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Paradigme

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Un paradigme est une théorie suffisamment élaborée et formalisée par des scientifiques pour servir de modèle. L'idée de paradigme scientifique, développée par le physicien et historien des sciences Thomas Kuhn, est de présenter la science comme un processus non linéaire dans son accumulation de connaissances scientifiques.

Les financements publics en science incitent à la domination sur-prolongée d'un paradigme

La progression de la science passe par des périodes normales puis par des phases de changements de paradigme. Au cours de ces changements, de nouvelles idées radicales émergent et renversent les anciennes façons de comprendre le monde en utilisant quelquefois d'autres méthodes. L'ordre du jour de la recherche scientifique s'impose alors pour une période prolongée. Ce mouvement scientifique est "établi" (institutionnalisé) tant qu'il est dominant sur la scène scientifique.

Les raisons de la chute de l'ancien paradigme sont multiples. Les périodes de science normale sont attirantes dans un premier temps car elles regroupent de plus en plus de chercheurs. Puis, ces derniers sont lassés par la banalité de la recherche car leur nature intellectuelle les poussent à la curiosité épistémique. Ensuite, le nouveau paradigme laisse apparaître quelques défaillances au niveau scientifique. De plus, les rendements décroissants commencent à s'installer car il y a de moins en moins de choses à découvrir grâce à ce paradigme avec des efforts financiers de plus en plus importants à fournir.

Or, certaines recherches nécessitent des installations et des équipements qui coûtent beaucoup d'argent. Par conséquent, les incitations financières dans le même paradigme diminuent particulièrement dans le secteur privé. Lorsque la science est financée par le secteur public, les réactions sont plus lentes. Répondant au critère du coût d'opportunité, une augmentation des dépenses dans un domaine signifie une réduction des dépenses dans un autre. Or, les décisions des dépenses publiques sont beaucoup moins réactives aux coûts d'opportunité par rapport aux comportements que peuvent avoir des acteurs privés dans le même cas de figure. Car, les budgets privés sont contrôlés logiquement par des actionnaires privés qui connaissent le prix du temps et dont les processus de changement de décision sont moins lourds que pour les décisions des dépenses publiques. Ces dernières sont généralement institutionalisées dans un processus de vote budgétaire annuel voire pluriannuels. Au contraire, un acteur privé peut choisir à tout moment le bon usage de son argent. Le contribuable est contraint, malgré lui, de financer les recherches publiques obsolètes.

Cependant, des recherches dans un nouveau paradigme rencontrent des risques d'être moins performantes a priori que celles qui sont établies depuis un certain temps. Par conséquent, et malheureusement, la plupart des sources de financement, qu'elles soient gouvernementales ou privées, sont par nature conservatrices et financent ce qui est déjà établi plutôt qu'elles ne lancent de nouvelles recherches. Il y a toujours un risque que le nouveau paradigme ne tienne pas ses promesses escomptées. Et aussi, les scientifiques ont tendance à protéger leur territoire de connaissances, comme s'il s'agissait d'une propriété privée, contre les nouvelles idées qui pourraient les évincer au profit d'autres scientifiques. Il s'agit d'un mécanisme connu par l'école des choix publiques, par le mécanisme de la recherche de rentes.

La politisation de la science a des effets de statu quo sur les changements de paradigme ou d'orientations idéologiques

Michael Polanyi dans son ouvrage, "La logique de la liberté", prévient que la science est affaiblie lorsque des objectifs de la recherche sont orientés en dehors des limites de la vérité scientifique. La science est alors transformée en idéologie politique. Pour preuve, ces dernières années, des dépenses publiques en augmentation dans la recherche sur le changement climatique et l'énergie verte.

Le mécanisme du financement de la recherche scientifique par l'État crée des effets pervers de comportement. Comme les besoins en financement des scientifiques croient plus vite que le budget alloué, il se crée alors une concurrence sur les subventions allouées à la recherche. Les équipes scientifiques, y compris le personnel administratif dont le salaire est compris dans le budget de la recherche, passent plus de temps à rédiger des demandes de subvention et donc moins de temps en laboratoire à faire de la science. Le financement public de la science conduit à la politisation de celle-ci et donc, elle joue sur l'évolution ou pas des paradigmes.

Il est évident que lorsque les législateurs détiennent les cordons de la bourse, la science est complètement dépendante de leur bon vouloir et de leurs propres agendas calés sur les échéances électorales. Lorsque les travaux de certains scientifiques mettent en difficulté les intérêts politiques de certains législateurs, alors le financement de la science peut être soumis sournoisement à de nouveaux arbitrages. Par défaut, le législateur lambda préfère financer des recherches qui ne remettront pas trop en question le système scientifique dans son entier, d'où un conservatisme du paradigme.

Malheureusement, la politisation de la science s'introduit également dans la recherche privée. En effet, les bailleurs de fonds ont tous leurs propres ensembles d'incitations qu'ils soient publics ou privés. Dans le domaine de la recherche publique, même un panel de scientifiques complètement neutres et hautement qualifiés n'aura pas les connaissances et la réactivité nécessaires pour déterminer les meilleures directions à prendre en science. Il faut laisser la place aux acteurs polycentriques. Cependant, même la structure de financement privée la mieux conçue au monde subit toujours une certaine pression de la part des législateurs. Pour illustration, les entreprises financent généralement la recherche de nouveaux produits qui ne doivent pas tomber sous l'œil correctionnel du régulateur. Aussi, la politisation de la science de gauche comme de droite a des conséquences conservatrices sur les paradigmes alors que ceux-ci devraient être laissés sous l'emprise libre des chercheurs.

Bibliographie

  • 1962, Thomas S. Kuhn, "La structure des révolutions scientifiques",
    • Traduit en français en 1983, Paris, Flammarion