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Josephine Butler

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Née Josephine Grey, 13 avril 1828 à Milfield, en Angleterre, décédée en 1906, Josephine grandit dans un milieu profondément engagé en faveur des réformes sociales et de la liberté individuelle, héritage d’un père réformateur et abolitionniste, cousin du Premier ministre Earl Grey. Nourrie par la tradition du libéralisme classique (défense des droits individuels, égalité devant la loi, limitation des pouvoirs de l’État), elle y associe les principes du "liberal feminism", revendiquant pour les femmes la liberté, l’égalité juridique et l’accès à l’éducation et au travail. Elle épouse en 1852 le pasteur et enseignant George Butler, avec qui elle aura quatre enfants. Sa vie bascule en 1864 lorsque sa plus jeune fille meurt accidentellement. Ce drame devient le déclencheur d’un engagement militant encore plus résolu.

Au terme d’une vie consacrée à l’émancipation des femmes, Josephine Butler laisse derrière elle une œuvre considérable : près de 90 ouvrages et pamphlets, une stratégie de mobilisation par la parole publique et l’écrit, et un réseau militant durable. Son engagement, profondément ancré dans une morale protestante héritée du XIXe siècle, a marqué le féminisme britannique et européen, même si ses méthodes n’ont pas toujours fait l’unanimité parmi les courants féministes. Elle meurt le 30 décembre 1906 à Wooler, laissant l’image d’une pionnière qui a su appliquer les principes du libéralisme classique aux combats les plus difficiles de son temps.

Principes fondamentaux de son libéralisme

Au cœur de la pensée libérale de Josephine Butler se trouve une conviction inébranlable : nul pouvoir, fût-il législatif ou coutumier, n’a le droit de restreindre la liberté fondamentale d’un individu en raison de son sexe. Elle rejette avec force toute législation discriminatoire, considérant que priver les femmes de leurs droits légaux revient à trahir l’essence même de l’État de droit. Pour elle, la justice ne peut souffrir de clauses d’exception ; la loi doit englober tous les citoyens avec une égale protection, sans distinction de genre.

C’est dans cet esprit qu’elle s’élève contre les réglementations qui, comme les lois sur les maladies contagieuses, stigmatisent un seul sexe et créent une inégalité structurelle devant la justice. En ciblant les femmes, ces textes rompaient l’équilibre fragile des libertés civiles, en les soumettant à un contrôle coercitif dont les hommes étaient exemptés. Josephine Butler, fidèle à l’idéal libéral, défend une conception de l’ordre juridique où la dignité de chaque être humain est un principe inviolable.

Mais son combat ne s’arrête pas à la sphère légale : il touche au plus intime. Elle affirme que la liberté personnelle n’est pas un privilège, mais un droit naturel ; que les femmes doivent pouvoir disposer de leur corps, de leur travail, de leur destin, sans que la société les enferme dans un rôle « naturel » dicté par la tradition. À l’image d’un vent qui balaie les lourds rideaux d’un salon victorien, sa pensée entrouvre les fenêtres d’un espace étouffé, laissant entrer l’air vif de l’émancipation. Pour cette libérale féministe, l’avenir ne peut se construire que si la femme cesse d’être l’ombre d’un foyer et devient pleinement actrice de sa vie publique et privée.

Principaux combats et souhaits de réformes

L’œuvre militante de Josephine Butler se déploie sur plusieurs fronts, mais tous convergent vers un même horizon : l’émancipation intellectuelle, juridique et morale des femmes.

Dès 1868, avec 'The Education and Employment of Women', elle pose les bases d’un plaidoyer vigoureux pour l’accès des femmes à l’éducation supérieure et à des carrières dignes de leurs capacités. Convaincue que l’instruction est la clef de l’indépendance, elle milite pour que les universités, bastions masculins, s’ouvrent aux étudiantes. Son action trouve un écho concret dans la création du Newnham College à Cambridge, institution féminine qui offre, pour la première fois, un cadre universitaire adapté aux ambitions intellectuelles des jeunes femmes.

Mais Josephine Butler ne limite pas son combat aux salons académiques. À Liverpool, elle découvre l’existence d’un réseau de traite de jeunes filles, certaines âgées d’à peine douze ans, réduites à la prostitution. L’indignation se transforme en action : elle lance une campagne acharnée pour relever l’âge légal du consentement de treize à seize ans, brisant le silence complaisant qui entourait ces abus. Sa victoire, obtenue au terme d’années de mobilisation, sauvera d’innombrables enfants de la prédation légale.

Son engagement le plus audacieux, cependant, se cristallise dans la lutte contre les lois sur les maladies contagieuses (1864–1886). Sous prétexte de protéger l’armée et la marine, ces textes autorisaient la police à arrêter toute femme soupçonnée de prostitution dans les ports et garnisons, à l’assujettir à des examens médicaux forcés et à l’incarcérer en cas de résistance. Josephine Butler dénonce une injustice flagrante : la moitié féminine de la population se voit dépouillée de ses droits fondamentaux, tandis que la source masculine de l’infection demeure hors de tout contrôle. Sa campagne, aussi courageuse qu’impopulaire dans les cercles conservateurs, finit par emporter l’abrogation de ces lois, gravant dans la mémoire collective une leçon durable : la santé publique ne saurait être obtenue au prix de la liberté et de l’égalité.

Stratégies d’action politique

Pour Josephine Butler, la conquête des droits ne pouvait s’opérer dans le silence feutré des correspondances privées : il fallait porter la cause sur la place publique, là où se formaient l’opinion et la pression sociale. Elle n’hésite pas à prendre la parole sur des sujets que la bienséance victorienne jugeait « indécents » pour une femme : la sexualité, la prostitution, la violence institutionnelle. Par ses discours dans les réunions populaires, ses tournées de meetings à travers le pays et ses campagnes de sensibilisation, elle donne un visage et une voix à des réalités que l’Angleterre préférait ignorer.

Elle comprend aussi que le combat ne peut être solitaire. Elle tisse des alliances avec réformateurs sociaux, suffragistes et intellectuels, créant un réseau capable de relayer et d’amplifier ses revendications. Ses causes, bien qu’initiées par des circonstances précises, s’inscrivent dans un mouvement féministe plus vaste qui vise l’égalité civique et politique.

L’écrit demeure cependant son arme la plus constante et la plus affûtée. Avec près de quatre-vingt-dix livres et pamphlets, elle bâtit une œuvre argumentative nourrie de faits, d’analyses et d’un sens aigu de la justice. Elle y mêle rigueur intellectuelle et ferveur morale, toujours fidèle aux principes du libéralisme : défendre la liberté par la raison, préserver la dignité humaine contre l’arbitraire et rappeler que les droits fondamentaux ne sont pas négociables, même au nom d’un prétendu intérêt collectif.

Josephine Butler et le pouvoir policier : une menace pour la liberté

C’est dans son pamphlet de 1879, 'Government by Police', que Josephine Butler remet en cause l’autorité policière. Elle y prend pour exemple la Préfecture de Police de Paris afin d’alerter ses compatriotes sur le danger d’une extension insidieuse des pouvoirs policiers en Grande-Bretagne. Peu importe, écrit-elle, que la France soit une république et l’Angleterre une monarchie constitutionnelle : dans l’une comme dans l’autre, « la règle policière s’est établie comme une menace permanente pour la liberté, et un embarras, voire un rival, pour les gouvernements » qui chercheraient à la réformer. Pour l'auteure, la nature du régime importe peu : dès lors que la police acquiert un pouvoir capable de défier l’autorité politique elle-même, la démocratie, ou tout régime libéral, se trouve vidée de sa substance.

Elle attribue cette dérive à la centralisation excessive et aux penchants bureaucratiques qui minent l’autonomie locale. Sa plume décrit un appareil policier capable de s’immiscer « dans chaque recoin de la nation », réduisant progressivement le sens de la responsabilité civique. Le citoyen, se reposant sur cette autorité omniprésente, cesse de se sentir comptable de l’ordre et du bien-être de la société. Ce processus n’attaque pas seulement les libertés formelles ; il altère le tissu même de la participation démocratique.

Pour Josephine Butler, la liberté véritable se mesure à la place que laisse l’État à l’auto-organisation sociale : « Plus un gouvernement est absolu, plus la police sera développée ; plus un pays est libre, plus il suivra le principe selon lequel tout ce qui peut être laissé à lui-même doit l’être ». Ce raisonnement rejoint aujourd’hui certaines positions libertariennes : réduire le rôle de la police, non pour laisser le chaos s’installer, mais pour réinvestir dans les infrastructures sociales (entraide, santé, logement, éducation) que nous avons peu à peu déléguées à la force publique.

Toutefois, la défenseure des libertés ne prône pas la disparition pure et simple de la police. Sa solution passe par une dévolution à des instances locales, indépendantes du pouvoir central. Mais cette proposition reste marquée par son époque : elle présuppose que le contrôle demeurerait entre les mains de ceux de sa classe sociale. Butler est ainsi à la fois visionnaire dans sa défiance envers la centralisation policière, et prisonnière des hiérarchies sociales de son temps.

À la lumière des débats contemporains sur les violences policières, ses avertissements prennent une résonance singulière. Alors que certains, comme Patrick Yoes de la 'Fraternal Order of Police'[1], affirment que « la police est la clé d’une société libre », Josephine Butler renverse la formule : une société libre ne peut tolérer que la police devienne un pouvoir en soi, rivalisant avec la souveraineté populaire. Plus qu’une question d’institution, c’est une question de principe : qui détient la responsabilité de la sécurité, et à quel prix pour nos libertés ?

Informations complémentaires

Notes et références

  1. Cité par Andrew Israel Ross, dans son article "Josephine Butler on the Police", diffusé le 3 juin 2020 sur son blog Andrew Israel Ross.com

Publications

  • 1868, "The Education and Employment of Women", Londres, Macmillan & Co.
  • 1870], "On the Moral Reclaimability of Prostitutes", Londres, The National Association for the Repeal of the Contagious Diseases Acts
  • 1879,
    • a. "Social Purity", Londres: Morgan & Scott
    • b. "Government by police", London: Dyer Brothers
  • 1896, "Personal Reminiscences of a Great Crusade(, Londres, Horace Marshall

Littérature secondaire