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Le destructionnisme
Le Socialisme, Étude économique et sociologique | |
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Die Gemeinwirtschaft: Untersuchungen über den Sozialismus | |
Auteur : Ludwig von Mises | |
Genre | |
économie, sociologie | |
Année de parution | |
1922 | |
La société est le produit de la volonté et de l'action, pas d'une planification collectiviste. | |
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Le destructionnisme constitue la cinquième partie de l'ouvrage Le Socialisme de Ludwig von Mises.
CH I : Les facteurs du destructionnisme
Le socialisme n'est pas en réalité ce qu'il prétend être. Il ne construit pas, il démolit. Il est dans la nature de l'économie capitaliste qu'on renouvelle constamment le capital. Le socialisme et le destructionnisme entendent choisir une autre méthode, qui consiste à consommer le capital pour enrichir le présent aux dépens de l'avenir. L'originalité et l'importance historique du marxisme résident uniquement dans le domaine de la technique politique. Les partis politiques qui lui doivent leur naissance et ceux qui prennent pour modèles les partis marxistes s'en sont toujours tenus à cette conception. Ils ont érigé l'agitation, la conquête des votes et des âmes, la propagande électorale, les manifestations de rues, la terreur, en techniques dont l'apprentissage exige une étude approfondie pendant des années.
L'art romantique et social du XIXe siècle a frayé la voie au destructionnisme socialiste. Le romantisme est une révolte de l'homme contre la raison aussi bien que contre les conditions de vie que lui a imposées la nature. Plongé dans le confort de la vie des grandes villes européennes, le romantique aspire à être un radjah hindou, un bédouin, un corsaire ou un troubadour. Ce furent des écrivains de second ou de troisième plan qui introduisirent dans la littérature les types du capitaliste et de l'entrepreneur sanguinaires et du noble prolétaire.
CH II : Les méthodes du destructionnisme
Parmi les moyens auxquels recourt la politique destructioniste, la protection légale du travail apparaît dans ses effets directs comme le plus inoffensif. Pour les écrivains étatistes, la grande industrie éprouve une répulsion particulière à utiliser les forces de travail les meilleures. Elle préfère aux ouvriers de métier, ayant fait un apprentissage complet, les manœuvres non qualifiés, les faibles femmes et les enfants. A ses débuts la fabrique n'avait pas pu faire autrement que d'embaucher des femmes et des enfants car il lui était impossible de recruter des hommes qualifiés. Lorsque la concurrence qu'elle fit aux ateliers et aux manufactures lui permit de faire appel aux ouvriers qualifiés qui y étaient jadis occupés et de triompher des anciennes méthodes de travail, elle transforma ses procédés de production de telle sorte que le travail des ouvriers qualifiés y prit la première place et que l'emploi des femmes et des enfants y joua un rôle sans cesse moins important. Le taux des salaires s'éleva parce que le rendement de ces ouvriers était supérieur à celui des ouvrières et des enfants.
La diminution de la journée de travail et la limitation du travail des femmes et des enfants, telles qu'elles avaient été réalisées à la veille de la guerre mondiale, ne constituent pas du tout des conquêtes arrachées par la protection légale du travail à l'égoïsme des entrepreneurs : elles sont le résultat de l'évolution de la grande industrie.
L'assurance sociale constitue la clef de voûte du programme de l'étatisme allemand. Mais même hors d'Allemagne on a pris l'habitude de considérer l'assurance du travail comme le couronnement de l'art politique et de la sagesse économique. Aucune communauté organisée n'a laissé périr de faim les pauvres incapables de travailler. Cependant, les cotisations d'assurance retombent toujours en définitive à la charge des salaires, qu'elles soient acquittées par les entrepreneurs ou par les ouvriers. L'assurance contre la maladie entretient la maladie. Le désir et la nécessité de recouvrer rapidement la santé pour pouvoir reprendre son travail favorisent la guérison d'une façon extraordinaire et même objectivement constatable. L'assurance sociale a fait de la névrose des assurés la plus dangereuse maladie du peuple.
L'opinion publique croit que les faits ont démontré que le syndicalisme est capable d'améliorer la condition des travailleurs parce que le niveau de vie des masses s'est élevé d'une façon continue au cours du dernier siècle. Mais les économistes expliquent tout autrement ce fait. Selon eux cette amélioration doit être attribuée aux progrès du capitalisme, à l'accumulation progressive du capital, et à l'accroissement de la productivité marginale du travail qui en est la conséquence. La fonction destructioniste du syndicalisme n'a jamais été contestée sérieusement.
On n'a jamais réussi à édifier une théorie des salaires démontrant que les associations syndicales permettent d'obtenir un relèvement durable du revenu réel des travailleurs. L'idée qui a conduit à la création de l'assurance contre le chômage est la même dont procède l'assurance contre la maladie et les accidents. L'on n'a pas compris que le problème ne réside pas dans le fait que le chômeur ne peut absolument pas trouver de travail mais dans le fait qu'il n'est pas disposé à travailler pour le salaire qu'il pourrait obtenir sur le marché. Le chômage est une question de salaire et non de travail. Ainsi c'est à la protection des chômeurs qu'est due l'existence du chômage.
Dans l'ensemble le résultat des étatisations et municipalisations fut qu'on dut subventionner les services au moyen de l'argent des contribuables. Pour le libéralisme qui n'assigne à l'État qu'une seule tâche, celle d'assurer la sécurité de la personne et de la propriété des citoyens, c'est un problème de peu d'importance que de rassembler les moyens nécessaires à la gestion des affaires publiques. Un taux bas des impôts est une partie intégrante de tout programme fiscal libéral. Le programme financier des socialistes n'est lui aussi qu'un programme provisoire, valable seulement pour la période de transition mais ils sont amenés à se préoccuper de l'augmentation des revenus de l'État : les socialistes considèrent qu'un impôt est d'autant meilleur qu'il rend davantage. Les impôts doivent être payés par les riches, les entrepreneurs, les capitalistes, en un mot par les autres ; les travailleurs, c'est-à-dire les électeurs dont le vote seul importe, doivent en être exempts. Les lois fiscales n'ont plus pour but exclusif ou principal l'augmentation des revenus de l'État. On établit des impôts qui apparaissent comme une pénalisation infligée à une activité considérée comme nuisible.
Ce qui sépare le marxisme, le national-socialisme et les autres parti anti-capitalistes, ce ne sont pas seulement, il est vrai, des hostilités de clans, des différences d'humeur ou des oppositions personnelles, des mots et des formules, ce sont aussi des questions touchant la métaphysique et la conception de la vie. Mais dans tous les problèmes décisifs concernant l'organisation de la société, ils sont tous d'accord : ils repoussent la propriété privée des moyens de production et aspirent à créer un ordre social fondé sur l'économie collective.
CH III : La lutte contre le destructionnisme
La défense de la propriété privée et la lutte contre les tendances socialistes n'a rien à voir avec la défense des intérêts particuliers de certains entrepreneurs ou de tous les entrepreneurs. Les entrepreneurs ont intérêt à se coaliser pour pouvoir présenter un front commun dans les discussions concernant les salaires qu'ils ont avec la classe ouvrière organisée en syndicats. L'entrepreneur par définition doit toujours s'adapter aux conditions économiques du moment. Ce que l'entrepreneur désire ce n'est pas combattre le socialisme mais s'adapter à la politique qui tend au socialisme. Le libéralisme lui est indifférent quand il ne le combat pas ouvertement comme c'est le cas en matière de politique douanière. Il n'existe pas d'individus ni de classes dont les intérêts particuliers soient ceux du capitalisme.
Le libéralisme est une politique de l'intérêt général, ce qui ne signifie pas qu'il exige que l'individu sacrifie ses intérêts personnels ; il lui demande seulement de tenir compte de la nécessité de créer une harmonie entre tous les intérêts particuliers qui doivent se fondre dans l'intérêt général. C'est une erreur de croire que les expériences malheureuses que l'on a faites du socialisme peuvent aider à les vaincre. Les faits en eux-mêmes ne suffisent pas à prouver ou réfuter n’importe quoi ; tout dépend de l'interprétation qu'on en donne, c'est-à-dire des idées et des théories. Les partisans du socialisme continueront à attribuer à la propriété privée tous les maux de ce monde et à attendre le salut du socialisme. Les échecs du bolchevisme russe sont attribués par les socialistes à toutes les causes possibles, excepté à l'insuffisance du système.
On ne peut vaincre des idées que par des idées. Seules les idées du libéralisme peuvent triompher du socialisme. Le libéralisme s'adresse à la froide raison, et progresse selon la stricte logique, en écartant délibérément tout appel au sentiment. Le socialisme, au contraire, cherche à agir en suscitant des passions. Les premiers socialistes furent les intellectuels ; ce sont eux, et non les masses, qui sont les supports du socialisme. Si les intellectuels se détournaient du socialisme, c'en serait fait de sa puissance. Le socialisme voit les individus - des affamés, des chômeurs, des riches - et exerce une critique fragmentaire ; le libéralisme ne perd jamais de vue l'ensemble et l'interdépendance des phénomènes.
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