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Julien Benda

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Julien Benda
Philosophe

Dates 1867 - 1956
Julien Benda.JPG
Tendance Inclassable, constructivisme
Nationalité France France
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Citation
Interwikis sur Julien Benda

Julien Benda, né le 26 décembre 1867 à Paris et mort le 7 juin 1956 à Fontenay-aux-Roses, est un critique, philosophe et écrivain français, principalement connu pour son ouvrage de 1927, La Trahison des clercs. Certains éléments de sa pensée peuvent rejoindre les idées libérales quand il critique les « clercs » cédant aux religions séculières marxiste ou fasciste, même s'il s'en écarte très largement sur de nombreux points, en particulier par sa justification du rôle de la raison pour « organiser » la société qui le range dans le camp constructiviste.

Biographie

Il naît dans une famille de la bourgeoisie juive aisée, peu attachée à la religion juive mais au fort engagement républicain. Il intègre l'école centrale de Paris qu'il abandonne à la fin de la 2e année pour passer une licence d'histoire à la Sorbonne.

Il commence à écrire lors de l'Affaire Dreyfus, où il prend la défense de Dreyfus tout en fustigeant ceux qui dans la communauté juive ne le défendent que pour sa religion et non pour des principes de justice. Il publie dans la Revue blanche jusqu'en 1903 et, proche de Péguy, il est édité de 1903 à 1910 par Les Cahiers de la Quinzaine.

En 1912, son roman L'Ordination est finaliste pour le Prix Goncourt. Dans les années qui suivent, il écrit plusieurs livres contre la philosophie d'Henri Bergson, tout en cultivant son image d'écrivain en marge de la vie intellectuelle française.

En 1918, Belphégor : essai sur l'esthétique de la présente société française connaît un certain succès. Il y taille en pièce le goût de son temps, dénonçant le romantisme, le sensualisme, le sentimentalisme, le goût du flou et de l'imprécis, tout comme il avait attaqué l'intuitionnisme bergsonien, au nom de l'intellectualisme et de la raison.

Après l'échec littéraire des Amorandes (1922), il attend 1927 pour publier son ouvrage le plus connu, La Trahison des Clercs. Il y reproche aux intellectuels d'avoir quitté le monde de la pensée désintéressée et des valeurs abstraites et intemporelles pour se commettre dans le combat politique, au nom du nationalisme, du militarisme, du marxisme, etc. Pour Benda, le clerc doit rester extérieur à ce combat qui est celui de l'homme d'action. Il n'y condamnait cependant pas absolument l'engagement de l'intellectuel, exigeant que celui-ci ne descende sur la place publique et n'intervienne dans le débat séculier que pour faire triompher les idéaux abstraits et désinteressés du clerc : la vérité, la justice, la raison, la liberté intellectuelle et sociale. Les intellectuels pour Benda se montrent coupables d'une véritable trahison à la mission de l'intellectuel en tout pays, celle de gardien des valeurs humaines et spirituelles les plus abstraites et universelles.

Jusqu'à la guerre, Julien Benda est un chroniqueur abondant et influent, qui publie dans de nombreux journaux. Avec la guerre, il se radicalise tout en commençant à trahir la mission du clerc telle qu'il l'avait définie dans La Trahison; il s'en prend avec véhémence à l'Action Française, au fascisme, au nazisme, au pacifisme. Il choisit clairement le camp communiste qu'il rejoint directement.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, vingt ans après la première publication, Benda réédite La Trahison des Clercs, qu’il considère conserver encore toute son actualité, sauf peut-être sur un point, qu'il éclaircit dans une nouvelle préface : en France, avec la collaboration, ce n’est plus uniquement leur mission de gardiens des valeurs universelles que certains clercs trahissent, c’est aussi - « expressément » - leur patrie.[1] La vengeance du dreyfusard est maintenant complète.

Il attaque dans cette préface de 1946 le matérialisme dialectique marxiste, auquel il reproche d'être une négation de la raison:

« Cette position [le matérialisme dialectique] n’est aucunement, comme elle le prétend, une nouvelle forme de la raison, le « rationalisme moderne » ; elle est la négation de la raison, attendu que la raison consiste précisément, non pas à s’identifier aux choses, mais à prendre, en termes rationnels, des vues sur elles. Elle est une position mystique. [..] C’est pourquoi elle est d’une valeur suprême dans l’ordre pratique, dans l’ordre révolutionnaire, et donc tout à fait légitime chez des hommes dont tout le dessein est d’amener le triomphe temporel d’un système politique, exactement économique, alors qu’elle est une flagrante trahison chez ceux dont la fonction était d’honorer la pensée précisément en tant qu’elle se doit étrangère à toute considération pratique. [..] Si l’on demande quel est le mobile de ceux qui brandissent cette méthode, la réponse est évidente : il est celui d’hommes de combat, qui viennent dire aux peuples : « Notre action est dans la vérité puisqu’elle coïncide avec le devenir historique ; adoptez-la. » »
    — Julien Benda, Préface de 1946 de la Trahison des Clercs

Ca ne l'empêche pas de devenir compagnon de route des communistes; Epurateur intransigeant après la Libération, il refuse tout pardon aux collaborateurs. Continuant un mouvement amorcé avant guerre, il devient compagnon de route des communistes, collabore à leur revue Les Lettres françaises et prend fait et cause pour eux dans le débat public. Il succombe pleinement à la tentation qu'il dénonçait, trahissant lui-même à 82 ans la mission de gardien de la vérité et de la justice. Dès 1939, Roger Caillois, dans « Sociologie du clerc », parlait à propos de sa cléricature auto-proclamée d'« usurpation de titre ».

Son dernier livre date de 1952. En mai 1954, il publie encore, à la NRF, "Qu'est-ce que la Critique" et il meurt en 1956.

L'œuvre

Julien Benda est une figure atypique de la vie intellectuelle. Comme philosophe il a été taxé, à raison, de « rationaliste fanatique ». Il fait partie de ces constructivistes pour qui les élites doivent organiser la société selon une raison froide, désincarnée. Son attrait pour le communisme à partir des années 1930 est à comprendre dans ce cadre : la planification donne tous les pouvoirs à ceux qui veulent « organiser » le monde selon leurs principes au lieu de laisser les acteurs interagir spontanément comme les libéraux le défendent. Mais il s'éloigne du marxisme quand celui-ci s'apparente à une prophétie, à une marche inexorable de l'histoire devant laquelle l'esprit humain devrait s'incliner.

Politiquement il a donc été classé de façon variable et souvent fausse : on est allé jusqu'à l'étiqueter de « nationaliste » et « réactionnaire »[2], ou du moins « réactionnaire de gauche ». Cela provient entre autres de l'originalité de sa réflexion, qui l'éloigne des principales écoles de pensée.

L'ambiguïté de la pensée de Benda dans son rapport avec le libéralisme apparait par exemple dans La Route de la servitude de Friedrich Hayek : ce dernier cite avec des éloges La Trahison des Clercs mais dénonce avec force les constructivistes dont Benda fait partie. Le rationalisme critique pourrait le rapprocher du libéralisme mais le scientisme l'en éloigne. Il rejoint le libéralisme en ce qu'il dénonce le même ennemi qu'est le matérialisme historique mais s'y oppose franchement en voulant mettre la raison et non l'individu au fondement de la société.

Citations

  • « Clercs de tous les pays, vous devez être ceux qui clament à vos nations qu'elles sont perpétuellement dans le mal, du seul fait qu'elles sont des nations. Vous devez être ceux qui font qu'elles gémissent, au milieu de leurs manœuvres et de leurs réussites : " Ils sont là quarante justes qui m'empêchent de dormir. " Plotin rougissait d'avoir un corps. Vous devez être ceux qui rougissent d'avoir une nation. Ainsi vous travaillerez à détruire les nationalismes. À faire l'Europe. » (Discours à la nation européenne, 1933).

Notes et références

  1. Julien Benda, La Trahison des clercs, préface à l’édition de 1946.
  2. Louis-Albert Revah, Julien Benda, p. 192-194.

Ouvrages

  • 1900, Dialogues à Byzance, La Revue blanche
  • 1910, Mon premier testament, Cahiers de la Quinzaine
  • 1911,
    • a. Dialogue d'Eleuthère, Cahiers de la Quinzaine
    • b. L'Ordination, Cahiers de la Quinzaine
  • 1912, Le Bergsonisme, ou Une philosophie de la mobilité, Mercure de France
  • 1913, Une philosophie pathétique, Cahiers de la Quinzaine
  • 1914, Sur le succès du bergsonisme. Précédé d'une Réponse aux défenseurs de la doctrine, Mercure de France
  • Les Sentiments de Critias, Émile-Paul frères, 1917
  • Belphégor : essai sur l'esthétique de la présente société française, Émile-Paul frères, 1918
  • Les Amorandes, Émile-Paul frères, 1921
  • Le Bouquet de Glycère, trois dialogues, Émile-Paul frères, 1921
  • La Croix de roses ; précédé d'un dialogue d'Eleuthère avec l'auteur, Grasset, 1923
  • Billets de Sirius, Le Divan, 1925
  • Lettres à Mélisande pour son éducation philosophique, Le Livre, 1925
  • Pour les vieux garçons, Émile-Paul frères, 1926
  • 1927, La Trahison des clercs, Grasset, [lire en ligne]
  • Les Amants de Tibur, Grasset, 1928
  • Cléanthis ou Du beau et de l'actuel, Grasset, 1928
  • Properce, ou, Les amants de Tibur, Grasset, 1928
  • Supplément à De l'esprit de faction de Saint-Evremond, Editions du Trianon, 1929
  • Appositions, La Nouvelle Revue française, 1930
  • Esquisse d'une histoire des Français dans leur volonté d'être une nation, Gallimard, 1932
  • Discours à la nation européenne, Gallimard, 1933
  • 1936, La Jeunesse d'un clerc, Gallimard
  • 1937, Précision (1930-1937), Gallimard
  • Un régulier dans le siècle, Gallimard, 1938
  • La Grande épreuve des démocraties : essai sur les principes démocratiques : leur nature, leur histoire, leur valeur philosophique, New York, Editions de la Maison Française, 1942
  • Un Antisémite sincère, Comité national des écrivains, 1944
  • La France byzantine, ou, Le triomphe de la littérature pure : Mallarmé, Gide, Proust, Valéry, Alain, Giraudoux, Suarès, les Surréalistes : essai d'une psychologie originelle du littérateur, Gallimard, 1945
  • Exercice d'un enterré vif, juin 1940-août 1944, Editions des Trois Collines, 1945
  • 1946,
    • a. Du Poétique selon l'humanité, non selon les poètes, Editions des Trois Collines
    • b. Non possumus. À propos d'une certaine poésie moderne, Editions de La Nouvelle Revue Critique
    • c. Le Rapport d'Uriel, Flammarion
  • 1947, Tradition de l'existentialisme, ou, Les philosophies de la vie, Grasset
  • Trois idoles romantiques : le dynamisme, l'existentialisme, la dialectique matérialiste, Mont-Blanc, 1948
  • Du style d'idées : réflexions sur la pensée, sa nature, ses réalisations, sa valeur morale, Gallimard, 1948
  • Deux croisades pour la paix juridique et sentimentale, Editions du Temple, 1948
  • Songe d'Éleuthère, Grasset, 1949
  • 1950,
    • a. Les Cahiers d'un clerc, 1936-1949, Émile-Paul frères
    • b. De Quelques constantes de l'esprit humain : critique du mobilisme contemporain, Bergson, Brunschvicg, Boutroux, Le Roy, Bachelard, Rougier, Gallimard
  • 1952, Mémoires d'infra-tombe, Julliard

Bibliographie

  • Jean Paulhan, "Benda, le Clerc malgré lui", revue Critique, nº 24 et 25, mai et juin 1948, pp. 387-407 et 499-513.
  • Robert J. Niess, Julien Benda, The University of Michigan Press, 1956.
  • Jean Sarocchi, Julien Benda : Portrait d'un intellectuel, Nizet, 1968.
  • Etiemble, "Julien Benda", in Mes contre-poisons, Gallimard, 1974.
  • Roger Caillois, "Sociologie du clerc", in Approches de l'imaginaire, Gallimard, 1974.
  • Ray Nichols, Treason, Tradition, and the Intellectual: Julien Benda and Political Discourse, Regents Press of Kansas, 1978.
  • Louis-Albert Revah, Julien Benda : Un misanthrope juif dans la France de Maurras, Plon, 1991.
  • Norberto Bobbio, "Julien Benda" in Il dubbio e la scelta. Intellettuali e potere nella società contemporanea (Le doute et le choix. Les intellectuels et le pouvoir dans la société contemporaine), La Nuova Italia Scientifica, Rome, 1993, p. 37-53. Un bilan équilibré et objectif de l'œuvre de Benda par le politologue et historien italien disparu en 2004.
  • Antoine Compagnon, Les antimodernes : de Joseph de Maistre à Roland Barthes, Gallimard, 2005.
  • Pierre Sipriot [producteur, interviewer], Colloques d'un clerc : entretiens avec Julien Benda [Enregistrement sonore de 12 entretiens diffusés à la radio du 2 juillet 1953 au 1er octobre 1953], Institut national de l'audiovisuel, 1999 (12 disques disponibles à la BN, à Paris).

Voir aussi


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