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Pensée libérale française

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De nombreux auteurs libéraux français du XVIIIe et du XIXe siècle ont joué un rôle central dans la conceptualisation et la diffusion de la pensée libérale dans le monde. Par exemple, les idées libérales provenant aujourd'hui des États-Unis[1] ne sont que le retour des idées reformulées, développées, affinées de concepts ou d'analyses dont les prémisses furent initiées par des auteurs français il y a presque trois siècles. La pensée libérale française est aussi différente de celle de l'Angleterre qui dispose de sa propre histoire : circonstance, transmission et développement[2].

La spécificité des origines de la pensée libérale française

La relation entre la philosophie des Lumières en France et le développement du libéralisme est contrastée avec les expériences de l'Angleterre. Outre-manche, la Glorieuse Révolution de 1688 a inauguré une longue période du leadership whig qui fut caractérisée par l'ordre, la stabilité et l'individualisme. Par contre, les traditions féodales et le cadre absolutiste de la France n'offraient pas une atmosphère aussi accueillante pour une pensée novatrice et libératrice. L'État et l'Église catholique romaine ont imposé une culture de l'autoritarisme, ce qui explique la forte réaction anticléricale en France à la différence des autres pays. La tentative de se libérer d'un tel pouvoir a fait progresser ensemble la raison de la philosophie des Lumières et l'individualisme libéral, se soutenant et se renforçant mutuellement. Plusieurs des grands philosophes français tels que Montesquieu (1689-1755), Voltaire (1694-1778) et Condorcet illustrent ce phénomène parmi les grands penseurs libéraux de tous les temps.

Les libéraux français ont attaqué très tôt le monopole de l'État car ils étaient intimement convaincus de l'importance du rôle des traditions, du respect des valeurs et des solidarités communautaires que l'État détruisait peu à peu. Ils ont été les premiers à dénoncer l'inexact positionnement de l'État qui conduit inévitablement à l'anomie sociale. Car la pensée libérale française du XVIIIe et du XIXe siècle était une pensée philosophique, juridique et politique au service d'une pensée économique libératrice de l'individu. La branche libérale classique des Lumières françaises débute avec la publication en 1717 des Lettres persanes du baron de Montesquieu, qui est une première grande critique de l'ancien régime et une première étude comparative des gouvernements. Dans ce travail, Charles-Louis de Secondat critique la puissante Église catholique qui a persécuté les Huguenots (protestants). Il qualifie une telle intolérance d'"éclipse totale de la raison". Il indique premièrement que la persécution est intrinsèquement offensante pour les droits personnels de conscience de chaque personne et deuxièmement que cette intolérance institutionnelle a détourné de l'économie française des travailleurs acharnés et talentueux ce qui fut préjudiciable pour le développement de la société dans son ensemble. Son observation du système britannique de gouvernance politique l'aida à écrire "l'Esprit des lois" en 1748 et expliqua le principe de la séparation des pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire. Le constitutionnaliste américain James Madison et la Reine Catherine II de Russie s'en inspirèrent fortement.

Voltaire plaida pour l'utilisation de la raison comme guide des actions de l'homme et l'acceptation de la diversité religieuse et philosophique. Sa passion anticléricale l'amène à critiquer l'intrusion du clergé dans l'État qui a transformé les compagnons martyrs du Christ en chrétiens bourreaux de leurs contemporains. Cela ne diminua cependant pas sa ferveur pour les droits personnels et la croyance dans le développement de l'esprit humain lorsqu'il termine son roman "Candide" par l'injonction : « Il faut cultiver son propre jardin ».

Pour les économistes, les choix conscients s'effectuant dans un cadre éthique non conformiste permettent à l'individu d'être libre de faire le bien ou le mal dans la limite de sa prise de responsabilité. Comme l'époque était encore fortement influencée par la religion, l'individu devait assumer ses choix en tant qu'être adulte responsable vis-à-vis de Dieu ou des exigences de sa raison. Dans la pensée libérale, chaque être humain est donc à sa naissance équitablement digne et respectable de devenir un individu reconnu par ses pairs et doté de droits pleins et entiers indépendamment de la volonté formulée par les autres.

Les bases de la pensée libérale française ne sont pas purement économiques

Une grande partie du travail de Frédéric Bastiat et d'Antoine-Louis Destutt de Tracy repose sur une analyse sociologique de la classe sociale plutôt que sur l'économie stricto sensu. Un autre libéral français majeur de l'analyse de classe fut Charles Comte, dont le Traité de législation (1826) a eu une influence certaine en Angleterre, notamment chez J. M. Robertson. Charles Comte a travaillé en étroite collaboration avec un autre libéral de premier plan, Charles Dunoyer, dans l'élaboration de la théorie libérale des classes sociales. Dans leur doctrine de "l'industrialisme", ils montrent que le véritable conflit de classe était avant tout un conflit entre les intérêts des acteurs productifs (hommes d'affaires, banquiers, artisans, etc.) et ceux qui utilisaient la prédation et le pouvoir de l'État pour s'enrichir. Malheureusement, Auguste Comte et Saint Simon, d'inspiration socialiste, avec qui ils ont été associés pendant un certain temps, sont devenus célèbres internationalement en grande partie grâce à une déformation étatique des opinions des libéraux français et en occultant l'apport précieux de ceux-ci. Ce n'est que quelques années plus tard que l'américain Murray Rothbard a pu remettre un éclairage de vérité sur cette approche parasitaire du dualisme des classes sociales en revisitant les auteurs français notamment aussi grâce à ses amis et historiens, Leonard Liggio et Ralph Raico ou de l'universitaire australien, David Hart.

C'est la pensée libérale française qui a su populariser la formule du "laissez faire, laissez passer". Cette réaction injonctive s'adressait à l'enracinement du colbertisme dans le pays qui avait finalement étouffé par son dirigisme l'économie entière, et qui avait sclérosé de grands pans de secteurs économiques. La volonté était d'assumer librement et indépendamment la responsabilité de développer son activité. Au-delà de l'économie, "Laissez faire, laissez passer", c'est une façon de crier au monde le droit à la liberté d'épanouissement personnel entre et par-delà les frontières sans limitations excessives fixées par des règlements. Chez les libéraux français du XIXe siècle, comme par exemple chez Frédéric Bastiat, le besoin de sécurité est aussi fondamental que le besoin de liberté. Les institutions politiques doivent donc donner les moyens à chacun d'assurer sa sécurité sans empiéter sur leur liberté et celle des autres. Le développement des sociétés de secours mutuels (aides financières privées pour suppléer aux manques de ressources en cas de maladie, de chômage ou de la vieillesse) date de cette époque souvent sur l'initiative d'économistes libéraux. En accentuant le rôle prioritaire des acteurs dans la société civile (la liberté du groupement associatif), les libéraux français considéraient que l'oppression des faibles par les forts ou l'écrasement de la masse sur l'individu pouvaient être évités en prenant une autre voie que le recours systématique à la loi parlementaire, à l'ordonnance du roi ou au décret du chef de l'État. Chaque fois que cela est possible, une intervention de personnes motivées et volontairement associées est préférable à celle de l'État.

Informations complémentaires

Notes et références

  1. Clinton Rossiter, 1953, "Seedtime of the Republic: The Origin of the American Tradition of Political Liberty", Harcourt, Brace and World, Inc., New York
  2. Caroline Robbins, 1968, "The Eighteenth Century Commonwealthman: Studies in the Transmission, Development and Circumstance of English Liberal Thought from the Restoration of Charles II until the War with the Thirteen Colonies", Atheneum, New York

Bibliographie

  • 1929, Kingsley Martin, "French Liberal Thought in the Eighteenth Century: A Study of Political Ideas from Bayle to Condorcet", Boston: Little, Brown and Company
    • Nouvelle édition en 1963, Harper Torchbook, New York
  • 1930, Harold A. Larrabee, commentaire du livre de Kingsley Martin, "French Liberal Thought in the Eighteenth Century: A Study of Political Ideas from Bayle to Condorcet", The Journal of Philosophy, Vol 27, n°20, September, pp553-559
  • 1989, S. Meyssonier, "La Balance et l’Horloge. La genèse de la pensée libérale en France au XVIIIe siècle", Paris, Les Éditions de la Passion