellement valorisés. Lorsque les individus se sentent désespérés ou exclus des opportunités sociales, ils peuvent choisir de se retirer plutôt que de s'engager dans des comportements déviants ou de contester activement les normes et les attentes de la société.
En résumé, le retraitisme est un mode d'adaptation à l'anomie dans lequel les individus rejettent à la fois les objectifs culturellement valorisés et les moyens institutionnellement approuvés. Ils se retirent de la société et se désengagent des normes et des attentes sociales. Ce mode d'adaptation peut être une réponse à la désillusion, à l'aliénation ou à l'exclusion sociale, mais il peut également entraîner des conséquences négatives pour les individus eux-mêmes.
La rébellion
Dans le mode d'adaptation de la rébellion, les individus rejettent à la fois les objectifs culturellement valorisés et les moyens institutionnellement approuvés pour les atteindre. Cependant, contrairement aux autres modes d'adaptation, ils ne se contentent pas de se retirer ou de trouver des alternatives individuelles, mais cherchent activement à contester et à transformer l'ordre social établi.
Les individus qui adoptent la rébellion remettent en question les valeurs et les normes dominantes de la société et cherchent à les remplacer par de nouvelles valeurs et de nouvelles normes. Ils expriment leur désaccord avec les structures de pouvoir existantes et s'engagent dans des actions collectives de contestation, de protestation et de résistance.
Ces actions peuvent prendre différentes formes, telles que des mouvements sociaux, des révolutions, des manifestations, des grèves ou d'autres formes d'activisme. Les individus engagés dans la rébellion cherchent à renverser les systèmes d'inégalité, d'oppression ou d'injustice sociale et à créer un nouvel ordre social basé sur leurs propres idéaux et aspirations.
Il est important de noter que la rébellion peut être motivée par des idéologies politiques, religieuses, culturelles ou sociales spécifiques. Les individus révoltés cherchent à promouvoir leur vision alternative de la société et à mobiliser d'autres personnes pour rejoindre leur cause.
Merton a souligné que la rébellion peut être une réponse à l'anomie sociale, à l'injustice ou à l'oppression. Lorsque les individus se sentent frustrés par l'écart entre les objectifs culturellement valorisés et les moyens institutionnellement disponibles, ils peuvent se rebeller contre les structures existantes et chercher à créer un nouvel ordre social plus conforme à leurs valeurs et à leurs aspirations.
Cependant, la rébellion peut également être associée à des risques et à des défis. Les mouvements révolutionnaires peuvent être confrontés à une répression gouvernementale, à des conflits violents ou à des divisions internes. De plus, la réussite de la rébellion dans la réalisation d'un changement social durable dépend de nombreux facteurs, tels que le soutien populaire, la mobilisation efficace et la construction d'alternatives viables.
En résumé, la rébellion est un mode d'adaptation à l'anomie dans lequel les individus rejettent à la fois les objectifs culturellement valorisés et les moyens institutionnellement approuvés. Ils cherchent à transformer l'ordre social établi en remettant en question les valeurs et les normes dominantes. La rébellion se manifeste par des actions collectives de contestation et de résistance, visant à créer un nouvel ordre social basé sur de nouvelles valeurs et de nouvelles normes.
Ces modes d'adaptation illustrent les différentes façons dont les individus réagissent à l'anomie et cherchent à concilier leurs aspirations avec les contraintes sociales. La théorie de Merton sur la déviance et l'anomie met en évidence les tensions entre les objectifs culturels et les moyens institutionnels, et explore comment ces tensions peuvent conduire à des comportements déviants. Cette théorie a contribué à la compréhension des processus de déviance et a ouvert la voie à des recherches approfondies dans le domaine de la criminologie et de la sociologie de la déviance.
Le temps social : Attentes, structures et comportements
Le concept du temps social constitue un domaine d'étude important dans la sociologie contemporaine. Il met en lumière les attentes temporelles, les structures sociales et les comportements individuels qui sont façonnés par les normes et les contraintes sociales liées au temps. Les travaux sur la sociologie culturelle[1] de Robert K. Merton ont apporté des contributions significatives à ce domaine, en mettant en évidence les "durées socialement attendues" (SED) et leurs implications sociologiques. Dans cet article, nous explorerons le concept de temps social, les SED, les préférences temporelles et les horizons temporels. Cette exploration nous permettra de mieux comprendre la manière dont le temps est socialement construit, son impact sur les comportements individuels et collectifs, ainsi que son lien avec la structure sociale.
Le concept de "temps social"
A. Revue du concept de "temps social" dans l'article avec Sorokin (1937)
Dans un premier article coécrit avec Pitirim Sorokin en 1937, Robert K. Merton examine le concept de "temps social". Ils mettent en évidence l'importance du temps en tant que dimension sociale et explore sa relation avec les structures sociales. Merton souligne que le temps ne peut être compris indépendamment des normes, des attentes et des contraintes sociales qui le façonnent.
B. Explication de la structuration sociale différentielle du temps
Dans ses travaux ultérieurs, Merton développe davantage la notion de "structuration sociale différentielle du temps". Il explore comment les structures sociales influencent la manière dont le temps est perçu, organisé et utilisé par les individus et les groupes sociaux. Les attentes sociales prescrivent des durées spécifiques pour différentes situations et rôles sociaux. Par exemple, la durée pendant laquelle une personne occupe un poste dans une organisation est socialement déterminée. De même, les durées supposées probables des relations sociales, telles que l'amitié ou une relation professionnel-client, sont influencées par les normes et les conventions sociales.
Merton met également en évidence la longévité structurée des occupants de statuts, de groupes et d'organisations. Il souligne que la durée anticipée de l'occupation de ces positions sociales est influencée par les règles et les dynamiques sociales. Ces durées temporelles prévues et prescrites contribuent à la stabilité et à la cohérence des structures sociales.
Les "durées socialement attendues" (SED)
A. Définition et exemples des SED
Les "durées socialement attendues" (SED) font référence aux attentes socialement prescrites ou collectivement modelées sur les durées temporaires ancrées dans diverses structures sociales. Elles jouent un rôle essentiel dans la régulation et l'organisation des interactions sociales. Les SED peuvent être observées dans différentes sphères de la vie sociale. Voici quelques exemples :
1. Attentes sur les durées des statuts individuels :
- La durée pendant laquelle les individus sont autorisés à occuper des statuts particuliers dans une organisation, tels que des postes de direction ou des membres d'un conseil d'administration.
- La durée de l'appartenance à un groupe ou à une communauté spécifique, telle que la durée de participation à un club ou à une association professionnelle.
2. Attentes sur les durées des relations sociales :
- Les durées supposées probables des relations interpersonnelles, comme l'amitié ou une relation professionnel-client.
- Les attentes de durée dans les relations familiales, telles que la durée moyenne d'un mariage ou la durée de vie d'une relation parent-enfant.
3. Attentes sur la longévité des occupants de statuts, groupes et organisations :
- Les attentes concernant la durée de vie d'une organisation, influencée par des facteurs tels que la stabilité économique ou les changements politiques.
- Les attentes de longévité dans les statuts individuels ou les groupes sociaux, tels que la carrière d'un professionnel ou la pérennité d'une association professionnelle.
B. Implications sociologiques des SED
1. Impact sur le comportement individuel :
Les SED affectent le comportement des individus en les incitant à se conformer aux attentes temporelles de la société. Les individus peuvent ajuster leurs actions en fonction des durées socialement attendues, en planifiant leurs engagements, leurs interactions et leurs transitions en accord avec ces attentes. Par exemple, un individu peut prendre des décisions de carrière en tenant compte de la durée typique d'occupation d'un poste dans une organisation.
2. Lien entre la structure sociale et le comportement individuel :
Les SED jouent un rôle important dans la structuration sociale en reliant la structure sociale et le comportement individuel. Les attentes temporelles socialement prescrites aident à maintenir la stabilité et la cohérence des interactions sociales en définissant les durées appropriées pour les différents rôles et relations. Elles contribuent à la régulation sociale en fournissant des cadres temporels qui guident les individus dans leurs interactions et leurs choix d'action.
En examinant les SED, nous pouvons mieux comprendre comment les attentes temporelles collectivement construites influencent les comportements individuels et comment la structure sociale est façonnée par ces attentes. Les SED jouent un rôle crucial dans la dynamique sociale en régulant le rythme et la temporalité des activités individuelles et collectives.
Le temps comme ressource et propriété sociale
A. Le temps comme ressource de base
Selon les écrits de Merton, le temps peut être considéré comme une ressource de base dans la société. Il est perçu comme une unité fondamentale qui influence la manière dont les individus organisent et gèrent leur vie quotidienne. Le temps est une dimension incontournable dans la planification, l'exécution et la coordination des activités sociales. Les individus doivent allouer leur temps de manière efficace pour atteindre leurs objectifs et répondre aux attentes sociales.
B. Le temps comme propriété des groupes et des organisations
En plus d'être une ressource individuelle, le temps est également une propriété des groupes et des organisations. Les séquences d'état et les structures sociales ont leur propre temporalité, qui guide les actions et les interactions des membres. Les groupes et les organisations ont des attentes temporelles spécifiques, telles que les délais, les horaires de travail et les échéances, qui influencent le fonctionnement et les comportements de leurs membres.
C. Influence du temps sur les choix d'action et les décisions
Le temps joue un rôle essentiel dans les choix d'action et les décisions individuelles. Les préférences temporelles des individus, c'est-à-dire leurs attitudes à l'égard du temps présent et du futur, influencent leurs décisions. Certains individus privilégient la gratification immédiate, tandis que d'autres sont prêts à reporter leurs besoins et à investir dans des récompenses à plus long terme. Ces préférences temporelles sont souvent déterminées par le contexte social et les cadres de référence dans lesquels les individus évoluent.
De plus, les décisions individuelles sont également influencées par les horizons temporels collectivement déterminés. Les attentes sociales en matière de temporalité structurent les choix disponibles et créent des incitations à agir dans certaines directions. Par exemple, dans certaines situations sociales, la gratification instantanée peut être valorisée, tandis que dans d'autres, l'accumulation de ressources à long terme peut être privilégiée. Les individus sont donc confrontés à des horizons temporels multiples et doivent s'inscrire dans ces cadres temporels socialement définis lorsqu'ils prennent leurs décisions.
En étudiant le rôle du temps en tant que ressource et propriété sociale, nous pouvons mieux comprendre comment il influence les choix individuels, les décisions collectives et la dynamique sociale dans son ensemble. Le temps façonne les comportements, les interactions et les structures sociales, et sa gestion efficace est essentielle pour le bon fonctionnement des sociétés.
Préférences temporelles et horizons temporels
A. Différentes préférences temporelles et leurs effets sur les décisions
Les préférences temporelles des individus jouent un rôle crucial dans leurs décisions et leurs comportements. Certaines personnes ont des préférences temporelles orientées vers le présent, privilégiant la gratification immédiate et accordant moins d'importance aux récompenses futures. Elles sont davantage motivées par des gains immédiats et peuvent être plus enclines à prendre des risques.
D'autres individus ont des préférences temporelles orientées vers le futur, accordant une plus grande valeur aux récompenses différées. Ils sont plus patients, prêts à reporter leurs besoins et à investir dans des gains à long terme. Ces personnes sont souvent plus axées sur la planification, l'épargne et la construction d'une base solide pour l'avenir.
Les préférences temporelles peuvent avoir des implications significatives sur les décisions individuelles, notamment en ce qui concerne les choix financiers, les comportements liés à la santé et le développement des carrières. Comprendre ces différences de préférences temporelles peut aider à expliquer les variations dans les parcours de vie et les résultats individuels.
B. Impact des horizons temporels collectivement déterminés
Les horizons temporels ne sont pas uniquement déterminés par les préférences individuelles, mais aussi par les cadres sociaux et les attentes collectives. Les horizons temporels collectivement déterminés se réfèrent aux attentes et aux normes de temps qui sont partagées au sein d'une société ou d'un groupe social donné.
Ces horizons temporels collectivement déterminés influencent les comportements individuels en créant des incitations et des contraintes. Ils définissent les normes de temps pour les différentes activités et situations sociales, telles que les délais de travail, les échéances, les horaires socialement acceptables, etc.
Par exemple, dans un contexte où la gratification instantanée est valorisée et où les récompenses à court terme sont priorisées, les individus peuvent être encouragés à adopter des comportements impulsifs et à prendre des décisions qui privilégient le court terme. En revanche, dans un environnement où l'accumulation de ressources à long terme est préconisée et récompensée, les individus peuvent être motivés à investir dans des activités qui nécessitent un engagement à long terme et à reporter leurs gratifications immédiates.
Les horizons temporels collectivement déterminés ont un impact sur la façon dont les individus organisent leur temps, prennent des décisions et façonnent leur comportement. Ils sont intégrés dans les cadres sociaux et culturels qui structurent les choix disponibles et influencent les trajectoires de vie individuelles.
En examinant les préférences temporelles et les horizons temporels collectivement déterminés, nous pouvons mieux comprendre comment le temps et la temporalité sont socialement construits et influencent les décisions individuelles et collectives. Cela nous aide à saisir les complexités de la prise de décision humaine et à explorer les liens entre la structure sociale et les comportements individuels.
Les normes de la sociologie de la science
Robert K. Merton était profondément intéressé par la manière dont la science fonctionnait en tant que système social et institutionnel. Il a été l'un des premiers sociologues à s'intéresser à l'étude de la science en tant que pratique sociale et à examiner les normes qui guident le travail des scientifiques. Il était convaincu que comprendre la dynamique sociale de la science était essentiel pour appréhender son impact sur la société et pour évaluer la validité des revendications scientifiques.
La norme CUDOS
Robert Merton a formulé un ensemble de normes qui sont devenues centrales dans la sociologie de la science. Ces normes sont souvent regroupées sous l'acronyme CUDOS, qui représente les principes suivants :
- Common Universalism : selon lequel les revendications de vérité sont évaluées en fonction de critères universels ou impersonnels, et non sur la base de la race, de la classe sociale, du genre, de la religion ou de la nationalité. - Désintéressement : selon lequel les scientifiques sont récompensés pour agir de manière apparemment altruiste, sans rechercher de bénéfices personnels. - Organisée Skepticisme : selon lequel toutes les idées doivent être testées et sont soumises à un examen rigoureux de la part de la communauté scientifique. Il s'agit de remettre en question les idées établies et de maintenir une approche critique et rigoureuse.
Ces normes sont considérées comme des principes fondamentaux qui guident la pratique scientifique et qui permettent de maintenir l'intégrité et la fiabilité des résultats scientifiques.
"L'effet Matthieu" et "l'oblitération par incorporation"
En plus des normes mertoniennes, Merton a introduit plusieurs concepts clés dans la sociologie de la science. Par exemple, il a développé le concept d'"effet Matthieu", qui décrit le phénomène selon lequel les scientifiques renommés bénéficient souvent d'une reconnaissance disproportionnée pour leurs contributions, tandis que les scientifiques moins connus reçoivent moins de crédit que leurs contributions ne le méritent. Merton a également étudié les conflits de priorité entre les scientifiques et les mécanismes de récompense dans le système scientifique.
Un autre concept important développé par Merton est celui de l'"oblitération par incorporation", qui se produit lorsque le concept original d'un chercheur devient si répandu que son inventeur est oublié. Il a également exploré le concept de "multiples", qui se réfère à des découvertes indépendantes et similaires réalisées par différents scientifiques.
En résumé, Merton a apporté des contributions importantes à la sociologie de la science en développant des normes mertoniennes qui définissent les principes fondamentaux de la pratique scientifique. Il a également introduit des concepts clés pour comprendre la dynamique sociale de la science, tels que l'effet Matthieu et l'oblitération par incorporation. Grâce à ses travaux, Merton a ouvert de nouvelles perspectives sur la manière dont la science fonctionne en tant que système social et a contribué à notre compréhension de l'interaction entre la science et la société.
La sérendipité et les conséquences non intentionnelles des actions individuelles : Lien avec l'école autrichienne
Ses recherches épistémologiques sur la sérendipité
Robert K. Merton a également apporté des contributions importantes à l'étude de la sérendipité, qui fait référence à la capacité de faire des découvertes inattendues et bénéfiques tout en cherchant autre chose[2]. Merton était fasciné par les circonstances fortuites qui conduisent à des découvertes scientifiques ou à des innovations sociales importantes.
Dans ses recherches épistémologiques sur la sérendipité, Merton a examiné comment les scientifiques et les chercheurs peuvent tirer parti de ces découvertes accidentelles pour générer de nouvelles connaissances et de nouvelles avancées. Il a mis en évidence le rôle crucial du hasard et de l'imprévu dans le processus de recherche scientifique.
Merton a souligné que la sérendipité ne peut se produire que lorsque les individus sont ouverts à de nouvelles idées, capables de faire des liens entre des domaines apparemment disparates et prêts à explorer des pistes inattendues. Il a également mis en avant le concept d'"intelligence sérendipienne", qui désigne la capacité à reconnaître et à exploiter les opportunités fortuites lorsqu'elles se présentent.
Les travaux de Merton sur la sérendipité ont eu un impact significatif sur la façon dont la recherche scientifique est menée et comprise. Il a montré que la science ne se limite pas à la recherche planifiée et méthodique, mais qu'elle peut également bénéficier de l'ouverture aux découvertes inattendues.
Les recherches de Merton sur la sérendipité ont également influencé d'autres domaines, tels que l'innovation technologique, la créativité artistique et l'entrepreneuriat. Elles ont permis de mieux comprendre comment des idées novatrices peuvent émerger grâce à des rencontres fortuites, des erreurs ou des échecs.
En résumé, les recherches épistémologiques de Robert K. Merton sur la sérendipité ont contribué à élargir notre compréhension de la façon dont les découvertes inattendues peuvent enrichir la recherche scientifique et favoriser l'innovation. Ses travaux ont mis en évidence l'importance de l'ouverture d'esprit, de la capacité à saisir les opportunités fortuites et de l'intelligence sérendipienne dans le processus de découverte et d'avancement des connaissances.
Connexions avec l'école autrichienne d'économie
Il existe des connexions entre la théorie des institutions de l'école autrichienne et la contribution de Robert Merton concernant les conséquences non intentionnelles d'actions intentionnelles.
L'école autrichienne d'économie, dont les principaux représentants incluent Friedrich Hayek et Ludwig von Mises, met l'accent sur les institutions sociales et économiques en tant que facteurs déterminants dans la formation des comportements individuels et des résultats sociaux. Ils soutiennent que les institutions, telles que les règles légales, les normes sociales et les arrangements contractuels, façonnent les incitations et les comportements des individus, et que les conséquences des actions individuelles peuvent souvent avoir des effets non intentionnels sur le système social dans son ensemble.
Robert Merton, quant à lui, a développé la notion de "conséquences non intentionnelles" dans le domaine de la sociologie. Il a examiné comment les actions individuelles et les comportements sociaux peuvent avoir des effets inattendus et non intentionnels sur les systèmes sociaux et les structures institutionnelles. Merton a souligné que les actions individuelles peuvent être motivées par des intentions spécifiques, mais qu'elles peuvent également avoir des résultats inattendus qui peuvent être positifs, négatifs ou neutres pour la société.
Dans sa théorie des conséquences non intentionnelles, Merton a souligné l'importance de prendre en compte les structures sociales et les institutions dans l'analyse des comportements individuels. Il a montré comment les règles, les normes, les attentes et les contraintes sociales peuvent influencer les actions individuelles et générer des conséquences qui peuvent aller au-delà des intentions individuelles. Ces conséquences non intentionnelles peuvent jouer un rôle crucial dans la dynamique sociale et dans la compréhension des changements sociaux.
Ainsi, bien que les perspectives de l'école autrichienne et les travaux de Merton puissent différer dans leurs approches et domaines d'étude spécifiques, ils partagent un intérêt commun pour les interactions complexes entre les individus, les institutions sociales et les résultats collectifs. Tous deux reconnaissent que les actions individuelles peuvent avoir des répercussions sur les systèmes sociaux de manière inattendue, ce qui souligne l'importance de comprendre les processus institutionnels et les conséquences non intentionnelles dans l'analyse sociologique et économique.
Points de convergence et de divergence avec le concept clé du temps subjectif de l'école autrichienne
Au cours de ses travaux, Robert K. Merton s'est intéressé aux "durées socialement attendues" (SED). Les SED font référence aux attentes socialement prescrites ou collectivement modelées concernant les durées temporaires ancrées dans diverses structures sociales. Ces durées peuvent concerner des statuts individuels, des relations sociales et la longévité des occupants de statuts, de groupes et d'organisations.
Bien que Merton n'ait pas directement utilisé le terme de "temps subjectif", ses travaux sur les SED ont des implications similaires en termes de prise en compte des dimensions individuelles et collectives du temps dans les interactions sociales et les décisions humaines. Cependant, des divergences peuvent également être identifiées dans la manière dont ces deux approches conceptualisent et analysent le temps subjectif.
Convergence et divergence avec le concept clé du temps subjectif de l'école autrichienne
Les travaux de Merton sur les SED présentent des points de convergence et de divergence avec le concept clé du temps subjectif développé par l'école autrichienne d'économie. Les deux approches reconnaissent l'importance du temps dans les interactions sociales et les décisions individuelles. Elles mettent en évidence le rôle des attentes sociales et des structures sociales dans la perception et l'utilisation du temps.
Cependant, il existe des divergences dans la façon dont ces concepts sont conceptualisés. L'école autrichienne accorde une attention particulière à la subjectivité individuelle dans l'évaluation du temps et des préférences temporelles. Elle met l'accent sur les choix et les décisions individuelles basés sur les évaluations subjectives du temps et des avantages futurs. En revanche, Merton se concentre davantage sur les attentes et les contraintes sociales qui influencent la perception et l'utilisation du temps.
Malgré ces divergences, les travaux de Merton sur les SED et le concept clé du temps subjectif de l'école autrichienne partagent une perspective commune sur l'importance du temps dans les interactions sociales et les dynamiques de la société. L'analyse de ces convergences et divergences contribue à une compréhension plus approfondie du rôle du temps dans la sociologie et l'économie, et ouvre des pistes de recherche prometteuses pour explorer les dimensions temporelles des interactions sociales et des décisions humaines.
Informations complémentaires
Notes et références
- ↑ Robert Merton, 1936, "Civilization and Culture", Sociology and Social Research, Vol 21, pp103-113
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