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Dale Miller

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Dale Miller
Philosophe

Dates
Tendance conséquentialisme par les règles
Nationalité États-Unis États-Unis
Articles internes Autres articles sur Dale Miller

Citation
Interwikis sur Dale Miller

Dale E. Miller est un philosophe spécialisé en éthique et en philosophie politique, professeur au Department of Philosophy & Religious Studies de l’Old Dominion University (Norfolk, Virginie). Son travail porte principalement sur John Stuart Mill, le conséquentialisme “par les règles” et la pensée politique libérale ; il est notamment l’auteur de J. S. Mill: Moral, Social and Political Thought (Polity, 2010), qui condense ce versant de ses recherches. Sur son site personnel, il souligne aussi des intérêts actuels en psychologie morale et en raison pratique, ce qui prolonge son ancrage millien vers des questions de méthode et de formation du jugement.

Formation, carrière & responsabilités

Formé à l’University of Pittsburgh, où il obtient un doctorat(Ph.D.) en philosophie en 1999 après un Master (M.A.) en économie (1993), Dale Miller rejoint la Old Dominion University (ODU) la même année. À ODU[1], il mène sa carrière d’enseignant-chercheur au Département de philosophie et d'études religieuses et occupe aujourd’hui des fonctions de gouvernance au College of Arts & Letters en tant que Professeur et doyen associé à la recherche, aux études supérieures et aux affaires du corps professoral. Sur le plan éditorial, Miller a dirigé la revue Utilitas pendant six ans, de 2016 à juin 2022.

Domaines de recherche & méthode

Le cœur du travail de Dale Miller est une relecture substantielle de John Stuart Mill, prise au sérieux comme une théorie morale et comme une architecture libérale des institutions. Dans ses ouvrages et volumes dirigés (par ex. A Companion to Mill), Miller suit le fil millien qui relie la liberté, l'individualité, l'expérimentation des modes de vie et lé démocratie représentative, en montrant comment ces idées fondent des limites au pouvoir politique et social.

Sur le plan normatif, Miller défend un conséquentialisme par les règles[2] : ce n’est pas l’acte isolé qui fait l’objet de l’évaluation, mais son rapport à un code de règles dont l’adoption générale maximiserait les conséquences globales. Il a précisé et corrigé la manière de comprendre cette « adoption générale » (obéissance, acceptation, etc.) dans un article de synthèse au Philosophical Quarterly, texte de référence pour saisir sa méthode.

Cette double focale (Mill + règles) n’est pas abstraite. Miller la met à l’épreuve de cas concrets. Ainsi, dans Utilitas (2023), il discute un passage peu commenté de On Liberty de Mill à propos du paiement à la pièce (« piecework »). En bref, Miller estime que Mill affirme à la fois que le principe de liberté ne fonde pas la liberté des échanges en général, et qu’il interdit toutefois d’interdire une pratique marchande précise (le piecework), ce qui, pour Miller, constitue une contradiction interne à On Liberty. Il montre comment le principe de liberté et de non-nuisance s’applique, ou non, aux pratiques du marché : utile pour distinguer ce qui relève de la libre concurrence et ce qui peut légitimement être contraint par la loi.

Enfin, sa recherche récente s’ouvre à la psychologie morale et au raisonnement pratique, en cohérence avec l’idée millienne que la délibération publique et l’éducation façonnent nos jugements. Miller l’indique explicitement sur son site (rubriques About, Teaching)[3], où l’on voit aussi ses cours articuler éthique normative, méta-éthique et psychologie morale, bref, un va-et-vient constant entre théorie et formation du jugement moral.

Thèses & arguments caractéristiques

  • . Principe de non-nuisance (John Stuart Mill). Chez Dale Miller[4], l’idée centrale est millienne : la coercition légitime vise uniquement à empêcher un tort à autrui, le fameux harm principle qui borne l’« espace privé » de chacun. Il rappelle la formule de Mill (« le seul but pour lequel on peut justement exercer un pouvoir sur quelqu’un est d’empêcher un tort à autrui ») et son extension au contrôle social (la loi ou la pression de l’opinion). Ce principe nourrit à la fois la défense de la liberté d’expression (le « marché des idées » comme une garantie épistémique) et la valeur de l’individualité par les « expériences de vie »[5]. Autrement dit, la liberté de discussion et le pluralisme des modes de vie sont des conditions d’un progrès humain compris utilitairement (philosophie utilitariste) « au sens large ».
  • . Droits & statut argumentatif. Dans ses textes de pédagogie du débat[6], Dale Miller clarifie les droits négatifs (non-ingérence) et positifs (prestations), puis insiste sur leur rôle qualitatif : bien employés, les arguments de droits ne sont pas de simples « impacts quantifiables », ils posent des limites en amont du calcul des coûts/bénéfices. Dire qu’un droit est en jeu, c’est revendiquer une obligation corrélative chez autrui de le reconnaître, ce qui modifie la manière de trancher une controverse avant tout chiffrage.
  • . Démocratie : un moyen, pas une fin. S’appuyant sur Friedrich Hayek, Dale Miller rappelle[7] que la démocratie n’est ni nécessaire ni suffisante à la liberté : on peut jouir d’importantes libertés sous des régimes non électifs, et, inversement, une majorité homogène peut devenir oppressante. Ce ne sont donc pas les sources du pouvoir qui garantissent la non-arbitraire, mais ses limitations institutionnelles. Cette thèse ancre son libéralisme dans la méfiance envers la concentration du pouvoir, quel qu’en soit le mode d’acquisition.
  • . Justice pénale : protéger l’innocent vs poursuivre le coupable. Miller montre[8] que le conflit entre ces deux valeurs naît de l’incertitude inhérente au jugement ; aucune n’est absolue, mais il existe de bonnes raisons de pondérer en faveur de la protection de l’innocent, d’où l’adage : « mieux vaut laisser douze coupables en liberté que condamner un innocent ». Il en tire deux conséquences : (1) l’équilibre doit être pensé au niveau des procédures (présomption d’innocence, standard de preuve, collecte d’informations) ; (2) des systèmes qui abaissent trop la barre de la condamnation deviennent des armes politiques (ex. usage contre des dissidents), ce qui détruit la sécurité juridique pour tous.
  • . Devoir civique & service militaire. Analysant la proposition de débat qui affirme : « les individus ont l’obligation morale de risquer leur vie pour leur pays », Miller met en garde[9] contre la lecture où “when” (quand) = “whenever” (n'importe quand): elle impliquerait une obligation morale générale d’obéir « à chaque appel », même pour des guerres injustes. D’où sa recommandation tactique (et libérale) : distinguer le devoir moral et l'obligation légale, et préférer le volontariat à la conscription, cette dernière étant une restriction majeure de liberté difficile à justifier au regard des principes libéraux.

En filigrane, ces positions dessinent une ligne directrice cohérente : des institutions limitées, des droits comme garde-fous qualitatifs, et l'évaluation par des règles qui préservent la confiance sociale à long terme, exactement le point d’articulation entre John Stuart Mill et le conséquentialisme par les règles que Dale Miller travaille de manière systématique.

Informations complémentaires

Notes et références

  1. Page de présentation de Dale Miller sur le site de l'ODU
  2. Deux versions.
    • Par actes : on juge chaque action au cas par cas, selon les meilleures conséquences immédiates.
    • Par règles : on juge une action si elle respecte un code de règles tel que son adoption générale produirait les meilleures conséquences à long terme.
    • Pourquoi des règles ? Elles offrent la stabilité, la prévisibilité et la confiance (contrats, justice), limitent les abus du calcul “au cas par cas” et réduisent les coûts cognitifs.
    • Test clé. Le bon code est celui qui, généralisé, maximise le bien-être, la sécurité, la liberté, la confiance. Un acte est juste s’il s’aligne sur ce code (avec des clauses d’exception prévues par le code).
    Exemples qui tranchent.
    • Punir un innocent pour éviter une émeute : souvent “permis” par les actes, interdit par les règles (cela détruit la confiance dans la justice).
    • Tenir promesse : par les actes on peut déroger ponctuellement ; par les règles, on tient parole car la règle générale améliore les conséquences sociales.
    En bref : Acte-conséquentialisme = « Qu’est-ce qui maximise le bien ici et maintenant ? » Conséquentialisme par les règles = « Quel système de règles, s’il était généralisé, maximise le bien et mon acte s’y conforme-t-il ? »
  3. "Page de présentation de Dale Miller sur son site
  4. « J. S. Mill’s “On Liberty” »
  5. « Sanctity vs. quality of life »
  6. « Debating about rights » : définition opérationnelle du droit (prétention corrélative d’obligations), distinction droits négatifs/positifs, et rôle qualitatif des droits dans l’argumentation.
  7. « Demystifying Democracy » : lecture hayékienne, ce ne sont pas les sources du pouvoir mais ses limitations qui empêchent l’arbitraire.
  8. « Prosecution of the guilty vs. protection of the innocent »
  9. « Pro Patria: Risking life for country » : alerte sur l’ambiguïté “when = whenever” (risque d’obligation même pour des guerres injustes) et préférence libérale pour le volontariat plutôt que la conscription.

Publications

  • 2021, "Moral Education and Rule Consequentialism", The Philosophical Quarterly, Vol 71, n°1, January, pp120–140
  • 2023, "Principle, Pragmatism, and Piecework in On Liberty", Utilitas , Vol 35 , n°4 , December, pp312-319