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Errico Malatesta
Errico Malatesta était un important anarchiste italien du XIXe et du début du XXe siècle. Né le 14 décembre 1853 à Santa Maria Capua Vetere, dans le royaume des Deux-Siciles, décédé en 1932, il était un militant révolutionnaire engagé dans la lutte pour la justice sociale, la liberté individuelle et la solidarité internationale. Il a consacré sa vie à la promotion de l'anarchisme, défendant une vision de société sans État ni capitalisme, basée sur l'autogestion, la coopération volontaire et l'égalité. Son héritage comprend une riche collection d'écrits politiques, des actions directes et une influence durable mais critiquable sur le mouvement anarchiste mondial.
Jeunesse et premières expériences révolutionnaires
- . Origines familiales et premières influences. Errico Malatesta est issu d'une famille de propriétaires terriens de la classe moyenne, il a grandi dans un environnement où les idées politiques et sociales étaient discutées et débattues. Dès son adolescence, il a manifesté un vif intérêt pour les idées révolutionnaires et il s'est rapidement impliqué dans l'activisme politique. À l'âge de quatorze ans, il est arrêté pour avoir écrit une lettre considérée comme insubordonnée au roi Victor-Emmanuel II. Ces premières confrontations avec les autorités ont marqué le début de sa vie d'activiste politique et de militant révolutionnaire. Malgré son jeune âge, il a fait preuve d'une détermination et d'un engagement indéfectibles en faveur de la justice sociale et de la liberté.
- . Participation à l'insurrection de Benevento. En 1877, Malatesta participe à l'insurrection dans la province de Benevento, une tentative révolutionnaire visant à renverser le gouvernement en place. Aux côtés de Carlo Cafiero, Sergey Stepnyak-Kravchinsky et d'autres révolutionnaires, Malatesta prend part à la prise des villages de Letino et Gallo, où ils brûlent les registres fiscaux et proclament la fin du règne du roi. Bien que cette insurrection soit de courte durée et qu'ils soient rapidement arrêtés par les forces gouvernementales, cette expérience marque un tournant dans sa vie, renforçant sa détermination à lutter pour un changement social radical.
La vision de la révolution anarchiste
- . Conviction en une révolution sociale radicale et égalitaire. Errico Malatesta était profondément convaincu de la nécessité d'une révolution sociale radicale pour créer une société égalitaire. Il croyait fermement que les structures sociales et économiques existantes étaient intrinsèquement injustes et oppressives, et que seule une transformation révolutionnaire pouvait les renverser. Pour Malatesta, cette révolution devait être menée par les masses populaires elles-mêmes, sans l'intervention d'un parti politique ou d'une élite dirigeante. Il envisageait une société où chacun aurait une voix égale dans la prise de décision et dans l'utopie naïve où les inégalités sociales et économiques seraient abolies.
- . Critique du pouvoir étatique et du capitalisme. Errico Malatesta dénonçait l'État comme un instrument de domination des élites sur les masses, imposant ses lois et ses politiques par la force et la coercition. De même, il considérait, sans doute à tort, que le capitalisme est un système économique fondé sur l'exploitation et l'inégalité, où les profits des riches sont réalisés aux dépens des travailleurs exploités. Pour Malatesta, la révolution anarchiste impliquait non seulement l'abolition de l'État et du capitalisme, mais aussi la création de nouvelles formes d'organisation sociale basées sur la coopération volontaire, la solidarité et l'autogestion.
- . Promotion de l'autogestion et de la libre association comme alternatives à l'autorité coercitive. Errico Malatesta prônait la création de structures sociales décentralisées et horizontales, où les individus pourraient s'organiser librement pour répondre à leurs besoins communs sans être soumis à des hiérarchies ou des pouvoirs coercitifs. Pour Malatesta, cela signifiait la mise en place de formes d'organisation sociale telles que les coopératives, les syndicats ouvriers et les conseils ouvriers, où les décisions seraient prises de manière démocratique et participative par ceux qui sont directement affectés par elles.
Engagement pour la liberté individuelle et collective
- . Défense de la liberté comme principe fondamental de l'anarchisme. Pour Errico Malatesta, la liberté individuelle était sacrée et inaliénable, et devait être protégée contre toute forme d'oppression ou de coercition, que ce soit de la part de l'État ou d'autres formes d'autorité. Il croyait en la capacité des individus à s'auto-organiser et à prendre leurs propres décisions sans ingérence extérieure, ce qui était au cœur de sa vision anarchiste de la société.
- . Lutte contre toutes les formes d'oppression et de domination. Malatesta était également engagé dans la lutte contre le patriarcat, le racisme et d'autres formes de discrimination. Il reconnaissait que la liberté ne pouvait être pleinement réalisée tant que certaines personnes étaient opprimées en raison de leur sexe, de leur couleur de peau ou d'autres caractéristiques. En tant qu'anarchiste, il appelait à la solidarité et à l'unité entre tous les opprimés dans leur lutte commune pour la liberté et l'égalité.
- . Appel à l'émancipation individuelle et collective comme objectif central de la lutte anarchiste. Errico Malatesta croyait que la véritable liberté ne pouvait être réalisée que lorsque tous les individus étaient libérés des chaînes de l'oppression et de l'exploitation, et que la société dans son ensemble était transformée pour permettre à chacun de s'épanouir pleinement. Il appelait à une révolution sociale qui libérerait non seulement les individus de l'oppression économique et politique, mais aussi de toutes les formes d'aliénation et de domination, permettant ainsi à chacun de réaliser son plein potentiel en tant qu'être humain libre.
Approche pragmatique et stratégique
- . Adoption de tactiques variées pour atteindre les objectifs anarchistes. Errico Malatesta reconnaissait que la révolution anarchiste nécessitait une flexibilité tactique et une adaptation aux circonstances changeantes. Plutôt que de s'en tenir à une seule méthode, Malatesta préconisait l'utilisation de diverses tactiques pour atteindre les objectifs anarchistes, y compris la propagande, l'éducation populaire, les grèves, les manifestations et les insurrections. Cette diversité tactique permettait de mobiliser un large éventail de personnes et de s'adapter aux différentes situations sociales et politiques.
- . Importance de l'action directe et de l'autonomie des mouvements populaires. Pour Malatesta, l'action directe, c'est-à-dire l'intervention directe des individus et des groupes dans les affaires sociales et politiques sans recourir à des intermédiaires ou à des représentants, était essentielle pour affirmer la capacité des masses à se gouverner elles-mêmes. Il croyait que les mouvements populaires devaient rester indépendants de toute influence externe, y compris celle des partis politiques et des syndicats bureaucratisés, afin de préserver leur autonomie et leur potentiel révolutionnaire. Cette autonomie était cruciale pour maintenir l'esprit d'initiative et de responsabilité individuelle au sein du mouvement anarchiste.
- . Prudence dans l'utilisation de la violence et recherche d'une cohérence entre les moyens et les fins. Bien que Malatesta reconnaisse parfois la nécessité de la violence dans la lutte révolutionnaire, il faisait preuve de prudence quant à son utilisation. Il mettait en garde contre les dangers de la violence incontrôlée, qui pouvait corrompre les idéaux anarchistes et reproduire les formes d'oppression qu'elle cherchait à abolir. Pour Malatesta, les moyens devaient être cohérents avec les fins : la lutte pour une société libre et égalitaire ne pouvait justifier des actes de brutalité et de tyrannie. Il prônait une approche réfléchie de la violence, limitée à la résistance contre l'oppression, tout en soulignant l'importance de méthodes non violentes et constructives pour bâtir la nouvelle société. Malatesta aspirait à une révolution qui ne sacrifie pas ses idéaux de liberté et d'humanité sur l'autel de l'efficacité immédiate.
La complémentarité de la coopération et de la compétition
- . Critique de la coopération imposée. L'une des critiques majeures formulées par Errico Malatesta à l'encontre de la coopération imposée réside dans le risque de dogmatisme et de suppression des initiatives individuelles. Lorsque la coopération devient une norme rigide, elle peut étouffer les initiatives individuelles et imposer une uniformité qui va à l'encontre de la diversité des aspirations humaines. Malatesta souligne que toute idéologie ou pratique, lorsqu'elle est imposée sans flexibilité, peut devenir une forme de tyrannie, même si elle est initialement fondée sur des principes de solidarité et de soutien mutuel.
Dans un système où la coopération est obligatoire, les individus peuvent se retrouver contraints de conformer leurs actions et leurs pensées à une norme collective prédéterminée. Cette situation peut mener à une suppression de la créativité et de l'innovation, car les personnes sont moins libres de poursuivre des projets personnels qui pourraient diverger des objectifs collectifs. En outre, cette uniformité forcée peut créer un environnement où la dissidence et la critique sont mal vues, ce qui est antithétique à l'esprit anarchiste de liberté et de questionnement constant.
Malatesta préconise une coopération volontaire, fondée sur la liberté individuelle et l'adhésion consciente, plutôt que sur la contrainte. Il croit fermement que la véritable coopération doit émerger spontanément des aspirations et des besoins des individus. Ainsi, chaque individu doit avoir la possibilité de choisir de coopérer ou de suivre une voie différente, en fonction de ses convictions et de ses aspirations personnelles.
- . Importance de la compétition stimulante. Malatesta ne rejette pas la compétition en tant que telle, mais il souligne l'importance de la compétition stimulante comme un moteur de dynamisme et de vigilance. Dans une société anarchiste, la compétition ne doit pas être vue comme un antagonisme destructeur, mais comme un moyen d'encourager l'innovation, l'amélioration personnelle et collective, ainsi que la vigilance contre toute forme d'oppression.
La compétition, lorsqu'elle est saine et régulée, peut inciter les individus à se dépasser et à développer leurs talents uniques. Elle peut aussi favoriser un environnement où les idées sont constamment mises à l'épreuve, ce qui est essentiel pour éviter le dogmatisme et promouvoir une société vibrante et dynamique. En se concurrençant de manière constructive, les individus et les groupes peuvent trouver des solutions innovantes aux problèmes sociaux et économiques, tout en restant vigilants contre les tentatives d'imposer des structures de pouvoir coercitives.
Malatesta insiste sur le fait que la compétition doit être équilibrée par des valeurs de solidarité et de soutien mutuel. Il ne s'agit pas de promouvoir une compétition acharnée où chacun lutte pour sa propre survie, mais plutôt de reconnaître que la compétition peut être un stimulant positif lorsqu'elle est encadrée par des principes éthiques et sociaux qui privilégient le bien-être collectif.
En somme, Malatesta propose une vision où la coopération et la compétition ne sont pas mutuellement exclusives, mais peuvent coexister de manière complémentaire. La coopération doit être volontaire et basée sur la liberté individuelle, tandis que la compétition doit être stimulante et régulée pour encourager le progrès et maintenir une vigilance constante contre l'oppression. Cette approche à double face permet de maximiser la liberté humaine en favorisant un environnement où les individus sont libres de s'exprimer, de créer et de collaborer selon leurs propres termes.
La solidarité internationale et l'internationalisme
- . Engagement dans la solidarité internationale entre les mouvements anarchistes. Errico Malatesta était profondément engagé dans la solidarité internationale entre les mouvements anarchistes à travers le monde. Il reconnaissait que la lutte pour la liberté et l'égalité dépassait les frontières nationales et exigeait une coopération étroite entre les militants anarchistes de différents pays. Il était actif dans les réseaux anarchistes internationaux, participant à des congrès anarchistes et entretenant des correspondances avec des anarchistes du monde entier. Cette solidarité internationale renforçait le mouvement anarchiste en lui permettant de partager des idées, des tactiques et des expériences, et en créant un sentiment d'appartenance et de soutien mutuel parmi les militants.
- . Soutien aux luttes anticoloniales et aux mouvements de libération nationale. Malatesta était également un fervent défenseur des luttes anticoloniales et des mouvements de libération nationale. Il reconnaissait que l'impérialisme et le colonialisme étaient des formes d'oppression qui devaient être combattues aux côtés des peuples colonisés et opprimés. Il soutenait activement les luttes pour l'indépendance et l'autodétermination des nations colonisées, appelant à la solidarité internationale avec les peuples en lutte contre l'exploitation et la domination étrangère. Son internationalisme incluait donc une critique radicale de l'impérialisme et du colonialisme, ainsi qu'un soutien concret aux mouvements de libération nationale.
- . Critique du nationalisme et de l'impérialisme, et promotion d'une solidarité mondiale entre les opprimés. En même temps, Malatesta critiquait le nationalisme et l'impérialisme, qu'il considérait comme des obstacles à la solidarité mondiale entre les opprimés. Il dénonçait le nationalisme comme une idéologie qui divisait les travailleurs et légitimait les frontières artificielles entre les nations. De même, il condamnait l'impérialisme comme une forme d'exploitation économique et politique qui oppressait les peuples colonisés et menaçait la paix mondiale. Malatesta promouvait plutôt une solidarité mondiale entre les opprimés de toutes les nations, basée sur des valeurs universelles de liberté, d'égalité et de justice.
Littérature secondaire
- 1922, Max Nettlau, "Errico Malatesta: vita e pensieri", New York: II Martello
- 1934, Luigi Fabbri, dir., "Errico Malatesta. Scritti", Brussels: Risveglio
- 1947, Cesare Zaccaria, dir., "Errico Malatesta. Scritti scelti", Naples: RL
- 1951, Luigi Fabbri, "Malatesta: L’uomo e il pensiero", Naples: RL
- 1965, Vernon Richards, dir., "Errico Malatesta – His Life And Ideas", London: Freedom Press
- 1970, Gino Cerrito, dir., "Errico Malatesta. Scritti scelti", Rome: Samona & Savelli
- 1982, Gino Cerrito, dir., "Errico Malatesta. Rivoluzione e lotta quotidiana", Turin: Antistato
- 1992, Nunzio Pernicone, "Errico Malatesta 1853–1932", In: Robert Benewick, Philip Green, dir., "The Routledge Dictionary of Twentieth-Century Political Thinkers", London: Routledge, pp142-144