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Entrepreneur évasif

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L'entrepreneur évasif est un individu qui développe des moyens innovants pour contourner les lois et les réglementations avec multiples et diverses motivations. Indépendamment de la raison pour laquelle ils le font, ces entrepreneurs évasifs sont des innovateurs qui ne se conforment pas toujours aux normes sociales ou juridiques. La plupart des entrepreneurs évasifs défient leurs gouvernements pour s'échapper des contraintes administratives afin de pouvoir créer de nouveaux produits ou services. Certains parviennent à changer le monde, d'autres pas.

S'échapper des contraintes administratives

Les entrepreneurs évasifs cherchent à échapper aux contraintes administratives avec des institutions politiques, monétaires, réglementaires sous-développées, inexistantes ou qui limitent leurs possibilités de créer, de se sentir libre et de se développer. Ils souhaitent tout simplement esquiver la main saisissante de l'État[1] sur leur richesse relative et profiter d'une position moins contraignante qui souvent les paralyse. Ils se sentent contraints malgré eux mais légitimes d'entrer dans l'économie informelle[2] en frôlant ou en entrant directement dans l'illégalité[3]. Lorsque les règles formelles d’une société rendent coûteux l’échange volontaire entre individus, il n’est pas alors surprenant que des entrepreneurs commencent à investir du temps et des ressources pour déterminer comment contourner ces lois. Des lois et des réglementations oppressives, avec des coûts de mise en conformité élevés, imposent des charges disproportionnées aux petites et moyennes entreprises. Les entrepreneurs agissent alors de manière évasive. Par exemple, ils offrent des pots-de-vin pour obtenir des contrats ou pour éviter les exigences réglementaires. Ils surmontent les formalités administratives pour assurer la survie de l'entreprise, plutôt que de consacrer beaucoup de temps improductif à la mise en conformité.

Dans une économie dotée d'institutions saines, les activités entrepreneuriales évasives peuvent aider à faciliter des transactions mutuellement avantageuses entre les consommateurs et les producteurs. Mais si une société a de faibles droits de propriété, des règles fiscales inéquitables ou des institutions politiques dysfonctionnelles, les activités entrepreneuriales évasives peuvent se manifester de manière moins agréables. Par exemple, dans un pays où un labyrinthe de formalités administratives pesantes gêne les entrepreneurs qui souhaitent ouvrir une entreprise, la corruption[4] peut devenir courante au point que les bureaucrates attendent des pots-de-vin comme services officieux, ce qui pénalise la création et le développement des entreprises[5]. Dans le pire des cas, la corruption peut aller jusqu'à l'extorsion criminelle[6]. La justification des effets productifs positifs de l'entrepreneur évasif repose sur l'hypothèse dite du « graissage des rouages »[7] qui suggère que le comportement évasif peut améliorer l'efficacité dans un contexte de second choix institutionnel car il permet aux entrepreneurs de surmonter les inefficacités causées par les institutions défaillantes.

Par contre, la pratique de l'entrepreneur évasif pose un question éthique sur la moralité citoyenne, sur la loyauté avec les actionnaires étant donné l'impact possible sur les rendements de l'action[8] et des conséquences de la fraude[9].

L'émergence de nouveaux produits et services grâce aux entrepreneurs évasifs

L'entrepreneur évasif nous fournit parfois des produits ou des services agréables qui, peut-être, n'auraient jamais existé, ni trouvé leur marché en l'absence de certaines règles. Par exemple, La bande radio citoyenne (CB) a été largement utilisée comme moyen d’éviter la police au milieu des années 1970 après la mise en place d’une limitation de vitesse nationale. Or, la limite de vitesse réduite a diminué les revenus des personnes travaillant dans l’industrie du camionnage. Les camionneurs ont alors commencé à utiliser les radios CB pour communiquer entre eux et s’informer mutuellement des emplacements de la police le long de la route. Ensuite, même les conducteurs non commerciaux ont rejoint la tendance de la radio CB. La radio CB existait déjà depuis des décennies avant la mise en place de la vitesse maximale nationale, mais les consommateurs n’avaient pas vraiment trouver le besoin de l’utiliser avant l’apparition de cette loi. Cependant, la popularité des radios CB s’est rapidement estompée après l’apparition de nouvelles technologies liées au GSM.

Les innovateurs de tous bords, comme Airbnb et Uber[10], utilisent de plus en plus les nouvelles capacités technologiques pour contourner les systèmes réglementaires traditionnels ou, du moins, pour faire pression sur les décideurs publics afin qu'ils réforment des lois et des réglementations obsolètes, inefficaces ou illogiques. L'entrepreneur évasif trouve donc toute sa place éthique dans une société qui doit s'adapter au monde en évolution.

Informations complémentaires

Notes et références

  1. E. Friedman, S. Johnson, D. Kaufmann, P. Zoido-Lobaton, 2000, "Dodging the grabbing hand: the determinants of unofficial activity in 69 countries", Journal of Public Economics, Vol 76, n°3, pp459–493
  2. Bibliographie sur l'économie informelle
    • 1989, M. Castells, A. Portes, "World Underneath: The Origins, Dynamics, and Effects of the Informal Economy", In: A. Portes, M. Castells, L. A. Benton, dir., "The Informal Economy. Studies in Advanced and Less Developed Countries", Baltimore (Md.), The Johns Hopkins University Press, pp11-37
    • 2007, O. Castel, "De l’économie informelle à l’économie populaire solidaire : concepts et pratiques", In: O. Crevoisier, F. Hainard, P. Ischer, dir., "L’Économie informelle : une alternative à l’exclusion économique et sociale ?", Berne, Unesco et Université de Neuchâtel, pp111-134
    • 2009, R. D. Ireland, D. G. Sirmon, L. Tihanyi, J. W. Webb, "You Say Illegal, I Say Legitimate: Entrepreneurship in the Informal Economy", Academy of Management Review, Vol 34, n°3, pp492-510
  3. A. Fadahunsi, P. Rosa, "Entrepreneurship and Illegality: Insights from the Nigerian cross-border Trade", Journal of Business Venturing, Vol 17, n°5, pp397–429
  4. V. Tonoyan, R. Strohmeyer, M. Habib, M. Perlitz, 2010, "Corruption and Entrepreneurship: How Formal and Informal Institutions Shape Small Firm Behavior in Transition and Mature Market Economies", Entrepreneurship Theory and Practice, Vol 34, n°5, pp803–832
  5. Lawrence Reed (2000) cite le cas des jitneys (minibus ou taxis) interdits dans la ville de Detroit aux États-Unis qui bravent les interdits réglementaires pour offrir leur servir de transport des personnes pour une valeur dérisoire, d'où leur nom argotique de jitney (5 cents). Ces entrepreneurs ont décidé malgré eux de participer à la déréglementation du secteur des taxis en offrant un service attendu par le public.
  6. T. Vorley, N. Williams, 2016, "Between petty corruption and criminal extortion: How entrepreneurs in Bulgaria and Romania operate within a devil’s circle", International Small Business Journal, Vol 34, n°6, pp797–817
  7. P-G Méon, L. Weill, 2010, "Is Corruption an Efficient Grease?", World Development, Vol 38, n°3, pp244–259
  8. A. K. Reichert, M. Lockett, R. P. Rao, 1996, "The Impact of Illegal Business Practice on Shareholder Returns", vol 31, n°1, pp67–85
  9. R. L. Priem, A. A. Rasheed, S. A. Zahra, 2005, "The Antecedents and Consequences of Top Management Fraud", Journal of Management, Vol 31, n°6, pp803–828
  10. Uber fut co-fondé par Travis Kalanick

Publications

  • 2016,
    • N. Elert, Magnus Henrekson, "Evasive entrepreneurship", Small Bus. Econ., 47 (1), pp95–113
    • N. Elert, Magnus Henrekson, J. Wernberg, "Two sides to the evasion: the Pirate Bay and the interdependencies of evasive entrepreneurship", J. Entrep. Public Pol., 5 (2), pp176–200
  • 2020, Adam D. Thierer, "Evasive Entrepreneurs and the Future of Governance. How Innovation Improves Economies and Governments", Cato Institute


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