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Euthanasie
À l'origine, l'euthanasie (grec ancien : ευθανασία, bonne mort) désigne le fait d'avoir une mort douce, que cette mort soit naturelle ou provoquée. Le mot a été créé par le philosophe anglais Francis Bacon, qui estimait que le rôle du médecin était non seulement de guérir, mais d'atténuer les souffrances liées à la maladie et, lorsque la guérison était impossible, de procurer au malade une "mort douce et paisible". Du point de vue du droit, l'euthanasie désigne l'acte d'un médecin qui provoque (euthanasie active) ou permet par son inaction (euthanasie passive) la mort d'un malade incurable pour abréger ses souffrances ou son agonie.
L'euthanasie comme un droit individuel
L'euthanasie, en tant que décision prise par le patient, est un droit fondamental de l'être humain (comme le suicide), car elle ressortit à la liberté de chaque individu. Chaque individu est libre d'agir comme bon lui semble tant qu'il n'agresse personne. En ce sens, l'euthanasie, tant qu'elle relève de la volonté du malade, ne constitue pas un acte offensif - quel que soit le jugement moral que l'on porte sur ce comportement.
Chaque individu doit être libre d'utiliser son corps (pour courir, dormir, etc.), d'en tirer profit (en louant sa force de travail, en se prostituant, en vendant ses organes, etc.) et d'en abuser (en se droguant, en se suicidant, en se mutilant, en consommant trop de sel ou de sucre, en devenant obèse, en ne pratiquant aucun sport, etc.). Si une loi punit des médecins qui pratiquent l'euthanasie à la demande de leur malade, une telle sanction est illégitime au regard des droits naturels.
L'euthanasie comme le droit de tuer ?
À ce titre, toute intrusion de l'État dans un domaine aussi sensible d'un point de vue éthique ne peut mener qu'à des dérives inacceptables. On se souvient ainsi que les nazis parlaient d'euthanasie pour l'extermination des handicapés. Lorsque le choix de prolonger la vie implique une forte dépense, et que la bureaucratie a confisqué pour elle-même le pouvoir d'ordonner ou d'interdire cette dépense, le bureaucrate, qu'il soit médecin de la Sécurité sociale ou simple fonctionnaire, a le pouvoir de vie et de mort sur quiconque a le malheur de tomber malade entre ses mains. On peut lire sous la plume de certains étatistes des justifications de l'euthanasie pour réduire « les coûts pour la collectivité ».
De telles propositions découlent de façon naturelle des thèses collectivistes : votre vie ne vous appartient pas, elle appartient à la collectivité, qui vous soigne et veille sur vous. Donc pourquoi prolonger votre vie, si vous n'apportez rien à la communauté ? L'utilitarisme peut aussi conduire à de telles conclusions, puisque l'euthanasie, par suppression de la souffrance, peut conduire à une augmentation du bonheur agrégé. On est bien loin de l'euthanasie comme choix individuel face à la souffrance, mais bien près du totalitarisme dans toute son inhumanité.
Il faut donc distinguer deux sens possibles (et opposés) pour le terme d'euthanasie: le droit de mourir dans la dignité, choix volontaire, et ce que Murray Rothbard appelle le "droit de tuer dans la dignité", exercé pour des raisons comptables ou utilitaristes par des administrations, des médecins, voire approuvé par la justice, qui fait totalement fi du consentement du patient.
Euthanasie active
L'euthanasie active désigne l'acte de tuer une personne à sa demande. En général, cet acte est interdit par le droit positif dans tous les pays.
Les arguments en faveur de l'euthanasie active sont les suivants :
- le droit à disposer de soi-même d'une personne : il n'y a pas vraiment de différence entre décider de se tuer soi-même et demander à quelqu'un d'autre de le réaliser parce qu'on est dans l'impossibilité de le faire (par exemple cloué sur un lit d'hôpital) ;
- l'euthanasie active n'est pas davantage une atteinte à la "dignité humaine" que de maintenir en vie quelqu'un contre sa volonté ;
- la frontière est très floue entre euthanasie active, euthanasie indirecte, assistance au suicide, soins palliatifs, sédation palliative ; l'euthanasie active est plus transparente et facile à contrôler que les autres types d'euthanasie, de ce fait elle devrait être autorisée comme un moyen parmi d'autres.
Les arguments en défaveur de l'euthanasie active sont les suivants :
- l'euthanasie active enfreint le serment fait par le médecin de soigner et trouble la relation de confiance patient-médecin ;
- risque de ne pouvoir protéger un patient atteint de démence ou plongé dans le coma des visées égoïstes de ses proches ;
- risque de voir se généraliser l'euthanasie active pour des raisons d'économies en comparaison avec des alternatives plus coûteuses (médecine palliative).
Citations
- L'État n'a pas à faire mourir un individu, mais il n'a pas non plus le droit de l'empêcher de ne plus vivre. (Ulrich Genisson, Euthanasie : le droit au choix, Libres ! 100 idées, 100 auteurs)
- Si mon enfant était atteint de rage et qu'il n'existât aucun remède permettant d'alléger ses souffrances, je considérerais comme de mon devoir de lui donner la mort. Le fatalisme a des limites. Nous devons nous en remettre au sort uniquement lorsque nous avons épuisé tous les remèdes. L'un des moyens, qui est définitif, de soulager un enfant dans les affres d'une atroce souffrance, est de lui donner la mort. (Mohandas Gandhi, Young India, 18 novembre 1926)
- Que vous souhaitiez vivre ou mourir comme Prométhée ou comme Job relève de votre décision, ou à défaut de celle de ceux qui vous aiment, et non de quelqu'un d'autre par l'intermédiaire de la loi étatique ou par un autre biais. (Sigrid Fry-Revere, Article "Euthanasia", The Encyclopedia of Libertarianism)
- Un peu de poison de-ci de-là, pour se procurer des rêves agréables. Et beaucoup de poisons enfin, pour mourir agréablement. (Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra)
- Ce qui est un bien, ce n’est pas de vivre, mais de vivre bien. (Sénèque)
- L’argument principal des partisans de l’euthanasie – qui n’est pas antipathique aux libéraux – est que seules les personnes qui le souhaitent sont euthanasiées. Pourtant, cet argument ne résiste pas à l’analyse. Le débat porte déjà sur l’extension de l’euthanasie aux personnes qui ne sont pas et plus en mesure d’exprimer leur volonté : on ne saurait mieux dire qu’il s’agit d’euthanasier des personnes qui, par définition, n’en émettent pas, voire n’en ont jamais émis, le souhait. (Drieu Godefridi, L'écologisme, nouveau totalitarisme)
Bibliographie
- 1992, "Manifeste pour une mort douce", Roland Jaccard, Michel Thévoz - Grasset
- 2008, Sigrid Fry-Revere, "Euthanasia", In: Ronald Hamowy, dir., "The Encyclopedia of Libertarianism", Cato Institute - Sage Publications, pp156-158
- 2018, Peter Kurti, "Euthanasia: Putting the Culture to Death?", Connor Court: Redland Bay QLD, Australie
Voir aussi
Liens externes
- (fr)L'euthanasie, un choix individuel dans une société libertarienne par Michaël Marrache
- (fr) [pdf]Le libertarisme, la propriété de soi, et l’homicide consensuel par Peter Vallentyne
- (fr)Dignitas, la mort sur ordonnance (reportage vidéo de la TSR)
- (en) [pdf]The Right to Kill, with Dignity ? par Murray Rothbard
- (en)The State vs. Doctors par Ron Paul
- (en)Angels of Death par Sabine Barnhart
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