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Karl Weick
Karl Edward Weick, né le 31 octobre 1936 à Warsaw, dans l'État d'Indiana, aux États-Unis), est un théoricien de la psychologie des organisations et reconnu pour sa théorie de l'énaction. Il a obtenu son baccalauréat au Wittenberg College à Springfield, Ohio. Il a continué à l'Ohio State University en obtenant son M.A. (1960) et son doctorat en 1962. De 1962 à 1965, il fut professeur adjoint de psychologie à l'Université Purdue à Lafayette, dans l'Indiana. Il occupe la chaire "Rensis Likert" à la Ross School of Business à l'Université du Michigan.
Il a introduit les concepts de « couplage lâche », de « pleine conscience » (mindfulness), et de « sense » (sensemaking) dans les études organisationnelles. Sur le plan épistémologique, Karl Weick précise que la théorie est indispensable pour donner du sens aux phénomènes complexes au sein de notre monde.
Une épistémologie basée sur l'équivoque et la pluralité des points de vue
Karl Weick tenta de contrer le relativisme éthique du post-modernisme. Dans les années 1960 et 1970, les chercheurs se sont lancés dans une lutte contre cette lente et inexorable érosion de la certitude dans la vie contemporaine. La première catégorie de chercheurs, les plus pessimistes, ont entonné la mort des grands textes, la fin de la parole de Dieu, le trouble du sens à la vie, la fin de la paternité des textes (herméneuticiens) et le suicide de l'être humain autonome. Ils ont alors imposé une "éthique de situations" et une déconstruction sans fin.
Karl Weick n'appartient pas à cette catégorie. Il lance une autre perspective, plus optimiste, qui voit la prolifération des sens comme une opportunité pour la construction du monde. Ce dernier projet a été surnommé par d'autres, le "réenchantement» du monde". Karl Weick célébre "l'équivocité" et la pluralité de points de vue tout en évitant, en même temps, le relativisme moral ou intellectuel.
Plutôt que de chercher à purifier l'action humaine par le développement conceptuel d'un système de croyances plus que parfaite, Karl Weick se réjouit de "l'action humaine saccadée", comme en forme de dents de scie, et la façon dont la croyance et l'action ne sont presque jamais alignées (par exemple, quand un pompier a du mal à choisir entre laisser tomber ses outils et ignorer les conseils de son chef d'équipe). De cette façon, Karl Weick s'intéresse aux conséquences non désirées et aux limites de la conscience pratique; car dans la pratique, nous faisons tant de choses que nous ne comprenons pas entièrement, au moins lorsque nous les faisons.
Avant Karl Weick, les chercheurs en organisation considéraient "l'équivocité" comme intrinsèquement problématique et soit ils l'ignoraient, soit ils l'effaçaient de la vie organisationnelle. Karl Weick présenta le fait, au contraire, que l'équivocité est le moteur qui motive les gens à organiser. Les gens communiquent dans un effort de réduire le nombre d'interprétations possibles, et ce faisant, ils font que leur action de coordination soit possible.
Les organisations organisantes et moins équivoques
Karl Weick critique (1969) à la fois les structures hiérarchiques des organisations tout comme les faiblesses du leadership démocratique agissant sous le règne de la majorité, dans laquelle fonctionnent des sous-ensembles de majorité, des fractions qui sont elles-mêmes subdivisées en pourcentage allant d'un rapport de 49:51 jusqu'à 33:66 et qui, finalement, sont scindées à la majorité d'un seul. L'ironie est inhérente à ce type d'organisation. Si ceux qui sont au "top" sont maintenant en minorité, alors comment peuvent-ils représenter encore la majorité ?
Son approche de l'organisation est processuelle, l'organisation se construit, sans cesse, dans l'interaction. Ce ne sont pas tant la quantité de liens que l'on doit observer mais la qualité de ces liens. Cette perspective interactionniste se traduit par un glissement de définition de l'organisation (organization) vers un processus organisant (organizing). Son approche met l'accent sur l'auto-organisation. Le changement démarre sa complexité par de petites forces locales. Au niveau du management, cela exige la création de systèmes de contrôle qui soient assez lâches pour permettre une participation importante du personnel et l'improvisation par tous les employés. Le management doit développer assez de confiance pour permettre aux employés de participer à des conditions locales, y compris le droit de répondre instantanément à des situations complexes.
Il argumente également contre l'expression "comportement organisationnel" qui est à la fois redondante et un non-sens, parce que l'organisation est un comportement, et qu'il n'existe pas d'organisation statique qui soit figée à jamais dans le temps. Karl Weick précise que lorsque le contrôle hiérarchique est relâché, les employés ont plus de liberté pour improviser. En utilisant la métaphore des orchestres de jazz (Weick, Gilfillan, et Keith, 1973) il présente l'interaction des employés dans l'organisation comme celle d'une improvisation dans un spectacle musical.
Les organisations créent leur propre environnement et sont en concurrence les unes avec les autres. Certains acteurs sont partiellement inclus, et d'autres sont intégrés dans d'autres organisations. Ces "axes de liaison" donnent de la force à tous. La théorie des organisations, comme la société elle-même, semble donc avoir un certain nombre de "problèmes de frontières". Tout en plaidant contre les explications psychologiques des organisations puisqu'elles sont généralement interprétatives et rétroactives, il appelle à une étude plus empirique de l'organisation basée sur l'observation. Il met en garde contre la planification linéaire et rationnelle des organisations qui contribue à leur inertie, cause de leur désintégration. Karl Weick précise que les organisations doivent constamment être faites et refaites pour survivre. Ainsi, l'objectif sous-jacent de l'organisation est de lever les doutes, d'écarter les ambiguïtés, ou de réduire le nombre de sens qui peuvent être appliquées à une situation donnée. Le sens est créé à partir de l'expérience vécue dans le passé. La cause et l'effet des actions ne sont pas le sens car ils ne sont vraiment connaissables qu'après l'achèvement de l'action et rétrospectivement. Le sens de toute chose est la façon dont on l'anticipe et rien d'autre.
Publications
- 1964, "Reduction of cognitive dissonance through task enhancement and effort expenditure", The Journal of Abnormal and Social Psychology, 68(5),
- 1969, "The Social Psychology of Organizing", Reading MA: Addison-Wesley
- 2nde édition en 1979, Reading MA: Addison-Wesley
- 1976,
- a. "Educational Organizations as Loosely Coupled Systems", Administrative Science Quarterly, Vol 21, pp1-19
- b. avec M. G. Bougon, G. Maruyama, "The equity context", Organizational Behavior and Human Performance, Vol 15, pp32–65
- 1979, "Cognitive processes in organization", In: B. M. Staw, dir., "Research in organizational behavior", Vol. 1, Greenwich, CT: JAI Press, pp41-74
- 1984, avec Richard L. Daft, "Toward a model of organizations as Interpretation systems", Academy of Management. The Academy of Management Review (pre-1986), Vol 9, avril, pp284
- 1986, avec L. D. Browning, "Argument and Narration in Organisational Communication”, Yearly Review of Management of the Journal of Management, Vol 12, n°2, pp243–259
- 1988, "Enacted Sensemaking in Crisis Situation", Journal of Management Studies, Vol 25, n°4, Juillet, pp305–317
- 1989, "Theory construction as disciplined imagination", Academy of Management Review, 14(4), pp516-531
- 1995,
- a. "What theory is not, theorizing is", Administrative Science Quarterly, 40(3), pp385-390
- b. "Sensemaking in organizations", Thousand Oaks, CA: Sage
- 1996, avec F. Westley, “Organizational learning: Affirming an Oxymoron”, In: S. R. Clegg, C. Hardy & W. R. Nord, dir., Handbook of Organization Studies, London: Sage, pp440-458
- 2001,
- a. "Leadership as the Legitimation of Doubt", In: Warren Bennis, G. M. Spreitzer & T. G. Cummings, dir., The Future of Leadership, San Francisco: Jossey-Bass
- b. "Making Sense of the Organization (Volume 1)", Blackwell
- c. avec Kathleen M. Sutcliffe, "Managing the Unexpected: Assuring High Performance in an Age of Complexity", San Francisco: Jossey-Bass
- 2005, avec Kathleen M. Sutcliffe, David Obstfeld, "Organizing and the Process of Sensemaking", Organization Science, Vol 16, nº4, Jul/Aug, pp409-421
- 2006, "Romancing, Following, and Sensemaking: James Meindl’s Legacy", In: Michelle C. Bligh, Boas Shamir, Rajnandini Pillai, Mary Uhl-Bien, dir., "Follower-centered perspectives on leadership: A tribute to the memory of James R. Meindl", Greenwich, CT: Information Age Publishing
- 2007, avec Kathleen M. Sutcliffe, "Managing the Unexpected: Resilient Performance in an Age of Uncertainty", San Francisco: Jossey-Bass
- 2009, "Making Sense of the Organization, The Impermanent Organization" (Volume 2), Blackwell
Littérature secondaire
- 1977, C. Bantz, D. Smith, "A critique and experimental test of Weick’s model of organizing", Communication Monographs, 44(3), pp171–184
- 2002, Gérard Kœnig, "Karl Weick, une entreprise de subversion, évolutionnnaire et interactionniste", In: S. Charreire et I. Huault, dir., Les grands auteurs en management, EMS (Éditions Management & Société), pp413-427
- 2005, L. Browning, T. Boudes, "The use of narrative to understand and respond to complexity: A comparative analysis of the Cynefin and Weickian models", E:CO, Vol 7, pp32–39
- 2006,
- E. Eisenberg, "Karl Weick and the aesthetics of contingency", Organization Studies, 27(11), pp1–15
- Dennis A. Gioia, "On Weick: An Appreciation", Organization Studies, November, vol 27, n°11, pp1709-1721