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Brigitte Berger
Brigitte Berger, (1928 - 2015), née Kellner, est décédée le 28 mai 2015 était professeur de sociologie à l'Université de Boston. Elle eut une grande carrière aux Etats-Unis en tant que sociologue. Son influence intellectuelle sur certains économistes de l'école autrichienne comme Don Lavoie, s'est faire de façon indirecte, en montrant la voie de la coordination des études de la culture avec celles sur l'entrepreneuriat.
Les études universitaires de Brigitte Berger aux Etats-Unis
L'influence de la pensée de Brigitte Berger et son parcours de sa vie sont intrinsèquement liés à ceux de son mari, Peter L. Berger et réciproquement. Comme lui, Brigitte Berger a vécu son enfance sous le nazisme, lui en Autriche, elle, dans l'est de l'Allemagne. Elle est arrivée aux États-Unis au milieu des années 1950. Elle faisait partie des facultés du Hunter College de la City University de New York, de la Long Island University, du Wellesley College et de la Boston University; elle a présidé les départements de sociologie des deux dernières institutions. Elle était idéologiquement marginale partout où elle enseignait (surtout à Wellesley, alors bastion du féminisme radical). Malgré cela, elle était populaire à la fois auprès des collègues (qu'elle traitait toujours avec respect et bonne volonté) et des étudiants (à qui elle consacrait énormément de temps et d'attention). Brigitte Berger affirmait que les soi-disant tests d'intelligence ne mesurent pas l'intelligence, mais la maîtrise d'un style cognitif moderne attendus par des testeurs en psychologie.
Brigitte Berger fit un travail de deuxième cycle en histoire à l'université de Yale, en s'intéressant particulièrement aux théories contradictoires sur le déclin de Rome. Elle s'est ensuite tournée vers la sociologie à la faculté de droit de la New School for Social Research à New York, une institution assez originale, créée à l'origine, pour accueillir des réfugiés universitaires de l'Allemagne nazie et d'autres pays totalitaires. Dans les années 1950, bon nombre de ces chercheurs enseignaient une version très européenne de la sociologie en interaction étroite avec l'histoire, la philosophie et la littérature. Ses travaux ultérieurs en sociologie furent durablement influencés par ses professeurs de la New School (en particulier Carl Mayer, Albert Salomon et Alfred Schutz). Brigitte Berger a obtenu deux diplômes de la New School. Son mémoire de Master portait sur le duc de Saint-Simon, lequel était un auteur d'un récit en plusieurs volumes sur la vie à la cour de Louis XIV. La recherche de Brigitte Berger traitait de la perspective d'une classe sociale en déclin. L'ancienne aristocratie était remplacée par la bourgeoisie. Cette bourgeoisie était parvenue à diriger la nouvelle bureaucratie dont l'État centralisé avait besoin. La thèse de doctorat de Brigitte Berger portait sur l'économiste et sociologue libéral, Vilfredo Pareto, dont elle mit en valeur ses éléments précurseurs de la sociologie de la connaissance.
La famille nucléaire comme cause du développement économique
Le premier livre de Brigitte Berger, "Societies in Change" (1971), reflétait une vaste approche comparative et sociologique de ce qu'elle avait principalement absorbée dans les travaux de Max Weber. Dès lors, son intérêt majeur était la sociologie de la famille, de l'enfance et de la jeunesse. Dans les années 1970, elle a passé beaucoup de temps au Mexique, dans le groupe de réflexion (Centro Intercultural de Documentacion Cultural) dirigé par Ivan Illich à Cuernacava. Elle fut très intéressée par les problèmes de la modernisation et du développement. Avec son frère, Hansfried Kellner et son mari, Peter L. Berger, elle a écrit une étude majeure sur ces problèmes : "The Homeless Mind: Modernization and Consciousness" (L'esprit sans-abri : modernisation et conscience" (1974). Elle s’intéressa surtout à l’impact de la modernisation sur la famille traditionnelle. A l'époque, pratiquement tous les sociologues mexicains avec lesquels elle était en relation, étaient des marxistes d'un type ou d'un autre. Brigitte Berger, de son côté aborda les phénomènes de modernisation dans une perspective non marxiste (fondamentalement weberienne). Inutile de dire que son approche, en contradiction avec le mouvement néo-marxiste envahissant les sciences sociales, non seulement en Amérique latine, mais également aux États-Unis et en Europe occidentale, n'a pas favorisé son essor académique.
Les deux livres, qui suivirent, développèrent le point de vue de la famille en tant qu’institution : "The War over the Family – Capturing the Middle Ground" (La guerre sur la famille - Saisir le juste milieu" (1984) et "The Family in the Modern Age: More than a Lifestyle Choice" (La famille à l’ère moderne : Plus qu'un choix de vie" (2002). Les livres contenaient à la fois des analyses empiriques ainsi que ses propres positions politiques. Hélas, ses livres ne furent guère influents. Les raisons en sont révélées par les sous-titres. Elle s’est opposée sans équivoque au Zeitgeist[1] du monde universitaire américain à la suite de la révolution culturelle des années 1960. Le "terrain d'entente" recommandé par le premier livre, bien qu'il représente très probablement l'opinion de la plupart des Américains, fut marginalisé dans les milieux universitaires. Et la politique identitaire considérait la famille hétérosexuelle comme un mode de vie personnel parmi plusieurs possibles, mises sur le même plan éthique et sociologique. Raison pour laquelle, l'approche sociologique de la famille, n'eut pas un succès considérable puisque ce domaine privilégié de Brigitte Berger a pratiquement disparu des catalogues universitaires, remplacé par "les études sur le genre" et la "victimologie".
Dans son essai écrit en 1994, "Le lien familial dans les sociétés capitalistes démocratiques", Brigitte Berger soutient que la famille, en particulier la famille nucléaire, est la seule institution capable de générer spontanément des processus sociaux en faveur du progrès économique et de la politique démocratique. S'appuyant sur des études de cas historiques de l'Europe préindustrielle, elle montre que le développement de la famille nucléaire a précipité le développement de valeurs et des habitudes responsables pour la vitalité économique et a renforcé l'activité civique sur l'alliance entre les marchés libres et la démocratie libérale. Elle se tourne ensuite vers l'analyse culturelle du monde contemporain des sociétés du Pacifique et du tiers monde et conclut qu'une structure familiale et une philosophie qui encouragent un comportement et un esprit d'entreprise responsables se développent parmi les citadins pauvres, à l'instar de l'expérience européenne préindustrielle. Grâce à ces études historiques et contemporaines, elle affirme qu'une structure familiale et une charte morale d'inspiration religieuse apparaissent comme des préalables indispensables à la réussite sociale et politique. Son analyse suggère que le destin économique et politique de nos sociétés modernes dépend ainsi de l'application continue de ces institutions familiales et morales.
En tant que sociologue, Brigitte Berger a résisté à la théorie antérieure de la famille (très appréciée des sociologues des années 1950) selon laquelle la famille dite nucléaire[2] serait un produit de la modernisation. Brigitte Berger soutient au contraire que cette famille nucléaire est l’une des principales causes de la modernisation. En tant qu'intellectuelle ayant pour principe fondamental le bien-être des enfants, elle a affirmé que ce type de famille devrait être protégée par la loi. Elle rejetait à la fois le radicalisme libertaire de la gauche et les obnubilations réactionnaires de la droite. En se plaçant entre deux campas radicalement opposés, elle n'a pas pris une décision d’amélioration de sa carrière. Le paradoxe de Brigitte Berger est de soutenir la liberté des homosexuels de vivre conformément à leur sexualité et elle ne partageait pas l'opinion selon laquelle le mariage dit bourgeois, et historiquement ne datait pas plus de trois cents ans, soit le seul arrangement naturel ou imposé par la divinité. Sur le débat sur le mariage pour tous (deux personnes de même sexe qui décident de sceller l'union par un contrat), elle indique qu'elle aurait préféré que le terme "mariage" fût évité dans la légalisation mais plutôt d'utiliser l'expression de "partenariats de même sexe". Elle voyait d'un œil amusé que les gais et les lesbiennes aspirent maintenant à vivre selon les valeurs bourgeoises, valeurs auxquelles les prédécesseurs des années soixante s'étaient si farouchement opposés.
Annexes
Notes et références
- ↑ Le Zeitgeist est un terme allemand signifiant "l'état d'esprit du temps présent", utilisé notamment dans la philosophie de l'histoire. Il a été théorisé par Hegel puis par Heidegger. Il dénote le climat intellectuel ou culturel d'une époque.
- ↑ La famille élargie suite à une séparation puis recomposée par un regroupement : mari, femme et enfants vivant sous le même toit
Bibliographie
- 1974, avec Peter L. Berger, Hansfried Kellner, "The Homeless Mind: Modernization and Consciousness", Vintage, New York
- 1976, avec Peter L. Berger, "Sociology: A Biographical Approach", rev. ed., Penguin, Harmondsworth
- 1979, avec Sidney Callahan, Sidney Cornelia Callahan, dir., "Child Care and Mediating Structures", American Enterprise Institute for Public Policy Research
- 1983, avec Peter L. Berger, "The War Over the Family: Capturing the Middle Ground", Hutchinson
- 1991,
- a. dir., "The Culture of Entrepreneurship", San Francisco: CA: ICS Press (consultable pendant 14 jours sur le site archiv.org)
- b. "Introduction", In: Brigitte Berger, dir., "The Culture of Entrepreneurship", New Delhi: Tata McGraw-Hill, pp1–12
- 1994, "The family connection in democratic capitalist societies", In: T. William Boxx, Gary M. Quinlivan, dir., "The Cultural Context of Economics and Politics, Lanham: University Press of America, Inc., pp79-86
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