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Maurice Hauriou
Maurice Hauriou (1856-1929) était un juriste et un penseur libéral et catholique. Il devient Docteur en droit en 1879 et premier au concours de l’agrégation de 1882. Il fit toute sa carrière à la Faculté de droit de l’université de Toulouse dont il fut de nombreuses années le doyen. Il est nommé professeur de Droit en 1883, puis professeur de droit administratif, à partir du 24 mars 1888. A partir du 1er novembre 1920, il occupa la chaire de droit constitutionnel, jusqu’à sa retraite le 1er septembre 1926.
Il est connu comme l'un des deux fondateurs de la théorie juridique du service public (l'autre étant Léon Duguit). Sans être un idéologue libéral, on reconnaît dans ses écrits des thèmes importants du libéralisme : l'autonomie de l'individu, la reconnaissance de ses droits et la séparation des pouvoirs politiques. Il est identifié en France comme une synthèse catholique-libérale ou du catholicisme social. Il était défenseur de l'individu responsable :
- « L’individualisme, c’est la liberté, l’individualisme faillible, c’est la nécessité reconnue de conditionner cette liberté par des règles de conduite et par des sanctions sociales »[1].
Il est porteur d'autres thèmes d'attention comme la conciliation entre le droit positif et le droit naturel, la place accordée à l'individu et le rôle de la puissance publique dans la régulation du social. La pensée du juriste toulousain prend cependant toute sa tenue dans la théorie de l'institution et sur le thème de la subsidiarité.
La théorie de l'institution selon l'idée d'oeuvre
Maurice Hauriou approfondit l'analyse des particularismes statutaires et managériaux des organisations grâce à son approche transverse des catégories du droit et de l'organisation. Il conçoit sa théorie de l'institution de façon différente de celle d'Émile Durkheim et de Léon Duguit. Pour lui, les règles de Droit ne sont pas la volonté subjective de la personne de l'Etat ni plus le produit du milieu social, c'est à dire une règle qui serait acceptée par l'ensemble de la communauté. Car "le milieu social n'a qu'une force d'inertie" qui bloque la créativité des individus et cet élan vital en référence à Henri Bergson.
Il assimile l'institution à une "idée d'oeuvre" différente du but à atteindre ou de la fonction de l'organisation. L'idée en question est une idée directrice. Mais, cette idée, même si elle provient d'un ou de plusieurs individus, a besoin, pour sa mise en réalisation, qu'un pouvoir s'organise en procurant des "organes" aux membres du groupe intéressés par la réalisation de l'idée. Cette "idée de communion" est régulée et se manifeste par des procédures qui lui permettent de passer d'un esprit à un autre. Donc, l'idée d'œuvre a un caractère objectif, et ceci, nous précise Maurice Hauriou, dès le début. "'En réalité, il n'y a pas de créateurs d'idées, il y a seulement des trouveurs. Un trouvère, un poète inspiré rencontre une idée à la façon dont un mineur rencontre un diamant : les idées objectives existent d'avance dans le vaste monde, incorporées aux choses qui nous entourent; dans des moments d'inspiration, nous les trouvons et les débarrassons de leur gangue.'" Maurice Hauriou, 1925[2]. L'institution corporative ou autrement dit, l'organisation institutionnelle, existe précisément comme étant la manifestation de la communion des membres du groupe sur l'idée de l'oeuvre à réaliser et sur les moyens à employer.
Une analyse qui repose sur l'individualisme méthodologique
Maurice Hauriou s'insurge que l'on puisse évoquer la notion de conscience collective en évoquant ces mouvements de communion. Car, "'ce sont les consciences individuelles qui s'émeuvent au contact d'une idée commune et qui par un phénomène d'interpsychologie, ont le sentiment de leur émotion commune. Le centre de ce mouvement c'est l'idée qui se réfracte en des concepts similaires en des milliers de consciences et y provoque des tendances à l'action'"[3].
Il refuse également le modèle purement contractuel de l'association et donc de la constitution. Car, rappelons le, il est en pleine maturité intellectuelle lorsque Waldeck-Rousseau dépose son projet de loi sur les associations, qui aboutira à la loi sur les association du 1er juillet 1901. L'approche contractualiste pourrait faire penser que tous les membres se sont rejoints au même instant pour "signer leur accord" alors que de nombreuses associations naissent de l'initiative d'une ou de quelques personnes. Un public plus large rejoint l'association une fois que les accords sont établis entre des membres au nombre plus restreint. D'où importance du fondateur qui insuffle l'idée première et qui appréhende toutes les difficultés liées pour déclencher l'essor de l'organisation et dépasser le stade de la première personne.
Aucun corps social ne saurait faire émerger une idée. Sans l'action d'un promoteur ou d'un fondateur, aucune idée n'est découverte. L'idée d'oeuvre exprime à la fois l'objectif à atteindre mais aussi les moyens pour l'atteindre. Elle enveloppe autour d'elle les grandes lignes directrices pour mener ce projet d'action. Aussi, le sens de l'engagement d'un membre d'une association est davantage en relation avec l'idée d'oeuvre, c'est à dire sa contribution au projet d'action, que d'un sentiment d'appartenance unitaire et d'agrégation à un collectif[4].
Notes et références
- ↑ Maurice Hauriou, préface à la 2e édition, 1929, Précis de droit constitutionnel, Paris, Recueil Sirey, pVII
- ↑ Maurice Hauriou, 1933, Aux sources du droit, le pouvoir, l'ordre et la liberté, Les Cahiers de la nouvelle journée, n°23, 1933, pp89-128. Cité par Gilles Jeannot (2001)
- ↑ Maurice Hauriou, 1933, Aux sources du droit, le pouvoir, l'ordre et la liberté, Les Cahiers de la nouvelle journée, n°23, 1933, pp89-128. Cité par Gilles Jeannot (2001)
- ↑ Gilles Jeannot, en 2001, précise que Coluche, en créant les "Restaus du coeur", n'a pas inventé l'idée de pauvreté. Il l'a découverte au sens où elle était présente et objective. Gilles Jeannot explique donc que le succès de cette organisation, en opposition à d'autres formes d'organisations comme les "Dames Patronesses" en perte de vitesse repose effectivement sur la théorie institutionnelle de Maurice Hauriou, de l'idée d'oeuvre des plus pauvres qui participent au projet organisationnel (mise en place des moyens et accompagnement du projet) tout en étant des bénéficiaires ou des presque potentiels bénéficiaires.
Publications
- 1893, « Les Facultés de droit et la sociologie », Revue générale du droit, tome 17, pp289-295
- 1894, « La crise de la science sociale », Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger, pp294-321
- 1896, "La science sociale traditionnelle", Librairie de la Société du recueil général des lois et des arrêts, Paris
- 1899, "Leçons sur le mouvement social", Librairie de la Société du recueil général des lois et des arrêts, Paris
- 1906, "L'Institution et le droit statutaire", Récueil de Législation de Toulouse, 2e série, Tome 11, pp134-182
- 1907, "Précis de droit administratif et de droit public", Sirey, Paris, 6e édition
- 1909, « Le Point de vue de l’ordre et de l’équilibre », Recueil de législation de l’Université de Toulouse, tome. V
- 1910, "Principes de droit public", Librairie de la Société du recueil J.-B. Sirey & du journal du palais, Paris
- 1912,
- a. Les deux réalismes, Récueil de législation de Toulouse, pp1-10
- Traduit en anglais par Broderick en 1970, "The Two Realisms", pp45-73
- b. « La souveraineté nationale », Recueil de législation de Toulouse, pp1-154
- a. Les deux réalismes, Récueil de législation de Toulouse, pp1-10
- 1923,
- 1925,
- a. La théorie de l’institution et de la fondation, Cahiers de la Nouvelle Journée, n°4, pp2-45
- Traduit en anglais par Broderick, en 1970, "The Theory of the Institution and the Foundation: A Study in Social Vitalism", pp93-124
- b. Précis élémentaire de droit constitutionnel, Paris, Sirey
- a. La théorie de l’institution et de la fondation, Cahiers de la Nouvelle Journée, n°4, pp2-45
- 1927, "L'ordre social, la justice et le droit", Revue trimestriel de droit civil, pp795-825
- 1929, "De la répétition des précédents judiciaires à la règle de droit coutumière", Cahiers de la nouvelle journée, n°15, pp109-115
- 1933, Aux sources du droit, le pouvoir, l'ordre et la liberté, Cahiers de la Nouvelle journée, n°23, pp89-128
- 1986, "Aux sources du droit : le pouvoir, l’ordre et la liberté", Centre de philosophie politique et juridique : CAEN
Littérature secondaire
- 1930, Marcel Waline, "Les idées maîtresses de deux grands publicistes français : Léon Duguit et Maurice Hauriou", 2e partie, L'année politique française et étrangère, n°17, juin, pp39-63
- Traduit en anglais en 1970, "Maurice Hauriou", In: Albert Broderick, "The French Institutionalists: Maurice Hauriou, Georges Renard, Joseph T. Delos", Harvard University Press, Cambridge, Massachussets, pp139-160
- 1931, Georges Gurvitch, "Les idées-maîtresses de Maurice Hauriou", Archives de Philosophie de droit et de sociologie juridique, Tome 1, pp155-194
- 1966, Lucien Sfez, Essai sur la contribution du doyen Hauriou au droit administrative français, LGDJ : Paris
- 1968, Victor Léontowitsch, « Die Theorie der Institution bei Maurice Hauriou », In: Roman Schnur, dir., « Institution und Recht », Darmstadt, pp176-264
- 1969, Albert Brimo et G. Marty, dir., "La pensée du doyen Maurice Hauriou et son influence", Édition A. Pedone, Paris
- 1970,
- Albert Broderick, "The French Institutionalists: Maurice Hauriou, Georges Renard, Joseph T. Delos", Harvard University Press, Cambridge, Massachussets
- André Hauriou, "Maurice Hauriou - A Memoir", In: Albert Broderick, "The French Institutionalists: Maurice Hauriou, Georges Renard, Joseph T. Delos", Harvard University Press, Cambridge, Massachussets, pp25-29
- 1976, Albert Brimo, "Le doyen Maurice Hauriou et l'État", Archives de philosophie du droit, Vol 21
- 1980, Paul Ourliax, "Hauriou et l'Histoire du Droit", Études d'histoire du droit et d'histoire, Tome 2, Édition A & J Picard, Paris, pp219-235
- 1991, Yann Tanguy, "L'institution dans l'oeuvre de Maurice Hauriou, actualité d'une doctrine", Revue de droit public et de la science politique en France et à l'étranger, 107 (1), février, pp61-79
- 2001, Gilles Jeannot, "Les associations, l'Etat et la théorie de l'institution de Maurice Hauriou", Les annales de la recherche urbaine, n°89, juin, pp19-22
- 2005, François Fournie, "Recherches sur la décentralisation dans l'oeuvre de Maurice Hauriou", Paris: L.G.D.J, Tome 245, ISBN 978-2-275-02645-9
- 2008, Julien Barroche, "Maurice Hauriou, juriste catholique ou libéral ?", Revue française d'histoire des idées politiques, n°28, 2e semestre, pp307-336
- 2009,
- Rémi Jardat, « Maurice Hauriou, théoricien de l’institution et inspirateur de la pensée mutualiste », RECMA – Revue internationale de l’économie sociale, mai, n°312, pp70-83, p110
- Norbert Foulquier, "Maurice Hauriou, constitutionnaliste (1856-1929)", Jus Politicum, Revue internationale de droit politique, n°2