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Corvée

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La corvée est un système de travail ou de service imposé par une personne ou une autorité à une autre, souvent en tant que forme de paiement ou d'obligation qualifiable d'impôt en nature. Contrairement à une relation salariée, la corvée ne repose pas sur une compensation monétaire directe, mais plutôt sur la prestation de travail en nature, généralement sous forme de travail manuel.

Dans les économies primitives, où l'utilisation de la monnaie était limitée ou inexistante, la corvée jouait un rôle essentiel. Les biens et services étaient échangés principalement par le biais de trocs et de relations sociales. La corvée permettait aux individus d'obtenir des biens ou des services en échange de leur travail, répondant ainsi à leurs besoins essentiels. Elle constituait un mécanisme d'échange et de subsistance crucial pour les membres de ces sociétés.

La corvée a persisté dans différents contextes et époques. Elle était fréquemment imposée aux esclaves, qui étaient contraints de travailler pour leurs propriétaires sans rémunération monétaire. Les classes sociales inférieures, notamment les paysans et les serfs, étaient souvent soumises à la corvée par les seigneurs féodaux, qui exigeaient un certain nombre de jours de travail ou d'autres services en échange de l'utilisation des terres. L'État lui-même pouvait imposer la corvée pour réaliser des travaux publics, comme ce fut le cas avec les Romains qui requéraient le travail des provinces pour leurs projets d'infrastructure.

La corvée représentait donc un fardeau pour ceux qui y étaient soumis, car elle les privait de leur temps et de leur liberté. Au fil du temps, des réformes et des mouvements sociaux ont contribué à son allégement et à son abolition, en particulier en Europe, marquant ainsi une évolution significative dans les relations de travail et l'histoire économique.

La corvée dans les systèmes historiques

La corvée dans le système féodal

1. Imposition de la corvée par les seigneurs aux vassaux. Dans le système féodal, la corvée était un élément clé des relations entre les seigneurs et leurs vassaux. Les seigneurs féodaux imposaient la corvée à leurs vassaux, qui étaient des hommes libres en théorie, mais qui étaient liés au seigneur par des devoirs et des obligations. Les vassaux devaient fournir un certain nombre de jours de travail par an en échange de la jouissance de terres ou de la protection du seigneur. Cette corvée pouvait prendre la forme de travaux agricoles, de construction ou d'autres services.

2. Obligations liées à la tenure des terres. La corvée était généralement liée à la tenure des terres. Les vassaux recevaient des terres du seigneur en échange de leur allégeance et de leur service. En plus de fournir une main-d'œuvre gratuite, les vassaux devaient également prêter serment de fidélité au seigneur et le soutenir en cas de conflit. Cela créait un système de dépendance mutuelle entre les seigneurs et leurs vassaux, renforcé par l'obligation de la corvée.

Obligations communes des vassaux

1. Maintenance et défense des châteaux du seigneur. En plus de la corvée, les vassaux avaient d'autres obligations envers leur seigneur. Ils étaient souvent tenus de participer à la maintenance et à la défense des châteaux du seigneur en cas d'attaque. Cela signifiait que les vassaux devaient être prêts à prendre les armes pour protéger les intérêts de leur seigneur, renforçant ainsi la relation de servitude entre les deux parties.

2. Travaux publics. Outre les responsabilités liées à la protection et à l'entretien des propriétés du seigneur, les vassaux étaient également tenus de participer à des travaux publics. Cela pouvait inclure la construction de routes, de ponts ou d'autres infrastructures importantes pour la communauté. La corvée était souvent utilisée pour mobiliser la main-d'œuvre nécessaire à ces projets d'infrastructure.

Évolution de la corvée

1. Nombre de jours de travail. Au fil du temps, le nombre de jours de travail exigés des vassaux dans le cadre de la corvée a varié en fonction des régions et des époques. Au départ, ces jours de travail étaient souvent laissés à la discrétion du seigneur, ce qui pouvait entraîner une grande variabilité. Cependant, au fur et à mesure que le système féodal évoluait, les obligations de la corvée devenaient de plus en plus codifiées et fixées par des contrats.

2. Utilisation d'animaux de trait. Dans certains cas, les vassaux étaient autorisés à utiliser des animaux de trait pour faciliter leur travail lors de la corvée. Cela pouvait rendre les tâches physiquement moins éprouvantes pour les travailleurs et augmenter leur productivité.

3. Fixation progressive des jours de travail. La fixation progressive des jours de travail était une étape importante dans l'évolution de la corvée. Les obligations de la corvée ont été plus clairement définies et réglementées, ce qui a apporté une certaine sécurité aux vassaux, car ils savaient à quoi s'attendre en termes de travail exigé.

4. Allègement de la corvée avec le temps. À mesure que les sociétés évoluaient et que les notions de liberté individuelle et de droits se renforçaient, la corvée a progressivement perdu de son influence et de son importance. Les vassaux ont gagné en liberté et en sécurité, et des réformes ont été mises en place pour réduire la charge de la corvée. Finalement, la Révolution française a mis fin à la corvée en France, marquant la fin d'un système de travail imposé.

Les tentatives de réforme sous Turgot d'abolition de la corvée en France

La Révolution française a marqué un tournant majeur dans l'histoire de la corvée en France. Les idéaux révolutionnaires d'égalité, de liberté et de fraternité ont remis en question les anciennes pratiques féodales, y compris la corvée. En août 1789, la Constituante a totalement aboli toutes les impositions corporelles, ce qui a constitué la première étape importante vers la fin de la corvée en France.

1. Décret de février 1776. Turgot, ministre de Louis XVI, a tenté de réformer le système de la corvée en France. En février 1776, il a émis un décret visant à abolir la corvée telle qu'elle était pratiquée jusque-là. Selon cette réforme, les routes devaient être construites par des travailleurs rémunérés par le roi, mettant ainsi fin à l'obligation de travail non rémunéré. Cette réforme visait à améliorer les conditions de travail et à mettre fin à l'exploitation des travailleurs.

2. Taxe foncière supplémentaire. Pour financer la construction des routes par des travailleurs rémunérés, Turgot a institué une taxe foncière supplémentaire. Cette taxe était basée sur la valeur des terres détenues par les propriétaires terriens et devait servir à financer les projets d'infrastructure.

3. Opposition des classes privilégiées. L'introduction de cette taxe foncière supplémentaire a suscité une forte opposition de la part des classes privilégiées, notamment de la noblesse. Ils étaient réticents à payer cette nouvelle taxe, considérant qu'elle remettait en question leurs privilèges.

4. Révocation du décret en août 1776. Face à l'opposition des classes privilégiées et à des troubles sociaux, le décret de Turgot de février 1776 a été révoqué en août de la même année. Les réformes visant à mettre fin à la corvée ont été suspendues, mais certaines de leurs idées ont survécu et se sont développées au fil du temps.

5. Dérogation pour certaines paroisses. Malgré la révocation du décret de Turgot, certaines paroisses ont été autorisées à substituer une taxe d'argent à la corvée. Cela a permis aux communautés de payer une somme d'argent en lieu et place du travail obligatoire, offrant ainsi une certaine flexibilité et un soulagement par rapport aux contraintes de la corvée.

Au cours des décennies qui ont suivi, d'autres réformes ont continué de réduire la portée de la corvée en France. En juin 1787, une déclaration royale a établi le principe d'une taxe monétaire, sauf si les assemblées provinciales de 1787 demandaient expressément la continuation de la corvée en nature. Finalement, la corvée a été entièrement abolie par la Convention en août 1789, ce qui a mis fin à un système de travail forcé qui avait persisté pendant des siècles en France.

La corvée en dehors de la France

La corvée dans d'autres pays que la France

1. Abolition de la corvée en Angleterre et en Écosse avec la fin du système féodal. En Angleterre et en Écosse, la corvée a été progressivement abolie avec la fin du système féodal. La transition vers une économie plus moderne et le déclin du système féodal ont entraîné la réduction de l'importance de la corvée. À mesure que de nouvelles formes de travail et d'échange émergeaient, la corvée est devenue obsolète et a été abandonnée.

2. Utilisation de la corvée en Égypte pour la construction du canal de Suez. La corvée a également été utilisée dans d'autres pays, y compris en Égypte, pour des projets de grande envergure. L'un des exemples les plus célèbres est la construction du canal de Suez au XIXe siècle. Les autorités égyptiennes sous le règne de Muhammad Ali Pacha ont imposé la corvée aux travailleurs locaux pour achever cette entreprise majeure. La corvée était particulièrement répandue dans les projets de construction et d'infrastructure, car elle permettait de mobiliser une main-d'œuvre importante sans avoir à débourser de salaires.

La corvée dans les colonies américaines

1. Passage du système bénévole au travail obligatoire. Dans les colonies américaines, le système de travail pour la construction et la réparation des routes est passé d'un système bénévole à un système de travail obligatoire, similaire à la corvée. À l'époque coloniale, les colons étaient tenus de participer au travail sur les routes en fonction de leur statut social et de leur propriété foncière. Ce système a été instauré pour assurer l'entretien des routes essentielles au sein des colonies.

2. Abolition du système de la corvée avec l'ère des bonnes routes. Le système de travail obligatoire pour les routes a été progressivement remplacé par un système de financement des infrastructures via des impôts et des péages, notamment à mesure que les États-Unis se sont développés et que les besoins en matière de transport ont augmenté. L'ère des bonnes routes, marquée par des investissements massifs dans la construction et l'entretien des routes, a finalement conduit à l'abolition du système de la corvée. Cela a permis une plus grande mobilité des biens et des personnes et a contribué à l'essor économique du pays.

Bibliographie

  • 1863, S. E. Hyenne, "De la corvée en France et en particulier dans l'ancienne province de Franche-Comté", Paris
  • 1899, F. P. Clément, "La corvée des chemins en France et spécialement en Poitou 1751-1790", Poitiers
  • 1903, Gabriel Habault, "La corvée royale au XVIIIe siècle, Paris
  • 1905, J. Letaconnoux, "Le régime de la corvée en Bretagne au XVIIIe siècle, Rennes
  • 1911, Georges Roy, "Corvée, prestations, taxe vicinale", Paris
  • 1922, A. Lesort, "La question de la corvée des grands chemins (1776-1786)", In: "France, Comité des travaux historiques et scientifiques. Section d’histoire moderne (depuis 1715) et contemporaine", Notices, inventaires et documents, Paris, pp40-95
  • 1931, Ed Esmon, "Corvée", In: Edwin R. A. Seligman, dir., "Encyclopaedia of The Social Sciences", Vol IV, New York: MacMillan
    • Nouvelle impression en 1935, New York: MacMillan
    • Nouvelle édition en 1937, (Volumes III et IV rassemblés), New York: MacMillan
    • 10ème édition en 1953, "Corvée", In: Edwin R. A. Seligman, dir., "Encyclopaedia of The Social Sciences", Vol IV, New York: MacMillan, pp455-457