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Robert Nozick

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Robert Nozick
Philosophe

Dates 1938-2002
Robert Nozick
Tendance Minarchiste
Nationalité États-Unis États-Unis
Articles internes Autres articles sur Robert Nozick

Citation « L'imposition est sur un pied d'égalité avec les travaux forcés. »
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Robert Nozick (16 novembre 1938 - 23 janvier 2002) était un philosophe américain. Il a enseigné la philosophie à l'université Harvard et est devenu célèbre pour son ouvrage Anarchie, État et Utopie.

Biographie

Il devient célèbre en écrivant Anarchie, État et Utopie [PUF, collection libre-échange], où il prend notamment la défense d'un État ultra-minimal. Il base son analyse sur la notion de droit de propriété de John Locke. Il est l'inventeur du terme proviso lockéen.

Son statut d'universitaire lui a valu alors d'être considéré comme le principal théoricien du mouvement libertarien (bien qu'il y ait été initié par Rothbard, comme il le raconte lui-même dans le livre et qu'il délaissa par la suite la philosophie politique, comme le signale Rothbard dans L'Éthique de la liberté).

Il était pour beaucoup l'opposant principal à John Rawls, son collègue de Harvard. C'est donc habituellement à Nozick que se réfèrent les adversaires des libertariens, oubliant ou ne connaissant pas les autres auteurs majeurs de ce mouvement.

Critique des théories de la justice distributive à pattern

Les « théories à motif » (patterned theories of justice) sont une catégorie que Robert Nozick forge dans Anarchy, State, and Utopia (1974). Elles désignent les conceptions de la justice distributive qui exigent que la répartition des ressources ou des biens dans une société corresponde en permanence à un certain motif prédéfini (pattern).

Exemples de motifs :

  • Égalité stricte : chacun doit avoir la même part.
  • Proportion au mérite : chacun reçoit selon son effort ou sa contribution.
  • Proportion au besoin : chacun reçoit selon ce dont il a besoin.
  • Maximin de Rawls : les inégalités sont acceptables seulement si elles améliorent la situation des plus défavorisés.

Dans toutes ces approches, ce qui compte est l’instantané de la répartition : est-elle conforme au modèle choisi ?

Pour Nozick, ces théories « à motif » sont intenables, car maintenir en permanence une telle distribution suppose :

  • Un contrôle constant de toutes les transactions privées (dons, échanges, ventes, héritages).
  • Une intervention coercitive de l’État pour redistribuer dès qu’un écart apparaît.

Son exemple célèbre : si Wilt Chamberlain, joueur de basket, reçoit volontairement une somme supplémentaire de millions de spectateurs, la répartition initiale (même si elle était égalitaire) devient aussitôt « non conforme au motif ». Maintenir le motif exigerait de lui retirer ses gains, ce qui viole la liberté contractuelle et le droit de propriété des individus.

En bref, une théorie à motif de la justice est une conception qui juge la répartition des biens en fonction d’un schéma prédéfini (égalité, mérite, besoin, etc.), alors que Nozick défend une conception procédurale : ce qui compte n’est pas la forme du résultat, mais que les acquisitions et transferts aient été faits selon des règles justes (sans coercition ni fraude).

La méthode nozikienne : anti-coercition intellectuelle

Nozick s’oppose à ce qu’il appelle la « coercive philosophy », c’est-à-dire l’idée qu’un philosophe devrait imposer ses conclusions en enfermant le lecteur dans un raisonnement contraignant. Sa démarche privilégie l’explication : ouvrir un champ de possibles, montrer les avantages et les limites de chaque option, inviter le lecteur à cheminer et à décider par lui-même. Cette attitude intellectuelle fait écho à son éthique politique : tout comme les droits individuels protègent contre l’usage de la force, la discussion philosophique doit respecter la liberté de refuser.

Un exemple significatif se trouve dans sa réflexion sur le libre arbitre. Nozick ne prétend pas résoudre définitivement le débat séculaire entre déterminisme et liberté. Il propose plutôt une série de modèles, dont l’idée que la volonté peut « suivre la meilleure piste » (tracking bestness),—et montre comment chacun éclaire certains aspects du problème. Le lecteur est ainsi guidé à travers un paysage de possibilités, sans être forcé d’adopter une solution unique.

C’est là le cœur de la méthode nozikienne : une anti-coercition intellectuelle qui n’a rien de circonstanciel. Elle traverse son travail en métaphysique, en éthique ou en philosophie de la connaissance, et manifeste un respect profond pour l’autonomie de l’esprit humain.

La cuve et l’apport de Nozick

Dans Philosophical Explanations (1981), Robert Nozick mobilise le scénario de la philosophie sceptique du cerveau dans une cuve[1] pour montrer que la connaissance n’exige pas d’éliminer toutes les hypothèses radicales. Grâce à sa théorie du tracking, Il affirme que nous pouvons savoir des choses concrètes (par exemple que nous lisons une revue), même si nous ne pouvons pas prouver que notre expérience n’est pas intégralement fabriquée par une simulation artificielle. Autrement dit, le savoir « suit » les faits réels dans les mondes proches, mais pas dans les scénarios lointains et artificiels.

Si l’on transpose cette réflexion dans une lecture libertarienne, la cuve devient plus qu’une simple expérience sceptique : elle préfigure l’état d’hétéronomie[2] qu’impose une autorité extérieure. Comme le scientifique qui alimente le cerveau par des électrodes, l’État peut créer des conditions de vie « sécurisées » mais illusoirement libres, où l’individu croit choisir mais subit en réalité une programmation.

L’apport de Nozick est alors double :

  • 1. Sur le plan épistémologique, il desserre l’étau du scepticisme en montrant qu’on peut conserver du savoir, même si l’on est incapable d’écarter les scénarios extrêmes où toute notre expérience serait artificiellement produite.
  • 2. Sur le plan politique (par prolongement), son anti-coercitivisme éclaire l’analogie : sortir de la cuve, c’est sortir des illusions imposées, retrouver une relation directe avec la réalité et assumer la responsabilité de ses choix.

Informations complémentaires

Notes et références

  1. L’expression « cerveau dans une cuve » (brain in a vat) est une expérience de pensée développée en philosophie de l’esprit et en épistémologie. Elle imagine un cerveau humain isolé dans un récipient, maintenu en vie et relié par des électrodes à un superordinateur qui simule toutes les perceptions du monde extérieur. Le sujet aurait alors l’illusion parfaite de vivre dans une réalité, alors qu’il n’est en fait qu’un cerveau stimulé artificiellement. Ce scénario sert à interroger la possibilité du savoir : si une telle situation était vraie, comment pourrions-nous prouver que nous ne nous y trouvons pas ?
  2. Le terme « hétéronomie » vient du grec heteros (autre) et nomos (loi). Être dans un état d’hétéronomie signifie que nos actions ou nos choix sont déterminés par une règle, une autorité ou une volonté extérieure plutôt que par notre propre raison ou notre libre arbitre. En philosophie morale (notamment chez Kant), l’hétéronomie s’oppose à l’autonomie : l’individu hétéronome agit non pas en fonction de principes qu’il s’est donnés lui-même, mais sous l’influence de pressions sociales, de désirs, de récompenses, de menaces ou de lois imposées de l’extérieur. Dans une perspective libertarienne, l’« état d’hétéronomie » renvoie à une situation où l’individu n’est plus souverain de ses choix, parce que des contraintes politiques, médicales ou économiques imposées par autrui se substituent à sa propre responsabilité.

Publications

  • 1969, "Coercion", In: S. Morgenbesser, P. Suppes, M. White, dir., "Philosophy, Science, and Method", New York: St. Martin’s
  • 1971, "On the Randian Argument", The Personalist, Vol 52, n°2, spring, pp282–304
    • Repris en 1981, In: Jeffrey Paul, dir., "Reading Nozick, Essays on Anarchy, State, and Utopia", Totowa: Rowman and Allanheld, pp206–231
    • Repris en 1997, In: Robert Nozick, dir., Socratic Puzzles, Cambridge, MA: Harvard University Press, pp249–264
    • Traduction française par Hervé de Quengo, De l'argument randien.
  • 1973, Distributive Justice, Philosophy and Public Affairs, Fall, pp45-126
  • 1974, "Anarchy, State and utopia", New York: Basic Books
    • Traduction en espagnol en 1988, Anarquía, estado y utopía, Fondo de Cultura Económica, México
    • Traduction en français en 1991 d'E. d’Auzac de Lamartine et de P. E. Dauzat, Anarchie, État et utopie, PUF, collection "Libre-échange"
  • 1977, "On Austrian Methodology’'", Synthese, Vol 36, pp353-392
  • 1981, "Philosophical Explanations", Cambridge, Mass.: Harvard University Press
  • 1989, Examined Life: Philosophical Meditations, New York: Simon and Schuster
  • 1993, The Nature of Rationality, NJ: Princeton University Press
  • 1994, "Invisible-Hand Explanations", Amercian Economic Review (Papers and Proceedings of the 106th meeting), Vol 84, pp314–318
  • 1997, "Socratic Puzzles", Cambridge, MA: Harvard University Press
  • 2001, Invariances, The Bellknap Press of Harvard University Press
  • 2006, The State, In: Edward P. Stringham, Dir., Anarchy and the Law. The Political Economy of Choice, Ch 10, Cheltenham UK: Edward Elgar

Littérature secondaire

Pour voir les publications qui ont un lien d'étude, d'analyse ou de recherche avec les travaux et la pensée de Robert Nozick : Robert Nozick (Littérature secondaire)

Voir aussi

Liens externes


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