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Justice sociale

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Strict égalitarisme

Selon cette conception de la justice, les ressources devraient être distribuées de façon à ce que tout le monde possède la même quantité. Cette conception de la justice nie donc la subjectivité de la valeur. Elle a besoin d’imposer une échelle de valeur à tout le monde. Cette conception de la justice est donc essentiellement matérialiste et ramène tout à des mesures quantitatives arbitraires. C'est le supplice antique du "lit de Procuste", du nom de ce brigand qui raccourcissait les grands et allongeait les petits.

L’égalitarisme a aussi tendance à être un égalitarisme relatif. Il vaut mieux que deux personnes ne gagnent rien qu’une des deux gagne un peu plus.

L’égalitarisme doit aussi spécifier l’aspect temporel. L’égalité des ressources matérielles est valable pendant quelles périodes de temps ? Juste au début et on laisse ensuite la distribution de ressources se répartir selon les choix faits par les individus (starting-gate théorie) ou doit-elle être imposée constamment ? C’est en général cette dernière solution qui est proposée par les défenseurs de l’égalitarisme strict.

Cette conception de la justice a de nombreux défauts:

  • elle nie le caractère subjectif de la valeur ;
  • elle est matérialiste ;
  • elle est arbitraire ;
  • elle réduit la liberté des gens puisqu’on leur impose ce qu’ils peuvent posséder ;
  • elle ne prend pas en compte le mérite des gens : celui qui travaille plus n’a pas forcément plus ;
  • selon les théories du bien-être social, d’autres distributions de ressources interdites par cette conception de la justice permettraient néanmoins aux gens d’être plus heureux.

La notion de justice sociale, fondée sur un égalitarisme implicite, fournit l'alibi de toute politique démagogique de redistribution et devient le paravent le plus cynique de l'égoïsme : pour ceux qui parlent de "justice sociale", il n'est pas question de partager avec les moins riches qu'eux, mais bien d'accroître leur propre revenu aux dépens des autres.

La justice selon John Rawls

John Rawls est un grand théoricien américain de la justice. Sa théorie de la justice (appelée parfois "égalitarisme libéral") est complexe et subtile. Sa théorie est avant tout une théorie de la justice comme équité (justice as fairness):

Sa théorie repose sur deux principes qui sont, classés par priorité:

Premier principe

Les libertés de base des citoyens sont, en gros, la liberté politique, la liberté d’expression, de réunion, la liberté de pensée et de conscience, la liberté de la personne, le droit de propriété (personnelle), la protection à l’égard de l’arrestation et de l’emprisonnement arbitraires. Il est requis par le premier principe que ces libertés soient égales puisque les citoyens d’une société juste doivent avoir les mêmes droits de base.

Second principe

les inégalités économiques et sociales doivent être organisées de façon à ce que, à la fois:

  • l’on puisse raisonnablement s’attendre à ce qu’elles soient à l’avantage de tous et au plus grand bénéfice des plus désavantagés (principe de différence)
  • qu’elles soient attachées à des positions et à des fonctions ouvertes à tous.

D’après le premier principe, les libertés de contracter et le droit de propriété des moyens de production ne sont pas reconnus donc pourraient être réduits par le second principe.

Concernant le second principe, les différences de richesse ne seront pas autorisées au titre de la simple liberté (liberté de posséder, de contracter) mais pour la seule raison qu’elles permettent d’augmenter les espérances des plus pauvres et dans la proportion seulement où elles le permettent.

L’idée du principe de différence est qu’il y a plusieurs distributions optimales au sens de Pareto mais il n’y en a qu’une qui soit juste. Ainsi, Rawls tente de mettre en place des règles qui permettront de sélectionner ce juste optimum. Malheureusement, il oublie qu’en intervenant ainsi sur la société, il changera les conditions de fonctionnement et les optima mis en évidence n’existeront plus. Il n’est pas possible de séparer la production de la distribution car c’est à travers la détermination des prix des facteurs de production que l’ordre global du marché est construit.

Ainsi, Rawls commet la même erreur que les constructivistes : s’imaginer que l’on puisse être extérieur à la société, que l’on puisse en avoir une connaissance parfaite et que l’on puisse la contrôler comme on le veut.

Rawls veut rendre le bonheur de chacun indépendant de son bon ou mauvais naturel.

Sa théorie de la justice est une belle tentative pour concilier la liberté et l’égalitarisme. Elle sacrifie un peu trop la liberté et ne donne pas assez de place au mérite puisque si vous travaillez plus vous n’avez pas droit aux fruits de votre travail sauf si ce travail améliore aussi la condition d’autrui.

Principes de justice fondés sur les ressources

Selon cette vision de la justice (aussi appelée égalitarisme des ressources), il n’est pas juste que les gens ne disposent pas des mêmes ressources naturelles voire des mêmes qualités physiques et intellectuelles.

Il faudrait donc compenser ces différences. Cette vision de la justice est un peu similaire à la précédente mais ici on s’intéresse moins aux actions qu’aux objets sur lesquelles elles s’exercent. On ne cherche pas forcément à limiter certaines actions mais à assurer l’égalité des conditions de départ.

La question qui se pose est : comment compenser ? Pour les qualités physiques et intellectuelles, cela suppose que l’on peut mesurer et comparer d’un individu à l’autre des qualités comme l’expression écrite, la facilité pour les langues étrangères, l’art, l’intelligence, la personnalité etc… C’est la porte ouverte au plus grand arbitraire et probablement au totalitarisme.

Pour les ressources naturelles cela semble plus simple : il suffirait d’évaluer la valeur d’une ressource. Oui mais : une ressource naturelle n’a pas de valeur en elle-même. Ce qui lui donne la valeur c’est que quelqu’un a identifié qu’il y avait une demande et qu’en exploitant la ressource d’une certaine façon, on pourrait satisfaire cette demande.

Néanmoins, supposons quand même que l’on a trouvé un moyen d’estimer la valeur de la ressource (enchères ? marché déjà existant pour des ressources de même type ?). Que faire de cette estimation ? Diviser par le nombre de personnes qui n’ont pas accès à cette ressource ? Avec 6 milliard d’individus cela ferait une somme négligeable même pour des ressources de grande valeur et on ne pourrait pas appeler ça une compensation.

Donner une somme équivalente à toutes les personnes qui sont exclues de l’usage de cette ressource ? C’est confondre la monnaie avec l’origine de la valeur qui est la ressource exploitée. Distribuer cette compensation à tout le monde n’aurait pas d’autre effet que de faire baisser la valeur de la monnaie. La valeur est effectivement dans la mise en valeur qui a été faite par l’individu qui s’est approprié la ressource. On peut même dire qu’il a rendu service à la société en trouvant comment satisfaire un besoin nouveau.

La compensation devrait aussi essayer de prendre en compte le fait que les gens qui reçoivent la compensation n’évaluent pas tous la ressource de la même façon. Ce qui rajoute une nouvelle complexité non négligeable.

Autrement dit, on cherche à distribuer quelque chose qui n’existe pas encore : la valeur qu’aurait pû être ajoutée à une ressource si une personne différente l’avait exploitée.

Pour finir, cette conception de la justice oublie probablement que ce sont les différences dans les conditions de départ qui font la société, le commerce et les échanges. Et que ce n’est pas parce qu’on ne dispose pas de la même mise initiale que l’on est forcément inutile. Cette vision fausse repose sur les avantages absolus mais ce qui compte ce sont les avantages comparatifs.

Justice fondée sur le mérite

Selon cette conception de la justice, prônée par John Stuart Mill en particulier, les gens devraient être récompensés selon:

  • La valeur de leur travail pour la societé ;
  • Leurs efforts dans le travail ;

Les problèmes posés par cette conception sont :

  • Comment déterminer la valeur de la contribution à la société ;
  • Comment déterminer l’effort effectué. La productivité pouvant être très variable d’une personne à l’autre ;
  • La valeur d’un travail ou l’effort à faire ne dépendent pas forcément que de soi dans une société ou nous avons besoin d’interagir avec autrui et d’échanger pour parvenir à quelque chose.

Justice du bien-être social

La justice du bien-être social est principalement une invention des économistes. La théorie économique est censée être neutre et ne répondre qu’à des questions du genre : quelles seront les conséquences de telle action. La théorie économique n’est pas censée indiquer les buts à atteindre.

Les économistes ont voulu étendre leur théorie afin de pouvoir conseiller les politiques. Ce faisant, ils ont introduit, caché sous des couches de mathématiques, des principes éthiques implicites totalement non justifiés.

Il y a eu, par exemple, l’utilité. Une mesure d’utilité permettant de calculer les préférences d’une population. L’utilitarisme a été abandonné s’effondrant sous les critiques.

Le concept d’utilité a été remplacé par les courbes d’indifférences et la notion de fonction de bien-être social qui est censée mesurer le bien-être d’une société dû à un état donné de la distribution de biens et services. Il y a de nombreuses fonctions différentes. Il semble presque qu’il soit possible de justifier n’importe quelle distribution en choisissant la bonne fonction. C’est l’arbitraire le plus total. Ces fonctions ne sont justifiées par rien.

La seule notion qui tient la route, mais n’est pas très utile, est la notion de d'unanimité de Pareto. On peut dire que le bien-être social a augmenté en raison d’un changement si personne ne se sent moins bien et au moins une personne se sent mieux.

Il y a de nombreux changements pour lesquels il est impossible de conclure avec cette règle. En outre, cette règle s’appliquant à des transitions, elle ne dit rien sur la justice de la distribution initiale.

Pour finir, la notion de bien-être social nie totalement l’individu. Selon les utilitaristes, il serait même justifié de sacrifier certains individus pour le bien-être de la société.

Justice Libertarienne

Toutes les conceptions de la justice précédentes se placent hors de la société. La plupart (sauf peut-être Rawls bien que le second principe parle d’organiser les inégalités) se préoccupent de situations initiales ou finales plus que des actions.

La justice libertarienne est totalement différente en cela qu’elle s’intéresse aux actions. Ce ne sont pas les situations de départ ou d’arrivée qui sont justes (et selon quels critères ? ils sont tous plus ou moins arbitraires) : ce sont les actes.

La justice libertarienne ne cherche pas l’omniscience. Elle ne cherche pas à définir a priori ce qu’est une distribution de départ ou d’arrivée juste. Elle ne cherche pas à organiser la société pour établir cette distribution.

La justice libertarienne fournit des moyens. Ce n’est pas une justice de buts mais de moyens. Elle définit ce qu’il est juste ou injuste de faire sachant très bien que ce n’est que progressivement que l’Humanité pourra définir ce qu’est une situation juste et y parvenir (ou s’en rapprocher suffisamment) si on lui en donne les moyens.

Liens externes

Citations

  • Pour un libéral, la justice sociale ne se mesure pas à la dispersion des revenus. Elle consiste à créer les conditions qui donneront à chacun les mêmes chances de s'élever grâce à ses efforts. Pour schématiser, ce qui intéresse avant tout un libéral, c'est combien de pauvres deviennent riches et non pas combien il y a de pauvres et de riches. (Jacques Garello)
  • En matière de "justice sociale", quelle est l’action humaine qui pourrait être réputée injuste ? Qui est le responsable de l’injustice ? On comprend qu’un criminel finisse ses jours en prison pour avoir enfreint une règle, qui est celle du respect des biens et des personnes. On ne voit pas en quoi consiste l’injustice sociale, puisque ceux qui en parlent et s’en réclament se réfèrent à une règle (en principe une règle de distribution des revenus ou des richesses). Une conséquence de cette évidence est que l’injustice sociale s’auto-génère. Il suffit que quelqu’un définisse une nouvelle norme de justice sociale pour que de nouvelles injustices apparaissent. Ce sera donc une surenchère permanente, En d’autres termes, il n’existe pas de situation sociale dans laquelle on peut dire « justice est faite ». Concept purement arbitraire et quantitatif, la "justice sociale" n’obéit à aucune règle morale. (Anthony de Jasay)
  • Imposer des transferts obligatoires, c’est-à-dire prendre des ressources à ceux qui les ont créées par leurs propres efforts pour les remettre à d’autres qui ne les ont pas créées, quelles que soient les situations respectives des uns et des autres, revient à dire que les seconds ont des droits sur les premiers. Mais il est totalement incohérent de vouloir défendre la liberté humaine et d’admettre en même temps l’idée que quelqu’un a des droits sur vous et sur vos propriétés, c’est-à-dire sur le produit de votre activité. Il existe de ce point de vue une différence radicale entre les transferts obligatoires et les transferts volontaires – inspirés par l’altruisme et la morale individuelle – car on ne peut légitimement transférer que ce que l’on possède légitimement. Et on ne peut donc légitimement recevoir que ce qui vous est transféré volontairement par un propriétaire légitime. Tout le reste est violence et ne peut être que violence. La politique sociale, c’est donc la guerre des uns contre les autres. Et c’est une imposture que d’utiliser le beau mot de justice pour couvrir des actes de violence qui sont à l’opposé de la vraie solidarité et de la vraie charité.(Pascal Salin)


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