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La pédagogie chez Friedrich Hayek

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Bien que Friedrich Hayek n'ait pas écrit d'ouvrage directement sur la pédagogie, il ressort de ses différentes recherches un corps disparate d'éléments puissants de réflexions dérivées qui concerne la pédagogie. Il y a, parmi ses recherches, un ouvrage en psychologie cognitive qui traite de l'ordre sensoriel (1952), plus d'autres articles antérieurs sur la compréhension de la subjectivité des faits. Il en découle que la pédagogie proposée par Friedrich Hayek n'a de connections que très partielles avec le cadre d'analyse des sciences naturelles. Mais, elle appartient totalement aux études des sciences sociales cognitives, d'où l'importance de la différence méthodologique qu'il apporte à la pédagogie.

L'erreur de la pédagogie à vouloir absolument objectiver les faits et les processus d'apprentissage

Dès 1942, dans son article "Les faits des sciences sociales"[1], Friedrich Hayek est très précautionneux d'utiliser dans les sciences humaines des méthodes qui soient différentes de celles des sciences naturelles bien que ces dernières ont profondément imprégné la croyance des chercheurs dans leur validité universelle à l'époque où il écrit ce texte. Autrement dit, comprendre comment les êtres humains apprennent intègrent des faits des sciences sociales qui diffèrent de ceux des sciences naturelles. La pédagogie nécessite donc une méthode différente pour les comprendre. En adoptant une approche précoce de l'entrepreneur thymo-linguistique, Friedrich Hayek précise que les mots, les phrases et les communications ne dépendent pas de propriétés objectives mais des interprétations des gens. En effet, comme il le rapporte, "Une marchandise, un bien économique, une nourriture, une monnaie ne peuvent être définis en termes physiques, mais uniquement à partir de l'idée que les êtres humains s'en font". Comprendre et assimiler les faits impliquent donc de leur donner du sens en prenant en compte le sujet subjectif qui entreprend cette action. L'apprenant est donc un individu actif qui subjective son apprentissage durant tout son processus.

Friedrich Hayek ajoute que pour parvenir à la finalité de comprendre les actions que nous observons, il est préférable d'utiliser de manière significative des concepts abstraits plutôt que des mots concrets. Par exemple, nous pouvons comprendre l'action de se nourrir peu importe quelle est la personne sur terre qui le fait même si l'élément concret, à savoir quel type de nourriture nous est peu familière. Par conséquent, pour apprendre, un enfant ou un adulte doit se référer tout d'abord au trait abstrait de la connaissance avant d'en comprendre le trait particulier. Puisque notre esprit fonctionne comme un appareil de classification, sans cependant se restreindre à cette seule fonction de tri, il manipule des catégories abstraites. Alors, les interprétations humaines qui utilisent ces catégories (ou modèles) jouent un rôle clé dans notre compréhension du monde qui nous entoure et de l'action humaine interagissant avec celui-ci. Friedrich Hayek dit que ce processus est "a priori", c'est à dire antécédent à l'action de l'individu[2].

Dans la dernière section de son article "Facts", Friedrich Hayek réfute l'affirmation que nous devrions dériver toutes nos connaissances à partir de l'observation et de l'expérience. Il expose, en février 1943, ses critiques de l'approche scientiste dans son essai intitulé "Scientisme"[3] où il inclut les dérives du collectivisme et de l'historicisme. Transféré dans le domaine de la pédagogie, cela signifie que c'est une erreur d'objectiver les faits dans le processus d'acquisition de la connaissance humaine et individuelle[4] Dans la pédagogie selon Friedrich Hayek, cela conduit à réduire l'intelligence de l'enfant à une action de reconnaissance des objets "mots" sans prendre en compte l'équipement neuronal plus ou moins sophistiqué dont est doté l'enfant pour classifier les données.

La capacité cérébrale humaine sert à interpréter le monde pour mieux le comprendre et l'assimiler

Lorsque Friedrich Hayek publie "L'ordre sensoriel" en 1952, un livre qui se détache du reste de son travail d'économiste et de philosophe politique, il n'y avait pas un grand lectorat pour cet ouvrage. Néanmoins, celui-ci anticipe les découvertes en neurosciences cognitives de plusieurs décennies (Joaquin Fuster 2011 ; Walter B. Weimer 2011) et certainement la pédagogie cognitive en pleine construction. En effet, les intuitions acquises à partir de cet ouvrage sont toujours pertinentes et très importantes pour l'amélioration de la pédagogie contemporaine.

Notre esprit nous aide, dans la vie quotidienne, à interpréter les actions d'un autre humain. Nous pouvons comprendre l'autre, nous dit Friedrich Hayek, parce nous employons l'analogie avec notre compréhension de nos propres comportements. Nous le faisons alors en termes d'opinions ou d'intentions que nous attribuons à la personne agissante. Par conséquent, la pédagogie repose largement sur la comparaison, l'analogie ou la métaphore.

La pédagogie de Friedrich Hayek s'inspire également largement de la distinction effectuée par Gilbert Ryle (1949) entre le « savoir comment » et le « savoir cela ». Les règles de conduite, dans la conception de Friedrich Hayek, manifestent une connaissance des faits qui n'ont pas besoin de prouver leur utilité. Leur efficacité vient précisément qu'elles économisent sur les capacités cognitives des personnes en substituant un savoir comment (knowing how) à un savoir cela (knowing that).

Friedrich Hayek propose d'utiliser le concept de règles afin de comprendre le comportement de l'individu et sa façon de penser dans la société. Mais pour cela, il déploie le concept de façon très large. Les règles abstraites et concrètes[5], comme il l'indique, dirigent à la fois la pensée de l'être humain et sa conduite dans la société. Les règles de la pensée ou de l'esprit concernent des questions de perception immédiate, ainsi que le jugement et des structures d'ordre supérieur comme les concepts mathématiques et les théories abstraites (Hayek 1967). Au contraire des pédagogues contemporains qui accentuent l'observation des apprenants comme élément premier à l'acquisition des connaissances et qui en font un processus d'objectivisation de l'acquisition de la connaissance, Friedrich Hayek s'appuie plutôt sur la perception globale de l'apprenant. La perception comprend à la fois des jugements sensoriels immédiats (par exemple, le rythme alterné des lumières qui s'allument et qui s'éteignent) et également des jugements organisés et particuliers sur sa propre situation (par exemple, le sentiment de l'entrepreneur qu'un certain produit peut réussir dans le marché actuel). Friedrich Hayek soutient que les stimuli sensoriels ne sont pas interprétés objectivement par le cerveau. Les stimuli sont bidirectionnels. Ils sont filtrés à travers notre ordre sensoriel, c'est-à-dire notre carte mentale, qui est basé à la fois sur notre équipement génétique et sur nos expériences antérieures. Mais, cette action de filtre "passive" ne rend pas compte en réalité de l'action de notre esprit qui, selon Friedrich Hayek, projette des modèles de reconnaissance sur les données. La configuration des éléments, au moins dans les formes les plus élémentaires, est saisie, au moyen d'une gestalt, c'est à dire une reconnaissance de formes. Cette projection est un acte dynamique et régulier bien qu'il puisse se déclencher sans prise de conscience immédiate de la personne. Il s'agit là d'une co-perception récursive qui produit son effet connexionniste sur l'apprentissage hayékien.

Notes et références

  1. Friedrich A. Hayek, 1943, "The Facts of the Social Sciences", Ethics, vol 54, n°1, pp1-13
  2. Cependant, lorsque Friedrich Hayek utilise l'expression, "a priori", c'est en référence au système de classification mentale de l'esprit qui est de l'ordre électro-biologique responsable de la création des synapses, il l'utilise donc d'une manière tout à fait différente de celle de Ludwig von Mises et de son a priori catégoriel kantien
  3. * Friedrich A. Hayek, 1942, "Scientism and the Study of Society. Part I.", Economica, Vol 9, n°35, pp267-291
    • Friedrich A. Hayek, 1943, "Scientism and the Study of Society. Part II.", Economica, vol 10, n°37, pp34-63
    • Friedrich A. Hayek, 1944, "Scientism and the Study of Society. Part III.", Economica, vol 11, n°41, pp27-39
  4. Trop souvent dans les livres scolaires et dans les classes d'école, l'enseignant veut contraindre l'apprenant aux tâches d'un ordinateur qui scannerait un document pour reconnaître des différences de formes. Par exemple, la pratique est courante de faire observer à un enfant deux grilles avec des mots qui sont au singulier dans une colonne et des mots au pluriel dans une autre. Il est alors demandé à l'enfant d'observer les deux grilles et de reconnaître les différences de formes des mots (exercice assimilable au jeu des dessins avec des différences). L'enfant doit alors en conclure la règle des mots au pluriel.
  5. Une règle est abstraite lorsqu'elle ne détermine pas une action particulière (ou concrète). Elle trace plutôt un ensemble d'actions possibles. Elle constitue une catégorie formant en quelque sorte une boite, dans laquelle prennent place les multiples choix concrets opérés par les agents.