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Lawrence E. Harrison

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Lawrence E. Harrison, né le 11 mars 1932, décédé le 9 décembre 2015[1], était un universitaire américain connu pour son travail sur le développement international et ancien directeur de mission de l'USAID dans divers pays d'Amérique latine. Il est l'ancien directeur du Cultural Change Institute de la Fletcher School de l'Université Tufts, où il a également été chargé de cours auxiliaire. Il s'appuie sur son expérience en Amérique centrale et dans les Caraïbes pour valider ses théories sur le rôle de la culture dans l'entrave ou l'amélioration du progrès social et économique des pays.

La culture est le facteur important dans le développement économique

Lawrence Harrison est reconnu pour sa réflexion sur l'importance de la culture dans la prospérité des communautés. Il n'est certes par le premier[2] mais il en vient à se poser la question pourquoi certains groupes s'en sortent mieux que d'autres. Il apporte une première réponse dans son livre écrit en 1992 : "Qui prospère ?". Il indique que la réponse ne se trouve pas dans le patrimoine génétique des gens, et encore moins dans la couleur de leur peau. Il reconnait que le danger de l'analyse culturelle comparative peut poser un problème lorsque les données statistiques sont racialistes[3]. La réponse doit être cherchée plutôt dans la culture. Il affirme que les cultures qui nourrissent la capacité créative humaine sont meilleures que celles qui ne le font pas. Mais, le concept de culture est large, profond et élastique. Il définit la culture comme "un système cohérent de valeurs, d'attitudes et d'institutions qui influence le comportement individuel et social dans toutes les dimensions de l'expérience humaine". Dans ce livre, il réalise une série de cinq courtes études sur le Brésil, l'Espagne, Taïwan, la Corée et le Japon qu'il estime être des réussites de prospérité. Il cherche à identifier les facteurs qui ont permis à ces pays de passer de l'autoritarisme à la démocratie, de la pauvreté à l'opulence et de la stagnation sociale au progrès social. De ces divers éléments qui montrent que certaines cultures réussissent et d'autres non, il en trouve quelques points communs qu'il dénomme la culture universelle[4] du progrès comme l'éducation, le désir de réussite, l'éthique du travail, la récompense du mérite, la frugalité, l'austérité, la recherche de l'excellence, le cocon de la famille et de la communauté. Par conséquent, Lawrence Harrison veut signifier que toutes les cultures ne comptent pas de la même façon dans le développement d'un pays. Certains groupes sont mieux dotés que d'autres en facteurs universels du progrès.

En 2006, Lawrence Harrison admet que la culture ne peut pas expliquer tous les cas de croissance de certains groupes minoritaires, mais son étude est assez opportune[5]. Car si les conditions économiques sont les mêmes pour tous, pourquoi certains groupes réussissent mieux que d'autres ?, pose-t-il la question.

Affinement de la thèse de Lawrence Harrison

La culture est intégrée dans l'existence humaine. Nul être humain ne peut y échapper. Elle est présente à tous les instants que l'homme ou la femme agissent ou pas. Il y a une partie mesurable et une partie incommensurable de la culture. Par conséquent, sur le plan scientifique, il est possible d'étudier par des outils quantitatifs une partie de la culture[6] mais il faut pourtant utiliser une approche plus qualitative pour comprendre cette partie tacite de la culture. Chez Lawrence Harrison, il semble que la culture est fixée à l'individu et identifiable de l'extérieur, difficile de la modifier ou de s'en défaire si ce n'est de façon exogène par un leadership politique[7]. Du moins, il la teinte abondamment et sans trop de nuances de la couleur de la nation qu'il veut bien étudier avec quelquefois des incohérences[8].

Il y a des questions méthodologiques qui interpellent dans le traitement de l'enquête. Par exemple, Lawrence Harrison oppose les cultures enclines au progrès et les cultures résistantes au progrès. Dans les premières, les gens doivent affirmer qu'ils souhaitent influencer leur destin pour classer la majorité des habitants dans un pays prompt au progrès. Lawrence Harrison conclut que les sociétés enclines au progrès ont de meilleures performances économiques que les sociétés résistantes au progrès. Mais, pour observer cette résistance, il utilise le critère du « fatalisme » qui assimile à de la nonchalance. Il en déduit facilement que les pays musulmans n'ont pas une culture favorable au progrès. Or, il fait une complète erreur de compréhension du fatalisme dans l'islam. Le fatalisme dans cette culture est post évènement. Par exemple, Si un décès arrive dans la famille, comme un enfant, la pensée est que cela est voulu par une force supérieure. Le deuil est très rapide dans cette culture ce qui permet de continuer ou de développer de nouveaux projets parentaux beaucoup plus rapidement que dans les cultures où le deuil est profond, douloureux et long à soigner comme dans les pays enclins au progrès tels que les appellent Lawrence Harrison. Par conséquent, si les pays musulmans ont du retard économique, ce n'est pas à cause du fatalisme tel qu'il est vécu dans les comportements des habitants de ces pays.

Se pose pourtant la question de la porosité interculturelle dans les échanges sociaux où chacun des intervenants s'engage plutôt qu'il ne s'efface. Il y a chez Lawrence Harrison une présentation monadique de la culture qui ferait presque croire à un impérialisme culturel hégémonique. Cependant, il y a indéniablement un espace entre l'universalisme holiste de Lawrence Harrison et le relativisme[9] absolu des penseurs de gauche. En présentant, les facteurs culturels comme éléments de la réussite universelle, il laisse à penser qu'une approche normative (il faut que) permettrait à toutes les nations du monde de se développer. Il y a sans doute un cri d'optimisme à écouter mais la réalité semble plus subtile.

Ces mesures culturelles ne sont pas une pure enquête sur l'essence des cultures locales, mais elles reflètent le contexte institutionnel social et économique qui offrent avec nuance des possibilités réelles aux personnes de s'épanouir. Pour l'économiste Peter Boettke (2006)[10], la culture a sans aucun doute son importance. Mais, son influx sur le développement des pays doit être analysé par son intégration avec les institutions. Peter Boettke utilise l'image de "stickiness" (collant) de la culture avec les institutions. Il s'agit de comprendre l'accent plus ou moins fort de la culture sur le fonctionnement des institutions, en particulier, sur le rôle joué par la primauté du droit, sur la protection des droits de propriété et d'autres limites érigées face au pouvoir absolu de l'État.

Informations complémentaires

Notes et références

  1. Il est décédé à l'hôpital universitaire d'Alexandroupolis, en Grèce.
  2. Le lien entre la culture et le progrès économique fut exploré par le sociologue Max Weber.
  3. Le problème s'observe beaucoup aux États-Unis, nourries par une culture racialiste depuis la pratique de l'esclavage où les gens sont encore référencés en fonction de la couleur de leur peau ou celle de leurs ancêtres.
  4. Lawrence Harrison utilise une enquête de 25 facteurs qui sont définis a priori, c'est-à-dire avant l'enquête, qui prétendent identifier systématiquement les éléments essentiels des cultures qui favorisent la croissance : les cultures universelles de progrès.
  5. Il cite le cas de la diaspora chinoise en Indonésie, aux Philippines et en Thaïlande qui développent beaucoup mieux les opportunités économiques que les populations majoritaires.
  6. C'est la base essentielle du travail de Lawrence Harrison
  7. En 2006, il prend l'exemple la déclaration de Deng Xiaoping en 1978, "Devenir riche est glorieux". Il considère que cela fut un déclencheur "magique" qui a pu permettre le développement économique en Chine en marquant effectivement la fin de la révolution marxiste de Mao Tsedoung.
  8. Par exemple, il veut montrer que la religion catholique n'apporte pas la culture incitative au progrès en comparaison du confucianisme, du judaïsme ou du protestantisme. Mais, il prend l'exemple de la réussite du Chili, pays majoritairement catholique qui doit son progrès selon lui à la communauté basque, catholique au demeurant, ce qui crée une double incohérence.
  9. Le relativisme culturel est la théorie selon laquelle chaque société ou culture doit définir ses propres valeurs et selon laquelle les cultures ne sont ni meilleures ni pires, elle sont seulement différentes.
  10. "The How, The What, and The Why of the “Culture Matters” Thesis" texte de Peter J. Boettke déposé le 8 décembre 2006, sur le site du Cato Institute pour le numéro Cato Unbound de décembre 2006

Publications

  • 1992, "Who prospers?: how cultural values shape economic and political success", New York, NY: Basic Books
  • 1997, "The Pan-American Dream",
  • 2000, avec Samuel P. Huntington, dir., "Culture Matters: How Values Shape Human Progress", New York: Basic Books
  • 2006,
    • a. "The Central Liberal Truth: How Politics Can Change a Culture and Save It from Itself", New York: Oxford University Press
    • b. avec Jerome Kagan, "Developing Cultures: Essays On Cultural Change", New York: Routledge
    • c. avec Peter L. Berger, dir., "Developing Cultures: Case Studies", London: Routledge
  • 2012, "Jews, Confucians, and Protestants: Cultural Capital, and the End of Multiculturalism"

Littérature secondaire

  • 1992, Jonathan Kirsch, commentaire du livre de Lawrence E. Harrison, "Who prospers?: how cultural values shape economic and political success", Los Angeles Times, 8 juillet