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Clayton Antitrust Act

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La Clayton Antitrust Act de 1914 a été adoptée dans le but d'ajouter des dispositions supplémentaires à la législation antitrust des États-Unis. Son objectif principal est de prévenir les pratiques anticoncurrentielles dès leur apparition en interdisant certaines conduites considérées préjudiciables à un marché concurrentiel. En complément du Sherman Act, la Clayton Act spécifie les pratiques interdites, établit un système de mise en application à trois niveaux, prévoit des exemptions spécifiques et propose des mesures correctives pour rétablir la concurrence.

Contexte historique

Commission sur les relations industrielles et ses conclusions

Au tournant du XXe siècle, les États-Unis faisaient face à des enjeux majeurs en matière de relations industrielles et de concurrence économique. Pour répondre à ces défis, la Commission sur les relations industrielles a été créée, chargée d'examiner les pratiques commerciales et le rôle des syndicats dans le contexte du Sherman Antitrust Act de 1890.

La Commission sur les relations industrielles, établie pendant la fin de l'administration Taft et le début de l'administration Wilson, a réalisé des investigations approfondies sur les relations entre employeurs et travailleurs, ainsi que sur les pratiques commerciales des grandes entreprises. Les conclusions de la commission ont mis en évidence le besoin de compléter le Sherman Antitrust Act, car certaines interprétations de la loi avaient abouti à des difficultés pour les travailleurs, qui avaient du mal à s'organiser pour équilibrer le pouvoir de leurs employeurs.

Impact du Sherman Antitrust Act sur les syndicats et les fusions

Une des problématiques majeures identifiées par la Commission sur les relations industrielles était l'effet du Sherman Antitrust Act sur les syndicats. Les tribunaux avaient interprété la loi de manière à inclure les syndicats dans la catégorie des ententes illicites, ce qui limitait considérablement les capacités d'organisation et de négociation collective des travailleurs. Les syndicats étaient confrontés à des obstacles juridiques qui rendaient difficile leur légitime lutte pour de meilleures conditions de travail et de rémunération.

En parallèle, le Sherman Antitrust Act avait provoqué une vague de fusions et d'acquisitions dans le pays. Les entreprises avaient compris qu'au lieu de former des cartels, elles pouvaient simplement se regrouper en une seule corporation pour obtenir tous les avantages du pouvoir de marché qu'un cartel pourrait apporter. Cela a conduit à une concentration excessive du pouvoir économique entre les mains de quelques grandes entreprises, ce qui a suscité des préoccupations quant à la préservation d'une véritable concurrence sur les marchés.

Introduction de la Clayton Act par Henry De Lamar Clayton Jr.

Face aux conclusions de la Commission sur les relations industrielles et à la nécessité d'améliorer la réglementation antitrust, Henry De Lamar Clayton Jr., un membre du Congrès démocrate de l'Alabama, a joué un rôle clé dans l'introduction de la Clayton Act. En juin 1914, il présenta le projet de loi au Congrès américain.

La Clayton Act a été adoptée par la Chambre des représentants le 5 juin 1914, par un vote de 277 voix contre 54. Le Sénat a adopté sa propre version du projet de loi le 2 septembre 1914, par un vote de 46 voix contre 16. Après délibérations et négociations entre le Sénat et la Chambre, la version finale de la loi a été adoptée par le Sénat le 6 octobre 1914 et par la Chambre le 8 octobre de la même année.

L'adoption de la Clayton Act a été un tournant majeur dans l'histoire de la législation antitrust aux États-Unis. Cette loi visait à compléter le Sherman Antitrust Act en établissant des dispositions spécifiques pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles, protéger les travailleurs et prévenir la concentration excessive du pouvoir économique.

Pratiques anticoncurrentielles spécifiques ciblées par la Clayton Act

La Clayton Antitrust Act de 1914 vise à interdire plusieurs pratiques anticoncurrentielles spécifiques qui menacent la libre concurrence et l'équité sur les marchés. Voici les principales pratiques ciblées par la loi, ainsi que des exemples de cas emblématiques qui ont été jugés en vertu de la Clayton Act :

Monopoles

Les monopoles, qui désignent une situation où une seule entreprise détient le contrôle exclusif d'un produit ou d'un service sur un marché donné, sont interdits par la Clayton Act. Selon cette loi, ces monopoles peuvent être nuisibles pour la concurrence, entraînant des prix élevés pour les consommateurs et limitant les choix disponibles. Un exemple notoire de poursuite en vertu de la Clayton Act concernant un monopole est l'affaire United States v. Microsoft Corporation. Dans cette affaire, Microsoft était accusé d'avoir abusé de sa position dominante dans le marché des systèmes d'exploitation pour étouffer la concurrence, ce qui a entraîné une action en justice pour préserver la concurrence.

Cartels

La Clayton Act interdit également les cartels, qui sont des ententes entre entreprises concurrentes visant à limiter la concurrence en se fixant des prix ou en se répartissant les marchés. Les cartels nuisent à la libre concurrence en éliminant les pressions concurrentielles et en augmentant artificiellement les prix. Un exemple majeur de poursuite en vertu de la Clayton Act concernant un cartel est l'affaire United States v. Socony-Vacuum Oil Co. Dans cette affaire, les compagnies pétrolières ont été accusées d'avoir conclu des accords pour fixer les prix de l'essence, ce qui a entraîné des mesures pour prévenir de telles pratiques à l'avenir.

Trusts

Les trusts, qui désignent des entités créées par la consolidation de plusieurs entreprises indépendantes, sont également prohibés par la Clayton Act lorsqu'ils ont pour objectif de restreindre la concurrence. L'un des cas les plus célèbres liés aux trusts est Standard Oil Co. of New Jersey v. United States. Dans cette affaire, la Cour suprême des États-Unis a ordonné la dissolution de la Standard Oil Company, qui était devenue un énorme trust monopolistique et avait dominé l'industrie pétrolière.

Méthodes déloyales de concurrence

La Clayton Act s'attaque également aux méthodes déloyales de concurrence qui visent à évincer illégalement des concurrents du marché. Ces pratiques incluent la diffusion de fausses informations sur un concurrent, la diffamation et l'utilisation abusive de droits de propriété intellectuelle. Un exemple notable lié aux méthodes déloyales de concurrence est l'affaire Eastman Kodak Co. v. Image Technical Services. Dans cette affaire, Kodak a été accusé d'abus de brevet pour bloquer l'accès de ses concurrents aux pièces de rechange nécessaires pour réparer leurs produits, ce qui a conduit à des poursuites pour violation de la Clayton Act.

Rôles et responsabilités des organismes de mise en application

La Clayton Antitrust Act attribue des rôles et des responsabilités spécifiques à différents organismes pour assurer l'application de la loi et lutter contre les pratiques anticoncurrentielles. Voici les principaux organismes impliqués dans l'application de la Clayton Act et leurs responsabilités respectives :

Federal Trade Commission (FTC)

La Federal Trade Commission (FTC) est l'agence fédérale responsable de l'application de la Clayton Act. Son rôle est de protéger les consommateurs et de prévenir les pratiques anticoncurrentielles sur les marchés américains. La FTC mène des enquêtes approfondies sur les comportements potentiellement anticoncurrentiels, examine les fusions et acquisitions pour s'assurer qu'elles ne nuiront pas à la concurrence et prend des mesures pour faire respecter la loi antitrust.

En ce qui concerne la Clayton Act, la FTC peut enquêter sur des comportements tels que les monopoles, les ententes illicites et les pratiques déloyales de concurrence. Si elle trouve des violations de la loi, la FTC peut engager des poursuites civiles pour obliger les entreprises à se conformer à la loi, ordonner des désinvestissements pour rétablir la concurrence ou imposer des amendes.

Département de la Justice (DOJ)

Le Département de la Justice (DOJ) des États-Unis joue également un rôle important dans l'application de la Clayton Act. Le DOJ est chargé de poursuivre les violations de la loi antitrust devant les tribunaux fédéraux et de faire respecter la loi par le biais de poursuites civiles et pénales. Contrairement à la FTC, qui se concentre principalement sur les poursuites civiles, le DOJ peut engager des poursuites pénales contre les entreprises ou les individus impliqués dans des pratiques anticoncurrentielles graves.

En cas de fusion ou d'acquisition susceptible de nuire à la concurrence, le DOJ examine attentivement l'opération et peut s'opposer à la transaction si elle est jugée anticoncurrentielle. Le DOJ peut également négocier des accords avec les parties impliquées pour résoudre les problèmes de concurrence potentiels.

Particuliers (à travers des actions en justice privées)

Outre les organismes gouvernementaux, la Clayton Act permet également aux particuliers, qu'ils soient concurrents ou consommateurs, de poursuivre en justice pour des violations anticoncurrentielles. Si un particulier est victime de pratiques anticoncurrentielles, telles que des prix abusifs ou des pratiques de monopole, il a le droit de déposer une action en justice privée pour demander des dommages-intérêts et des mesures correctives.

Les actions en justice privées permettent aux particuliers d'obtenir une compensation pour les préjudices subis en raison de comportements anticoncurrentiels et jouent un rôle complémentaire dans l'application de la Clayton Act en renforçant la dissuasion contre les pratiques anticoncurrentielles.

Activités exemptées de la Clayton Act

La Clayton Antitrust Act prévoit certaines exemptions spécifiques pour certaines activités, reconnaissant leur importance dans le fonctionnement des marchés et dans la protection des droits des travailleurs. Voici les principales activités exemptées de la Clayton Act :

Syndicats et leurs activités

L'article 6 de la Clayton Act est connu comme la "clause de travail" et garantit une exemption pour les activités des syndicats et des travailleurs. Cette disposition reconnaît que le travail humain ne doit pas être considéré comme une simple marchandise ou un article de commerce. En vertu de cette exemption, les activités des syndicats, telles que la négociation collective, les grèves pacifiques, les piquets de grève pacifiques et la fixation de conditions de travail, ne sont pas soumises aux dispositions antitrust de la loi.

Cette exemption est cruciale pour permettre aux travailleurs de s'organiser et de défendre collectivement leurs intérêts, en renforçant ainsi leur pouvoir de négociation face aux employeurs. Elle favorise également une concurrence plus équitable sur le marché du travail en permettant aux travailleurs de s'unir pour obtenir de meilleures conditions de travail et de rémunération.

Organisations agricoles

La Clayton Act accorde également une exemption aux coopératives et aux organisations agricoles. Cette exemption reconnaît l'importance de la coopération entre les agriculteurs et les acteurs du secteur agricole pour promouvoir une meilleure efficacité, partager les coûts et les risques, et améliorer la commercialisation de leurs produits.

Les coopératives agricoles permettent aux agriculteurs de regrouper leurs ressources, de bénéficier d'une plus grande capacité de négociation avec les acheteurs et les fournisseurs, et de réduire les coûts liés à la production et à la commercialisation. L'exemption pour les organisations agricoles permet de soutenir la viabilité économique des agriculteurs et de favoriser la compétitivité sur le marché.

Associations professionnelles

En ce qui concerne les associations professionnelles, certaines d'entre elles bénéficient également d'une exemption partielle de la Clayton Act. Les associations professionnelles peuvent être constituées pour promouvoir la collaboration et l'échange d'informations entre les professionnels d'un même secteur. L'exemption concerne généralement les activités liées à la normalisation professionnelle, à la recherche et au développement, à l'éducation et à la formation, ainsi qu'à l'amélioration des normes de qualité.

Cette exemption reconnaît que certaines activités des associations professionnelles peuvent être bénéfiques pour les membres de la profession, pour les consommateurs et pour la société en général. Cependant, il est important de noter que certaines pratiques anticoncurrentielles ne sont pas couvertes par cette exemption, et que les associations professionnelles doivent respecter les lois antitrust lorsqu'elles sont engagées dans des activités susceptibles de nuire à la concurrence.

Actions prises pour remédier aux comportements anticoncurrentiels

La Clayton Antitrust Act prévoit plusieurs actions pour remédier aux comportements anticoncurrentiels identifiés et pour rétablir la concurrence sur les marchés. Voici les principales actions prises en vertu de la loi pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles :

Injonctions pour prévenir les violations en cours

Lorsqu'une entreprise est soupçonnée de pratiques anticoncurrentielles ou est en train de violer la loi, les tribunaux peuvent émettre des injonctions pour prévenir les violations en cours. Les injonctions sont des ordres judiciaires qui exigent qu'une entreprise cesse immédiatement ses pratiques anticoncurrentielles ou s'abstienne de les poursuivre à l'avenir. Cette mesure permet d'arrêter rapidement les pratiques préjudiciables à la concurrence et de protéger les consommateurs et les concurrents affectés.

Sanctions civiles en cas de non-conformité

En cas de violation avérée de la Clayton Act, les tribunaux peuvent imposer des sanctions civiles à l'entreprise fautrice. Ces sanctions peuvent inclure le paiement d'amendes et de dommages-intérêts aux parties lésées. Les amendes et les dommages-intérêts visent à compenser les victimes des pratiques anticoncurrentielles et à décourager les entreprises de continuer à enfreindre la loi.

Les sanctions civiles ont également un effet dissuasif sur d'autres entreprises, en envoyant un message clair sur les conséquences de la violation de la loi antitrust. Cela contribue à préserver un environnement concurrentiel équitable et à dissuader les comportements anticoncurrentiels futurs.

Mesures structurelles (désinvestissements, scissions) pour rétablir la concurrence

Dans les cas graves où une entreprise a acquis une position de monopole ou a gravement restreint la concurrence sur un marché, les tribunaux peuvent ordonner des mesures structurelles pour rétablir la concurrence. Ces mesures peuvent inclure des désinvestissements, des scissions d'entreprises ou des ventes d'actifs afin de restaurer un niveau de concurrence viable.

Par exemple, si une entreprise a acquis une position monopolistique à la suite d'une fusion ou d'une acquisition, le tribunal peut ordonner la scission de certaines parties de l'entreprise pour créer de nouveaux concurrents et rétablir la concurrence. Ces mesures structurelles visent à empêcher la perpétuation des pratiques anticoncurrentielles et à restaurer un marché concurrentiel où les consommateurs ont davantage de choix et d'options.

Informations complémentaires

Bibliographie

  • 1924, Alpheus T. Mason, "The Labor Clauses of the Clayton Act", American Political Science Review, August, Vol 18, n°3, pp489–512
  • 1942, Louis B. Boudin, "Organized Labor and the Clayton Act: Part I", Virginia Law Review, vol 29, n°3, Dec., pp272–315
  • 1943, Louis B. Boudin, "Organized Labor and the Clayton Act: Part II", Virginia Law Review, vol 29, n°4, Jan., pp395–439
  • 1959, David Dale Martin, "Mergers and the Clayton Act, University of California", Berkeley and Los Angeles
  • 1967, George Stigler, Commentaire du livre de M. O. Finkelstein, R. M. Friedberg, "The Application of an Entropy Theory of Concentration to the Clayton Act", Yale Law Journal, mars
  • 2001, Carlos D. Ramírez, Christian Eigen-Zucchi, "Understanding the Clayton Act of 1914: An Analysis of the Interest Group Hypothesis", Public Choice, Vol 106, n°1/2, pp157-181