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Charte du Manden

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La Charte du Manden (ou Mandé, Manden est la transcription officielle du pays mandingue) a été conçue par la confrérie des chasseurs du Mandé (au sud de Bamako). Cette déclaration, solennellement proclamée le jour de l'intronisation de Sundjata Keïta comme empereur du Mali à la fin de l'année 1222, nous a été transmise par voie orale.

Elle pose en principe le respect de la vie humaine, la liberté individuelle et la solidarité. Elle affirme l'opposition totale de la confrérie des chasseurs à l'esclavage qui était devenu courant en Afrique de l'ouest. L'abolition de l'esclavage fut une œuvre maîtresse de Sundjata Keïta et de l'Empire du Mali.

Cette charte peut être considérée comme une des premières déclarations des Droits de l'Homme.

Les "enfants de sanene et kotron" dont il s'agit dans cette déclaration, qui s'en portent garants et fermes défenseurs, sont les sociétés internationales de chasseurs "donson", qui ont été l'appui politique et militaire de Soundiata Keita, qui était des leurs.

Ces sociétés internationales, répandues dans toute l'Afrique Noire, qui n'ont aucun critère ethnique ou social d'affiliation, mais un code moral très strict, n'ont jamais failli à intervenir par la suite dans les cas de crise grave d'oppression, jusqu'à nos jours. Elles existent toujours, comme en témoigne le livre de Youssouf Tata Cissé "les sociétés de chasseurs", et leurs dernières interventions au Sierra Leone et en Côte d'Ivoire ont été essentielles pour limiter les dégâts. Leur popularité s'en est d'ailleurs singulièrement accrue ces dernières années, et nombreux sont les Africains qui vont recueillir leurs enseignements très simples, mais aussi très profonds, basés sur une transmission continue de la morale du chasseur, la défense de la veuve et de l'orphelin, ce à quoi s'engagent tous les enfants de "sanene ani kontron", les chasseurs d'Afrique.

Le texte

Le mandé fut fondé sur l'entente et la concorde, l'amour, la liberté et la fraternité. Cela signifie qu'il ne saurait y avoir de discrimination ethnique ni raciale au mandé. Tel fut le but de notre combat. Par conséquent, les enfants de Sanène et Kontron font, à l'adresse des douze parties du monde et au nom du Mandé tout entier, la proclamation suivante :

Toute vie humaine est une vie. Il est vrai qu'une vie apparaît à l'existence avant une autre mais une vie n'est pas plus ancienne, plus respectable qu'une autre vie, de même qu'une vie ne vaut pas mieux qu'une autre vie.

Toute vie étant est une vie, tout tort causé à une autre vie exige réparation. Par conséquent, que nul ne s'en prenne gratuitement à son voisin, que nul ne cause de tort à son prochain, que nul ne martyrise son semblable.

Que chacun veille sur son prochain, que chacun vénère ses géniteurs, que chacun éduque ses enfants, que chacun pourvoie aux besoins des membres de sa famille.

Que chacun veille sur la terre de ses pères ; par patrie, pays, ou terre des pères, il faut entendre aussi et surtout les hommes : car tout pays, toute terre qui verrait les hommes disparaître de sa surface connaîtrait le déclin et la désolation.

La faim n'est pas une bonne chose, l'esclavage non plus n'est pas bonne chose. Il n'y a pire calamité que ces choses-là, dans ce bas monde. Tant que nous disposerons du carquois et de l'arc, la famine ne tuera personne dans le Manden, si d'aventure la famine survient ; la guerre ne détruira plus jamais les villages pour y prélever des esclaves ; c'est dire que nul ne placera désormais le mors dans la bouche de son semblable, pour aller le vendre ; personne ne sera non plus battu au Mandé, a fortiori mis à mort parce qu'il est fils d'esclave.

L'essence de l'esclavage est éteinte ce jour d'un mur à l'autre du Mandé. Les razzias sont bannies à compter de ce jour au Mandé, les tourments nés de ces horreurs disparaîtront à partir de ce jour au Mandé. Quelle horreur que la famine ! Un affamé ignore toute pudeur, toute retenue. Quelle souffrance épouvantable pour l'esclave et l'affamé, surtout lorsqu'ils ne disposent d'aucun recours. L'esclave est dépouillé de sa dignité partout dans le monde.

Les gens d'autrefois nous disent : « L'homme en tant qu'individu fait d'os et de chair, de moelle et de nerfs, de peau recouverte de poils et de cheveux se nourrit d'aliment et de boisson. Mais son âme, son esprit vit de trois choses : voir celui qu'il a envie de voir, dire ce qu'il a envie de dire et faire ce qu'il a envie de faire. Si une seule de ces choses venait à manquer à l'âme, elle en souffrirait, et s'étiolerait sûrement. »

Chacun dispose désormais de sa personne, chacun est libre de ses actes, dans le respect des interdits des lois de sa patrie.

Tel est le serment du mandé à l'adresse des oreilles du monde tout entier.

(Source : Aboubacar Fofana ; La Charte du Mandé et autres traditions du Mali, calligraphies de, Les Carnets du calligraphe, éditions Albin Michel.)

Lien externe


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