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Glenn Pearson
Glenn L. Pearson (1910-1990) fut professeur au College of Religious Instruction de Brigham Young University et enseignant au sein du Church Education System de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. Il publia plusieurs articles dans la revue The Freeman, où il développa une réflexion originale à la croisée de la religion, de la morale et de l’économie. Défenseur d’une société libre fondée sur la responsabilité individuelle, la charité volontaire et la discipline morale, il s’est construit intellectuellement, discrètement dans la mouvance des voix libérales américaines marquées par l’héritage d'Alexis de Tocqueville, de Frédéric Bastiat et Ludwig von Mises.
Repères biographiques et académiques
Parcours universitaire et carrière
Glenn Pearson a consacré l’essentiel de sa vie professionnelle à l’enseignement religieux et à la diffusion des idées libérales dans le contexte américain de la seconde moitié du XXᵉ siècle. Professeur au College of Religious Instruction de Brigham Young University (BYU), il forma plusieurs générations d’étudiants à la croisée de la théologie, de la philosophie politique et des sciences sociales. Son rôle d’enseignant se prolongea également au sein du Church Education System de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, où il participa à la mission éducative mormone en insistant sur l’unité entre la foi et la responsabilité civique.
Parallèlement à ses activités universitaires, Pearson mena une œuvre d’écriture dans les pages de la revue The Freeman, organe de la Foundation for Economic Education (FEE). Entre les années 1960 et 1980, il y publia une série d’articles où il commentait, avec pédagogie et vigueur, les grandes questions du libéralisme économique, de la liberté religieuse et du rôle limité de l’État. Ces contributions lui permirent de s'insérer dans le paysage intellectuel conservateur et libéral américain.
Contexte intellectuel
La pensée de Glenn Pearson s’enracine d’abord dans la tradition religieuse mormone, qui insiste sur l’importance de la responsabilité individuelle, du libre arbitre et de la charité volontaire. Pour lui, une société juste ne peut se construire par la contrainte étatique mais par l’engagement moral des individus au service de leurs proches et de leur communauté.
Sur le plan académique, Pearson s’était familiarisé avec les sciences sociales, mais il ne cacha jamais son désaccord profond avec la vision socialiste qui dominait, selon lui, dans une partie de l’université américaine. Ses étudiants, notait-il dans un article de 1965, avaient souvent été formés à considérer la démocratie comme synonyme de redistribution et de planification, et voyaient dans l’économie de marché une conspiration d’intérêts privés.
Enfin, sa pensée s’inscrit dans la filiation du libéralisme classique. Pearson cite régulièrement Frédéric Bastiat, dont La Loi servit de support pédagogique dans ses cours à BYU ; il s’appuie aussi sur Alexis de Tocqueville, qu’il considérait comme un observateur lucide des dérives égalitaristes et du rôle de l’État ; et il partage avec Ludwig von Mises la conviction que l’intervention étatique conduit inévitablement à l’érosion des libertés économiques et morales.
Principes fondamentaux de sa pensée libérale
1. La liberté comme valeur religieuse et morale. Au cœur de la pensée de Glenn Pearson se trouve la conviction que la liberté n’est pas seulement un principe politique ou économique, mais une réalité spirituelle. Enseignant au sein d’une université mormone, il liait constamment la liberté religieuse et la liberté civile. Dans un article de 1965[1], il affirmait que « religion et liberté sont aussi inséparables que la vie et le sang ». Pour lui, la Constitution américaine était inspirée d’une vision religieuse de l’homme : l’État devait rester limité afin de préserver le libre arbitre et la dignité des individus.
2. La responsabilité individuelle contre la dépendance à l’État. Pearson rejette toute forme de dépendance institutionnalisée. Dans ses textes publiés dans The Freeman, il revient souvent sur la nécessité de sauvegarder la responsabilité individuelle, menacée par les programmes sociaux. L’interventionnisme étatique, disait-il, produit une société d’assistés et détruit la force morale des individus : « Le socialisme tend à détruire l’élan de charité privée et la capacité de prendre soin de ses proches »[2]. Pour lui, les aides publiques engendrent un affaiblissement du caractère, bien plus grave que les difficultés matérielles elles-mêmes.
3. La charité volontaire comme fondement de la justice sociale. En contrepoint, Pearson défendait la charité volontaire comme seul moyen authentique de répondre aux besoins sociaux. Inspiré à la fois par les enseignements des mormons et par Frédéric Bastiat, il rappelait que seule une aide librement consentie possède une valeur morale. Les impôts redistributifs, qu’il qualifiait de « pillage légal », détruisent non seulement la liberté, mais aussi le sens même de la vertu. Dans son esprit, la prospérité matérielle doit être comprise comme un « sous-produit de l’élévation spirituelle », une idée qu’il rapprochait de celle d'Alexis de Tocqueville.
4. La défense de la propriété privée comme socle de la société libre. Pearson considérait la propriété comme la garantie ultime de la liberté individuelle. Toute brèche ouverte par l’État dans le droit de propriété équivaut, selon lui, à une marche vers le socialisme intégral. Dans Mixed Economies: A No-Man’s Land[3], il soutient que donner à l’État le pouvoir de redistribuer une partie de la richesse, c’est en réalité lui donner le pouvoir de redistribuer la totalité : « Il n’y a pas de demi-mesure ; nous avons ouvert la porte à tout le pouvoir, même quand nous pensions n’en avoir cédé qu’une partie. »
5. La critique du socialisme équivalent à un système destructeur. Enfin, la critique du socialisme occupe une place centrale. Pearson le décrit comme un système qui « mange le grain de lq semence », selon sa formule de novembre 1982[4]. Par cette image, il souligne que le socialisme consomme les bases mêmes de la prospérité (l’épargne, l’investissement, l’autodiscipline) en privilégiant une logique de consommation immédiate. À ses yeux, c’est là une trahison des vertus fondamentales (la frugalité, la prévoyance, la charité volontaire) enseignées par les grandes traditions religieuses.
Socialisme, charité et décadence morale
- La primauté des conséquences morales sur les effets économiques. Pour Pearson, les effets économiques du socialisme sont réels (inefficacité, gaspillage, stagnation) mais ils demeurent secondaires face à ses conséquences morales. Dans son article How Socialism Affects Charity[5], il affirme que « les conséquences économiques du socialisme pâlissent devant ses conséquences morales ». Autrement dit, l’érosion de la liberté intérieure et de la responsabilité est un désastre plus grave que la pauvreté matérielle, car elle détruit les fondements mêmes d’une société libre.
- La destruction de l’élan charitable. L’un des effets les plus pernicieux du socialisme, selon Pearson, est l’étouffement de la charité volontaire. Lorsque l’État s’arroge la mission d’assister les pauvres, les individus perdent à la fois l’habitude et le désir de le faire par eux-mêmes. Cette substitution institutionnelle déshumanise la relation d’aide et prive l’homme de l’exercice vertueux de la générosité. L’impôt redistributif devient un frein moral : les citoyens ne voient plus les nécessiteux comme une responsabilité personnelle, mais comme un problème bureaucratique.
- L’exemple de la fiscalité et des obstacles à la solidarité privée. Pearson illustre ce mécanisme en évoquant les règles de l’IRS (Internal Revenue Service), qui décourage la charité privée par une fiscalité complexe et restrictive. Les déductions n’étant accordées que pour des organisations reconnues, un individu qui souhaite aider directement un voisin ou un proche malade est souvent pénalisé. Pearson raconte le cas d’un père ayant dépensé plus de 50 000 dollars pour soigner son fils atteint d’une grave maladie oculaire, mais qui, à cause des règles fiscales et sociales, fut lourdement désavantagé. Cet exemple, publié en 1982, montre comment l’État peut transformer un acte de solidarité en fardeau économique et moral.
- Tocqueville et l’élévation spirituelle comme condition de prospérité. Dans sa critique du socialisme, Pearson s’appuie sur Alexis de Tocqueville[6]. Il cite le passage où Tocqueville souligne que les sociétés qui poursuivent des idéaux spirituels finissent par obtenir, comme sous-produit, la prospérité matérielle ; tandis que celles qui se fixent exclusivement sur la satisfaction des besoins matériels s’appauvrissent moralement et économiquement. Pearson reprend cette intuition pour montrer que le socialisme, en réduisant l’homme à un consommateur dépendant, engendre la décadence morale et, inévitablement, la pauvreté durable.
- La violence du « vol légal ». Pearson va jusqu’à qualifier la redistribution obligatoire de « vol légal », reprenant la terminologie de Bastiat (La Loi, 1850). Cette confiscation légale équivaut à une violence institutionnalisée, car elle retire aux individus non seulement leurs biens, mais aussi leur dignité morale de donateurs libres. Selon lui, cette violence bureaucratique engendre d’autres formes de violence sociale : la criminalité, la corruption et la perte de confiance mutuelle.
Publications
- 1965, "Religion and The Law", The Freeman, April, Vol 15, n°4, pp18-26 (Réactions d'étudiants au livre de Frédéric Bastiat, "La Loi")
- 1982,
- a. "How Socialism Affects Charity. Coercive sharing destroys the foundations of true charity", The Freeman, July, Vol 32, n°7, pp440-443 [lire en ligne]
- b. "Socialism Eats the Seed Grain. The tragedy of a system focused on consumption", The Freeman, November, Vol 32, n°11, pp694-699
- ↑ ("Religion and the Law", The Freeman, avril 1965
- ↑ "How Socialism Affects Charity", The Freeman, juillet 1982
- ↑ The Freeman, août 1982
- ↑ "Socialism Eats the Seed Grain"
- ↑ The Freeman, July, 1982
- ↑ "De la démocratie en Amérique", Livre II, 1840