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Utopie

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L’utopie exprime à la fois un lieu où l’on se trouve bien en tant que représentation d'une réalité idéale et, à la fois également, un ailleurs impossible à réaliser. L’utopie est un idéal désirable (puisque eu-topos signifie en grec lieu heureux), mais aussi inaccessible (puisque grec οὐ-τοπος « en aucun lieu » ou lieu de nulle part). L'utopie est tantôt recherchée comme une source vive de la pensée, tantôt redoutée car elle est illusoire et mène à des impasses.

L'utopie procède d'une tradition que l'on fait remonter à La République de Platon, première description d'une société idéale.

Le terme utopia est un néologisme grec forgé par Thomas More en 1516 pour désigner la société idéale qu'il décrit dans son œuvre (en latin) Utopia. Ce terme est traduit en français par utopie.

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Aspects positifs ou négatifs d'une utopie

L'utopie peut avoir une connotation positive, comme un idéal plus ou moins subversif vers lequel il faudrait tendre. Ainsi, l'anarcho-capitalisme et le minarchisme peuvent être considérés comme des utopies libérales. Dans un autre sens, l'utopie est souvent rattachée à des désirs ou des rêves irréalisables et irrationnels, des illusions politiques pouvant conduire à toute forme de violence, d'égalitarisme forcé, de communisme, etc.

Glenn Negley et J. Max Patrick[1] ont collaboré à l'ouvrage The Quest for Utopia publié en 1952 par Schuman à New York. Ce livre est une analyse critique des communautés fictives, notamment celles décrites dans des œuvres de fiction. L'ouvrage explore un large éventail de communautés imaginaires qui ont été créées par des auteurs dans la littérature, la science-fiction et la philosophie. Les auteurs examinent ces communautés utopiques sous un angle critique, cherchant à comprendre les idéaux, les défauts, les contradictions et les enseignements qu'elles contiennent. Ils analysent comment ces utopies littéraires reflètent les préoccupations et les aspirations de leurs créateurs, ainsi que les commentaires sociaux, politiques ou philosophiques qu'elles véhiculent.

L'ouvrage offre ainsi une perspective éclairante sur la façon dont la fiction a été utilisée pour explorer des idées utopiques, tout en invitant les lecteurs à réfléchir de manière critique sur les utopies en tant que concept. Il s'agit d'une contribution importante à l'étude de la littérature utopique et à la compréhension des rôles complexes que jouent les utopies dans la réflexion sur la société et la politique.

Tous les auteurs d'utopies ont conçu un paradis de liberté, et toute action politique fondée sur ces bases a mené aux régimes tyranniques. La contradiction est aisément expliquée. Ces hypothèses postulent en chaque citoyen un principe intérieur d'action, le même en tous, et tout-puissant sur la conduite de chacun. Comme dans la réalité ce principe ne manifeste pas régulièrement sa toute-puissance, on en vient à contraindre chacun à se conduire comme s'il était mû par ce principe ; de sorte que l'on a construit tout le contraire de ce que l'on avait prétendu ; au lieu d'une société où toutes les actions sont volontaires, une société où aucune ne l'est : au lieu de la liberté, la Terreur. (Bertrand de Jouvenel, De la souveraineté)

Le libertarianisme est fréquemment considéré comme une utopie :

La première spécificité du libertarianisme tient à sa nature utopique. À partir d’un texte très important écrit par Hayek en 1949 et appelant à la constitution d’une utopie libérale visionnaire et subversive, et des travaux de Paul Ricœur sur l’utopie, nous proposons de définir le libertarianisme comme une mutation en utopie du libéralisme classique, à travers un double processus de généralisation et de subversion. L’utopie libertarienne projette d’une part la logique du marché sur tous les aspects du vivre ensemble – et pas seulement sur la sphère économique – et d’autre part, la défense des libertés individuelles en une lutte contre l’État. Le libertarianisme se présente ainsi comme un libéralisme d’opposition au pouvoir existant et d’exploration d’un autre possible. (Sébastien Caré, Les libertariens face au pluralisme des valeurs, 2012)

Informations complémentaires

Notes et références

  1. Glenn Negley, J. Max Patrick, 1952, dir., "The Quest for Utopia", New York: Schuman

Bibliographie

  • 1963, George Kateb, "Utopia and Its Enemies", New York: Free Press
  • 1966, Frank E. Manuel, dir., "Utopias and Utopian Thought", Boston: Houghton Mifflin
  • 1968,
    • George Kateb, "Utopianism: Utopias and Utopianism", In: David L. Sills, dir., "International encyclopedia of the social sciences", Vol 16, London: Macmillan and the Free Press, pp267-271
    • B. F. Skinner, "Utopianism: The Design of Experimental Communities", In: David L. Sills, dir., "International encyclopedia of the social sciences", Vol 16, London: Macmillan and the Free Press, pp271-275
  • 1983, Rael Isaac, Erich Isaac, "The Coercive Utopians: Social Deception by America's Power Players", Chicago: Regnery Gateway (Les auteurs présentent un exposé explosif des penseurs utopistes qui imposent la coercition gauchiste des écologistes extrêmes, des bureaucrates lénifiants, des administrateurs de fondations géantes trop bienveillants et du personnel des médias endormi.)
  • 2010 Susan Love Brown, "Utopian and Communitarian Experiments", In: Charles H. Lippy, Peter W. Williams, dir., "Encyclopedia of Religion in America". Washington, D.C.: CQ Press/Sage
  • 2015, Susan Love Brown, "From Utopian Socialism to Utopian Capitalism in the American Individualist Republic", In: Casey Harison, dir., "A New Social Question: Capitalism, Socialism, and Utopia", Cambridge: Cambridge Scholars Publishing, pp43-63

Articles connexes

Citations

  • Le libéralisme tend vers ce qui doit être sans égard pour ce qui est. (Lord Acton)
  • Le devoir des intellectuels libéraux est de préparer des utopies de rechange pour le jour où les politiques auront fait faillite ; les utopies d'aujourd'hui sont les réalités de demain. (Friedrich von Hayek)
  • Ce qui nous manque, c’est une utopie libérale, un programme qui ne semble être ni une simple défense des choses existantes ni une forme diluée de socialisme, mais un véritable radicalisme libéral qui n’épargne pas les susceptibilités des puissants (y compris les syndicats), qui ne soit pas strictement pratique, et qui ne se confine pas à ce qui semble aujourd’hui politiquement possible. Nous avons besoin de leaders intellectuels qui soient préparés à résister aux flatteries des gens puissants et influents, qui aient envie de travailler pour un idéal, aussi faibles soient les perspectives de sa prochaine réalisation. (Friedrich von Hayek)
  • Le libéralisme a toujours laissé aux socialistes le soin de fabriquer des utopies, et c’est à cette activité utopique ou utopisante que le socialisme a dû beaucoup de sa vigueur et de son dynamisme historique. Eh bien, le libéralisme a besoin, lui aussi, d’utopie. À nous de faire des utopies libérales, à nous de penser sur le mode du libéralisme, plutôt que de présenter le libéralisme comme une alternative technique de gouvernement. (Michel Foucault, Collège de France, 1979, Naissance de la biopolitique)
  • Bien que Marx se revendique comme un « socialiste scientifique », méprisant tous les autres socialistes qu'il rejette comme moralistes et « utopiques », il est clair que Marx lui-même était bien plus dans la tradition messianique utopique que ses concurrents utopistes. Car Marx n'a pas seulement cherché une société future qui mettrait un terme à l'histoire : il a prétendu avoir trouvé le chemin vers cette utopie inévitablement déterminée par les « lois de l'histoire ». (Murray Rothbard)
  • L’utopie n’est astreinte à aucune obligation de résultats. Sa seule fonction est de permettre à ses adeptes de condamner ce qui existe au nom de ce qui n’existe pas. (Jean-François Revel, La Grande parade, 2000)
  • Quant au reproche d'utopisme [à l'égard du libéralisme], il mérite aussi des distinctions car il y a des utopies réalistes et des utopies mystificatrices. Ces dernières sont celles qui supposent pour fonctionner que les hommes sont différents de ce qu'ils sont, celles qui rêvent de « l'homme nouveau » et qui, par inspiration constructiviste, croient possible d'établir une société idéale où l'on pourrait forcer la réalité à être différente de ce qu'elle est. (Pascal Salin, Libéralisme, 2000)
  • La tendance utopique de l'idéologie est l'élément dominant qui la conduit au terrorisme totalitaire. Tendue vers un ordre impossible, elle refuse les échecs obligatoires auxquels elle se heurte, elle rejette en bloc tout réalisme, elle ignore les hommes et les choses tels qu'ils sont et elle poursuit sa voie au mépris des faits. (Jean-Philippe Delsol, Le péril idéologique)
  • Le Socialisme compte une foule innombrable de sectes. Chacune d'elles a son utopie, et l'on peut dire qu'elles sont si loin de s'entendre, qu'elles se font une guerre acharnée. Entre l'atelier social organisé de M. Blanc, et l'anarchie de M. Proudhon, entre l'association de Fourier et le communisme de M. Cabet, il y a certes aussi loin que de la nuit au jour. Comment donc des chefs d'école se rangent-ils sous la dénomination commune de socialistes, et quel est le lien qui les unit contre la société naturelle ou providentielle ? Il n'y en a pas d'autre que celui-là : Ils ne veulent pas la société naturelle. Ce qu'ils veulent, c'est une société artificielle, sortie toute faite du cerveau de l'inventeur. (Frédéric Bastiat)
  • Les premières mesures modernes prises en Utopie sont généralement aussi coercitives que la prohibition. Comme je l’ai dit, elles sont despotiques, car l’ensemble du dessein est despotique. Despotique parce qu’il s’agit d’un rêve, or un homme est toujours seul dans son rêve. Tout ce que nous appelons « utopie » n’est autre que l’expression plutôt évasive et vague du sentiment naturel, enfantin et romantique que traduit « Si j’étais roi ». (Gilbert Keith Chesterton)
  • Tous les utopistes concluent au despotisme, parce qu’ils savent bien que, par la liberté, les sociétés arriveront à l’application des lois qui régissent la nature de l’homme, et qu’eux ont pour but la violation de ces lois. (Yves Guyot)
  • Seule la victoire change a posteriori l'utopie en réalisme. (Piero Gobetti)
  • Une utopie qui s'incarne devient un cauchemar. (Evgueni Zamiatine)
  • Cette capacité infinie d’auto-justification du totalitarisme utopique, par opposition au totalitarisme direct, explique qu’aujourd’hui encore tant de ses serviteurs estiment ne devoir éprouver ni honte ni regret. Juchés sur une utopie à leurs yeux immaculée, ils s’absolvent des crimes dont ils ont été les angéliques complices au nom des idéaux qu’ils ont sans vergogne piétinés. (Jean-François Revel)
  • Le véritable homme n'est pas dans l'avenir, il n'est pas un but, un idéal vers lequel on aspire ; mais il est ici, dans le présent, il existe réellement : quel que je sois, quoi que je sois, joyeux ou souffrant, enfant ou vieillard, dans la confiance ou dans le doute, dans le sommeil ou la veille, c'est Moi. Je suis le véritable homme. (Max Stirner)


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